Personne n'est venu m'accueillir à l'entrée. J'en ai donc déduit que je devais me débrouiller par moi-même. Ça m'a à la fois soulagée de ne croiser personne et angoissée à l'idée de me promener dans un endroit inconnu. Mais je ne m'en suis pas trop mal sortit, j'ai fait tout le tour de l'institut (ou presque) et j'ai fini par trouver mon dortoir. D'après une affiche dans le hall, les novices dorment dans des dortoirs. Je n'aime pas vraiment ça mais bon, on va faire avec. J'aperçois un lit de libre près d'une fenêtre. A ses pieds, une commode pour ranger nos affaires. Je m'avance vers le meuble et commence à déballer mes maigres affaires. Personne n'est présent de la pièce, j'en profite pour me laisser aller dans mes pensées sans être dérangée. C'est vraiment un endroit bizarre !

Ma valise a été vite à défaire. Je la case sous mon lit, puis je m'installe sur ce dernier, remontant mes genoux contre ma poitrine. Je m'adosse contre le mur et observe à travers la fenêtre le parc sous le vent froid. Mes frissons dû à l'attente à l'extérieur s'atténuent peu à peu, laissant place à une douce chaleur envahissant mon corps. Je me détends quelque peu mais pas entièrement. Un sanglot monte dans ma gorge, chose à laquelle je ne m'attendais absolument pas. Mon père me manque énormément. Pas un seul instant ne passe sans penser à lui. Par instinct, ma main vient agripper mon collier au travers de mes vêtements. Ce mouvement me vient lorsque j'ai besoin de me protéger ou lorsque je vais mal. Je considère presque ce collier comme une relique, un vestige de ma vie antérieure, que j'espère oublier.

Tandis que j'étais plongée dans mes pensées, je sens quelque chose agripper ma cheville et une main se plaque sur ma bouche, m'empêchant ainsi d'émettre le moindre son. La personne s'est installé juste derrière moi. Je suis prise au piège. Génial... Dès le premier jour je me retrouve agressée, et sans avoir fait quoi que ce soit en plus ! Lentement, mon "agresseur" me retourne pour me faire face, tout en laissant sa main sur ma bouche, puis baisse son foulard et me fait signe de me taire. J'écarquille les yeux. Un... Un gars ?! Mais qu'est-ce qu'il fait ici ?!

-Shhhut, ne fais pas de bruit sinon on va se faire repérer !

Je ne relève pas ce qu'il dit, toujours surprise. Tandis qu'il observe les alentours, j'en profite pour l'observer : il a l'air assez grand, ou du moins il est plus grand que moi, ça c'est sûr ! Des cheveux bruns en bataille qui lui donnent un air... Cool ? Décontracté ? Je ne sais pas trop quel mot convient le mieux. Il finit par enlever sa main. Mais je ne bouge pas. Je suis seule, avec un gars... Ma main, toujours accroché à mon collier, resserre un peu plus sa prise. Je bats rapidement des paupières en sentant le rouge me monter aux joues tandis que son visage s'approche un peu plus du mien, pour m'observer plus en détails. Si il y a bien une chose que je ne voulais pas qu'il fasse, c'est se rapprocher de moi !

-Mais t'es une fille!?

Ça y est, il vient enfin de se rendre compte de son erreur, ce qui confirme mes soupçons. Timidement, je lui souris.

-Oui, je suis une fille. Ce qui veut dire que je suis dans le bon dortoir, et que toi non ! Je vais donc me permettre de te demander ce que TOI tu fais là ?

Une soudaine envie de rire me prend, je me mords la lèvre inférieure pour éviter que ça ne se produise.

-Je suis un agent secret! dit-il en croisant les bras et en hochant la tête. Ma mission, si je l'accepte, est de démasquer ce fameux voleur de sous-vêtements qui terrorise tant les novices de ce dortoirs. A cause de ce type elles ont du mal à fermer l’œil la nuit... Tu l'aura donc compris j'ai été chargé retrouver ce charlatant. D'où cet habit de ninja qui me permettent d'être protégé des regards de façon optimale.

