Je m'étais réveillée ce matin avec une envie d'aller en cour comme d'une envie de me pendre. Quoique la pendaison me semblait tout de même moins douloureuse. Surtout que ce matin là, j'avais maths. Je hais les maths. C'est pas que je comprends pas, au contraire, c'est juste que eux et moi, nous ne sommes pas compatibles!
Enfin bon, j'avais prévu de sécher. J'avais rapidement manger un morceau à la cafét', et je m'étais habillée d'un short noir et d'un top kaki troué dans le dos. Basique. Sobre. Juste ce qu'il faut pour passer inaperçu... Ou pas.
Je sortis, pénarde, du dortoirs (je hais les dortoirs) et marchai tranquillement dans la cour, alors que tous était en cour... Sauf que voilà, quand on voit un élève seule dehors, on peut se douter qu'elle sèche. Un surveillant m'attrapa, et me hurla que les cours étaient obligatoires sous peines d'exclusion. Ils n'avaient qu'à m'exclure, je m'en foutais. Je n'avais aucune attache ici? Je connaissais personne. Je m'en foutais.
Toujours est-il que ce... *BIP* m'emmena de force en classe. Il expliqua mon retard par une "panne de réveil". Pff, qu'est ce que j'en avais à faire moi, d'être en cours ou pas?
Je m'installai sur une chaise, lançant mon sac à mes côtés, ne sortant qu'un stylo et un papier. Je commençai à écrire des notes de musique, des paroles... Une chanson. A ce moment-là, la porte s'ouvrit sur une jeune fille à la chevelure rose. Je ne l'avais jamais vu auparavant.

- Hum...
- Vous n'avez pas l'impression d'être en retard ? Allez vous installer.

Elle vint s'installer à côtés de moi, elle devait être plus âgé. Aux alentour de la vingtaine. Elle était plutôt mignonne. Je ne m'y attardai pas. Enfin... jusqu'à ce que le prof lui adressa la parole:

- En fait, autant perdre le moins de temps possible. Bienvenue à Terrae. Présentez-vous et nous reprendrons le cours.
- Yûki.

Je souris, malicieuse, quand je vis le prof énervé de la réponse sans appel de Yûki. Cette fille avait a priori autant envie que moi d'être là.
Je recommençai à écrire tranquille, quand le prof remarqua que je ne suivais pas son cour:

- Mlle. Noran, pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous n'écoutez pas mon cour?
- Je préfère écrire. C'est pas illégal quand même?

Ce prof était encore capable de me dire que si mais bon.


- Et pourquoi ne pas suivre le cour de mathématiques? Ca peut vous être utile Joyce!
- Bon écoutez. Les maths j'ai déjà compris: un et un font deux, point barre. Pas besoin de parler de proportionnalité ou de racine carré pendant des heures.
- Êtes-vous en train de me dire que vous ne comprenez pas le cour Joyce?

Il est con ou il le fait exprès ce prof?


- Bon écoutez. C'est pas que je ne comprends pas, c'est que j'en ai rien à cirer de votre cour. Pour être plus clair, les maths et moi, nous somme comme deux droites parallèles: On ne se touchera jamais. Alors maintenant, si vous acceptez de me laisser tranquille, je veux bien ne pas foutre le bazar dans votre classe.


Le prof est devenu rouge. J'ai souris, provocante. Je repensais à maman. Elle n'aurait pas approuvé mon comportement. Mais si elle était là, je serais pas assise ici. Je serais avec elle et Vincent. A la maison.

- Que je n'ai pas à vous reprendre Mlle. Noran. Votre âge ne vous donne pas tous les droits, bien au contraire.

Je hais quand on me reprend sur mon âge. Je déteste ça. Je ne suis pas un bébé non plus, faudrait voir de ne pas confondre! Pff, prof à la con.

Le prof avait finit par se détourner de ses deux élèves perturbatrices et je sentais le regard appuyé de certains des élèves dans notre dos. Je m'en foutais. Rien ne me faisait plus bronché. J'étais orpheline. Orpheline et seule. Alors leur regard je m'en foutais, je ne pensais qu'à ma famille. Comment auraient réagit mes parents en voyant mon comportement? Mais ils aurait dû être là... Pas en haut. Pas loin de moi.
Si je haïs autant que l'on me reprenne sur mon âge, c'est bien à cause des accidents. Mon âge marque les cinq années d'absences de mon père. Et la nouvelle absence que m'inflige ma mère et mon petit frère. Merde, ma voisine s'est tournée vers moi. Alors attention, on parti combien qu'elle me fait une leçon de morale parce que j'ai remballé ce prof incompétent? Attention 3, 2, 1...

