On va rattraper le temps perdu.

feat. Shinobu

Ça y est, c'est leur tour. Pendant le mini-instant d'attente passé dans la file, l'Allemand s'était souvenu qu'il avait effectivement déjà mis les pieds dans un parc d'attraction. Mais ça devait remonter sacrément loin dans son enfance si son père avait eu du temps à lui accorder ce jour là. Ça lui dit plus rien, même après avoir cherché loin dans les archives du fond de la tête. Pourtant il a pas de mal à replacer la place de Nuremberg et ses banderoles blanches. C'est pas trop grave, c'est pas comme si il crevait d'envie de repenser au passé. Ni à son paternel. Il prend place à côté de Shinobu, laisse glisser son dos contre le dossier en calant ses fesses ce façon à pouvoir rester totalement immobile. Faudrait pas avoir de mauvaise surprise pendant la route. La barrière bien en main, il fait mine de jeter des coups d’œil anxieux de tous les côtés, allant jusqu'à se tordre le cou pour voir si le siège est bien collé au wagon. « Oh. J'pensais qu'ils avaient refait la sécurité depuis l'accident. » Un haussement d'épaule digne de son je-m'en-foutisme.  Et surtout de bonnes morsures sur les joues, la langue, les lèvres. Tout y passe pour ne pas flancher et ricaner d'une connerie aussi facile. Il n'oublie pas de lui jeter des regards en coin pour guetter ses réaction. C'est gratuit, donc ça va.
Mais à peine a-t-il le temps de ravaler son sourire que tout part très vite, il sent la vitesse du wagon l'ébranler tandis qu'il déglutit difficilement. Et Marvin sent que même si son petit doigt lui avait dit que ce serait marrant de pimenter un peu ses sensations, il se l'était carrément mis dans l’œil s'il avait imaginé qu'elle serait la seule à en pâlir. Une dose de vent lui arrive dans la tronche et il a l'impression que son cœur veut se barrer de sa poitrine. Et le souffle lui manque. Et il a un goût de sang dégueulasse collé au palet. Ses mains sont agrippées tellement fort à la rambarde que ses phalanges sont devenues blanches. Il hésiterait d'ailleurs pas à parier que la couleur de sa face est à peu près similaire. Ça fait presque mal. Et c'est une douleur qu'il cautionne carrément. Manque de chance, le wagon ralentit alors qu'il commence à peine à se décrisper. Comme si c'était juste calculé à l'avance. Enfin, vu comme la blonde semblait s'être éclatée, il était déjà convaincu d'avoir droit à une autre chance. Il râle pour la forme, passe ses mains sur ses paupières et se relève sans s'appuyer au dossier qui semble soudain bancal.
Putain, il a l'impression de s'être pris une cuite. C'est en titubant comme un con qu'il évolue vers la sortie, bousculant du même coup les malheureuses personnes qui se trouvaient là. Il aurait au moins pu s'excuser. Ils ont cette manie, au Japon, de s'excuser pour un tas de choses pour lesquelles il aurait même pas pensé qu'on pouvait se sentir coupable. Du moins, certaines choses qui n'inspirent apparemment pas de culpabilité à certaines populations. Par exemple, c'est au Japon qu'il a découvert qu c'était normal de s'excuser quand on bousculait quelqu'un. Quand on passait devant un appareil photo. Quand on interrompait une discussion. En Allemagne, il a sûrement vaguement entendu quelques pardons de la part de certains, mais l'éducation ne semble pas être la même. Mais ça le gène pas. Alors il suit les règles. Dans un japonais moyen. Avec un accent médiocre.
« Ça marche. Mais t'as pas intérêt à me gerber dessus. Et j'veux une super crêpe au chocolat – banane – amande. » Dès qu'il s'agit de bouffe, il accourt. Automatiquement, il presse un peu le pas et s'active à la recherche des deux stands. Il tient plus en place, il faut qu'il bouge, c'est comme ça. Surtout que maintenant il a la dalle. Bingo, trouvé. En plus il fait les deux, et les crêpes qu'il veut, tout va bien. Mais par sa faute, Shino' allait être obligée de patienter, au moins pour laisser à son chocolat le temps de fondre. Il passe la commande, une barbe à papa, et sa super crêpe. Avec de la chantilly s'il vous plait.

Hrp: