Il fait chaud. C'est l'aprem, je suis en plein cagnard, il fait chaud et j'ai pas cours. Il fait tellement chaud que j'ai même délaissé ma veste d'uniforme. A votre avis, qu'est-ce que ça fait, de voir un mec d'un mètre quatre-vingt aux cheveux blancs en bataille, yeux rouge, chemise blanche et pantalon d'uniforme, sa mallette négligemment jetée sur son épaule se balader en ville ? Un drôle d'effet non ? Et si je vous disais que ce grand dadais cherchait le glacier du village de Terrae ? Encore plus bizarre, hein !

Bref. Je me balade en plein cagnard dans Terrae village pour trouver le glacier dont j'ai oublié la position exacte. Trop fier pour demander mon chemin, je vagabonde dans les rues. C'est pas plus mal, d'ailleurs, c'est même plutôt agréable. Je sifflote un air de carnaval. Ça doit être la période en ce moment au Brésil. Ce sera la seconde année où je serais loin de mon pays pour cet événement national. Ça me fait bizarre, je l'avoue. Ah, ce serait pas cette rue, là ?

J'arrive finalement au glacier. Youpi, pas de queue ! Je regarde les différents parfums, les yeux brillants comme un gamin. Un peu de fraicheur dans ce monde de brute ! Je finis par me décider et interpelle le vendeur :

Une glace deux boules Tigre Blanc, si'ou plait !

Ah, Tigre Blanc, un vieille histoire. Une glace à la vanille veinée de menthe fraîche. Un souvenir de ma rencontre avec la petite Akira. Un spécimen cette gamine, mais elle est adorable, en fin de compte. Je tends la monnaie pour payer mais une des pièces s'échappe. Je m'excuse auprès du vendeur et file la chercher. Sous un banc. Ma chemise blaaaanche... je finis par ramper dans la poussière et me relève. Je retourne alors au stand du vendeur et me place à côté d'une personne arrivée entre temps. Je tends ma pièce et reçois ma glace. Yatta ! J'ai les yeux qui brillent.

Aujourd'hui, comme d'habitude, dortoirs. Je déteste ça. Surtout qu'en ce moment, il y règne une chaleur infernale. J'en peux plus. Alors entre les filles qui chouinent parce que leurs cheveux frisent et celles qui gueulent parce qu'elles ont un soucis de transpiration, merci vraiment! Terrae est un asile pour fous, c'est définitif.

Il cogne dehors, et pour une fois, la salle climatisée du cours d'anglais m'apparaît comme une bénédiction. Je m'avance sagement devant la porte quand je vois un écriteau:


Ça c'est un comble tiens! Pour une fois que j'avais envie d'aller en cours! Saleté!!
Je me calme avec peine et prends le chemin inverse. Je hais les profs. Jamais là quand il faut, toujours là pour faire chier. La haine!
Enfin bon, j'ai deux heures de pauses. Ah non, plus! J'ai deux heures et quart de trous après. Foutu emploi du temps! Qu'est-ce que je vais faire moi jusqu'à midi et quart? Nada. En plus avec cette chaleur... J'ai entendu parler d'un super bon glacier au village de Terrae. Autant y aller et me commander une double boule citron framboise comme je les aime. Oui ,c'est sobre comme choix et alors?

J'arrive tranquillement dans la rue, pénarde. J'aime glander et ne rien faire de mes journées. Peut-être irais-je me terrer à l'ombre des sous-bois avec ma guitare après ma glace.  
Quand j'arrive au glacier, je commande plutôt rapidement. C'est au moment où un jeune homme arrive victorieux avec une pièce dans la main que le gérant me donne ma commande. J'attends ma monnaie lorsque je remarque la pauvre chemise du garçon. Malgré moi, une petit sourire se forme sur mes lèvres. Malgré qu'il soit bien plus âgé que moi, je ne peux m'empêcher de repenser à Vincent. Lui aussi se tachait souvent en tentant d'attraper les choses au sol.