- Euh... Joyce, c'est ça ? commença-t-elle. Tu aimes écrire des chansons ?

Euh... WHAT?! J'ouvrai de grands yeux, profondément surprise. Alors elle se foutait de mon irrespect, de mon insolence? Elle s'intéressait seulement à... Ma musique. Ou au déchet que je suis en train d'écrire. Elle continua:


-Il faut avouer que c'est largement plus intéressant que les maths hein ? J'aime beaucoup la musique, et je joue d'ailleurs de nombreux instruments. Ça te dérangerait si je lisais ce que tu as déjà écrit ?

Je souris à sa remarque, il est vrai que les théorème ne m'intéressaient pas outre mesure. La musique constituait le seul rempart entre moi-même et ma tristesse. Plusieurs instruments? Intéressant tout ça. Une compagnie bienvenue dans le domaine. La question suivante me surprit et confiante quoiqu'un peu craintive, je lui tendis le papier. Il n'y avait que le premier couplet, le prof m'aillant interrompu, mais j'étais plutôt fière des paroles, de la mélodie.



Ouai... C'était pas ça, mais il fallait avoir une vue de l'ensemble, sinon, ça ne marchait pas!

- Bon. Je n'ai que le premier couplet mais... Je pense pouvoir arriver à terminer cette chanson. Fin... C'est qu'un premier jet hein! Et toi? Tu écris ou tu te contente d'interpréter?

Le prof se retourna, alerté par notre conversation, mais je lui souris, provocante, me foutant de son avis. il me fît signe de me taire, puis retourna à son équation... Que j'avais résolus plutôt facilement. Pfff... Programme de sixième mon grand, faudrait bouger pour intéresser hein!

- C'est sympa. Moi j'écrivais. Mais le hasard à fait que j'ai dû arrêter...Le syndrome de la page blanche, ou je sais pas quoi. J'ai préféré perfectionner mon jeu en attendant de m'y remettre.

Yûki avait eu l'air mal à l'aise quand je lui avais demandé si elle écrivait. OK. Sujet à éviter. Si elle m'avait posé une question sur le pourquoi des paroles tristes de ma chanson, j'aurais été aussi mal qu'elle.
Elle fît alors style de prendre note, mais manque de pot pour elle, il n'y avait rien à prendre en note, le prof expliquant seulement à un élève le pourquoi du comment de l'équation de merde.

- Je ne sais pas ce que tu compte faire mais... Enfin si tu as besoin de quelqu'un pour la musique...

Je souris, d'un de ces sourires faux, certes, mais sincère. J'appréciais son geste amical, elle était bien l'une des rares à vouloir m'aider, à vouloir me parler ici.
Même si je n'y croyais pas - aucuns attachements depuis le drame - je voulais tout de même me créer une bande "d'amis" ici. Quitte à y vivre...
Oh fond de moi, j'espérais néanmoins réussir un jour à accorder mon amitié à quelqu'un... Que je ne perdrais pas.

- J'en serais ravie Yûki. Dis-je en posant mes yeux sur elle.

Ses mains trituraient un pauvre stylo qui finirait sûrement par décéder si elle ne relâchait pas sa gêne.

- J'adore tes cheveux au passage. Original et super classe.

A ce moment là, le prof vint vers nous et son point s'abattit sur la table, froissant ma chanson.

- Je vous dérange peut-être mesdemoiselles?!

Et oh, on se calme hein, faut qu'il déstresse, il va finir par nous faire un burnout celui-là!

- Ben... Un peu en vérité.

Mon insolence me perdra.

- Oh, et peut-être pouvez-vous donnez la réponse à cette équation mademoiselle. Noran?

- Eh bien, pour être honnête, votre équation est de type sixième, et je reste gentille! La réponse est: 3x² +7x -6y. Il faudrait revoir les programmes à la hausse monsieur.

Le prof fulminait. Il me faisait rire je vous jure. J'adooooore me foutre de sa gueule. Surtout que je voyais dans son regard que j'avais juste.

- Mlle. Noran, votre compréhension de l'exercice ne vous donne pas le droit à l'insolence. Je vous prierais de ne pas l'oublier. Sinon, c'est la porte. Quand à vous Mlle. Icesoul, je vous recommande de ne pas traîner avec les infréquentables, sous peine d'en devenir une.

Il lâche enfin ma feuille, qu'il prend le temps de lire, puis rit avant de la lire devant la classe. Mes. Paroles. Ma. Chanson. Je fulmine mais ne montre rien.

- C'est gentil de votre part de me faire de la pub. Dis-je simplement.

