Ce type lui a volé un baiser, mais il est tout aussi désorienté qu’elle aurait du l’être. Rien que pour ça elle aurait pu rire des heures plutôt que de se mettre en colère. Elle est timide, mais pas méchante… Et elle sait bien que cela ne représentait rien ni d’un côté ni de l’autre… Elle savait mettre ce genre d’évènement à leur juste place… Ici c’est celle d’un accident vraiment involontaire.

Elle ne peut malheureusement pas s’empêcher de rire… Rire qui redouble d’intensité quand elle voit Sixtine approcher. Elles étaient habillées exactement pareil, sauf que son double portait des tresses et qu’elle-même avait les cheveux détachés. En gros Ipiu ressemblait plus à la Sixtine normale, et Sixtine ressemblait plus à la Ipiu normale.

Il y avait vraiment de quoi se tromper, elle avait l’impression de voir son reflet dans un miroir. Lunettes en moins, elle ne se calme toujours pas malgré l’air qu’affiche la jeune fille aux tresses. Au contraire, elle sent qu’elle va assister à un vaudeville….

-Nan mais j'y crois pas ! Espèce de ... de ... Rhaaaaaa !

Elle rit de plus belle. Enfin, jusqu’à l’impact. Dès que le sac de son double atteint le visage de celui qu’elle imagine être son petit ami. Une vague glaciale de self contrôle prend le dessus. Elle n’aime pas le sang, vraiment pas le sang…

-Si tu me dis que tu m'as confondu avec Ipiu, je ris. Je ris, et ensuite je te tue.

Ah ? Ipiu regarde Sixtine incrédule. Elle écarquille les yeux ? C’est vraiment la jeune fille qu’elle a rencontré ? Seigneur. Elle reprend néanmoins une certaine contenance et s’excuse de la part du jeune homme. Jeune homme qui ne va pas bien… Il se fout à chialer.

*Bin merde alors* pense Ipiu…

Il se lance dans un lamento incroyable. Il est sérieux quand il raconte toutes ces conneries ? Oui. D’ailleurs il est tellement mal que son pouvoir commence à faire trembler le sol de la salle. Elle déduit que c’est son pouvoir car elle connait celui de Sixtine, qui est l’eau… Merde elle n’a pas fait pêter une canalisation au moins ? Avec un calme effrayant malgré les secousses du sol elle sort de sa poche un paquet de mouchoir et en colle un sur la joue du garçon pour empêcher le sang de couler.

« Te mets pas dans cet état-là garçon. Tu n’as rien fait de mal, c’était un accident. Tiens ça. »

Elle prend la main du jeune homme et le force à appuyer là où ses propres doigts faisaient pression une seconde au par avant. Pis elle se tourne vers Sixtine un sourire aux lèvres. Elle franchit en un pas la distance qui les sépare, et pose ses lèvres sur celle de son double en un bref baisé. Elle se recule rapidement :

« Un partout. »

Elle n’a pas hésité une seconde en embrassant la jeune fille. Elle n’est pas sûre du résultat, mais elle sait où va la mener son raisonnement.

« Un baiser ne veut rien dire sans sentiments. »

Pendant un instant le temps c’était arrêté. Elle avait envisagé différent scénarios suite à son baiser à Sixtine. Sixtine aurait pu lui retourner une baffe de surprise… Léon, puisqu’elle apprit plus tard son prénom, aurait bien pu concentrer son pouvoir sous elle, ou sur elle, et la réduire en charpie. Ils auraient pu la réduire en charpie à deux… Mais non, leur réaction fut étonnamment calme.

Au lieu de céder à la violence comme beaucoup l’auraient fait, ils se retrouvèrent suite à cela. Ils s’aimaient cela se voyait. Un frisson dans le dos. C’est cette sensation qui la parcourt de part en part quand elle est avec un couple. Le désespoir aussi. Elle se souvient de ce qui fut, et n’oublie nullement que cela ne sera plus. Elle chasse l’envie et la peine en une seconde, les laissant à leur étreinte. Ils sont mignons, peut-être un peu trop.