- Je crois que votre chemise est bonne pour une machine non?

C'était une façon comme une autre de commencer une conversation. Je ne connaissais que peu de monde ici. Autant connaître un peu, au minimum... Même s'ils sont tous bien plus âgé que moi!

C'est une jeune fille qui vient de recevoir sa commande pendant mon excursion sous un banc. Elle a commandé une glace citron-framboise. Bon choix, ce sont ses meilleurs parfums. Je garde cependant mon commentaire pour moi, ne sachant comment entamer la conversation. Je n'ai jamais été doué pour parler, je le suis plus pour frapper. S'exprimer avec ses poings, c'est ce qu'il y a de mieux en ce bas-monde.

Pourtant, je remarque le regard de la fille sur ma chemise blanche. Lavée de ce matin, j'ai la poisse décidément. Un sourire apparaît sur son visage. Mais elle a quoi ? Ça lui arrive pas de... Ah, non c'est pas un sourire moqueur, narquois ou quoi que ce soit de vilain, juste un drôle de sourire, presque nostalgique. C'est alors qu'elle m'interpelle :

Je crois que votre chemise est bonne pour une machine non?

Ma première réaction est de regarder discrètement aux alentours. Non, il n'y a personne d'autre. Donc elle parle à... moi. Bon, alors faut que je lui réponde. Je passe une main dans ma nuque, un sourire gêné aux lèvres.

Ouaip, va falloir qu'elle r'passe à la machine. J'ai pas eu d'chance cette fois. Il suffit d'une pièce qui roule sous un banc et voilà. C'est la raison pour laquelle j'n'aime pas les uniformes.

Pourquoi je bavasse autant moi ? C'est quoi mon problème ? Elle va avoir l'impression que je suis bizarre. En plus, j'ai ce foutu accent qui revient dans ma voix. Zut à la fin. Je goûte à ma glace qui apaise un peu le trop-plein de chaleur. Je regarde la fille et lui fais un sourire désolé.

Scuse, je veux pas paraître bizarre. Je veux dire, je le suis pas ! Vaut mieux pas que j'reste au soleil, je vais crever après.

Sur ce, je salue le vendeur de glace et vais me poser sur un banc à l'ombre.

Le jeune homme regarde autour de lui, cherchant à savoir si je m'adresse bien à lui. Un petit rire sort de ma bouche, mais rien de moqueur seulement... Ce gars de plus de vingt ans me fait penser à mon frère de... Non. Il est mort Joyce. Laisse tomber, passe à autre chose. Mais je ne peux pas. C'est alors que le jeune homme s'adresse à moi:

- Ouaip, va falloir qu'elle r'passe à la machine. J'ai pas eu d'chance cette fois. Il suffit d'une pièce qui roule sous un banc et voilà. C'est la raison pour laquelle j'n'aime pas les uniformes.

Il a l'air... Presque enfantin. A bien y regarder, à part son physique, il ne fait pas son âge. Il me regarde alors avec un sourire désolé après avoir goûté sa glace.


- Scuse, je veux pas paraître bizarre. Je veux dire, je le suis pas ! Vaut mieux pas que j'reste au soleil, je vais crever après.

Puis, il salut le vendeur et part se poser à l'ombre. Je n'ai jamais été du genre à laisser tomber. Et ici je ne connais que peu de personne.

- Pour tout vous dire, vous ne me paraissiez pas bizarre avant de me sortir cette phrase! Je lui lance en m'approchant.

- De plus, il n'y a rien de plus mal-polie que de laisser quelqu'un en plan!

Mon ton enjoué montre bien de la taquinerie et non pas un réel reproche. J'aime taquiner les gens, ça fait partie de moi, je n'y peux rien. Toujours est-il que ma glace me fond entre les doigts et que je suis obligée de me les lécher un à un: Très classe Joyce, vraiment. J'ai l'air soit d'une handicapée mentale soit d'une gamine de cinq ans... A lui de choisir!

