Le voyage s'est bien passé. Le master qui nous accompagne, Kiyo, est quelqu'un de très agréable et la troisième membre du groupe, Ludmila, est une tonnerre. Je dois avouer que j'ai énormément stressé au début. Bon d'accord, je suis encore sous pression, mais ça va déjà mieux. Après avoir fait quelques patrouilles autour de Terrae avec Aoi, je me suis dit qu'il fallait que je fasse plus, mais je ne savais pas comment faire. Je ne suis encore qu'une initiée, j'ai donc conscience de mes limites. Je ne peux pas faire n'importe quoi et me mettre en danger n'aiderait pas Terrae. J'avais donc décidé d'attendre et j'avais été appelée ! Voilà pourquoi, aujourd'hui, je me retrouve ici. Notre mission est très importante, puisque nous devons aller chercher des enfants qui ont vécu le vide et dont les masters ont ressenti l'Appel. Le problème, c'est qu'ils ont certainement déjà été repérés par les scientifiques. C'est pour ça qu'on y va à trois. Pour être plus fort et pour espérer les ramener sains et saufs...

Le master nous a expliqué brièvement où nous devions nous rendre. Nous n'avons pas énormément voyagé, puisque le lieu de notre mission se trouvait au Japon, mais pour moi, c'était déjà quelque chose de sortir de Terrae... enfin, d'aller plus loin que juste de l'autre côté du mur d'enceinte. Notre mission était claire : trouver les enfants et les ramener le plus vite possible, mais sans les effrayer. Je me rappelle ma propre expérience. Le master qui était venu me chercher paraissait très calme. Je ne sais pas si c'était une façade ou s'il l'était réellement, mais je me souviens que ça m'avait rassurée. Il faudra donc qu'on fasse la même chose cette fois.

À présent, nous nous trouvons devant une maison de deux étages. Kiyo nous informe que trois enfants se trouvent là-haut, dans une des chambres. Se sont deux frères et une sœur qui ont ressenti le vide en même temps. Je ne savais pas que c'était possible... enfin, pas tout à fait, c'est possible bien entendu, mais je trouve ça bizarre. Il y a bien à Terrae des membres de la même fratrie, mais je n'en connais pas qui ont vécu le vide au même moment. Je jette un coup d’œil à Ludmila. Je me demande si elle ressent aussi un peu d'appréhension. Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, nous décidons d'entrer dans la maison sans plus attendre. Une jeune femme vient nous ouvrir et nous invite à entrer. Kiyo lui explique rapidement pourquoi nous sommes là. Elle hoche la tête et je vois ses yeux se brouiller. Je repense à ma mère. Elle avait été à la fois heureuse et triste. Elle avait fait confiance au master, car elle sentait sûrement que je serais mieux à Terrae, mais notre séparation l'attristait. Je suppose que cette femme ressent la même chose. Enfin, je conclus peut-être trop hâtivement que c'est leur mère. Kiyo ne nous a pas donné tous les éléments du dossier.

Maintenant, il ne nous reste plus qu'à aller chercher les enfants et à leur donner le choix de nous suivre ou non... enfin, je ne suis pas sûre que ça se passera comme pour moi. Après tout, on sait qu'ils sont recherchés par les scientifiques. Je ne pense pas qu'ils aient vraiment le choix...

Je n'ai jamais été au Japon. Enfin... Jamais mis à part mon arrivée à Terrae. Papa n'aimait pas ce pays et maman n'était pas attiré par celui-ci. Du coup, je n'y ai jamais vraiment mis les pieds. Pourtant, ça m'aurais sûrement plus. C'est peut-être pour ça que je n'ai pas arrêté de fixer de mes yeux d'enfant le paysage durant tout le trajet. J'ai rapidement remarqué que le jeune homme nous accompagnant était un master... Et qu'il aimait la musique. Méfiance -1, Master +1 quoi! Bref. La jeune fille, Selvi je crois, est une air solaire, donc guérisseuse. Sa tête ne m'était pas inconnu, j'avais dû la croiser une ou deux fois dans les couloirs, ou peut-être en classe... Je n'en savais rien. Elle devait avoir mon âge à peu prés.

On nous à un peu expliqué la situation. La mission me tentait beaucoup, sauver des enfants, c'est ce que j'aimais.
Et nous voilà alors devant une maison de deux étages, modeste et plutôt jolie.
C'est une femme qui nous ouvrit la porte. Ca ne m'inspire aucune confiance. Elle pleure. Mes parents ne savent même pas où je suis moi. Je ne sais pas comme ils vont. Et ils n'approuvent sûrement pas mon choix. Je secoue la tête me remettant les idées en place et voit mes deux coéquipiers entrer. Je les suis. Cet endroit ne m'inspire aucune confiance. Ni cet endroit, ni la soit disant mère des trois gosses. D'ailleurs... Trois frères et sœurs ressentant le vide au même moment, c'est pas un peu trop gros? J'aurais dû me méfier peut-être. Je suivais toujours Selvi et Kiyo (personne sympa par ailleurs), quand la mère nous ouvra la porte de la chambre du premier gosse... Vide.

- Oh! Ils sont peut-être dans celle de la plus jeune, à l'étage. C'est la porte au fond du couloir, à droite, vous ne pouvez pas la rater, elle est grise avec une lune noire en guise de poignée.

Kiyo hoche la tête et l'on s'avance vers les escaliers, la mère nous ayant laissé, se posant dans un canapé plutôt vieux et peu propre, dans le salon.
Ca semblait trop calme, je me méfiais, après tout, les scientifiques rodaient encore et toujours.

- Les filles, restaient attentives pendant que je donnerais le choix aux gamins d'accord? On ne sait pas ce qu'il peut se passer avec les scientifiques qui patrouillent.

Je hochai simplement la tête, sentant en moi mon pouvoir se mêlant à l'adrénaline. On était arrivée sur le pallier. Restait plus qu'à aller vers la chambre, à poser la question aux gamins et à filer, ni vu, ni connu. Mais ça aurait été trop simple. Tellement que je m'attendais presque à une simple bataille avec les scientifiques. La routine quoi. Mais non... La routine à Terrae, cela n'existe pas vraiment pas vrai?

