Je me baladais tranquillement dans le village derrière l'institut, aujourd'hui il avait fait beau, il y avait eu un grand soleil et une petite brise durant l'après-midi. C'était une journée calme et reposante. Je repensais vaguement à mes différentes rencontres depuis mon arrivée. Je n'avais rencontré aucune file, que des garçons beaucoup plus grands que moi, un albinos, u autre aux cheveux blancs mais aux yeux gris, celui de la cafétéria à qui je crois bien avoir fait peur et celui à la natte, le photographe. Finalement, même si ça ne faisait pas longtemps que j'étais ici, je m'y plaisais, c'était calme, paisible, on ne risquait aucun danger, enfin, de ce que j'en avais vu il n'y avait pas de quoi s'inquiéter, et tout le monde était relativement courtois. Je m’apprêtais à retourner dans mon dortoir lorsque j'entendis une voix m'appeler.

- Roxanne Tessier est attendue en salle des Masters.

Je fixais l'étage supérieur et m'avançais dans le couloir en direction de l'escalier. En montant je regardais ma montre et remarquais qu'il était quand même près de 20h et qu'il commençait à se faire tard. Alors pourquoi m'appelait-on en salle des masters aussi tard ? Je secouais vivement la tête pour en sortir toutes ces questions dont j'aurais les réponses en poussant les portes qui se dressaient devant moi à présent. Je pris donc la poignée et entrais calmement.

- Bonsoir.

Une femme se détacha du cercle que formaient de nombreuses personnes encapuchonnées et s'approcha en souriant. Elle était plus grande que moi et avait de longs cheveux noirs. Leur cercle se refermait à nouveau, me laissant seule au centre avec cette femme.

- Bonsoir Roxanne. J'espère que nous ne te dérangeons pas...?

Je la fixais droit dans les yeux avant de lui répondre en gardant mon calme. Je n'aimais qu'à moitié cette situation, on m’appelait dans une salle pleine de formes noires qui m'encerclait et pourtant, cette femme était calme et parlait avec douceur.

- Pourquoi serais-je venue sinon ?

J'eus à peine le temps de terminer ma phrase, qu'elle en entamait une autre. J'avais la nette impression qu'elle se fichait éperdument de ma réponse et cela m'agaçait. Elle laissait sa tête retomber sur le côté, comme si elle parlait à une enfant. Elle ne devait pas être beaucoup plus vieille que moi pourtant, enfin, c'est l'impression qu'elle donnait surtout.

- Tu as été convoquée ce soir afin de passer l'initiation. En as-tu déjà entendu parler ?

Je la regardais, les yeux un peu vide, je n'avais aucune idée de quoi elle me parlait, une initiation. Oui mais à quoi ? Cette situation et ce qu'elle me racontait ne m'aidait guère à ne pas me méfier. Je fronçais légèrement les sourcils et enfonçais mes mains dans mes poches.

- Pas du tout. Mais je serais ravie que vous le fassiez.

Je ne la perdais pas des yeux, attendant sa réponse qui, je l'espérais, serait plus claire et rendrait la situation plus agréable. J'étais tendue et sentais mes muscles se nouer dans mon dos.

Elle souriait encore, comme si je l'amusais, comme si c'était un jeu. Je continuais de plonger mon regard dans le sien, elle avait des yeux d'un bleu exceptionnel. Je sursautais en entendant le son de sa voix, ce silence m'avait un peu détendu.

- Il s'agit de ce moment où tu vas recevoir tes pouvoirs. Ils sont là, et sommeillent en toi depuis que tu as ressenti ce vide... La seule chose que je te demanderais, avant de commencer, c'est... les acceptes-tu, ces pouvoirs ? Ou bien les refuses-tu ? Sache qu'en acceptant tes pouvoirs, tu devins l'une des cibles des scientifiques. A Terrae, nous vous protégeons, mais en dehors de l'institut... Vous êtes en danger. C'est pourquoi je refuse à tout élève de sortir seul de l'institut, sans la compagnie d'un Master.

Elle m'avait fixé plus intensément durant tout son petit monologue. Je tentais de remettre de l'ordre dans ce que j'avais entendu, des pouvoirs, le vide, des scientifiques, un danger, un master... Elle me parlait en chinois. Pourtant, je ne sus pour quelle raison, j'avais le sentiment de parfaitement comprendre ce qu'elle me disait et d'en connaître la réponse. Comme si, sans le savoir, tout était tracé.

Je m’apprêtais à lui répondre, lorsqu'elle me coupa en reprenant la parole, ayant l'air de s'impatienter de ma réponse tardive. Elle pencha la tête sur le côté, ce qui me fit automatiquement pencher la mienne pour ne pas lâcher son regard.