Je me rends bien compte que c'est mal de s'éloigner comme ça sans rien dire, mais je ne supporte plus le soleil, mes pauvres yeux n'y sont pas habitués et ma peau non plus. Pour preuve, j'ai beau avoir la peau légèrement métissée, elle crame au plus petit rayon de soleil. La seule note positive est ma tignasse d'un blanc neigeux, qui me protège un peu le crâne de la chaleur. Et "un peu" c'est presque trop fort. Enfin, j'ai quand même dû m'éloigner. Je prends une autre bouchée de glace et la regarde arriver :

Pour tout vous dire, vous ne me paraissiez pas bizarre avant de me sortir cette phrase!

Je laisse échapper un rire nerveux avant de me taire pour ne pas aggraver mon cas. Elle reprit :

De plus, il n'y a rien de plus mal-polie que de laisser quelqu'un en plan!

J'entends bien son ton joyeux, je sais qu'elle me taquine et pourtant, elle a parfaitement raison. Je passe une main dans mes cheveux en épis et soupire :

Ouais je sais désolé. Mais franchement, je ne supporte pas très bien le soleil. Et ce n'est pas une excuse à deux balles. Ah, et je te promets que je suis pas suspect ! Je ne porte pas d'arme, je suis sobre et parfaitement clean.

Je me tais un instant avant de sourire en la voyant lécher ses doigts pleins de glace fondue. Elle me fait un peu penser à ma sœurette. Va falloir que j'aille lui rendre visite un de ces quatre. Je termine rapidement ma glace et me sens quelque peu refroidi. Je tente tant bien que mal d'épousseter ma chemise mais les traces persistent. C'est bien ma veine tiens. Je me redresse et tapote la place vide à côté de moi, l'invitant à s'asseoir.

Je le vois s'asseoir pénard sur un banc, et finir tranquillement sa glace, sans que celle ci ne fonde. Foutu soleil!
J'ai toujours aimé la chaleur, mais je dois avouer préféré la pluie, même si je ne sens pas rassurée par temps d'orage.
Lors de ma première réflexion, il laisse échapper un rire nerveux et ça me fait sourire: Il a l'air de se foutre de mon âge. Ca fait du bien de rencontrer des gens comme ça. Moi qui pensais qu'ils étaient tous cons ici. Je me trompais peut-être.
Il passe alors sa main dans ses cheveux en bataille, on dirait un peu un enfant. Genre... Pas prise de tête.

- Ouais je sais désolé. Mais franchement, je ne supporte pas très bien le soleil. Et ce n'est pas une excuse à deux balles. Ah, et je te promets que je suis pas suspect ! Je ne porte pas d'arme, je suis sobre et parfaitement clean.

Il se tait avant de sourire quand je me retrouve à avoir la glace à la framboise entre les doigts. Je finis rapidement mon cornet et m'essuie la main avec une serviette en papier. Je dois encore avoir de la glace sur le visage, aussi, je l'essuie rapidement.
Il tente en vain d'épousseter sa chemise mais c'est peine perdue: Mis à part le lavage, sa chemise est provisoirement foutue.
Je ris doucement, sans me moquer, juste amusée par ce jeune homme. Rire ici, je ne le l'avais jamais fait. Sourire non plus, à part lorsque je jouais et vivais la musique. Mon rire me paraît suspect, étranger. Comme s'il n'était pas miens. Pourtant, ça ne me paraît pas mal. Je me sens bien. Ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose que le cour soit annulé aujourd'hui...
Le jeune homme se redresse alors et tapote la place à côté de lui, attendant visiblement que je vienne m'y asseoir.
Mes yeux doivent ressembler à deux soucoupes tant je suis surprise. Pourtant, et étrangement, je souris avant d'aller m'asseoir. L'ombre rafraîchissante (ah. La blague.) me fait un bien fou et je me surprends à fermer les yeux un moment, profitant de la chaleur d'été.
Finalement, j'ouvre les yeux et les pose sur le jeune homme.