En suivant la mère, je me demande quelle est leur histoire, ces trois enfants... ont-ils perdu leur père ? Ça peut faire un choc, c'est sûr, mais les trois ne peuvent pas réagir de la même manière. Il y en a forcément un qui était plus proche de sa mère. Je ne comprends pas... et je dois arrêter d'essayer. Je n'ai pas le droit de les juger et puis je ne suis pas sûr que quelqu'un d'autres puissent comprendre le vide de quelqu'un. C'est trop personnel. Qui pourrait comprendre le mien ? J'ai perdu ma meilleure amie, c'est vrai, mais ça a entraîné un vide ! Alors que d'autres ont vécu bien pire... non, je m’égare... on ne peut pas classer la souffrance des gens. La cause n'est pas la seule raison, il y a le contexte et la sensibilité de la personne. C'est pour tout le monde différent et c'est ça qui est bien, la complexité. Alors il n'y a pas de vide plus ou moins fort que d'autres. Il y a le vide, c'est tout.

Je sors de mes réflexions lorsque la mère nous ouvre la porte de la première chambre... qui est vide. Je reste un court instant interdite. Je trouve ça très étrange. Bof, pourquoi pas après tout. Tout le monde ne réagit pas de la même manière. La plupart ont tendance à s'enfermer seul dans leur chambre, peut-être qu'ils ont préféré passer leur temps ensemble. Après tout, ils ont les trois vécus le même vide. Ça crée des liens forts. Ce qui me chiffonne vraiment, c'est quand elle nous indique la direction à suivre, mais qu'elle nous quitte pour aller s'asseoir sur le canapé. Pardon ? Vous êtes fatiguée madame ? Pourquoi elle ne vient pas avec nous cette fois ? Elle est vraiment bizarre... ou c'est moi qui suis parano parce que je sais que le temps nous est compté et que les scientifiques sont à nos trousses ?

Nous montons les escaliers et Kiyo nous fait quelques recommandations. Rester prudente et attentive, ça je peux faire. Une fois sur le pallier, j'essaie de me projeter dans l'air autour de nous, mais je ne parviens pas à entrer dans la pièce. La porte me bloque, je n'ai décidément pas assez d'expérience à mon goût. Je relâche ma concentration pour ne pas me fatiguer. Je n'ai rien senti, personne. Alors que nous nous apprêtons à entrer dans la chambre, je lance un regard à Ludmila. J'ai de la peine à lire son visage. Elle semble un peu excitée, ce que je comprends, mais aussi méfiante. Si elle est aussi mal à l'aise que moi, ça se comprend. Kiyo semble serein, mais c'est peut-être un masque pour ne pas nous effrayer. Décidément, je ne sais pas quoi penser.

Nous laissons le master passer en premier. Il ouvre la porte doucement et nous le suivons rapidement. Je suis aux aguets. Je me projette directement dans l'air et il y a quelque chose qui cloche. Je sens du monde autour de nous, mais ils sont trop grands, ils ont une taille adulte. En face de nous, j'aperçois trois poupées de chiffon, une assise contre le mur, les deux autres couchées sur le sol.

- Aïe!

Je n'ai pu retenir un petit cri lorsque quelque chose est venue me piquer le cou. Instinctivement, je retire la fléchette, à présent vide. Je comprends trop tard. Ma bouche s'ouvre, mais aucun son ne sort. J'entends l'un de mes collègues s'effondrer, mais ma vue se brouille et je ne parviens pas à savoir de qui il s'agit. On s'est fait avoir comme des gamins. On a échoué... on...

Être prudente. On m'a toujours appris à l'être peut importe la situation. J'ai été élevé ainsi, dans le seul but de toujours me préparer au mieux. De confiante, je suis passée à prudente, et aujourd'hui encore, je suis devenue et reste méfiante suite à mon viol. Et aux coups de mon paternel. C'est devenue vital. Comme une obligation, un devoir envers ma survie.
La porte était bel et bien comme nous l'avait décrite la mère des enfants. Et pourtant, je ne me sentais pas à l'aise. Il y avait... Je ne sais pas, une sorte de concentration d'électricité dans la chambre. Malheureusement, mon pouvoir ne m'était pas vraiment d'une grande aide. A part ça, je n'aurais pas pu voir combien il y avait de personne où quoi que ce soit d'autre. J'entrai à la suite de Kiyo et Selvi, stressée et anxieuse, attrapant au passage le regard méfiant de la jeune femme.
La méfiance ne se contrôle pas, je l'ai appris à mes dépends. Et parfois, je la relègue au second plan, ne voulant pas me tromper à cause d'elle.
Ce jour-là, j'aurais peut-être dû la laisser passer devant. Histoire de pas me planter justement.
Une chambre verte clair, une tapisserie jungle du côté du lit, en face de nous. Une vrai chambre de gosse. Je n'ai eu le temps que de voir trois poupées en face de moi avant de sentir ma nuque me brûler. J'ai posé mes doigts sur une seringue. Une seringue vide. La tête me tournait telle une toupie et je sentais mes jambes faibles, presque comme du coton. Je tomba à genoux, et j'entendis l'un de mes coéquipiers le faire aussi. Ouvre les yeux Ludmila! Je n'y arrivais pas. Je sentais en moi le poison se répandre, tel le venin d'une vipère. J'avais peur. Ouvre tes yeux merde! Si seulement j'avais su que ce serait aujourd'hui la fin, je ne serais pas venu. J'aurais dis au revoir à mes amis. J'aurais envoyé un dernier message à ma sœur cadette. Mais on ne sait jamais quand nous allons mourir. Je suis tombée face contre terre, n'entendant plus qu'un bourdonnement sourd. Puis je sombrai.

[...]

