On ne revit jamais deux fois le même moment. Ils sont tous différents, et semblables à la fois. Car qu'importe combien l'émotion peut être similaires, les conditions sont différentes. On ne pourra jamais revivre un instant, puisqu'il est passé. Il faut s'avoir l'accepter.
C'est comme ça que j'ai finis par accepter la mort de Blue. Je pouvais bien pleurer et hurler que tout était de ma faute, jamais cela ne la ramènerait. Il valait mieux pour moi que j'enfouisse ma culpabilité au plus profond de moi-même pour vivre et sourire, comme elle aurait voulut que je le fasse.
Blue avait été la première me dire de sourire après mon viol et malgré les coups de mon père. Elle avait été d'ailleurs la seule pendant longtemps. Elle prenait soin de moi alors que c'était à moi de le faire. En contre partie, je m'assurai de sa sécurité en prenant tous les coups de notre paternel. Malheureusement, j'avais eu la faiblesse de partir, la laissant entre ses griffes, pensant naïvement qu'il cesserait une fois que sa honte aurait disparue de sa vie. Ma mère aussi avait disparue, et elle non plus n'avait pas emmené Blue. Ma petite sœur était restée seule et vulnérable face à son géniteur. Et comme moi, elle avait du faire face à sa haine la plus terrible.

- NON!

Je me relevai dans mon lit, seule et apeurée. Il était rare que Rin ne soit pas là. C'était parfois même à se demander pourquoi on faisait chambre à part! Enfin... N'oublions pas que nous sommes dans un institut, il y a un règlement... Que, comme tout bon élève se respectant, nous veillons à ne pas respecter.
La sueur ruisselait sur mon front tandis que je jetais un œil à mon téléphone. Mon petit-ami n'avait pas pu rester hier soir, Asa quémandant un peu plus d'attention, et, sachant que je prenais plus tôt que lui, j'avais préféré dormir seule.
Blue hantait mes nuits. Cela faisait un an qu'elle n'était plus. Un an que je culpabilisais silencieusement, sans émettre une plainte à ce sujet, gardant pour moi le fardeau qu'était la mort de ma petite sœur.

Après avoir pris une bonne douche, je filai faire un footing, ayant besoin d'évacuer toute trace de douleur ou de peur de mon visage et de mon esprit. En revanche, pour la culpabilité, j'avais beau courir, jamais elle ne partait.
Quand je rentrai me doucher une nouvelle fois, il devait être bien dix heures. Je ne ressorties qu'une heure plus tard, mon devoir d'anglais dans les mains. Je me rendis à la salle commune. Mais bien vite, je me figeais.
Allen. Tu avais disparu il y avait un peu moins d'un an. Les rumeurs ayant beau dos, j'avais appris que tu avais été admis dans un centre. Mais longtemps tu avais hanté mes pensées. Je m'étais demandé ce que tu étais devenu. Tu avais l'air... Moins pâle. Plus... Je ne sais pas. Différent.
J'allai m'asseoir à côté de toi, me faisant discrète. Je ne voulais pas te déranger, tu avais l'air plongé dans les rêveries de sa lecture. Pendant une heure, aucun de nous deux ne parla, et je ne pense pas que tu m'es vraiment vu. J'ai donc fait mon devoir. C'était encore l'une des seules matière où je travaillais. Je voulais devenir professeur d'espagnol. J'adorai les langues étrangères.

-Ludmila ! C'est bien Ludmila, pas vrai ?

J'ai relevé les yeux sur toi, amusée. Oui c'était bien toi. Tu avais un regard plus vif et plus brillant qu'autrefois.

- Je crois que c'est bien la première fois que tu te souviens de mon prénom Allen! Heureuse de te voir de retour.

Et j'étais sincère. Je te vis fermer ton livre et je me tournai vers toi, sincèrement affectée par ton retour. Cela me faisait plaisir de te revoir, et de plus, plus en forme.

-Je n'avais pas vu que tu étais à côté... Tu vas bien ?

J'ai ris doucement, me moquant un peu.

- J'ai cru le remarquer oui, ça fait une heure que j'étais assise là.

Je t'ai regardé, tentant de voir ce qui avait changé. Mais je ne trouvai pas.

- Sinon pour répondre à ta question oui je vais bien. J'ai eu une année qui s'est finie beaucoup mieux qu'elle n'avait commencé alors bon... Et toi alors? Tu es revenu quand? Je ne t'ai plus recroisé depuis ton départ! Tout va bien?

-Désolé... J'étais vraiment captivé par ma lecture.

