Journée de merde. Définitivement. L'hôpital m'avait rappelé pour une nouvelle analyse, et j'avais balisé pendant des heures pour finalement apprendre que oui, tout allait bien. Le jour où ils feront leur boulot eux aussi!
Je suis sortie, ma guitare sur l'épaule, mon sac sur l'autre bras, furieuse. Un peu perdue aussi. Je ne savais pas où allait, ni vers qui me tourner? Je ne pouvais pas aller vers Ys, il n'était pas au courant pour l'hôpital. Kyle? Même pas en rêve, vu ce qu'il s'était passé la dernière fois. Et Liam? Je lui avais délibérément menti... Pour le protéger. Ou peut-être pour me protéger moi. J'avais peur qu'en apprenant la vérité, il me fuit. C'était un risque, mais au fond, voulais-je vraiment le perdre? J'ai soupiré, puis j'ai continué à marcher, sans réel but. Je voulais allé au parc je crois. Je ne sais plus trop. J'avais la tête baissé.
Une main dans la poche de mon short noir, l'autre tenant ma guitare et mon sac. Mon top pourpre voletait en rythme avec mes pas. Tenue rock et peu féminine, si on exceptait les talons de mes sandales noires elle aussi.

Je marchais donc, tête basse, sans regarder où j'allais, et ce qui devait arriver arriva. Je fus tout à coups projeter, et mon seul réflexe fût de soulever ma guitare pour lui éviter un choc. Je tombai sur les fesses, dans un cri étouffé par la surprise.
Je relevai la tête pour voir un jeune homme, probablement d'à peu près mon âge, qui était face à moi, sur le cul lui aussi. Il avait les cheveux blanc, comme Kyle. Il eut l'air gêné en voyant ce qu'il venait de percuter. Ou plutôt qui.

-Excusez moi je n'ai pas fais exprès...

Attendez. Il me vouvoyait? Sérieux? Je venais de prendre trente ans en pleine tête là. Le jeune homme se releva pour finalement me tendre la main. Attrapant mon sac, que je mis sur mon épaule, j'attrapai sa main pour m'aider à me relever. Je me baissai ensuite pour prendre ma guitare, qui n'avait pas eu un seul choc. Rassurée? Carrément.

- C'est pas grave ça arrive. Et j'ai pas été bien attentive non plus.

Je lui ai souris doucement. Je remarquai alors les cernes sous ces yeux. Aucuns doutes possibles: Je n'étais pas la seule à mal dormir. En proie aux cauchemars, difficile de fermer l’œil de la nuit.
J'ai soupiré avant de passer une main dans mes cheveux blond.

- Je m'appelle Joyce sinon. Joyce Noran. Aurai-je le droit de connaître le nom de celui que j'ai si violemment percuté?

J'avais le ton rieur, et sans pression ni reproche, et un sourire charmant aux lèvres. Quitte à faire, peut-être pouvions-nous faire connaissance? On avait l'air aussi perdu l'un que l'autre.

-Je me nomme Haru Shiro...

Haru? Peu commun. Surtout par chez moi. J'ai approuvé et enfin, je remarquai les yeux du jeune homme que j'avais en face. Vairon. Violet et rouge. J'étais fan. Pourtant, je ne dis rien. A quoi bon en parler pendant des heures? Il se frotta l’œil violet et j'avançai d'un pas vers lui, ma guitare toujours à la main.

-Si je peut faire quelque chose pour me faire pardonner je le ferais.

J'ai ris doucement. Vraiment? Je n'ai pas répondu, cherchant à voir en lui qui il était. Timide. Réservé probablement. Angoissé. Seul. Je suis convaincue que les gens ayant vécu des événements similaires se reconnaissent d'une certaine manière. Car la lueur que je devinai dans les yeux d'Haru, j'avais la même dans le regard.

-Vous êtes une musicienne? Ça doit être intéressant...

- Tu veux me rendre service? Cesse de me vouvoyer. J'ai l'impression d'avoir plus de quarante ans. Sinon oui, je suis musicienne. Guitariste et chanteuse dans un groupe.