Ouvre les yeux! Aller! Il faut que tu te ressaisisses! Bouges! Aller! Il faut que tu te tires! Ludmila réveilles toi! Cours!
C'est tellement dur d'ouvrir les yeux, de bouger... Quand tous nos membres engourdis de sommeil demande un répit. Un temps mort.
Et puis tu fais un effort et tu tentes de ne serait-ce qu'écouter les bruits alentours. Une lutte. Une pagaille infernal dont tu te sens proche. Mais où es tu? Que s'est-il passé?
Je me suis souvenue. J'étais initié tonnerre lunaire à Terrae. En mission de sauvetage. Avec Kiyo et Selvi. On nous avez tendus un piège dans lequel nous étions tombés comme des débutants. Si moi je m'étais écroulée, comment allaient-ils eux? Où étaient-ils aussi? Proches. Très proches. Trop....! *BAM* Putain ma jambe couillon! Je venais de me faire écraser par quelqu'un. Qui? Putain si seulement j'avais pu ouvrir mes foutus yeux!

[...]

Je sens qu'on me touche le bras. Je sens de l'énergie parcourir mon corps et c'est ce qui me réveille je crois. Je me sens pâteuse, engourdie. J'ai le cerveau dans le brouillard. J'essaie pourtant de me concentrer. Où est-ce que je suis ? J'entends des bruits. On se bat autour de moi, il y a du vent qui souffle par moment... on dirait... J'ouvre les yeux en sursaut, mais les referme. J'ai la tête qui tourne. Je me souviens. Les enfants, le piège, les scientifiques...

- Levez-vous, je ne vais pas pouvoir tenir longtemps. On fout le camp!

Cette voix, c'est Kiyo ! Je réouvre les yeux et lutte contre un malaise qui me prend à nouveau. Je comprends, c'est lui qui m'a redonné un peu d'énergie. Je dois bouger, je dois agir ! Mon instinct de survie me l'ordonne, mais je me sens aussi responsable, en un sens, de ce qui arrive et si je ne fais rien, ce sera en partie ma faute si on se fait prendre. J'observe rapidement le décor qui m'entoure. Nous ne sommes plus dans la chambre. La pièce est blanche et froide. Elle me fait penser à la neutralité d'une chambre d'hôpital. On est dans un de leurs laboratoires ! Cette nouvelle me fait comme une nouvelle douche froide. Je me redresse trop vite à nouveau et doit attendre un court instant. Ludmila est allongée un peu plus loin. Un homme s'est effondré, assommé certainement, à côté d'elle, enfin presque sur elle. Kiyo est debout et il se bat contre trois scientifiques toujours debout. Ils ont des pistolets à fléchettes, mais le master s'arrange pour détourner les projectiles. Je me dirige à quatre pattes vers la tonnerre et lui secoue l'épaule. J'espère qu'elle ne... elle ouvre enfin les yeux.

- Viens, il faut se dépêcher. On est dans un laboratoire. Kiyo se bat. Faut qu'on parte maintenant.

Je sais que ce n'est pas facile. Il m'a fallu un moment avant d'émerger. Je suis peut-être en meilleure forme qu'elle, car Kiyo est un air, comme moi. Son énergie est certainement plus compatible avec moi qu'avec elle. Sans perdre une seconde de plus, je pousse le scientifique inconscient et libère ainsi la jambe de Ludmila. Je me sens encore faible, mais on doit vraiment fuir. Je serre les dents et aide la tonnerre à se lever. Le master est trop concentré pour nous voir.

- C'est bon, on est debout.

Mouai, je ne suis pas sûre que ça soit « bon », mais c'est déjà mieux qu'avant. Il reste encore deux scientifiques debout. Je ne sais pas si c'est raisonnable, mais tant pis, il faut que je tente, sinon on ne s'en sortira jamais. Au pire, Ludmila pourra à son tour m'aider à marcher. Je me concentre, c'est pénible. Je trouve difficilement mon pouvoir, c'est une expérience assez frustrante et effrayante. Finalement, je parviens à soulever péniblement une fléchette qui gît sur le sol et je l'envoie contre un des scientifiques. Elle s'enfonce dans sa cuisse à travers son pantalon fin. L'intéressé a un sursaut de surprise, ce qui permet à Kiyo de l'assommer. Il n'en reste plus qu'un. Je sens un léger vertige et m’agrippe un peu plus fort au bras de Ludmila, mais je ne flanche pas. Bon, j'ai compris. Je ne vais pas abuser, je ne suis pas du tout en forme. Dès que la voie est libre, on devra marcher. Je ne me sens pas la force de courir. J'espère qu'on s'en sortira...

Vous connaissez l'histoire de la belle au bois dormant? Vous vous souvenez qu'elle était incapable de se réveiller de son sommeil? J'ai eu un peu cette impression quand j'ai émergée. Ca fait mal de revoir la lumière. Selvi me secouai, me priant sûrement d'ouvrir les yeux, de me lever, de courir, de fuir, de me sauver.
Et j'ai remarqué la pièce. Blanche. Immaculée. Et je me suis revue dans le labo avec Aaron, Yuuna et Enzo. Ma précédente mission. Et j'ai compris que comme pour la dernière, je devais faire en sorte de rentrer. Comme les autres. Après je demanderais au moins trois jours de congé. Promis.
Kiyo se battait un peu plus loin, mais il avait l'air à bout de force. Je me relevai, aidé de Selvi et l'on s'appuya l'une sur l'autre.
Je vis alors Selvi puiser dans ces ressources pour déconcentrer l'avant dernier scientifique. Ca marcha et le master l'assomma.
Kiyo et le dernier adversaire se battaient mais je voyais bien que Kiyo ne tiendrait pas longtemps. A mon tour de puiser dans mes dernières forces pour l'aider. Je vis le scientifique tirer un flingue à fléchette de sa poche et viser notre master. Je ne réfléchissais pas plus d'une seconde et une décharge électrique trouva place dans sa nuque. Court-circuit. Il tomba, raide. Oops. La master me regarda, regarda Selvi et sourit rapidement.

- Bien joué mesdemoiselles.

Trop gentil. Merci le prof.

- Faut... Qu'on sorte d'ici. Tout de suite! Je souffle.

Il hocha la tête et regarda par la fenêtre. Impossible de sauter, nous étions bien trop en hauteur, on se tuerait. La porte semblait une meilleure idée. Pourtant, lorsqu'on la franchit, je sus d'avance que c'était une erreur. Nous tombions en plein dans la gueule du loup. C'était forcé. Pourtant, nous n'avions pas vraiment le choix.