Leur couple lui semble surréaliste en quelque sorte. Il la nomme princesse et elle agit avec lui comme s’ils étaient seuls au monde… Pour elle l’amour c’était tellement moins, et tellement plus. Elle ferme les yeux pour empêcher une larme de perler sur sa joue. Un nom s’impose à son esprit et elle le chasse avec chagrin. Elle ne l’oubliera pas, mais elle ne peut se permettre de se couper du monde pour autant.

Lorsqu’elle les rouvrit ils étaient tout deux assis à sa table en train de se bécoter. Ils ne s’intéressent plus à elle, ils sont dans leur monde à eux. C’est touchant, sans les déranger elle récupère son livre, et y glisse un joli marque page. Un joli souvenir. Elle se souvient du jour où Julien l’a glissé dans le livre qu’elle lisait, elle ne l’avait découvert que le soir, lorsqu’ils s’étaient séparés. Il était fait d’un papier tout simple, ne portant qu’une ligne de texte : Je t’aime autant que tu aimes lire, Julien. C’était tout simple, ça ne lui avait pas couté plus cher qu’une feuille de papier et quelques secondes, mais c’était l’attention qui l’avait touché.

Elle essuya la larme qui menaçait sa joue en faisant mine de se gratter l’œil. Elle reprit contenance et fixa sur ses lèvres son habituel sourire. Celui qui cache tout. Celui que personne ne pénètrera.

« Et toi, tu me raconte quoi de tes premières impressions te Terrae ?
-Je suis désolé pour mon comportement mais vous vous ressemblez tellement toute les deux. Mais à par ça tu es nouvelle d'après les paroles de Sixtine donc je te pose la même question qu'elle ! »

Ainsi, ils sortaient de leur petit monde lumineux pour sa misérable personne, elle eut envie de leur crier d’y retourner, de ne gaspiller aucune des précieuses minutes qu’ils avaient à partager. Elle se reteint, elle n’en avait pas le droit, et eux avaient la vie devant eux non ? Elle s’assit en face du couple, ramenant ses jambes en tailleurs sur sa chaise.

« C’est un endroit plutôt agréable, et j’adore la bibliothèque, je m’y suis même faite embauchée ! Et tu as raison, je ressemble à Sixtine… Ca pourrait nous jouer des tours, comme on pourrait en jouer, ça te dit jumelle accidentelle ? »

« Sixtine ça sert à rien de chercher quelqu'un ici car ils vous ont tous entendu donc ça ne marchera pas du tout, à moin que tu trouves une personne qui était totalement sourde mais sinon ça tombera à l'eau directement.
- T’es pas drôle !»

Ipiu fait la moue. Il est en train de leur pêter un joli petit délire à naitre… Elle espère qu’il n’en a pas conscience, parce que sinon… Elle plaindrait très fort Sixtine, sortir avec quelqu’un d’aussi terre à terre ne doit pas être très évident. Ne doit pas être drôle en fait. Remarque, elle pouvait parler Julien était totalement du style à casser ses délires… Pour me faire chier. pensa-t-elle en souriant.

Oui, un sourire, alors que son cœur se serre. Elle détourne sa pensée, tromper l’humanité c’est peut-être un peu beaucoup… Et je suis déjà en train de le faire… Mais se moquer de quelques professeurs arrogants, ça peut se faire… Et surprendre certains garçons qui pensent s’en prendre à une proie sans défense en s’en prenant à Sixtine aussi. Sans défense, mon cul. Elle a presque éborgné son copain, qu’est-ce qu’elle serait capable de faire à un étranger ? Non, le plus drôle serait de piéger les inconnus en leur faisant croire qu’ils voient doubles…

Elle parle de Michigan, et sur ce coup-là ils sont du même avis avec le fameux Léon. Pas pour la même raison au début, en même temps avec moi Michigan a été chiant pas violent. Je me retiens de prendre la mouche, c’est un abrutit. Surtout s’il a baffé Sixtine, parce que pour réussir à avoir envie de baffer mon double, il faut en tenir une sacrée couche. Moi encore je suis chiante, ça se comprend, mais ma jumelle est douce, gentille et dévouée.