Je lui ai souris, avant d'oser lui proposer de me suivre.

- J'allais répéter... Ça te tente de m'accompagner au parc?

Je lui ai souris une nouvelle fois. Décidément, c'est Ys qui avait raison. J'avais changé. J'étais une Joyce différente. Une Joyce qui s'autorisait à rencontrer des personnes pour ne pas les perdre dés le lendemain. Je montais des projets, je les menais à bien, je tentais de me faire un nom, j'avais des amis. Une famille en quelques sortes. J'avais changé. Et peut-être Ys avait-il raison quand il disait que c'était pour beaucoup grâce à Liam. Liam... Je lui avais mentis.
Quand on se mit en route, un petit silence plana entre nous, sans qu'il soit pesant ou gênant.

Haru sembla finalement accepter qu'on aille dans le parc, et je me mis le plus loin possible des familles ou autre personnes heureuses. On se refait pas hein? J'ai posé ma guitare, et je me suis couchée à même le sol, regardant le ciel. Un instant, je fermai les yeux, puis, je regardai Haru et enfin, j'osai poser la question qui me brûlait les lèvres.

- Je ne suis pas la seule orpheline ici pas vrai?

Diplomatie? Tact? Connais pas désolée.

-T...tu es orpheline?..

J'avais bien remarqué qu'Haru avait serré des poings. Je n'ai rien dit, et j'ai continué à fixé le ciel. Parfois, j'avais envie de croire qu'ils étaient là, quelque part dans cet immensité bleu, et qu'ils veillaient sur moi. Mais pourquoi aurait-ce été vrai? Un soupire s'échappa de mes lèvres, et je ne répondis pas à sa question.

-T...Tu n'es pas obligé de me répondre si cela te semble trop indiscret...

J'ai secoué négativement la tête. Non se n'était pas indiscret, j'avais lancé le sujet. J'ai soupiré une fois de plus, et je l'ai invité d'un geste à m'imiter et à regarder le ciel. Que dire là dessus? Je me mordis la lèvres inférieure avant d'oser émettre le moindre son.

- J'ai parfois l'impression qu'ils sont encore là, quelque part, et qu'ils me voient grandir et vivre la vie qu'ils auraient ou non voulu m'offrir. je sais pourtant que les fantômes n'existent pas, et que je ne crois pas en un paradis céleste.

Je soupirai et me redressa, me tournant vers Haru, que je trouvais bien silencieux. Je lui ai souris doucement et j'ai tiré ma guitare à moi, avant de la prendre sur mes genoux pour l'accorder.
Je grattai quelques cordes, sans un mot, et enfin, je me décidais à reprendre la parole.

- Toi aussi t'as plus de famille Haru, ne le nie pas. Ça se voit dans ton regard. Un bien triste regard si tu veux mon avis, bien qu'il soit unique.

Je fis quelques arpèges, attendant patiemment sa réponse, dans un silence à peine effleuré par les quelques notes qui résonnaient entre nous.
Que dire de plus? Oui j'avais pas été diplomate, et probablement étais-je trop cru, mais finalement, s'y prendre avec des pincettes, à quoi cela aurait-il servit? A rien, la douleur est bien trop présente pour qu'une phrase édulcorée ne vous l'enlève.

-Ils sont tout les deux morts d'une maladie inconnus...

Comment peut-on guérir du deuil? La perte d'un être cher, le manque, l'absence... La douleur qui nous étreint et la souffrance qui nous serre le cœur sans jamais le relâcher. On fait comment pour oublier la culpabilité et la solitude qui sont notre lot quotidien?
La vérité est qu'on oubli jamais le sourire insouciant de son frère. Le câlin maternel après de déchirants sanglots. Le regard fier d'un père aimant. On oublie jamais ce que l'on a perdu. On ne fait que vivre avec ce vide laissé par la perte.

-Ils sont morts comment tes parents...?

Je restai interdite un instant, un moment. Comment pouvais avouer ainsi les crimes que j'avais si injustement commis? Un accident, cela arrive oui. Mais ces deux accidents étaient de ma faute. Les caprices d'une enfant trop jeunes pour comprendre et voir le danger.