- Je n'ai pas l'impression d'y avoir compris grand chose là-dedans. Mais, j'ai le sentiment de déjà savoir tout ça. Alors, je dirais simplement que, je vais suivre mon instinct.

Je laissais un petit calme s'installer avant de poursuivre. Lorsque je repris la parole, je la fixais avec sérieux, ces question-réponses n'étaient pas un jeu, en tout cas, c'est ce que j'avais cru comprendre.

- Puisque je suppose que cela ne vous est d'aucune utilité que je refuse. J'accepte.

Je l'observais hocher la tête suite à ma réponse. J'avais des choses à lui demander, mais je le ferais surement plus tard. Enfin, je l'espérais...
Elle m'indiqua d'une parole et d'un coup du menton de me placer au centre du cercle qu'elle formait avec toutes ces personnes recouvertes de leurs capuches. Elle recula en même temps que j'avançais et repositionna sa capuche sur sa tête, y engouffrant automatiquement ses longs cheveux noirs. Je ne voyais plus qu'une petite partie de son visage, ce qui fit tout de suite revenir cette méfiance qui m'avait quitté lors de ses explications.
Je n'eus pas le temps de plus me concentrer sur mes émotions puisqu'un courant d'air chaud balaya la pièce dans laquelle nous nous trouvions et qu'il vint soulever mon corps en l'air. Tout mon corps se raidit à cet instant. Que se passait-il ? Je n'en avais, à nouveau, aucune idée et cela m'agaçais terriblement...
Puis ce fut le rideau noir, je ne sais pas ce qu'il y eu ensuite. Je me souviens seulement m'être réveillé sur le sol, Hideko agenouillée devant moi, sans sa capuche, et me tendant une main.

- Bienvenue à Terrae Roxanne, chère Feu Solaire, petite invisible... Sache faire bon usage de ta magie.

Je me relevais tant bien que mal et plantais mes yeux dans les siens une nouvelle fois. Alors ça y est ? C'était fait ? J'avais des pouvoirs, d'un coup. Je ne me sentais pas du tout différente, quoi qu'un peu plus sereine. Mais cette sensation ne resta qu'un court instant. Une fois bien stable sur mes deux jambes, j'eus comme un frisson, une sorte de chaleur avait enveloppé puis quitté mon corps pendant quelques secondes.

- Et maintenant ? Je fais quoi ?

Je laissais ma question en suspends et regardais le reste de la pièce, j'étais par moment parcouru de frissons comme ceux auparavant, mais je n'y faisais plus attention. Puis je posais à nouveau mon regard sur Hideko avec sérieux, écoutant attentivement sa réponse.

Je la regardais attentivement me répondre en haussant les épaules. Puis, elle me surpris en créant une boule de feu, une sphère plus précisément. Elle s'amusait à la faire rouler sur sa main, comme on le ferait pour une simple balle, elle ne montrait aucun signe de douleur face à une telle chaleur.

- Ferme les yeux, et concentre-toi sur cette chaleur qui vient de naître en toi, et qui coule partout dans tes veines, qui traverse ton corps. Une fois que tu auras senti pleinement toute cette chaleur, tente de la concentrer autour de ta main... Puis laisse-là franchir la barrière qu'est ta peau. Laisse ton énergie émerger... Et contemple ton travail. Ca marche ?

Je la fixais un instant, hésitant à faire tout ce qu'elle me demandait sans réfléchir. Mais le fait de voir cette boule de feu se déplacer sur sa main me fascinait et je voulais savoir si j'en étais aussi capable. Je voulais en avoir le coeur net et c'est pourquoi, j'ai arrêté d'être sur la défensive et je me suis laissée tentée, j'ai acquiescé et immédiatement fermé les yeux.

Je gardais ma respiration aussi calme qu'elle l'était en entrant ici, malgré la tension qui s'installait dans mon corps alors que j'essayais tant bien que mal de réaliser tout ce que me demandais Hideko. Je tentais de retrouver cette chaleur qui ne cessait de traverser mon corps depuis que j'avais repris conscience.

Alors que j'allais abandonner, je sentis cette chaleur revenir, mais de manière plus forte qu’auparavant. Je me concentrais dessus et après quelques secondes je tentais de la déplacer dans ma main. Une petite partie y arriva et le reste se dissipa. Je rouvris les yeux et la regardais refermer sa main sur la sphère, la faisant disparaître.

- Allez, à toi maintenant !