- Vous êtes peut-être clean, mais vous avez l'air plutôt... Différents des gens que j'ai pu rencontrer dans ma courte vie.

Je souris et le regarde, tâchant de deviner son âge. Je dirais... Plus de la vingtaine mais moins de la trentaine. Ouai. Y a juste Dix ans entre les deux!

- Oh faîte! Je m'appelle Joyce. Joyce Noran.

Pendant que je me présentais, un coccinelle fît son apparition et se posa sur la main du jeune homme. Je souris. Vincent adorait ces petites bestioles.

- Tiens! Une coccinelle. Certains disent que lorsque que l'une d'entres elles se posent sur une personne, c'est signe de bonheur à venir. En espérant que ce sera le cas pour vous... Vous vous appelez comment?

Oops. Pas de nom. Et ouai. C'est ça qui est con, les présentations! Je n'y pense jamais! Du coup, je me fais avoir à chaque fois!
Le jeune homme a l'air plutôt sympa. J'espère sincèrement qu'il ne partira pas en me disant qu'il ne voudrait plus me voir. J'en ai l'habitude. Je m'y suis fais à force...

La jeune fille rit et ce son me semble un peu rouillé. Elle doit être nouvelle, car moi-même je me surprends encore à entendre mon rire. Pourtant, pour autant que je sache, si elle vient tout juste de se remettre à rire, c'est pas trop mal, pour un début. Une expression de tendresse vient adoucir mes traits et je sais que le rouge de mes yeux doit avoir l'air moins effrayant.

Lorsque je tapote la place libre près de moi, elle me regarde d'abord avec des yeux ronds. je laisse échapper un sourire en coin, amusé. Pourtant, elle finit par sourire et s'assoit près de moi. L'ombre semble lui faire du bien et elle se laisse même aller à fermer les yeux. J'en profite pour la détailler. Elle est vraiment mignonne, mais je ne saurais lui donner un âge. Plus de 10 ans mais bien moins de 20, je pense. Peut-être 13 ans ? Je n'en sais rien. Elle finit par rouvrir les yeux et les pause sur moi :

Vous êtes peut-être clean, mais vous avez l'air plutôt... Différents des gens que j'ai pu rencontrer dans ma courte vie.

Je lui fais une grimace amusée, mi-sourire mi-froncement de nez.

Je vais prendre ça comme un compliment ! La taquinais-je.

Elle reprend :

Oh faîte! Je m'appelle Joyce. Joyce Noran.

Je souris et m'apprête à lui répondre lorsqu'une petite bestiole pas plus grosse que l'ongle de mon petit doigt se pose sur ma main. Elle est rouge à pois noirs et je dois l'avouer, plutôt mignonne. Joyce m'éclaire sur son nom :

Tiens! Une coccinelle. Certains disent que lorsque que l'une d'entres elles se posent sur une personne, c'est signe de bonheur à venir. En espérant que ce sera le cas pour vous... Vous vous appelez comment?

Je lève la main à hauteur de mon visage, le plus doucement possible et observe la "coccinelle" se balader. Elle a l'air toute douce, mais comment peut-elle voler..? Je réponds à Joyce :

Kyle. Kyle Strenght. Tu peux me tutoyer tu sais, sinon ça me fait me sentir vieux croûton !

Je fais une pause et retiens mon souffle lorsque la coccinelle frémit.

Je... C'est joli, cette bête... Euh, coccinelle.

Dire que j'en avais encore jamais vu ! Je suis encore bien inexpérimenté pour beaucoup de choses.

Il est vraiment... Différent. D'ailleurs, quand je le lui fais remarquer, il me taquine en faisant une grimace amusé.

