Nicolas voulait courir à la base... Mais dans sa chambre, quand il a fixé pendant au moins cinq minutes ses affaires de sport sans se décider, il a préféré sortir simplement. Prendre l'air sans chercher à courir après quoi que ce soit, profiter de l'air de la forêt. Dire qu'avant il fuyait entre les arbres et que maintenant, il pouvait marcher en toute quiétude... Ça restait particulier, comme s'il ne pouvait, finalement, ne jamais s'habituer à cette sécurité. Il l'avait accepté, attention. Mais... Enfin... ça restait compliqué quoi.

Il sortit bientôt du sentier, il fouillait la terre des yeux... Des plantes et des fleurs qui ne devaient pas sortir le bout de leur nez à cette période commençait pourtant à pousser. C'est tôt. Trop tôt, car il faisait trop doux pour un mois de février. Même s'il prenait en compte le fait qu'il n'était plus en France... Il regardait la cime des arbres, des bourgeons apparaissaient sur les branches. Il gelait rarement le matin même s'il y avait peu d'ensoleillement. La nature semblait aussi perdue que lui... et non, ça ne le rassurait pas du tout.

Il tendit ses bras à la recherche d'un branche basse et grimpa, comme au bon vieux temps. Il sourit en se rappelant qu'on lui avait donné son surnom de Loup Noir... et qu'on avait trouvé ça étonnant qu'un loup grimpe aux arbres. Beh, la nature est déréglée, les loups aussi. Voilà. Il s'installa à une branche, s'adossant au tronc, contemplant le ciel nuageux. Une musique dans la tête, il battait du pied dans le vide, les mains dans les poches, appréciant le silence de l'extérieur et la mélodie dans son âme. Il suffisait de peu... Il était heureux, posé, calme. Pas besoin de chercher à comprendre maintenant ce qui le rendait si... inquiet. L'instant présent, ne rien faire, c'est bien aussi.

Il tendit l'oreille. Tiens, quelqu'un. Il pivota à peine pour voir quelqu'un s'asseoir au pied de l'arbre, sans trop savoir ce qu'il venait faire ici... Si c'est pas étrange ça ; arriver à s'éloigner au cœur de la forêt et pourtant toujours tomber sur quelqu'un. Nicolas appréciait parfois la solitude, mais il n'en voulait pas à cette personne de faire de même. Alors avant qu'elle ne s'installe définitivement, pensant être seule, il voulut la prévenir de sa présence. :

-Si vous cherchez la paix, désolé, mais vous vous trompez d'arbre.

Puis d'un mouvement habitué par la grimpette, il glissa sur le côté, les mains toujours dans ses poches, maintenu à la branche seulement par la force de ses jambes. Il put voir son vis-à-vis, posant ses yeux d'argent brillants sur lui ; un homme avec un cache-œil. Il se rendit compte qu'il avait du paraître un peu rude alors il ajouta. :

-Mais si vous cherchiez cet arbre en particulier, je peux m'en aller.

Il n'était pas un garçon difficile. Et puis, c'était peut-être le lieu favoris de cet homme, alors autant lui laisser la place au besoin.

Une longue marche solitaire. M'aérer me faisais un bien fou ! Se sentir seul dans cette immense forêt, marcher sans but précis... Se perdre aussi éventuellement. Car il fallait l'accepter, je n'avais absolument aucune idée de où je me trouvais. La végétation est tellement dense qu'il m'était difficile de reconnaître des traces de passage humain.
Avisant un épais tronc non loin de moi je partis m'y asseoir pour réfléchir à un moyen de sortir d'ici. Aller tout droit était chose impossible dans une forêt, il ne me restait donc qu'à vérifier par rapport au soleil...

Une voix au dessus de ma tête me stoppa dans mes réflexions. Je penchais la tête en arrière pour voir d'où ça venait.

Un jeune homme sûrement adolescent, qui me fixait à l'envers. Encore un énergumène... Comme première impression il se plaçait en tête de classement, suivit par la folle aux autruches... Je détournais mon regard, choisissant de l'ignorer mais me rappelais soudainement que je n'étais pas en position de faire la fine bouche sur cette rencontre fortuite.

- Ce n'est pas la paix mais mon chemin que je recherche.