Je la regardais, j'hésitais à recommencer, je n'avais pas envie de voir ce flux partir à nouveau sans que je n'ai eu le temps de la maîtriser et l'utiliser. Puis, je refermais finalement les yeux, levant le bras devant moi, les doigts légèrement crispés, et je cherchais à nouveau cette chaleur qui m'avait parcourue de nombreuses fois depuis mon réveil. Je la retrouvais, dans ma poitrine, un peu plus intense encore que la fois précédente.

Cette fois-ci, je ne la lâchais pas, je me concentrais dessus, je tentais d'en perdre le moins possible en la déplaçant jusqu'au creux de ma main. Une fois ceci fait... J'imaginais une vitre à la place de ma peau, et je forçais jusqu'à ce que cette boule d'énergie et de chaleur la brise et franchisse cet espace.

Le pouvoir qui sortit de ma main me projeta sur le sol, où je retombais assise, et vint rencontrer le plafond avant de partir dans une autre direction. J'écarquillais les yeux, totalement horrifiée par cette masse de feu totalement incontrôlable. Je tournais mon regard vers Hideko, un peu ennuyée du désordre occasionné.

- Oups ?

J'observais ces masses de feu se disperser dans la salle. Je ne savais pas quoi faire. Une personne se protégea avec une sorte de mur d'eau. Puis, peu à peu, les plus grosses masses devinrent plus petites, jusqu'à disparaître. Mais il en restait toujours un petit peu, les plus petites, les moins dangereuses. Je redirigeais mon regard vers Hideko. Elle souriait. Toujours. Elle semblait imperturbable. Comme si ce sourire collé sur son visage ne disparaissait jamais. Je pris néanmoins la main qu'elle me tendit et me relevais rapidement.

- Concentre-toi pour mettre fin à tout ça. C'est ta magie, c'est ton essence, et tu dois le ressentir. Alors fais le maximum pour faire disparaître ces flammes. Je compte sur toi, Roxanne.

Je laissais un petit rire m'échapper. Un rire nerveux, celui qui veut dire "Vous êtes folle ? Moi ? Éteindre un feu ? Vous avez vu la vierge ?". Je me calmais rapidement, la regardant plus sérieusement. Elle voulait que je fasse disparaître ces flammes ? Mais je devais m'y prendre comment moi ?

- Vous ne plaisantez pas n'est-ce pas ?

Ma réponse n'attendit même pas sa question avant que je ne dirige mon regard vers les flammes les plus proches. Je me concentrais. Je tentais d'abord de simplement faire disparaître ces masses incandescentes en leur ordonnant par la pensée. Après tout, c'est ma magie, elle doit m’obéir. Mais ce fut un échec.

Je me posais donc quelques minutes, le temps de réfléchir à un moyen de mettre fin au massacre. Elle m'avait fait me concentrer sur un flux d'énergie dans mon corps pour trouver la source de mon pouvoir et la diriger vers un point fixe. Mais est-ce que j'étais capable de le faire à l'extérieur ? De trouver le flux de pouvoir dans ces flammes, de le concentrer et de l'envoyer... dans mon corps ? De le faire... disparaître ?

- Je dois juste les faire disparaître. Les absorber ?

Ma question n'était pas destinée à Hideko, je me la posais à moi-même. Alors, je me relevais et fixais le plus calmement que je le pus la masse la plus proche. Je me concentrais et tentais d'entrevoir le flux d'énergie qui se déplaçait dans ces flammes. Après quelques secondes les flammes prirent une forme différente, celle que je leur donnait visiblement. Je gardais alors mon calme, même si mes membres engourdis demandaient un peu plus d'action. Puis, peu à peu, je redirigeais les flammes vers mon corps, tentant de dissiper comme je le pouvais la peur de me brûler en les rapprochant d'avantage. Finalement, ces flammes disparurent et je ressentis un petit soulagement. J'avais du mettre approximativement une dizaine de minutes pour faire disparaître ces flammes. Et il devait m'en rester d'autres, dans deux ou trois coins de la pièce. La soirée allait s'avérer plus longue que prévu. Pourtant, mes autres tentatives furent plus fructueuses et un peu plus rapide.

- C'est bon là ? Il n'y en a plus ?

Je me laissais tomber par terre et m'asseyais en tailleur. J'essuyais furtivement la sueur qui perlait sur mon front puis fixais à nouveau Hideko. J'étais épuisée. Quelques minutes de repos ne me feraient pas de mal. Je fermais les yeux un instant, écoutant Hideko avec attention. J'étais détendue et calme. Je m'étonnais d'ailleurs. Et j'avais encore envie d'utiliser ce pouvoir. Le feu.