Je grimace. Tout ce qui fera chier l’autre crétin, lui dès qu’il trouve quelqu’un qui ne lui résiste pas il doit l’écraser. Merde. Connard. T’as d’la chance d’être malade sinon je t’écrabouillerait les couilles. Je reprend un semblant de contenance.

« Je connais déjà Michigan, et LUI ne nous a pas confondues… »

Merde, elle a insisté sur le lui, elle s’en veut à mort. C’était tout sauf fair-play, et il a tendance à assez se flageller comme ça pour qu’elle n’en remette pas une couche par-dessus. Crétine !

« Désolée, Léon, je ne suis qu’une guenon sans cerveau, mais je te rejoins sur le fait que c’est une mauvaise idée d’embrouiller Michi… Il peut être trèèèèèèès con. »

Et elle sait de quoi elle parle, plutôt que de lui dire non pour un défi à la con, il l’a relevé et s’est à moitié cassé le cou. Il est con, prétentieux, et il n’en a rien à foutre de lui-même. En un mot… Dangereux. Elle reprend son air joyeux un peu trop facilement…

« Et si on bougeait de là ? histoire que la mafia de la salle commune ne nous entende pas ? »

Ce qui est génial pour Ipiu c’est qu’elle est vraiment sur la même longueur d’onde que Sixtine en terme de conneries… Pas en terme de mecs cependant, sans aller jusqu’à dire qu’il lui est antipathique, elle sent que ça n’accroche pas du tout avec Léon, pourtant elle décide de faire des efforts, pour Sixtine, elle sait ce que c’est de se retrouver entre des tirs croisés, elle ne lui fera pas vivre cette horreur.

Pourtant l’union fait la force. Ils se liguent pour faire entendre raison à Sixtine. Michigan est malade. Elle, elle arrive à le gérer, mais elle refuse de mettre en danger sa copine. Merde, alors c’est ça que Lucky ressentait quand il voulait pas que j’me mêle de ses histoires avec les types louches… Elle est longue à la détente il faut l’avouer.

« Violoncelle !! » S’écrit Sixtine.

Hein ? Deux ! Elle ne comprend pas de quoi parle sa jumelle. Pourtant un éclat passe dans le regard de Léon. Lui l’a comprise. Respect. En même temps elle ose penser que s’ils sortent ensemble, c’est qu’ils se connaissent. Elle s’explique, direction la salle de musique. Elle se saisit de la main d’Ipiu pour lui indiquer le chemin… et laisse un peu en plan son chéri qui ne semble pas apprécier…

Ipiu se saisit de son sac, elle ne compte pas oublier son précieux livre. Elle accélère le pas, laissant le plaisir à Léon de régler leurs comptes aux abrutis qui traitent les jumelles de « baisables. » C’est ton rôle chéri de protéger ta copine, moi je ne peux que l’extraire rapidement de leurs griffes… Toi tu peux marquer ton territoire. Lorsqu’il les rejoint dans le couloir elle se saisit de sa main pour la rapprocher de celle de Sixtine et finit par leur forcer la main pour qu’ils se tiennent par la main.

« Les amoureux ça doit se tenir par la main. »

Une gamine n’aurait pas fait mieux avec ses parents. Elle recule d’un pas ravie et les suit en silence. Son regard approbateur leur dit « profitez d’être ensembles. » Elle sait que l’amour ne dure pas tout une vie et que chaque instant volé à la détresse vaut la peine d’être vécu. Elle sourit et sautille derrière eux. Pendant un instant elle est prise d’’envie d’attraper le second bras de Léon pour faire la nique aux crétins qui disent que Sixtine est trop belle pour lui. Si elle le saisit, ces ragots se transformeront en « putain la classe, il se tape des jumelles. » Elle connait les langues de pute… Mais elle se fout d’eux, ce qu’ils disent est faux dans la mesure où Sixtine l’a choisi lui et pas eux. Elle ne peut cependant s’empêcher de leur faire un beau doigt d’honneur. Avant de reprendre sa route.

HRP : Sixtine tu entames un new sujet dans la salle de musique ?