Contrairement à ce que je pensais, ce n'est pas Kiyo qui s'est occupé du dernier scientifique, mais Ludmila qui l'a assommé avec son pouvoir de tonnerre. Le master nous félicite, ce qui me redonne un peu de courage. Il semble fatigué, ce qui est normal vu le combat qu'il vient de remporter. Ludmila nous fait remarquer, à juste titre, qu'il fallait qu'on se dépêche de partir. Kiyo acquiesce. Je suis son regard qui se dirige vers la fenêtre. Hum... c'est plutôt haut. En temps normal, je suis sûre qu'ils nous auraient emportées dans les airs avec lui sans problème, mais là... on est tous fatigué et qui sait combien de scientifiques sont encore à nos trousses. Il vaut mieux qu'on garde le peu de force qu'il nous reste. Nous n'avons plus qu'une dernière échappatoire, passer par la porte. Le problème, c'est que la bagarre a fait beaucoup de bruits. Il y a eu des cris, du coup, tout le centre doit être sur le qui vive. Si on s'en sort, c'est un miracle je pense...

Dans le couloir pourtant, il n'y a personne, enfin... lorsqu'on sort de la pièce, mais rapidement, deux personnes font leur apparition. Kiyo les assomme élégamment en les envoyant l'un contre l'autre. Nous marchons le plus rapidement possible dans le couloir. Je sens le poison qui parcourt mes veines s'épuiser petit à petit, mais trop lentement à mon goût. Lorsqu'on arrive à une intersection, de nouveaux scientifiques nous barrent le chemin. Décidément, on n'a pas de chance. Kiyo se place devant nous pour nous protéger. Il m'impressionne. Où trouve-t-il toute cette force ? Ok, c'est un master, il est donc plus puissant, mais il a lui aussi été drogué, pas suffisamment semble-t-il et heureusement pour nous ! Soudain, je sens un courant d'air sur ma gauche. Il y a une porte au bout du couloir et si... Sans perdre un instant, je laisse Ludmila appuyée contre un mur, elle a l'air d'aller mieux, et cours vers cette porte. Sans prêter attention au décor qui bouge, oui, j'avais dit que je ne devais pas courir, mais voyez-vous, dans ce genre de situation... bref, j'ouvre la porte et bingo ! Une sortie de secours. L'escalier semble descendre jusqu'en bas. C'est à l'air libre, mais on a peu d'espace. Je crois que c'est mieux que rien. Si on croise des scientifiques en chemin, ce sera facile de les éjecter par-dessus la rambarde et puis, je préfère voir où je vais, plutôt que de me perdre dans le bâtiment. Je laisse la porte ouverte et retourne vers Ludmila.

- C'est une sortie de secours. C'est un peu exposé, mais on ne risque pas de se perdre dans le bâtiment. Et puis peut-être que tu pourras nous téléporter plus bas lorsque tu te sentiras mieux.

L'idée de la téléportation n'était pas très réaliste. Je ne sais pas quel est son niveau, peut-être n'arrive-t-elle pas encore à faire ça... et puis on est trois, elle est à moitié droguée. Je n'aurais sans doute pas dû suggérer ça. Tant pis, ce qui est fait est fait. Kiyo tient toujours nos agresseurs en échec. Je m'approche un peu de lui et lui propose mon idée de chemin de sortie. J'espère que je ne le déconcentre pas trop. J'attends patiemment sa réponse, après tout, c'est lui le chef. Je jette un coup d'oeil à Ludmila. Je me demande ce qu'elle en pense.

Le poison courait mes veines palpitantes et je voyais trouble par moment. J'avais vraiment besoin de repos. Un instant de répits au milieu du chaos. Enfin... C'était peut-être trop demandé à ce moment là.
Il me sembla que Kiyo assomma deux autres scientifiques mais je n'ai pas vraiment vu.
Puis je me rendis compte qu'il y en avait de nouveau cinq devant nous. Non mais sérieux quoi! Le master se plaça entre nous et eux, et je dû bien reconnaître sa responsabilité. Selvi, qui m'aidait plus que l'inverse, me laissa m'adosser au mur avant de filer. Je voyais trouble mais peu à peu, je retrouvais ma force. Bon OK, c'était pas ça mais quand même! Je retrouvais un semblant d'énergie et c'était toujours mieux que rien!
Kiyo a une nouvelle fois fait preuve de talent en mettant hors jeu nos adversaires. Je vois alors Selvi revenir.

- C'est une sortie de secours. C'est un peu exposé, mais on ne risque pas de se perdre dans le bâtiment. Et puis peut-être que tu pourras nous téléporter plus bas lorsque tu te sentiras mieux.

- Comment te sens-tu Ludmila?

- Même si je voudrais bien nous téléporter loin d'ici, je suis au regret de devoir avouer en être pour le moment incapable.

Le master hocha la tête puis pris la tête et fila vers l'issue de secours. Je me relevai avec difficulté et les suivie, en bout de file. Les escaliers étaient plutôt étroit et faiblement éclairé mais facile d'accès.
Ca semblait si simple. Trop simple. C'est quand j'ai entendu des pas venant d'en haut et des pas venant d'en bas que j'ai compris qu'une fois de plus, j'avais trop compté sur la chance. Ils ne nous rester que deux étages soit une soixantaine de marches.

- On a un problème! Ils ont des tasers!

J'en ressentais le courant d'ici. Et ils avaient l'air d'être nombreux. Oh oh...

Kiyo s’inquiète de l'état de Ludmila. Elle n'a pas l'air en forme, mais je sens qu'elle lutte. J'espère qu'elle va rapidement se débarrasser du poison. Moi-même, je ne suis pas au mieux de ma forme, mais ça va mieux. Nous ne sommes pas encore sortis d'affaires, mais je sens qu'on peut y arriver. J'y crois. Le master passe devant et nous nous dirigeons vers la sortie de secours. Ludmila ferme la marche et je me retourne quelquefois. Je m'inquiète pour elle. Nous sommes au deuxième étage lorsque j'entends des pas venir d'en haut et d'en bas. J'entends Kiyo qui jure devant moi. C'était trop beau pour être vrai. Je savais que cette issue n'était pas sans risque, mais en prenant ce chemin, on n'avait pas de risque de se perdre. Seulement là... on était mal.