Un sourire puis un petit rire moqueur m'ont prit et j'ai finit de ranger mes affaire dans mon sac, avant de me tourner, étant tout à toi pour cette conversation et ces belles retrouvailles. Cela faisait si longtemps!

- Pas de soucis Allen, j'en ai profiter pour bosser un peu!

Ton sourire sembla se fragiliser quand j'aborda le sujet de ton retour. On va pas se mentir, ça devait pas être simple d'avouer que tu avais perdu le contrôle, même un instant. Mais quand j'avais vu tous ces foutus psy, le constat avait été le même avec chacun: Il faut avouer sa honte pour pouvoir la surmonter. C'est le premier pas à faire. Le reste vient tout seul. C'est con, un peu banal et bien futile, mais ça marchait vraiment.

-Je suis rentré la semaine dernière. Ca va, oui.

- Ravie de l'entendre. Tu sais, nos conversations en plein couloir m'ont beaucoup manqué. Je suis vraiment contente de voir que tu vas bien... Tu as l'air en meilleure forme en tout cas.

Tu avais l'air tellement mal à l'aise avec ce sujet! Je voyais pourtant un nouvel Allen, un garçon qui m'intriguait pourtant tout autant que celui que j'avais quitté un an plus tôt. Je voulais tout autant te connaitre qu'autrefois. Après tout, tu étais mon compagnon de couloirs non?

-Tu travaillais sur quoi ? Je ne suis pas encore retourné en cours depuis mon retour... J'imagine que j'ai raté beaucoup de choses.

- Espagnol. Je te rassure, j'ai beau être restée, je ne travailles plus que les matières importantes pour tout t'avouer.. On est au même point de retard je pense!

Un sourire doux et encourageant passa sur mes lèvres et je désignai son bouquin. Il était temps que nous devenions de vrais amis non? Tout commençait normalement par ce genre de conversation je crois. Un discussion autour d'un intérêt commun, d'une passion ou d'une activité. Quelque chose qui puisse amener à débattre.

- Et toi tu lis quoi de beau?

HRP:

Un rire moqueur et léger te prit et je souris, simplement ravie de te voir ainsi, sous un jour nouveau. Il ne m'avait pas été donné la chance de te connaitre tel que tu étais vraiment, et j'avais plus fait nounou qu'autre chose les rares fois où l'on s'était croisé. Mais va savoir pourquoi j'avais aimé ces moments-là. J'avais peut-être vu que tu n'étais pas mauvais, et peut-être m'étais-je identifiée à ton malheur. Moi aussi j'avais souffert, comme tous ici. Mais toi, tu avais eu ce désespoir te faisant sombrer. Et ça par contre, je l'avais vécu, allant jusqu'à tenter de me suicider. Un beau regret et une belle erreur. Sur ce point au moins, on se comprenait.

-Ce n'est pas compliqué à faire en même temps, je pense.

- Rassure toi, j'ai vu largement pire.

A commencer par moi! Bref.
Tu hochas à peine la tête, interressé.

- On pourra peut-être travailler ensemble, à l'occasion, alors.

- Oui pourquoi pas!

Ta lecture m'intriguant, je demandai avec un certain intérêt sa nature. La couverture ne disait rien, et pourtant, je n'étais pas petite lectrice.

-Le Comte de Monte-Cristo.

Un petit sourire, un instant complice. Quoi de mieux pour retrouvailles? Je crois bien qu'il s'agissait là de la première rencontre souriante et aimable entre nous? Faut dire que les dernières fois, nous n'étions pas vraiment... En phase.

- Navrée mais je ne connais pas.

-J'ai passé beaucoup de temps à lire ces derniers mois. Ca me changeait les idées, et puis surtout, j'ai réalisé que la lecture avait ce pouvoir fantastique : celui de nous faire rêver et de nous faire vivre.

Je comprenais parfaitement son point de vu. Quand toute ma vie s'était écroulée, la seule chose me rassurant avait été la lecture. Bien sûr, la musique aussi, mais ça, c'est une évidence non?
Je me suis donc contentais de hocher la tête, sans rien dire.

-Je ne savais pas que tu parlais espagnol. Tu as des origines espagnoles ?

Un petit rire m'échappa en pensant à mes origines. Pas vraiment ça non... Un instant, je pensai à ma mère. Je ne l'avais pas revu depuis que j'étais venue ici, et le dernier de mes souvenirs avec elle m'était douloureux. Après mon viol, tous m'avait abandonné, mon père allant jusqu'à me frapper... Mais celle qui m'avait fait le plus de mal était ma mère. D'une relation mère fille aussi unique que la notre, elle avait finit par me hurler que je ne valais rien et que je n'étais qu'une pute. Avait-elle seulement compris à quel point je me sentais sale et seule?