Je le fixe, les yeux écarquillés, bouche bée. Mais qu'est-ce qu'il raconte ?! Et il dit tout ça avec tellement de sérieux ! Il enchaîne :

-C'est bien étrange que tu ne sois pas au courant. Serais-tu nouvelle?

Un gros blanc de plusieurs secondes s'est installé. Et je finis par éclater de rire, cela pendant plusieurs minutes. Il y a tellement longtemps que je n'ai pas été dans cet état ! Lorsque je finis par me rendre compte de ce que je suis en train de faire, je plaque mes deux mains sur ma bouche, de nouveau rouge. Oh non ! Moi qui avait mis tant de volonté pour ne pas rire ! Je ne tiens pas à avoir un ennemi dès mon premier jour ! Quand je fus plus calme, j'ôte mes mains et rabat ma capuche sur mon visage pour cacher mes rougeurs. Je m'écarte légèrement de lui pour me sentir un peu plus à l'aise. Enfin, je me racle la gorge avant de lui répondre.

-Hum... Désolée, je n'ai pas pu m'en empêcher... Je... Je suis arrivée il y a quelques instants seulement. Je suis Tanya, enchantée.

Je marque un moment d'hésitation, avant de reprendre.

-Et Je te remercie de m'avertir de la présence d'un voleur de sous-vêtements, je vais les mettre à l’abri, et... Je regarderais constamment sous mon lit dorénavant...

Je tente de cacher un petit rire dans le col de mon haut. Je me stoppe aussitôt, et ramène de nouveau mes genoux contre mon torse, plaçant mes bras autour et ma tête derrière, laissant juste mes yeux au dessus pour observer ce qu'il se passe.

-Ah! Tu as peur des monstres sous le lit! Ne t'inquiètes pas il n'y a pas de troll ou de...

Sa réponse m'a une nouvelle fois surprise, mais je n'ai pas eu le temps de réagir avant qu'il ne comprenne de quoi je parlais.

-... Ne t'inquiètes pas, la prochaine fois j'aurais une meilleur cachette. Bref, mon nom de code c'est Faucon noir. Mais tu peux m'appeler B...

Il fut vite interrompu par le bruit de la porte du dortoir, proche de nous. Je commence à tourner la tête pour voir qui entrait, lorsque le mystérieux inconnu alias Faucon Noir, ou B. vu qu'il n'a pas pu finir sa phrase, me saute une nouvelle fois dessus pour nous faire rouler tous les deux à l’abri des regards. Il m'intime l'ordre de me taire, puis observe discrètement la personne qui vient d'entrer dans la pièce. La situation a quelque chose de gênant, même extrêmement gênant pour moi ! La manière dont nous avons atterri me rend vraiment mal à l'aise, me déstabilise complètement. Je n'ose plus bouger. Mais qu'est-ce qu'il lui a prit pour m'embarquer avec lui ? Mais bon, ce qui est fait, est fait et je n'ai plus qu'à jouer le jeu avec lui. Pour essayer de faire abstraction de ça, je tourne mon regard vers le nouvel arrivant, qui est... Un mec ?! Encore un ?! A la différence de B., celui-ci a beaucoup moins de classe avec son collant sur la tête... La situation m'amuse légèrement, chose qui ne m'est jamais arrivée. En fait, je n'ai tout simplement jamais vécu ce genre de situation. Je retourne mon visage vers B. et lui chuchote aussi bas que possible :

-Qu'est-ce qu'on fait ? On attend qu'il parte ou qu'il nous découvre cacher ici ?

Ouais, enfin dans tous les cas, c'est lui qui risque le plus gros par rapport à moi...