- On a un problème! Ils ont des tasers!

Je croise le regard du master qui s'est retourné. Je crois qu'on a eu la même idée. Ces scientifiques ne savent pas à qui ils ont à faire et c'est notre chance ! Enfin, j'espère que Ludmila est suffisamment forte... je ne suis pas tonnerre, je ne sais pas comment ça fonctionne.

- Ludmila, est-ce que tu penses pouvoir capter l'énergie des tasers ? Tu es une tonnerre. L'électricité, c'est ton élément.

Il lui envoie un clin d’œil, confiant, puis se retourne pour affronter les ennemis qui arrivent depuis le bas. Ceux du haut ne sont pas encore là, mais ils approchent. Je viens me placer tout près de ma collègue. Kiyo ne peut pas se battre sur les deux fronts, il va falloir qu'on s'occupe de ceux du haut toutes seules. Je pose une main qui se veut réconfortante sur son épaule.

- Écoute, il va falloir qu'on se batte, mais je suis là, ok?

Elle était affaiblie, comme moi, et j'avais peur qu'elle panique. J'essayais d'être réconfortante. Je ne la connais pas vraiment. Avant cette mission, je ne lui avais jamais parlé et depuis qu'on est avec Kiyo, on a peu échangé. Je ne sais pas comment elle va réagir. Jusqu'à maintenant, elle a suivi. Elle a fait preuve de courage et je suis sûre de pouvoir compter sur elle, mais comme tous, elle a des limites. J'espère qu'elle pourra recharger ses batteries avec l'énergie électrique des tasers, sinon je ne donne pas cher de notre peau. Seule, je ne tiendrai pas longtemps...

J'étais pas au mieux de ma forme alors je vous laisse imaginer mon désespoir quand ce n'est pas dix mais bien une vingtaine de scientifiques que je voyais nous encercler.
Je tenais à peine debout, je devais avoir l'air d'une gosse. Un homme d'une trentaine d'année me visait avec un taser, mais je voyais la peur dans ses yeux.
Je savais que notre seul moyen de passer, c'était de les vaincre. Je n'entendis qu'à moitié ce que me dit Selvi et Kiyo. Cet homme... Il avait des yeux fous. Des yeux de prédateur. Des yeux bleu. Des yeux froids et vides. Je sentis un frisson me parcourir et je me revis deux ans en arrière. Je ne ressentais rien si ce n'est un vide immense. Et l'envie de ne pas me laisser faire. Un peu comme si cela avait été le déclencheur, j'arrivai à faire abstraction de la fatigue et de la douleur et utilisai mon pouvoir pour dévier l'énergie des tasers vers les scientifiques. Kiyo n'eût alors plus qu'à les assommer. Et nous... Il nous en restait sept. Il était toujours là l'homme aux yeux fous. Je braquai mon regard dans le sien. Plus jamais je n'aurais peur.
Je me téléportai tant bien que mal, évitant les coups. Mais une femme m'atteignit et je tombai au sol, sonnée par un coup dans la nuque. Je gémis. Je n'avais plus vraiment d'énergie mais je luttais pour ne pas tomber dans les pommes. Selvi devait sûrement autant lutter que moi quoiqu'elle avait dû mieux percevoir le pouvoir de Kiyo, ce qui devait l'aider.
Je me relevai en donnant un coup de pied à la jeune femme. Elle se prit le mur juste derrière et tomba.
Plus que six. Je lançai un regard plein de fatigue mais aussi de détermination à Selvi, lui faisant comprendre que chacune de nous en prendrait trois. Kiyo en avait éliminé lui aussi, et il ne lui en restait plus que quatre.
Je respirais un grand coup, pris sur moi pour ne pas m'évanouir et je me rapprochai avec discrétion de mes coéquipiers quand j'entendis une porte d'escalier s'ouvrir. A ce rythme là, je ne tiendrais pas longtemps. Et jamais je ne pourrais tous nous téléporter.

- OK. Et maintenant?

Ma première impression, c'est que Ludmila ne nous a pas écoutés. Est-ce que c'est la panique, la fatigue ? Peut-être a-t-elle déconnecté un moment. Il faut dire qu'on est actuellement en surcharge d'émotions fortes. Autour de nous, il y a une vingtaine de scientifiques assez bien répartis entre le haut et le bas de notre position. C'est assez angoissant de savoir qu'on ne va pas pouvoir tous les battre... enfin, grâce à l'action de la tonnerre qui les a électrocutés avec leur propre taser, on a peut-être une chance. Si seulement elle avait pu se donner des forces. Peut-être aurait-elle pu nous faire quitter cet endroit, mais je ne vais pas me plaindre, ce n'est déjà pas si mal. Il nous reste sept scientifiques à combattre. Je jette un regard à Ludmila pour voir comment elle va, mais elle n'est plus là. J'écarquille les yeux avant de reporter mon attention sur nos opposants. Elle est là-bas, elle s'est téléportée et elle se bat. Je reste un moment interdite, figée par la surprise, mais je réagis lorsque ma collègue se reçoit un coup. Je dois agir ! Je ne vais quand même pas la laisser seule dans une situation pareille. Je lui ai dit que j'étais à ses côtés. Je me concentre sur l'air, ce qui n'est toujours pas évident. J'ai assez bien récupéré physiquement, sans doute grâce à mon jogging matinal, mais mentalement, je suis encore loin d'être au top. J'ai de la peine à me concentrer et j'ai un léger instant de panique avant de me rendre compte que j'y arrive encore. Je vois, je sens toujours l'air. D'une bourrasque, je bouscule un des scientifiques qui passe par-dessus la rambarde. Il s'y accroche cependant par miracle, ce qui occupe deux de ses collègues qui l'aident à remonter. C'est bien, ça nous fait un répit. Encore quatre à occuper, ah non, trois. Ludmila vient de porter un coup sévère à une scientifique, celle qui l'avait mise au sol. Je croise son regard. Elle est fatiguée, mais déterminée. Je lui souris, même si ce n'est peut-être pas de circonstance. J'espère lui redonner un peu de courage.