Il tourne les talons, me rendant ma feuille, puis dit:

- Ceci est un cours de mathématiques, pas de musique. Veillez à garder cela en mémoire. Cela vaux pour vous deux.

- Pff. Qu'il est con. Dis-je à ma camarade.

- Alors? Tu as des idées pour la chanson?

- Et où est-ce que vous avez vu que j'étais quelqu'un de fréquentable moi ? Vous savez rien, alors contentez-vous d'explorer votre domaine de prédilection. Les maths, il me semble. Et je pense que, plutôt que de chercher à humilier vos élèves, vous devriez vous demander pourquoi ces mêmes élèves décrochent dès qu'ils vous entendent parler, ou s'intéressent à quelque chose de mille fois plus intéressant.

Quand Yûki rembarra le prof, je la regardai avec considération. Elle avait du répondant! Elle n'était pas une gentille petite fille sage, bien au contraire, elle était franche et ouverte. Je ne pus m'empêcher de rire devant son geste envers le prof. Il l'avait pas vu venir celle-ci!

- Alors Yûki, je dois te dire que tu me scie! Il l'a pas vu venir!

Je me calmai un minimum et reportai mon attention sur le sujet principal: la musique. Oui oui. En cours de maths. Normal.

- Hum... Je verrai bien un mélodie écrite en mineur. Un rythme lent d'abord mais plus explosif sur le refrain. Tu... Tu vois ce que je veux dire ?

Je voyais tout à fait. Et ça me plaisait. Elle avait de bonnes remarques, et je savais que son raisonnement était bon.

- Je suis d'accord avec toi, si les couplets son lent, il nous faudra un refrain un peu plus rythmé, sous peine d'endormir. Après... Après je pense qu'il faudrait... Une diversité dans les instruments, si je ne le fais qu'avec la guitare, il manquera forcément quelque chose. Ca te dirait... De m'aider?

Oui, j'admets, j'étais en train de tenter de sortir de ma solitude. Et ça me faisait tout drôle! Mais elle avait l'air aussi seule que moi. Peut-être arrivions nous à faire quelques chose de bien à deux.
Si elle acceptait, il nous faudrait sûrement un peu de temps avant d'arriver à une belle chanson. Mais j'avais confiance, Yûki avait d'excellente capacité musicale, et au vu de son caractère et du miens, le mélange ne pouvait être qu'explosif. Mais agréablement explosif hein!

Je regardais avec des yeux d'enfant cette fille qui en 37 minutes, m'avait mis en tête que je n'étais peut-être pas aussi seule que je l'aurais cru. Nous étions il y a peu de parfaites inconnues et voilà qu'à présent, elle me parlait de musique, m'aidant avec force et conviction.

Pour sûr, le prof nous filerait sûrement deux heures de colle, mais je m'en foutais. Je m'en moquais. J'avais trouvé tellement plus précieux qu'une grasse matinée le samedi matin. Peut-être pas une amie. Mais au moins une personne suffisamment ouverte pour me demander de mes nouvelles. Pour tenter et vouloir me connaître. J'avais peur de me tromper. Mais j'avais envie de croire que non.

« Oui. Oui, avec plaisir. »

Elle me fit un mince sourire, presque invisible. Mais je savais ce que c'était. J'avais eu du mal à sourire après la mort de mon père. Encore plus après la mort de ma mère et de mon frère. Je savais ce que voulait dire le mort souffrance. Comme tous ici. Alors je savais aussi la difficulté de sourire.

« Quitte à ne pas suivre le cours, ça te dérangerait qu’on fasse plus connaissance ? »

Je lui souris timidement, tellement étonnée de voir quelqu'un se montrer gentil avec moi.

- J'en serais ravie Yûki.

Mais je ne savais pas quoi dire. Pourtant, j'avais toujours était très... sociale. Je veux dire, je savais engagé une conversation, et j'étais souvent confiante en mes paroles et mes actes, frôlant même parfois l'orgueil. Mais là... Nada.

- Alors, à part la musique, quels sont tes passions ou tes loisirs?

Oh pitié, on aurait dit une gamine de maternelle! J'étais vraiment pitoyable. Et me connaissant, j'aurais pu faire vachement mieux!

C'est drôle mais j'avais l'impression que Yûki n'avait aucun mal à me parler, à rester avec moi. Alors même que chacun me fuyaient encore, ne voulant pas apprendre à connaître une ado un peu rebelle, Yûki, elle, s'amusait de me voir répondre au professeur. Je ne crois pas avoir rencontrer de personne plus sympa qu'elle depuis mon arrivée.

- Mes passions ?

