J'eus un drôle de sourire en coin en l'entendant dire qu'elle tenait à moi. Un instant j’oscillais entre la mélancolie et la joie et me décidais finalement pour la deuxième émotion. Mes yeux pétillèrent dans l'obscurité. Nous sortîmes dans l'ai froid de la nuit. La lune éclairait l'endroit d'une lumière presque irréelle. Nous nous dirigeâmes alors vers les chambres.

La main fine d'Anya se glissa dans ma grosse paluche pataude et une drôle de chaleur se propagea dans mon cœur. Un sourire doux, presque rêveur vint flotter sur mes lèvres. Il me semblait qu'un jour, ce bonheur allait me coûter cher en malheur, mais je m'en fichais en ce moment. L'étage des Feu fut là un peu trop rapidement à mon goût.

Anya leva la tête vers moi et je baissais les yeux vers elle. La fatigue venait de m'assaillir d'un seul coup et cette baisse de régime dû me faire paraître moins vif. C'est la raison pour laquelle lorsque la jeune femme passa les bras autours de mon cou, je ne réagis pas. Lorsque ses lèvres se posèrent avec douceur sur les miennes, en revanche, un courant électrique sembla me parcourir. Sonné, je dû m'adosser au mur derrière moi pour ne pas tomber à la renverse.

Toujours contre moi, Anya prit la parole, son souffle sur mes lèvres :

Merci pour la soirée Kyle. Vraiment.

Je hochais imperceptiblement la tête, incapable de parler. Elle resta là contre moi et je l'entourais de mes bras, comme on entourerait un objet fragile et précieux qu'on voudrait protéger. Tendrement, je posais mon front contre le sien et soufflais :

J'ai bien vu qu'en début de soirée, tu pleurais dans ta chambre. Si jamais tu as besoin de pleurer, je te prête mon épaule, ma chambre est la tienne. Je serais là pour te consoler de mon mieux, d'accord ?

Me rendant compte que je divaguais, je me tus. Un frisson glacé me parcourut. Il me semblait d'un seul coup que le couloir avait perdu quelques degrés. La fatigue m'assaillit à nouveau et ma tête glissa. Je m'affaissais légèrement contre la jeune femme et posais la tête sur son épaule avec un grognement. Je conclus malgré mon esprit lourdaud :

Alors... Ne pleure plus toute seule....

Je me laissais aller contre l'épaule de la jeune fille. Quelle ironie. J'étais le plus grand et le plus solide et pourtant, c'était moi qui me reposais sur elle en ce moment. Je sentais bien que quelque chose n'allait pas chez moi, je n'étais habituellement jamais fatigué après juste une journée comme celle-ci. Qui plus est, la sensation de chaud dans la cafète n'était pas normale, je l'avais bien remarqué grâce à la réaction d'Anya.

Son baiser sur ma tempe me sortit de ma torpeur. Mais qu'est-ce que j'avais à me traîner moi ? J'étais avec la fille qui me plaisait, et je devais avoir l'air faiblard comme ça. Quelle idée de se sentir mal à un moment pareil. J'entends la voix d'Anya et me redresse un peu.

Je vais te laisser maintenant. Tu parais épuisé... On... On se retrouve demain, dis ?

Sans prévenir, la panique me prend aux tripes. Résultat, au lieu de lui sourire en promettant, j'attrape un pan de son t-shirt.

Non, attends. Si ça ne te dérange pas, j'aimerais rester encore un peu avec toi. Je lâche comme un idiot.

Même pas la peine de rougir, j'ai l'impression que mes joues sont en feu depuis qu'on est entrés à la cafète. 'Tain, c'est quoi mon problème, sérieux ?!...

La main fraiche de la jeune femme effleura mon front. Même si je ne la voyais pas, je sus tout de suite qu'elle s'inquiétait. Pourtant, c'était rien qu'un gros coup de barre, pas de quoi en faire un plat, non ? Enfin, je crois.

Kyle, tu as de la fièvre... chuchota-t-elle.

Je me redressais et lui souris doucement pour la rassurer.

C'est rien, juste un coup de barre, une nuit de sommeil et ça ira mieux.

Je n'étais jamais gravement malade de toute façon. Le plupart du temps ce n'était qu'un rhume idiot, rien de plus. Du coup, j'avais juste besoin de dormir un moment, parfois même pas une nuit entière, et j'étais de nouveau sur pieds. Anya s'en faisait trop ! Elle sembla passer outre ma tentative de la rassurer et me tira du mur.

Viens, il faut que tu te reposes. Mais ne t'en fais pas, je reste avec toi.

Merci, désolé... Répondis-je, pris de court.

Je baissais la tête, un peu intimidé. Je me fis donc pousser jusque dans ma chambre où, complètement claqué, je m'affalais comme un sac sur le lit de fer au matelas défoncé. Après avoir vu la chambre d'Anya, j'eus soudain honte de la mienne, grise et morne comme une cellule de prison. Le lit en fer, une vieille commode de bois noir et un fauteuil façon Louis XV noir et argent étaient le seul mobilier de la pièce. Me retournant sur le dos, je jetais un regard d'excuse vers Anastasya, histoire de lui demander de ne pas me tenir rigueur du peu de décoration de la pièce.

Allongé sur le dos, je contemplais un moment le plafond peint en gris mat avant de fermer les yeux. Comment aurais-je pu deviner qu'Anya cachait un caractère de maman poule. Un linge froid et humide se posa sur mon front. La fraicheur me permit de me détendre un peu plus. Et lorsque la main d'Anya caressa mes cheveux, je rouvrit un œil, désarçonné. J'avais très peu de souvenirs de mes parents, car ils nous avaient abandonnés à mes 11 ans, mais ce geste évoquait quelque chose de tendre et de familier qui rompit toutes les défenses qu'il restait à l'intérieur de moi. Sans pouvoir m'en empêcher, je fermais les yeux et appuyais ma tête contre sa main. La voix d'Anya sonna dans le silence :

Tu vas mieux Kyle ?

Je hochais doucement la tête, envahit par un sentiment de nostalgie. La main d'Anya avait la même douceur que cette traitresse qui nous avait abandonnés. Et pourtant, j'avais la certitude que cette main-ci ne me trahirait pas. Alors, les yeux fermés, je me laissais aller à la nostalgie. Des larmes perlèrent à mes cils et roulèrent sur mes joues. J'avais envie que les caresses sur mes cheveux ne s'arrêtent jamais. Sentant le sommeil me gagner, je lâchais d'une voix râpeuse :

Anya..? Merci pour cette soirée.

Puis je plongeais progressivement dans un sommeil lourd et sans rêve.