Alors que nous nous apprêtons à nous défendre contre les six scientifiques restant, eh oui, après avoir sauvé leur collègue, les revoilà tous dans la bataille, j'entends une porte claquer.

- OK. Et maintenant?

Instinctivement, nous nous rapprochons de Kiyo. On dirait que le temps est figé. Il semblerait que les scientifiques ont compris. Nous sommes en mauvaise posture, fatigués et nous ne tiendrons pas longtemps. Eux risquent encore des blessures, mais ils sont plus nombreux. Ils savent qu'ils vont gagner... Non ! Je ne veux pas ! Le master reste silencieux, mais moi je ne tiens plus. D'habitude si timide, l'urgence de la situation me donne des ailes j'ai l'impression.

- Bon, on ne peut pas tenir comme ça. On s'en fout de ceux qui sont au-dessus de nous. Ils ne nous barrent pas la route. Il faut juste faire attention à ce qu'ils ne nous touchent pas avec leurs armes. On doit se frayer un passage jusqu'en bas et fuir le plus vite et le plus loin possible.

Oui, ça semble simple dit comme ça... Heureusement, les renforts entendus tout à l'heure arrivent depuis en haut, une chance ! Maintenant, il faut qu'on se débarrasse des quatre scientifiques qui nous coupent notre retraite. Une fois que c'est fait, on descend en espérant ne pas croiser trop de monde en chemin. Je me place à l'arrière du groupe. Kiyo doit nous ouvrir la route. C'est le seul à avoir la force de le faire. Avec l'air, je pourrai certainement dévier d'éventuels projectiles, mais j'ai peur de ne pas avoir la volonté suffisante pour y arriver... pourvu que ça marche, parce qu'autrement, on est mal ! Si on s'en sort, je promets de faire un effort pour devenir plus sociable. Parce que je me rends compte à présent, qu'on a qu'une vie et qu'elle est fragile. Au final, on ne sait pas combien de temps il nous reste, alors il ne faut pas le gaspiller avec des peurs inutiles.

Je ne tenais plus vraiment sur mes jambes et je savais que si l'adrénaline redescendait, je tombais.
Je respirai lentement, de façon à me calmer un minimum et tentai d'écouter Selvi. Elle avait raison, sauf que ceux du haut tenterait de nous attaquer.

- Selvi, Kiyo, essayez de frayer un passage, ils arrivent avec de nouveaux tasers, je m'en charge!

Je montais une marche et c'est pleine de bonne volonté que je vis arrivée une dizaine de scientifiques. Muni de tasers. Si seulement je pouvais capter l'énergie de ses engins Mais impossible, je n'étais qu'initié. Tout ce que je pouvais faire c'est l'utiliser contre eux. L'un d'entre eux eu le courage, ou la folie, de me toucher avec un taser. Je ne sentis qu'une légère piqûre, et puis, une énergie vive parcourant mes veines. Je me tournais et lui décochai un coup dans la mâchoire. J'électrocutai deux autres scientifiques avant que l'un d'eux ne me plaque au mur. Je me téléportai derrière lui et lui envoyai une décharge dans la tête. Il tomba évanouis.

- Elle contrôle l'électricité! Et les deux autres l'air! Bougez vous de les attraper! Morts ou vif!

C'est alors que l'un d'eux tira sur ma coéquipière.

- Selvi!

J'eus juste le temps d'envoyer un éclair et de prier pour que cela marche.

- Selvi!

Kiyo avait l'air aussi inquiet que moi mais un scientifique le plaqua contre un mur, un pistolet sur la tempe. Non...!

Alors que Kiyo s'occupe d’assommer les quatre scientifiques qui nous barrent le chemin, Ludmila vient se placer devant moi et nous annonce qu'elle se charge de ceux qui viennent depuis le haut. Je la regarde, impressionnée, se battre contre une dizaine de scientifiques. Je l'aide en envoyant un de nos adversaires contre un mur.

- Elle contrôle l'électricité! Et les deux autres l'air! Bougez vous de les attraper! Morts ou vif!

Soudain, je ne comprends plus rien. Je ne sais pas ce qui se passe. J'entends un coup de feu, puis voit un éclair et, finalement, je ressens cette vive douleur à la tête au niveau de ma tempe gauche. Instinctivement, je porte la main à cette blessure, puis y voit du sang. En une fraction de seconde, j'entre dans un état de panique profonde. Je tombe à genou sur le sol, les mains contre ma tête, et me balance légèrement d'avant en arrière. Le vent se lève alors que je commence à pleurer. Je ne veux pas mourir. L'air tourbillonne autour de moi et il y a parfois quelques bourrasques. J'entends un bruit sourd, comme si quelqu'un venait de tomber au sol. J'espère que c'est un scientifique. J'espère que Ludmila et Kiyo vont bien. Non, à vrai dire, je n'y pense pas. Je ne pense à rien. Mon esprit est envahi par la peur et la souffrance. Je n'entends, ne vois plus rien. Je suis comme dans une bulle.

Laissez-moi tranquille... Laissez-moi tranquille... Laissez-moi tranquille... LAISSEZ-MOI TRANQUILLE!!!

Je me remets à pleurer de plus bel. Je ne veux pas mourir. Soudain, je sens la fatigue me tomber dessus. Je comprends tout de suite que c'est à cause du vent. C'est moi qui le contrôle. Il faut que j'arrête ça, sinon je vais m'évanouir. Je me concentre pour lâcher prise. J'ai la tête qui tourne, des douleurs dans le ventre, mais je tiens bon. Je sais que si je perds connaissance maintenant, j'ai peu de chance de m'en sortir vivante. Mon instinct de survie est le plus fort. Je pose une main au sol.

Aoi... Aoi... Celia... Elio... Jenny... Maman...