- Oh mais c'est était un! Je dis simplement, amusée moi aussi. Quel âge a-t-il?

Il me sourit alors. Je me sens bien. Il ne me traite pas comme une enfant. Et ça fait un bien fous!

- Kyle. Kyle Strenght. Tu peux me tutoyer tu sais, sinon ça me fait me sentir vieux croûton !

Kyle. C'est peut commun. Mais ça lui va bien. Que je le tutoies?

- Mais j'ai quinze ans et vous devez... Enfin tu dois avoir au moins dix ans de plus! Vous.. Tu es un adulte et moi une ado', normalement je suis censé vous.. Te vouvoyer.

Les joies de la politesse! Merci maman, maintenant je viens de me taper l'air con parce que je respecte ta putain de politesse!
Kyle enlève alors la main à la hauteur de ses yeux et fixe attentivement l'insecte. N'en a-t-il jamais vu?

- Je... C'est joli, cette bête... Euh, coccinelle

A ben non. Il n'en a jamais vu. Mais d'où vient-il pour ne pas connaître les coccinelles? Y en a partout! Elles ont envahis mon jardin l'année de me onze ans! Avec Vincent, on avait vu ça comme un signe de papa. Ca avait été une très belle commémoration de sa mort. Maman et Vincent avez beaucoup pleurer. Je n'avais versé aucune larme. Je ne pleure jamais. Plus depuis papa.

- Tu ne connaissais pas les coccinelles? Pourtant, de nos jours, on en voit partout. Il suffit juste de savoir où poser les yeux.

La petite bête s'envole alors et part se poser deux mètre plus loin, sur une fleur. Un pissenlit à vu d'œil.

- On dit que pour connaître leur âge, il faut compter leurs points noirs. Celle-ci était toute jeune, elle devait avoir trois ans. Trois points, trois ans.

Je lui souris alors mais une question persistait et je restais perplexe. Ca devait se voir. Et Kyle ne tarderait pas à se poser des questions. Ou alors, il ne dirait rien par politesse et respect. Ce serait bien la première fois qu'une personne me respecterait. Mais pourquoi donc me traitait-il non pas comme une enfant mais plutôt comme une fille plus mûre? Etrange ce gars je vous le dis. Mais j'appréciais.

Je ris en voyant l'air perplexe de la jeune fille. Lorsqu'elle prit la parole, je me restreint et me contentais de sourire.

Mais j'ai quinze ans et vous devez... Enfin tu dois avoir au moins dix ans de plus! Vous.. Tu es un adulte et moi une ado', normalement je suis censé vous.. Te vouvoyer.

Je repartis d'un rire amusé puis me calmais. Je ne voulais pas qu'elle croie que je me moque d'elle. Amusé, je m'expliquais:

En effet, j'ai 25 ans, mais je reste un gamin dans ma tête ! Qui plus est, à 15 ans, on est suffisamment âgé pour raisonner mieux qu'un adulte ! J'en sais quelque chose, ma sœur a le même âge que toi, mais c'est elle qui me gronde et non l'inverse !

La bestiole nous interrompit alors et je me mis à l'observer, avide de garder toutes les données possible dans ma tête. La jeune fille semblait bien connaître cet étrange insecte qui osait se poser sur ma main. Pourtant, je continuais à suivre la petite coccinelle des yeux, fasciné. Joyce reprit la parole :

Tu ne connaissais pas les coccinelles? Pourtant, de nos jours, on en voit partout. Il suffit juste de savoir où poser les yeux.

J'en déduis que je ne sais pas où poser les yeux ? Quoique… Vu où j'ai vécu, j'ai vu des papillons, mais jamais de coccinelle. Ça ne m'étonne qu'à moitié. Gêné, je me préparais à répliquer, mais avant que j'aie le temps de m'expliquer, la jolie bête s'envola et Joyce reprit la parole :

On dit que pour connaître leur âge, il faut compter leurs points noirs. Celle-ci était toute jeune, elle devait avoir trois ans. Trois points, trois ans.