-Ne te sent pas obligé de répondre... J'en demande parfois trop et c'est dérangeant.

- Des accidents. Mon père a rencontré un chauffard ivre sur la route. Et cinq ans plus tard, ma mère et mon petit frère sont tombés dans un fossé lors d'une balade à cheval.

Je restais évasive, mais que pouvais-je bien dire? Le seul à connaître mon sentiment de culpabilité était Liam. Et il ne savait pas en quoi j'étais responsable.
Sans plus de cérémonie, les notes s'envolèrent et le jeune homme me rejoint au chant, timidement. Je le laissai faire, sans le gêner, et suivant sa mélodie.

-Tu te débrouilles bien pour la musique tu dois surement être populaire.

- Pas vraiment. On commence tout juste avec le groupe, et avant, je n'avais fais que quelques scène, avec mon oncle. Tu as une jolie voix Haru.

Alors, doucement, c'est moi qui laissa couler quelques notes, puis quelques paroles. C'était l'une de mes compos. Un long sanglot, et un requiem que j'avais écrit pour Vincent. Dedans, tous nos souvenirs, nos mélodies, nos disputes, mes regrets et tout notre amour. Notre famille. Tout cela se lisait entre des lignes bien sombres. Il suffisait pourtant de savoir qui j'étais pour comprendre. Or ici, personne ne savait qui j'étais.

Je me laissais aller aux paroles, oubliant un instant que je n'étais pas seule, et que je ne pouvais pas me laisser envahir par ce qui me retenait pieds et poings liés à la douleur. Ce n'était pourtant pas là ma plus belle chanson. Non. Ys et Liam connaissait mon fardeau par cette partition maudite que je pouvais jouer. C'était celle là mon œuvre d'art. Mon joyaux. Ma fierté et ma peine.

-Cette chanson est tellement belle et mélancolique a la fois... Tu es vraiment surdouée pour ce genre de travail... Tu as bien choisi ton travail.

Je fus surprise de revenir à la réalité. Je soupirai et souris, comme l'on sourit quand au fond, on aimerai pleurer.
Je l'ai vu lever les yeux au ciel, et sans attendre, j'ai pris sa main, avant de croiser son regard.

- La musique m'a permit de vivre, sans elle, je ne serai plus depuis bien longtemps. Je vais pas te dire que l'on oublie, ni même que cela est facile, mais on arrive à vivre avec. Le temps ne changera rien à la douleur que tu éprouves depuis leur disparition, mais là dessus, je ne t'apprends rien. Néanmoins, on apprend à la supporter, et à en faire une force.

Je lui ai souris, et lâchant sa main, j'ai repris ma guitare, pour sortir les partitions que je devais bosser pour le groupe. Après tout, j'étais là pour ça non? J'ai fais glissé quelques accords, cette fois-ci, un texte d'Ys. Puissant mais douloureux à la fois. Je lui faisais confiance pour les partitions, il avait du talent. ais il voulait que je participe aussi. Et je n'avais pas réussis à refuser l'offre.

- Oh! Et si besoin... Je suis dans l'aile des feu. Au deuxième étage. Tu peux venir me déranger quand tu veux. De toutes manières, je dors peu, et la journée, hormis les cours, je suis soit ici, soit dans ma chambre.

Une chose était sûr. Je n'étais plus la même, j'avais changé. En bon ou en mal, je ne savais pas, mais finalement, qu'importait. Je n'étais plus cette enfant recroquevillée dans les couloirs d'un hôpital vide de proche, apeurée et traumatisée par la vie, seule à triste. J'avais changé. J'étais devenue quelqu'un de plus fort, même si se n'était qu'une facette. J'étais devenue plus sociable, et j'acceptais de ne plus être seule. De toutes manières, entre Ys, Kyle et Liam, même si j'avais voulu être seule, je n'aurais pas pu. Ils ne me laisseraient pas je le savais. Sauf s'ils apprenaient la vérité. Mais pourquoi leur en parler, si c'était pour les perdre? Cruelle? Certes. Mais au fond, n'avais-je pas peur de me retrouver seule de nouveau?

-Tu n'est plus toute seule non? C'est ce qui compte... Je dois dire que tu es forte d'avoir réussi a surmonté tout ça en quelques temps.... Je t'admires pour cela et j'essayerais d'en prendre de la graine d'accord?

Je pensai tout de suite à Ys, Kyle et Liam. Tous les quatre, nous formions un groupe. Nous étions là les uns pour les autres. Mitsuki aussi était là. Jamais très loin, toujours présente. Non je n'étais plus seule c'est vrai. J'avais fini par le comprendre.
Quand à savoir si j'avais surmonté tout ça, je pense que je décidai à l'époque d'oublier ce détail. Non je n'avais pas surmonté ma peine ou ma douleur. J'avais juste appris à vivre avec. Sourire le jour pour pleurer la nuit.
Haru avait un beau sourire aux lèvres, et cela me fît chaud au coeur.

-Tu n'as jamais pensé a faire le tour du monde pour que tout le monde entendent ta musiques? Comme le font la plus part des musiciens ou des chanteurs connus... Je pense que tu ferais un succès total et que tu serais très vite connus du monde entier... Néanmoins pour ta proposition je viendrais peut être te parler si j'en ai besoin... Si tu en a besoin aussi je peut t'écouter et t'aider de mon mieux aussi. Alors n'hésite pas a venir me voir. Je suis au dortoirs des airs si l'envie te viens... Entraidons nous mutuellement.

J'ai souris doucement, approuvant.

- J'y penserai merci. Et Haru... Toi non plus t'es plus tout seul.

Je lui ai adressé un clin d’œil, signe que moi, je serai là au besoin. J'ai continué à gratter. Non je n'avais jamais pensé faire le tour du monde pour faire découvrir ma musique. Mais depuis que j'étais avec le groupe, j'y pensais souvent. J'avais envie de projets et de rêves. De musique et d'amitié, sur une route infinie que je traverserai avec des hauts et des bas. Si je devais remercier Ys, ça aurait été beaucoup pour cela. Autre qu'un groupe, il m'avait offert une famille et une seconde chance. Comme Liam. Comme Kyle. Et comme Mitsuki.

-Si un jour tu as besoin d'une personne pour tes partitions je pourrait peut être t'aider de mon mieux...

Je souris une nouvelle fois, avant d'approuver.

- J'y penserai promis. Et si un jour tu as envie d'apprendre... Fais moi signe. Quand à savoir si je ne voudrais pas me faire connaître, j'admets que c'est devenu l'un de mes projets. Avec le groupe j'entends. Et si je ne suis plus seule, c'est en parti grâce à eux. Kyle est un batteur et un ami excellent, bien que colérique. On a parfois du mal à s'entendre. Quand à Ys, s'il est l'initiateur de ce groupe et le guitariste, il reste chiant et impulsif. Pourtant j'admets beaucoup l'apprécier. Et Liam... Sa guitare et lui ne font qu'un. Et... C'est vraiment le meilleur ami que l'on puisse rêver d'avoir.

Et dire que je n'osais avouer réellement ce que je pensais de Liam! Mais ça c'est une autre histoire.

- J'ai trouvé bien plus qu'une nouvelle chance à Terrae. J'ai eu droit à une nouvelle famille. Une famille que j'ai choisi. Je suis sûr que tu trouveras cette famille toi aussi. C'est tout le malheur que je te souhaite.

J'étais sincère. Vraiment. En venant me chercher, le master m'avait offert une nouvelle chance. Je l'avais saisie au vol, peu confiante. Et aujourd'hui, bien qu'encore affaiblie par la douleur et la peine, je n'étais plus cette fille apeurée et déprimée que j'étais autrefois. Non. Aujourd'hui, quand je souriais, on voyait la victoire et l'espoir dans mon regard.
Je levai un instant les yeux au ciel. Oui, il faisait beau ce jour-là.