Je ne sais plus où je suis, ce que je fais là... qui je suis. Tout est flou. La seule chose que je sais, c'est qu'il faut que je parte d'ici. Je ne pense plus à rien, je ne réfléchis plus. Mon instinct prend le relais. Péniblement, je me remets en mouvement. Toujours à quatre pattes, j'avance en direction de l'escalier qui me permettra de descendre et de fuir cet endroit. J'ai la nausée, je vois trouble, mais j'avance. Il n'y a plus que ça... avancer. Je passe près d'un homme inconscient, c'est un scientifique je crois, mais en fait je ne m'en soucie même pas. Je continue, inexorablement. J'arrive enfin près de l'escalier que je commence à descendre en me tenant fermement à la balustrade. Quelques gouttes de sang tombent au sol.

Je ne veux pas mourir.

Je l'ai vu tomber au sol, la main sur la temps, les doigts pleins de sang. J'ai entendu Kiyo crier son nom. J'ai entendu ma propre voix hurler son nom. J'ai ressentit la douleur et la froideur glaciale du sol sur mes tibias quand je suis tombée au sol, le regard vague.
Je l'ai entendu crier, murmurer, j'ai vu le début d'un cyclone se matérialiser autour d'elle, j'ai vu les scientifiques tenter de l'approcher, je les ai vu s'envoler pour atterrir sur un mur ou une fenêtre.
Je me suis vu me relever, pleine de rage et de haine envers ces êtres qui faisait obstacle à mon bonheur, je me suis vu, les mains pleines d'électricité, les écarter un par un, l'inquiétude au cœur.
Je me suis vu faire des actions que j'aurais peut-être pu empêcher, si seulement je l'avais pu. Ou voulu.
J'ai vu, j'ai tout vu.

- Ludmila! Attrape Selvi et aide-la à sortir d'ici, peut importe le moyen! MAINTENANT!

J'ai entendu Kiyo me hurler ses ordres à travers le chaos, j'ai vu Selvi tenter de s'enfuir, le sang coulant dans ses cheveux et sur son clair visage. Je l'ai vu. Puis j'ai entendu un autre coups de feu, je me suis baissée, évitant de justesse une balle.
Et je suis revenue à moi-même, j'ai de nouveau entendu clairement, vu avec mes yeux et compris les informations. Je n'avais pas le choix. Il fallait que je réussisse à le faire. Selvi ne tiendrait pas longtemps avant de tomber, nous n'avions pas le temps de rentrer à pied. Pourquoi n'étais alors qu'initié? Pourquoi n'étais-je pas étoile?
Les options auraient paru limitées, pour moi il n'y en avait pas. J'aurais pu choisir de me téléporter à Terrae, abandonnant Selvi et Kiyo à leur sort. Mais je n'étais pas ainsi. Mon père l'aurait été. Mais pas moi. Je n'étais pas comme lui et ne l'avais jamais été. Je n'étais pas comme il me l'avait maintes fois répété. Non!
J'ai couru vers Selvi, évitant les nombreuses attaques de mes adversaires, cherchant Kiyo du regard. Je le voyais. Je n'aurais que peu de temps pour agir. Je me suis téléportée dés que j'ai attrapé le bras de Selvi, arrivant non loin d'une gare. Enfin.... A prés de cinq cent mètres. Raté. Encore. J'aidai la jeune fille à s'assoir contre un arbre.

- Attends nous là OK? Et ne bouge pas!

Je disparus sous ses yeux la seconde suivante. J'apparu en haut de l'escalier. Je sautai et courais vers Kiyo, j'étais vide d'énergie, je savais que je serais finie après cette téléportation. J'avais du mal à me téléporter moi... Alors avec une autre personne! Deux fois! Je ne savais pas si j'y arriverais. Je ne pouvais pas craquer. Impossible. Pas avant de les avoir tiré de là.

- Kiyo!

Ma voix paraissait désespérée. Je l'ai attrapé, il nous à protégé d'une énième balle. J'ai crié de terreur en la sentant passer si prés.

- Tu peux nous téléporter?!

- Je n'en sais rien! Je ne crois pas!

Il a approuvé. Le chemin était bien trop long. Il y avait un kilomètre, soit cinq cent mètres de là ou Selvi reposait.

- Appuis toi sur moi, on va devoir courir.

On a couru. Longtemps. Les scientifiques nous ont poursuivit. Longtemps. Toujours. Je suis arrivée prés de Selvi, avec Kiyo. J'étais fatiguée, je tremblais. Mais Kiyo ne pourrait pas nous supporter toutes deux. Selvi respirait encore. Enfin je crois. Je me poussais légèrement, m'appuyant sur l'arbre.

- C'est bientôt finit les filles.

Je suis presque, enfin peut-être. J'ai descendu quelques marches je crois, je ne me souviens plus. Je sens que mon esprit divague. J'entends des bruits qui sont inaudibles pour moi et soudain, je sens une main se poser sur mon bras. Je tente de me libérer de l'emprise par réflexe, mais je n'ai plus la force. Le sol n'est plus froid et métallique sous moi, mais je sens de la terre, de l'herbe. Je ne comprends plus rien ! Est-ce que je suis... morte ? Est-ce que je rêve ? Ça doit être ça. Il n'y a que dans les rêves qu'on se déplace d'un endroit à l'autre sans lien, ni raison. La panique me quitte peu à peu. J'ai toujours mal, j'ai toujours peur, mais je crois que je me fais une raison. La main qui est toujours accrochée à mon bras m'aide à me lever et je viens m'appuyer péniblement contre un arbre. J'entends la voix de Ludmila qui me dit d'attendre et de ne pas bouger. Je m'accroche à ce son rassurant et vient poser ma main sur la sienne. C'est un rêve bien étrange. Tout à coup, elle disparaît et, malgré mon état lamentable, je comprends qu'elle s'est téléportée. Je ne rêve pas... je ne rêve pas et je suis toujours en vie. Elle vient de me sortir de l'enfer dans lequel nous étions et elle y retourne pour Kiyo. J'ai un instant de lucidité. Je ne me souviens pas de ce qui s'est passé là-bas, mais je comprends ce qu'elle vient de faire pour moi. Je recommence à pleurer, mais calmement cette fois. Je pleure de gratitude, mais aussi parce que je suis effrayée. Je suis seule en pleine nuit, perdue je ne sais où, et je ne sais pas si mes collègues vont revenir. Je ne sais rien. Je repose ma main sur ma tempe. J'ai tellement mal, mais je crois que j'ai de la chance. La blessure saigne beaucoup, mais elle est superficielle. Enfin je crois...