Sérieux comme un enfant qui vient d'apprendre quelque chose d'important, je hochais la tête. Les sourcils froncés, je mémorisais ce que je savais sur ces « coccinelles ». Quels étranges insectes. Je relevais les yeux en souriant et les posais sur Joyce :

Dis-moi, tu es ici depuis longtemps ?

Autant relancer la conversation, ce serait gênant si le silence s'étendait trop longtemps.

Il ria devant ma tentative de tutoiement. J'ai dû virer rouge pivoine, et pourtant ce n'est pas dans mes habitudes! Vexée qu'il puisse se moquer, j'attendis néanmoins sa réponse, attentive à ne pas faire de faux pas.

- En effet, j'ai 25 ans, mais je reste un gamin dans ma tête ! Qui plus est, à 15 ans, on est suffisamment âgé pour raisonner mieux qu'un adulte ! J'en sais quelque chose, ma sœur a le même âge que toi, mais c'est elle qui me gronde et non l'inverse !

Ainsi donc, il avait 25 ans. Etrange comme il ne me traitait pas comme une enfant. Comme tous. Ca me faisait plaisir. Et brusquement, je me rendis compte que ma bonne humeur était juste dû à ça: Au respect que je percevais en lui. Il se foutait de mon âge. Il me parlait sans gêne. J'en aurais presque eu les larmes aux yeux si je ne pleurais pas jamais. Presque.

Il écouta avec attention mes explications sur l'insecte. Il n'en avait donc jamais entendu parler? Jamais vu?
Il regarda la bestiole s'envoler puis l'on resta chacun muet, en conflit avec nos pensées. Je pensais à Vincent. Il adorait les coccinelles. Il aurait adoré être là avec moi, une glace au chocolat lui coulant sur les doigts, une coccinelle à observer. J'aurais entendu son rire enfantin quand il aurait sentit la glace lui couler entre les doigts, puis je l'aurais vu me sourire, et enfin, ses yeux comparable au miens, vert, se serait plonger dans les miens, et on aurait rit parce qu'on s'amuser à se fixer trop longtemps pour rester sérieux. On serait ensuite rentré et on aurait mangé une bonne salade "des fonds de placards" comme disait maman. Puis papa serait rentré et on aurait joué aux cartes, avant de boire un dernier verres sur la terrasse, profitant de la fraîcheur du soir.

Je revins à l'instant présent quand je compris que rien de tout cela n'aurait pu se passer, puisque je n'avais plus de famille. Kyle me sourit alors en relevant la tête et je lui souris, mais j'avais perdue toute ma jovialité. Bien joué Jo', maintenant, t'as l'air d'une déprimée!

- Dis-moi, tu es ici depuis longtemps?

Je secouai la tête.

- Non je suis arrivée il y a peu, et pour tout te dire, je ne connais pas grand monde ici. Je suis toute nouvelle. Et toi?

Aller, on tente le changement d'idée! Vite! Joyce bouge!

Le sourire de Joyce s'était ternit. Je devais avoir dit quelque chose de mal ou alors fait quelque chose, et pourtant, je n'en avais aucune idée. Elle sauta sur l'occasion que je lui présentait de changer de sujet grâce à ma question. Elle secoua la tête et ses beaux cheveux blonds firent un mouvement de vague dans son dos.

Non je suis arrivée il y a peu, et pour tout te dire, je ne connais pas grand monde ici. Je suis toute nouvelle. Et toi?

Je souris, taquin, et tapotais sa tête gentiment :

Ah là là, ma petite, tu as devant toi un habitué de Terrae ! Je suis ici depuis bientôt trois ans ! Et je dois avouer que je me plais ici !