A plusieurs reprises, B. se moque de moi. Il se moque du fait que l’inconnu à ouvert ma valise pour y sortir un de mes soutien-gorges. Mais moquer est un bien faible mot ! En fait, il se retient d'éclater de rire, ça se voit sur son visage. Il se rapproche de moi pour me murmurer à l'oreille :

-Bah alors, tu attends quoi? Va te plaindre sinon tu n'auras plus rien à te mettre en dessous de ta jolie veste! Ne t'inquiètes pas, si il se tire ou qu'il devient violent je m'en occupe!

C'est vrai que je ne supporte pas que l'on fouille dans mes affaires sans mon accord, surtout dans ma lingerie ! Du coin de l’œil, je lui jette un regard mauvais et observe rapidement les lieux. Comment faire... ? Il tourne le dos à la porte... Mais pour l'atteindre, il me faut ramper derrière les deux-trois lits qui nous sépare. Seulement, Faucon noir se trouve sur mon chemin... Tant pis pour lui, je tiens à préserver mon intimité en priorité ! Je commence à passer par dessus lui en tentant tant bien que mal de ne pas le toucher, en vain. Puis, une fois l'obstacle passé, je continue à ramper comme je l'avais prévu dans mon plan. Hey oui, blonde mais pas co... euh, idiote ! Le voleur de sous-vêtements est toujours penché sur ma valise en quête de nouvelles trouvailles. Je finis par atteindre mon but et me redresse sans bruits. J'ouvre à peine la prote derrière moi, puis la referme en la claquant. J'observe avec un regard digne d'une furie le coupable, qui s'est retourné d'un coup vers moi. Il reste là, complètement pétrifié et cherchant probablement un moyen de se sortir de cette impasse. Et je pense que vu mon gabarit, la solution a été très vite trouvée !

A l'instant où l'inconnu se jette sur moi, je tente de me reculer. Je suis sans défenses, totalement inoffensive. Et quelques instants avant qu'il ne me heurte de plein fouet, B. s'interpose et enchaîne des mouvements étranges avec ses mains, avant de dire :

-Arcanes secrètes..! Coup de pied dans la gueule Bitonique!

Il se retrouve alors plusieurs mètres en arrière, dans une des armoires de mes colocataires féminins. Je plaque mes mains sur mon visage, horrifiée par ce que je viens de voir. Vu l'énergie qui a été mise dans le coup de pied au visage, je suis persuadée que la victime a le nez brisé ! Entre mes doigts légèrement écartés, j'aperçois B. attraper mon soutien-gorge, puis regarder la taille inscrite sur l'étiquette avant de me le rendre...

-Eh beh... t'en caches de belles choses sous ta veste.

Je lui arrache presque le vêtement des mains, et le range rapidement dans ma valise, que je ferme à clé et que je cache. Et je finis par lui faire face, les sourcils froncés et les mains posés sur les hanches. Mon visage est devenu couleur cramoisie.

-En quel honneur as-tu pu te permettre de regarder mes affaires ?! En récompense de ton intervention peut-être ?!

Chose étrange, à cet instant précis je n'ai qu'une envie : le frapper derrière la tête. Pas méchamment, juste pour lui montrer mon désaccord. Je finis par fermer les yeux et prendre une longue, très longue inspiration pour me calmer. Les muscles de mon visage se détendent, tout redevient à peu près normal. Je ré-ouvre les yeux en direction de l'homme à terre. Il a l'air assommé par le coup. Je penche légèrement la tête sur le côté pour mieux l'observer, sans pour autant m'en approcher. On ne sait jamais, quelque fois qu'il soit en train de simuler...

-Tu crois qu'on devrait l’emmener à l'infirmerie ? Demandais-je timidement.

Je me retourne vers lui suite à ma question. Tout ce qu'il trouve à faire, c'est ce curer le nez ! Je lève les yeux au ciel tandis qu'il reste dans ses pensées. J'attends. J'attends une quelconque réaction, une réponse.

-Euh... J'en sais rien, finit-il par me dire en haussant les épaules. Personnellement je me fous de son état de santé, mais on va vérifier quand même vu que tu as l'air d'avoir peur...