J'ai perdu beaucoup de sang, je me sens si faible. Je repense à Maman. Je me demande ce qu'elle fait. J'espère qu'elle s'en sort mieux maintenant qu'elle n'a plus à payer pour moi. Elle aura pu déménager, se trouver un petit studio sympa et pas cher. Peut-être qu'elle aura pu faire les cours du soir qu'elle espérait tant suivre, peut-être qu'elle a trouvé un nouveau travail. Oui, cette idée me plaît. Maman va bien, elle refait gentiment sa vie. Elle le mérite. Et Jenny, où est-elle, qu'est-ce qu'elle devient, elle aussi ? Je pense souvent à elle, à son départ, et je ne comprends toujours pas pourquoi elle m'a abandonnée. J'espère que je la reverrai un jour, qu'elle pourra m'expliquer. Elle me manque tellement. Des fois, je l'imagine heureuse avec ses parents. Elle a un petit-ami et vient de recevoir son diplôme. Je la vois se balader dans une rue en promenant un chien ou alors jouer avec des enfants dans le quartier. Elle est tellement gentille. Voilà à quoi se résume ma vie avant Terrae... Maman et Jenny... les deux seules personnes qui comptaient vraiment pour moi. Mon père, je n'en parle pas. Je lui en veux de nous avoir abandonnés. Qu'il ne s'entende plus avec Maman c'est une chose, mais il a complètement coupé les ponts après le divorce... quoi que, en ce moment, j'aimerais bien le revoir pour pouvoir lui demander, à lui aussi, pourquoi il a fait ça.

J'ai fermé les yeux, ma respiration est faible. Je ne bouge pas. J'essaie d'économiser mon énergie pour tenir le plus longtemps possible. Je ne vais pas baisser les bras. Même si la vie est souffrance, je veux la vivre ! Je divague un peu, perdue dans mes souvenirs. Je repense à mon arrivée à Terrae, à Celia souriante et pleine de vie qui m'a accueillie et qui, contre toute attente, a réussi en un temps record à briser ma carapace. Je m'étais promis de ne plus m'ouvrir à personne, de ne plus me lier d'amitié, persuadée qu'on ne pouvait faire confiance à personne, mais en fait, je n'attendais que ça. Je souffrais tellement, que j'avais besoin d'une amie. J'avais un vide à combler. J'ai eu tellement de chance de la rencontrer ! Après ce que j'avais vécu, j'aurais dû fuir les gens, devenir complètement asociale et au lieu de ça, j'avais foncé tête baissée, mais je ne regrette pas. J'ai fait la connaissance de gens vraiment géniaux, et pour commencer, mes deux meilleures amies, Celia et Aoi. Même si on ne se voit pas vraiment souvent, même si ma notion de meilleure amie est peut-être un peu large comparée à ce que d'autres personnes peuvent vivre comme amitié, elles sont très importantes pour moi. Elles sont mes bouées de sauvetage, mais je ne pense pas qu'elles en ont consciences. Perdue dans mes pensées, je ne me suis pas rendu compte que j'avais le sourire aux lèvres. N'est-ce pas paradoxale dans ce genre de situation ? J'ai moins mal et je me sens mieux. Oh, je ne vais pas courir un marathon maintenant, c'est une évidence, mais je vais mieux. Je crois que ces souvenirs m'aident. Cela me met du baume au cœur.

Je sens une main se poser sur mon bras et j'ouvre les yeux. Elio se tient à côté de moi, inquiet. Je ne comprends pas ce qu'il fait là, mais sa présence me rassure. Je ne suis plus seule. J'aimerais lui parler, lui dire que tout va bien, mais ce n'est pas le cas et je n'ai pas la force d'ouvrir la bouche. J'ai de la peine à garder les yeux ouverts. Je pose ma main sur la sienne et je cligne des yeux. Il est parti... ce n'était qu'une illusion. Vais-je si mal que ça ? Son apparition me rappelle le bal de Noël. Nous nous sommes revus quelques fois depuis. Le croiser dans les couloirs a, à chaque fois, illuminé ma journée. Peut-être que ce soir, je ne rentrerai pas à Terrae et il ne saura jamais... il ne saura jamais ce que je ressens. C'est tellement stupide. Je ne le connais pas bien, on n'a passé qu'une soirée ensemble à vraiment discuter et si je me souviens bien, tout n'a pas toujours été facile étant donné que nous sommes tous deux de grands timides, mais voilà, je ne contrôle pas mon cœur. C'est sans doute mieux ainsi. On ne peut pas souffrir de quelque chose qu'on ignore. Comme ça au moins, il n'y a aucun risque.

J'ai arrêté de pleurer, mais je ne saurais pas dire depuis combien de temps, comme je ne saurais pas dire depuis combien de temps je suis là, assise contre cet arbre à suivre le fil confus de mes pensées. Soudain, j'entends des bruits de pas. Je ne réagis pas, je ne peux pas. Les personnes s'approchent en courant. J'espère que ce sont Kiyo et Ludmila ou alors du secours, sinon je suis perdue. Je n'ai pas la force de lutter. Je suis inutile et impuissante. Je sens quelqu'un s'asseoir près de moi, contre l'arbre, et j'entends une voix masculine dire quelque chose, mais mon cerveau n'est plus capable d'interpréter les sons. À présent, j'ai froid. Est-ce que c'est ça mourir ? Mais je ne veux pas moi ! Je n'arrive même plus à pleurer.

[...]

Mon esprit n'est qu'incompréhension. Qu'est-ce qui se passe autour de moi ? Je crois que j'ai perdu connaissance, car j'entends du bruit, des voix. Quelqu'un pose sa main sur moi. J'ai chaud.