J'avais tout ce que je voulais, à manger, un lit, une éducation (ça, j'aurais peut-être pu m'en passer), une batterie, et même une salle d'entraînement !

C'est le paradis pour moi, ici, expliquais-je. Je me sens choyé, chouchouté... Je n'ai pas toujours vécu dans un tel luxe ! Regarde, j'apprends même encore !

Je lui désignais la coccinelle avec un sourire émerveillé. La chaleur ne me dérangeait plus autant, mais le soleil continuait de me brûler les yeux. Je me passais la main sur le visage, m'attardant sur mes yeux pour calmer la brûlure. N'y tenant plus, je me levais :

Excuse-moi, mais je ne tiens plus. Trop de soleil ! Si tu veux, on pourrait discuter à l'intérieur..? Parce que là, je meurs des yeux.

Bravo pour l'expression Kyle, tu tire pile dans la cible "enfantine" là ! Je vous jure, des fois...

J'avais toujours rêver d'avoir un grand frère. Bien sûr, j'ai aimé Vincent plus que ma propre vie, mais c'est vrai qu'un petit frère ne vous protège pas forcément au mieux des grands. Oui parce qu'on aura beau dire, je n'ai pas toujours été une fille en colère, confiante et encline à la bagarre. Loiiiiin de là. Avant j'étais un peu plus... fragile. Non. Mais je trouve pas mieux. Et puis j'ai perdu mon père et les moqueries ont été telles que j'ai craqué. Et je suis devenue ce que je suis.  
Kyle me sourit alors, un brin taquin et me tapote la tête. Je n'ai jamais aimé qu'on me touche les cheveux.

- Ah là là, ma petite, tu as devant toi un habitué de Terrae ! Je suis ici depuis bientôt trois ans ! Et je dois avouer que je me plais ici ! C'est le paradis pour moi, ici. Je me sens choyé, chouchouté... Je n'ai pas toujours vécu dans un tel luxe ! Regarde, j'apprends même encore!

Il me désigna la coccinelle dans un sourire émerveillé. J'aimais beaucoup ce moment. Je me sentais moins morne, plus joyeuse. C'était tellement étrange! Je le vis alors se prendre la tête entre les mains avant de se lever. Oh non! Mon sourire disparut de même que ma jovialité mais je ne laissai rien paraître et me renfermer sur moi-même. Blessée.

- Excuse-moi, mais je ne tiens plus. Trop de soleil ! Si tu veux, on pourrait discuter à l'intérieur..? Parce que là, je meurs des yeux.

Je dû paraître des plus surprises. Comment... Alors il n'en avait pas marre de moi? Il avait juste... Mal à cause du soleil? Mon Dieu mais quelle nouille je devais faire! Je me levais et... Je remarquai pour la première fois que je faisais bien vingt centimètres de moins que lui. Euh... Comme dire....? Je me sentis toute petite!
Néanmoins je lui souris.

- Je veux bien mais où? Et tu apprendras que l'expression mourir des yeux, bien que je sois plus jeune, était vraiment... bizarre.

Amusée je le décoiffai. Ouai, une vrai gamine et alors?

La pauvre Joyce avait dû mal interpréter mes gestes car elle parut surprise par ma justification. Elle se leva et je souris devant notre différence de taille. Vingt centimètres. Au moins. Elle avait une taille normale quoi. Moi je suis devenu un géant, et 'est assez dur de bouger et de ne pas me cogner partout. Dur dur, ouais. Alors que ma petite sœur, elle, est plus petite que la moyenne. J'ai dû lui aspirer quelques centimètres, parce que j'ai grandi pour deux. Je souris à cette idées. Joyce prit la parole :

Je veux bien mais où? Et tu apprendras que l'expression mourir des yeux, bien que je sois plus jeune, était vraiment... bizarre.

Elle m'ébouriffa les cheveux. J'éclatais de rire :

Désolé, désolé ! Mon répertoire étant assez mince, je fais de mon mieux. Je lui fit un clin d’œil. On peut aller où tu veux, juste un peu à l'abri du soleil.