Il se dirige vers le voleur sans faire plus attention que ça au regard noir que je lui lance au passage. Il le bouscule du pied une fois, puis deux, de plus en plus fort. Il finit par s'accroupir pour l'observer un peu plus près. Je m'approche avec précaution à mon tour, tout en restant derrière lui. Je jette un coup d'oeil par dessus son épaule. Il se retourne vers moi, l'air terrorisé. Je recule précipitamment, les yeux écarquillés. Qu'est-ce qu'il se passe ?! Mon cœur se met à battre plus vite sous la tension. Il se relève et commence à me secouer en me maintenant fermement par les épaules tout en me criant :

-Non, ce n'est pas possible! Il est... IL EST MORT! Qu'allons nous faire Tanya !?

Malgré les secousses, je me sens défaillir. Mort ? Comment est-possible ? Mon visage blêmit, tout autour de moi devient flou. Et quelques secondes avant que je finisse par tomber littéralement dans les pommes, il se met à rire. Je cligne plusieurs fois bêtement des yeux pour reprendre mes esprits et essayer de comprendre ce qui lui arrive. Je jette un coup d'oeil au "cadavre" et je remarque un mouvement régulier de son ventre. Il respire. Et l'autre m'a alors menti. Je ne contrôle plus rien et ce que je souhaitais éviter avant tout finit par se produire... Ma main s'est portée sur la joue de B. dans une gifle claquante. Je me rends compte de ce que j'ai fait à peine quelques secondes après l'acte. Je porte une main à ma bouche sous le choc.

-Je... Je suis désolée ! Je ne voulais pas... Je sais vraiment pas ce qu'il m'a prit... Je... Je...

Et ainsi de suite. Je n'arrête pas de me confondre en excuses, parfois complètement débiles, ou alors je ne cesse de répéter les mêmes choses. Pourquoi s'arrêter là ? En faisant un mouvement en avant, j'ai posé le pied sur un des nombreux vêtements tombés au sol, assez glissant. Je trébuche en avant et, pour mon plus grand malheur, tombe sur B. L’atterrissage au sol a été douloureux, surtout pour lui ! Encore une fois par ma faute ! Mes excuses continuent à sortir de ma bouche. Je sens les larmes me monter aux yeux. Pourquoi ça n'arrive qu'à moi ?! Je ne suis vraiment qu'une idiote !

Son visage est rapidement passé de la colère à la panique. Voir une jeune femme dans cet état le fait-il toujours paniquer de la sorte ?

-Qu..qu'est ce qu'il t'arrive, tu t'es fais mal en tombant c'est ça!?

Comment se fait-il qu'il s'inquiète pour moi de la sorte, alors que je viens de lui causer du mal, deux fois. Son regard glisse sur moi, je n'y fais pas attention, trop concentrée à ne pas pleurer comme une petite fille. Il finit par poser ses mains sur mes épaules et fermer les yeux quelques instants. Pendant tout ce temps, sans aucun contrôle, les excuses sortent de mes lèvres continuellement. Tout s'arrête lorsqu'il reprend la parole, d'une voix étrangement calme.

-Ce n'est pas grave. Je t'ai juste poussé à bout, donc c'est normal que tu ai réagi comme ça. Et puis ne t'inquiètes pas, frapper un agent secret ne t’apportera aucun problème.

Ceci avec un sourire amusé. Je ne peux m'empêcher de rire à sa dernière remarque. Une petite larme s'est échappée du coin de mon œil droit, que j’essuie rapidement avec le dos de ma main. Toutes les autres sont retournées dans leur caverne en attendant un autre pétage de plomb de ma part ! Je finis par me relever pour que B. fasse de même. Je retourne m'assoir sur mon lit avec précaution, puis l'observe.

-Au fait, tu étais en train de te présenter quand cette... personne, dis-je en désignant l'homme allongé d'un mouvement de tête, t'as interrompu.

J'essais de sourire, mais à mon avis ça doit plus ressembler à une grimace... C'est vrai que je ne connais toujours pas le nom de ce super agent secret !