- Non absolument pas. Mais ma mère était japonaise et elle a emménagé avec mon père en France avec mon père. Pour elle, les langues étaient essentielles alors j'en connais quatre: Espagnol, Japonais, Anglais et Français. Je voudrais devenir professeur d'Espagnol.

J'avais mes préférences bien sur, j'adorais l'espagnol, et récemment, j'avais appris à aimer le japonais. Le fait que Rin soit entré dans ma vie n'y était pas étranger. Attention, je ne dis pas  que je n'aimais pas le japonais du tout. Mais ma mère avait pour habitude de parler dans sa langue maternelle quand elle s'énervait. J'avais appris à craindre cette langue comme j'avais craint l'alcool et les coups.

- Et toi, tu parles d'autres langues?

Le plus con dans l'histoire, c'est que je n'avais jamais assisté à un cours d'Espagnol depuis mon arrivée ici. A quoi bon? Je parlais la langue couramment, je m'ennuyais en cours et je foutais le bordel!

-Je parle l'anglais en plus du japonais, et j'ai quelques bases en français mais sans plus. Ma mère était japonaise aussi ! Et mon père anglais. Il a quitté son ancienne femme pour venir s'installer avec nous au Japon. Mais parfois, quand il allait rendre visite à mon demi-frère, il m'emmenait avec lui en Angleterre pour que je pratique un peu et que je voyage.

J'ai hoché la tête, comprenant que nous étions plus similaires qu'il n'y paraissait. Je me souvenais des voyages que j'avais fais avec Maman, au Japon. Là-bas vivait ma cousine et ces parents... Avant qu'ils ne meurent. Quand j'y repense, c'était de bien beaux souvenirs que j'avais en ma possession, et une fois de plus, je me rendis compte que la vie n'était pas si triste.

-Tu serais une superbe prof d'espagnol je suis sûre !

Un petit rire me pris, nerveux. J'espérais pouvoir le devenir un jour, pour enseigner aux autres cette langue et cette culture que j'admirais. Et pourquoi pas, avoir l'impression de pouvoir rendre fière mes parents, dû moins, s'il le savait un jour.

-Le prof d'espagnol de Terrae est bien ? Je ne suis jamais allé à ce cours, je sais même pas comment il s'appelle... Je me suis cantonné à l'anglais pour avoir des notes faciles.

Un autre rire, cette fois plus sincère et amusé.

- Honnêtement j'en sais pas plus que toi! Je l'ai vu qu'une fois! Je n'y avais jamais sauf en jour d'examen, je parle couramment la langue alors je m'ennuie. Et toi alors Allen, qu'est-ce que tu aimes dans la vie?

Ben quoi? Fallait bien apprendre à te connaitre non?

HRP:

HRP : Je suis hyper en retard aussi, donc ne t'en fais pas :p

Oulà l'agression directe ! Genre j'aime quoi dans la vie ! C'est un peu rapide là. Jusqu'à il y a quelques instants, j'essayais de la replacer dans mon passé plein de brouillard, et là elle me lance une question directe.
Allez, reprends-toi Allen, c'est pas la mort. Décoince-toi un peu. Ce que j'aime, donc.
Bonne question. Très bonne question. Je vais pas lui redire que j'aime lire, ça a déjà été dit, alors... On va aller dans la franchise.

-Voler. Mais ça je peux plus le faire alors... Disons qu'en ce moment je suis en plein travail sur moi-même pour trouver ce que j'aime, justement !

Je me suis trop perdu dans la lecture, et tous ces mois en cure m'ont un peu déconnecté de la réalité, ne l'oublions pas. Je souris imperceptiblement, amusé par ce nouvel état dans lequel j'apprenais encore à me connaître : la découverte de soi.
C'était assez amusant, d'ailleurs, parce que pendant toutes ces années, j'étais plutôt assez sûr de moi, je savais ce que je voulais et ce que je faisais, mais en fait, bah, non. En fait, j'me suis grave fait croire des trucs.

-J'hésite à commencer un nouveau sport en ce moment, mais à Terrae y'a pas vraiment grand chose de proposé. On a bien le prof de sport, mais c'est des cours, pas vraiment du loisir. Tu pratiques un sport toi ?

Allez, embrayons plutôt sur elle, parce que moi, clairement, parler de moi, je sais pas faire ! Et puis, si jamais elle fait du sport, elle va peut-être réussir à me trouver un truc qui me convienne, qui sait.