Passions. Fallait-il qu'il y est passion pour répondre. C'est une question compliquée à laquelle aujourd'hui encore, je ne saurais répondre autrement que par la musique. Cinq ans en arrière, j'aurais répondu "famille". Mais famille il n'y avait plus et je n'avais plus que ma guitare, ma confiance en moi, mon courage et ma voix pour seuls alliés. De toutes façons, on ne peut jamais que compter sur soi-même.

- Je dirais le dessin. C'est quelque chose qui m'a toujours intéressé. L'art en général en fait, et sous toutes ses formes. Et toi ? Qu'est-ce que tu aimes ?

Je mis du temps à répondre, perdue dans mes pensées alors que discrètement, je matais le gars de devant. Un certain Matthieu je crois. Un beau brun de dix-sept ans. Eh! Je suis une fille que voulez-vous, j'aime bien avoir une vue agréable et profiter de la gente masculine!
Je n'avais pas de réelle passion à part la musique. Mis à part cela, avec la mort de papa, maman avait été obligée de me supprimer mes cours de chant, de guitare et d'escrime. Mes trois passions. En cherchant dans mes affaires, je devais encore avoir ma vieille épée. Peut-être m'y remettrais-je un jour.

- Je dirais... L'escrime, bien que je n'en ai pas pratiqué depuis cinq ans! Sinon... J'aime le sport en général, mais pas à outrance. Mais pour tout te dire, mis à part la musique, plus grand chose n'a de réelle place dans ma vie.

On ne ressent pas forcément tous les mêmes sentiments dans nos passions respectives, mais chacun de nous peut affirmer que cela est une passion du moment où les sensations éprouvées alors ne se ressentent que lors de cette activité: Joie. Tristesse. Mélancolie. Fierté. Confiance en soi. Peur. Trac. Adrénaline... Tant de sentiments pour n'en résumer finalement qu'un seul: La Passion.

Alors que je réfléchissais encore à la question, la sonnerie retentie et le professeur, voyant les élèves sortir, s'approcha de ma camarade et moi alors que je n'avais pas encore pris mon sac pour ranger ma feuille.

- Puis-je m'entretenir un instant avec vous mesdemoiselles je vous pris? je vous ferai un mot d'excuse pour vos prochains cours, j'ai à vous parler.

La question n'en était pas une, il s'agissait plutôt d'un ordre. Je hais les ordres. Je lève les yeux au ciel et soupire un grand coup, montrant bien là mon agacement. Je regarde Yûki un instant puis balance mon sac sur mon épaule.

- Si vous voulez, de toutes façons, j'ai histoire, et je hais cette matière.

- Vous avez l'air d'haïr beaucoup de matière si je ne m'abuse Mlle. Noran. Serait-ce là un rejet flagrant de connaissances ou d'autorité?

Je l'ai incendié du regard. Qu'il la boucle, se serait mieux. Nous étions à présent seulement trois dans la salle de maths. Bon sang, j'avais hâte de sortir!

- En quoi cela vous regarde-t-il le pourquoi de cette haine? Si je ne me trompe, je n'ai pas à vous répondre si je n'en ressens pas l'envie ou le besoin. Et c'est loin d'être le cas.

Le prof ne nous emmerda pas plus longtemps et je pus partir. Je crois qu’après, j'avais histoire. Je hais l'histoire. Ca ne nous serre même pas à ne pas reproduire les erreurs passées. Pfff du pipo oui! Ma camarade partie avant moi et le prof ne trouvant rien à redire, il me libéra. Sauf qu'on était bonnes toutes deux pour deux heures de colle samedi matin.
Yûki m'attendait devant la porte et je lui tendit notre punition.

- Moi je pars par là, l'histoire c'est pas mon truc.

- Tu permets que je te suive? Au moins jusqu'à la porte. J'y vais pas non plus.

Sans attendre une quelconque réponse, je pris les devants et on commença à marcher vers la sortie. J'aimais bien Yûki.
Les couloirs défilés les uns après les autres, toujours les mêmes, toujours pareils.
On arriva à la porte principale. Et maintenant?

- Bon. Tu me dis d'aller voir ailleurs si t'y es ou tu me supportes encore un moment? Je te préviens, je suis encore plus chiante dehors qu'en classe. Quoi que le prof en a pris pour cher aujourd'hui.

J'ai souris. L'autorité c'était pas vraiment mon truc. J'étais une gamine même si je refusais de l'avouer.
Dehors, il faisait un soleil radieux. Il faisait même presque chaud. J'avais soif. J'avais envie de jouer de la musique. J'avais envie de vivre. Vivre pour ne pas mourir, tel était mon crédo.