Nouvelle journée, nouvelle dispute avec mon frère. On dirait qu'on s'entend de moins en moins bien ces temps-ci. Je tente de prendre de la distance et lui essaye de s'affranchir de mon aide. Mais ça crée des tensions parfois fortes. Le sujet de notre dispute du jour..? Les pouvoirs. Je ne sais pas me maîtriser, du coup dès que je me mets en colère, un vent froid se met à circuler, et plus je m'énerve, plus il est puissant. Quant à ma voix, mieux vaut ne pas y penser. J'ai contrôlé mon jumeau sans le vouloir pas plus tard qu'hier. Depuis il m'en veut. Alors il veut que je m'entraine. Je voudrais lui dire que je le fais mais ce serait mentir. Je ne fais que me concentrer sur mes cours en ce moment, et la dernière fois que je suis sorti, je suis allé boire. Ce n'est pas ce qu'on pourrait qualifier d'utile. Et Amadeus me l'a fait ardemment remarquer. Si je suis la glace, il est le feu, tout au contraire de moi. Et cela revient à nous poser parfois de lourds problèmes.

Il devait être une heure de l'après-midi et les couloirs étaient déserts, tout le monde étant allé manger. Moi, j'avais déjà mangé. Je repensais à ce qu'avait dit Ama. Il n'avait peut-être pas tort finalement. Je soupirais. Il faudrait que je trouve un moment où m'entrainer. Je regardais par la fenêtre. Une douce brise faisait bruisser les arbres et onduler le sable de la cour. Je me laissais aller et tentais d'invoquer une brise légère. Bien sûr, comme je ne me contrôlais pas, celle-ci fut plutôt une violente bourrasque d'air froid. Je frissonnais et serrais les documents en feuilles libres que je portais dans mes mains. Si seulement je pouvais réchauffer un peu le vent que je créais. J'avais tant l'impression d'être de glace. Je ne savais simplement pas comment réagir. Je n'étais pas insensible. Pas, ou plutôt plus. Je l'avais été après mon échappée de chez les scientifiques, et encore plus après avoir appris le décès de mes parents. Finalement je l'étais rester pour le bien de notre famille, et celui d'Ama. Mais à Terrae tout avait changé. J'avais connu des personnes chaleureuses et leur chaleur m'avait touché.

Je repensais à la chaleur joyeuse des gens que j'avais rencontré. Une brise douce et tiède souffla alors autours de moi. Un sourire de victoire m'échappa et je laissais la brise circuler dans le couloir désert. Enfin... Des bruits de pas retentirent. Je sursautais et la brise se transforma en petit tourbillon d'air glacé. Si bien que mes documents s'envolèrent vers l'inconnu qui arrivait en face. Je marchais (je ne courais presque jamais) vers lui alors que la bourrasque retombait et m'agenouillais à ses pieds pour ramasser mes feuilles.

Excuse-moi, je ne faisais pas assez attention, dis-je sobrement.

Le jeune homme me posa une drôle de question. Pourquoi m'excusais-je ? Parce qu'il me semblait que c'était la chose à faire. Ayant été élevé dans une culture particulière, on m'avais appris la politesse en tout premier, c'est à dire m'excuser et remercier. Ma famille était la descendance d'aristocrates hauts placés en Allemagne alors la tradition voulait que le ou les héritiers soient rodés aux règles de politesse et à l'étiquette. Tout un travail, long et pénible. Peut-être semblait-il à présent étrange dans le monde actuel mais c'était mon éducation, et je ne pouvais faire autrement. Je continuais donc à ramasser mes papiers sans parler.

Le jeune homme me rejoignit bientôt à genoux et m'aida à ramasser ce qui restait. J'en profitais pour le détailler. Il était fin, plutôt petit (comparé à moi) et portait des habits clairement gothique. Je remontais jusqu'à son visage. Des traits bien proportionnés étaient encadrés par des cheveux raides de couleur blanche. Je me demandais un instant s'il le faisait déteindre, puis je passais à autre chose. Ce qui me surprit fut sa pâleur. Pas celle que quelqu'un ne s'exposant pas au soleil, mais celle de quelqu'un de malade ou faible. Il avait des sales cernes sous les yeux signe qu'il n'avait que peu dormi récemment. Ce qui me captiva réellement ce fut ses yeux. Il avait les yeux vairons, l'un d'un joli violet, et l'autre rouge écarlate. Je le fixais certainement trop longtemps car il prit la parole :

Que faîtes vous ici? Vous ne mangez pas ? Il me semble pourtant que c'est l'heure non?...

Je gardais un visage neutre comme à chaque nouvelle rencontre.  Je pense que ça aussi le perturba car il ajouta :

Vous n'êtes pas dans l'obligation de me répondre il m'arrive d'être trop curieux...

Je récupérais le paquet de feuilles qu'il me tendait avant de répondre d'une voix neutre :

Merci. J'ai déjà mangé, je suis un régime particulier. Je pensais aller m'entraîner avec mes pouvoirs. Tu n'es pas trop curieux.

Simple et clair. C'est tout moi. Peut-être que je devrais me présenter maintenant. Je me levais en époussetant mon pantalon et tendis une main au jeune homme :

Je m'appelle Camus.