La vie d'albinos est franchement dure. Mes yeux ont une résistance au soleil digne d'une taupe, quoi ! Heureusement, j'ai la peau un peu foncée, sinon le combo aurait été impossible... Je passais une main dans mes cheveux, les remettant (à peu près) à leur place. Je pris les devants et lançais, joyeux :

Tu reprends les cours dans combien de temps ? Parce que si tu n'as plus beaucoup de temps, on peut aller s'asseoir près de ta salle ! Ou sinon...

Je réfléchis. C'est merdique comme idée mais pitié, je veux rentrer ! Et peu importe l'endroit où nous allons. Il est trop tôt pour aller à la cafète, impossible de discuter à notre aise à la bibliothèque, les salles d'entraînement sont à exclure, on es pas là pour se taper dessus... Et puis ça fit "tilt" dans ma petite caboche.

Et sinon on peut aller dans la salle commune. Je te laisse le choix !

Je lui souris, les yeux plissés pour lutter contre le soleil.

Il a éclaté de rire face à mon geste et moi, je suis restée là, souriante, comprenant peu à peu ce que Terrae était en train de me donner: L'espoir.

Désolé, désolé ! Mon répertoire étant assez mince, je fais de mon mieux. On peut aller où tu veux, juste un peu à l'abri du soleil.

Je souriais comme je l'avais peux fais depuis cinq ans. Il a tenté de replacer ses cheveux mais c'était vraiment pas ça. J'ai ris avec bonheur et amusement.

Tu reprends les cours dans combien de temps ? Parce que si tu n'as plus beaucoup de temps, on peut aller s'asseoir près de ta salle ! Ou sinon...

Il ne voulait vraiment pas me laisser là? Pour de vrai? J'ai dû lui paraître bien gamine ce jour-là et pourtant, en y repensant, ça m'amusait. On réfléchissait et je crois qu'à un moment donné, on a eu la même idée.

Et sinon on peut aller dans la salle commune. Je te laisse le choix!

Il souriait et il n'était pas le seul. J'ai approuver d'un geste et j'ai attraper son poignet, le tirant dans la direction indiquée.

J'ai pas cours avant cet après-midi moi! Donc va pour la salle commune!

J'ai été souvent abandonné et sur le coups, j'avais eu peur que Kyle ne fasse pareille. Mais non, il avait accepté que je le suive.
Arrivée au lieu dit, je me suis tournée vers lui, me laissant tomber sur une chaise.

Alors... Et maintenant?

Et c'est parti pour la salle commune ! J'étais de bonne humeur, aussi je suivis Joyce en sifflotant, les mains dans les poches. Une fois à l'ombre mes yeux arrêtèrent de me faire mal et je pus à nouveau les ouvrir en grand. On entra dans la salle commune qui était vide. Normal, puisque tout le monde est en cours normalement. Je soufflais sur une mèche de cheveux et regardais Joyce s'asseoir, que dis-je, s'affaler dans un fauteuil.

Alors... Et maintenant?

Je réfléchis et regardais la pièce. Un plateau d'échec était abandonné dans un coin de la pièce, toutes les pièces dans des sachets. Un pour le blanc, un pour le noir. Je souris : la voilà mon idée. J'allais le chercher et le posais sur la table basse devant Joyce. Je plaçais les blancs de son côté et les noirs du mien. Cette disposition me semblait naturelle car je me sentais bien plus sombre qu'elle. Une fois toutes les pièces en place, je m'assis en face de Joyce et lui souris :

J'espère que tu aimes les échecs.

Que de souvenirs. Le médecin qui m'avait recueilli lorsque mes anciens amis m'avaient pris pour mort m'avait appris à y jouer. Je n'ai d'ailleurs jamais gagné contre lui. J'espérais gagner contre Joyce.