Comprendrait-il que c'est un appel au secours ? Je devais peut-être me radoucir un peu où bien tenter d'entamer une discussion pour créer une ouverture.
Je me grattais les cheveux d'un air contrit. Je devais faire des efforts dans mes relations ! C'est ce que j'avais décidé suite à mes discussions avec Ipiu, alors on ne va pas gâcher mes résolution tout de suite.

- Si je peux me permettre, vous suspendre la tête en bas ne me paraît pas très sain pour votre santé. De plus j'aimerais éviter la possibilité que vous me tombiez dessus... Non pas que votre poids me paraît anormalement élevé, mais j'ai une constitution légère et risquerais de le sentir passer.

Est-ce que ça existe des cours pour apprendre les relations humaines ? Jusqu'ici on pouvait remarquer que c'était clairement pas mon point fort et il fallait vraiment modifier ça... Il faudrait que je demande à Aria, elle a l'air douée elle.

Nicolas avait beaucoup de mal à lire le visage de cet homme... Peut-être était-ce du au cache-œil. C'était la première-fois qu'il en voyait un. Même s'il y avait un peu de tout à Terrae, des originaux comme des passes-partout, il y avait des styles qu'il découvrait ou redécouvrait tous les jours. Il remarqua alors qu'il s'appuya sur son côté Sensitif pour percevoir ce qu'il dégageait, et là encore il eut encore beaucoup de mal à comprendre, penchant légèrement sa tête de côté... Il fallut qu'il s'exprime pour qu'il fasse sens à tout ça. Oooh il est perdu. Il sourit... Il savait pas ce que donnerait son sourire à l'envers mais il s'en moqua bien. Il venait de rencontrer quelqu'un de spécial, il en était certain ; entre ce qu'il percevait et ce que cet homme montrait, Nicolas n'arrivait pas à mettre le doigt dessus mais il comprenait.

Il lui expliqua longuement qu'il préférait le voir sur terre, ou du moins à l'endroit. Il n'eut pas besoin de finir sa phrase qu'il retira les mains de ses poches pour s'accrocher à la branche et descendre en douceur, pour ne pas stresser un peu plus son vis-à-vis. Il avait déjà pas l'air très certain de savoir comment s'y prendre avec les mots. :

-Ne vous inquiétez pas, j'admets qu'il est difficile de tenir une conversation avec quelqu'un de perché... littéralement.

Précisons, au cas où il pense que je suis un malade mental. Il se plia pour passer un coup sur son jean, le débarrassant de ce qu'il avait pu ramené de l'arbre, branches et mousses. Il leva la tête vers le ciel puis s'attarda sur la topographie de l'endroit pour repérer l'endroit où ils se trouvaient, ses pupilles traversant l'espace à vive allure, en train de lire l'esapce. :

-Je peux vous ramener vers le chemin et vous montrer la direction pour retourner au village si vous voulez. Ça ne me dérange pas.

Il pouvait toujours faire demi-tour, peut-être pas trouver le même arbre mais s'installer comme précédemment, il avait l'après-midi à tuer.

Mon sourcil se haussa suite à son trait d'humour. Peut-être un effort pour alléger l’atmosphère. Passons. Il était descendu de son perchoir et me faisait désormais face.

- Votre aide est la bienvenue !

Je me levais à mon tour, me débarrassant des éventuelles feuilles sur mes vêtements et le regardais comme pour l'inviter à se mettre en marche.
Je pris aussi la décision d'engager la conversation. Fait rarissime de ma part. Mais il me semblait que la base d'une relation démarrait par ça. Impossible de me rappeler d'où je tirais ça en revanche.

- C'est hum... Votre passe-temps de vous hisser sur les arbres ? Ou bien vous avez tout simplement une affinité particulière avec la nature ou la solitude ?
Cela dit pour cette dernière option je peux très bien vous comprendre.

C'était bien ? Peut-être devrais-je faire semblant de m’intéresser à la réponse. Poser une question sans écouter la réponse serait un peu discourtois... Ou alors je...
Stop ! Ce n'est pas en réfléchissant autant que j'arriverais à tenir une conversation anodine. La clef est justement dans la faculté à arrêter de penser. Alors stop. Si j'arrive à surmonter ça, tout me sera possible ensuite.

- N'hésitez pas à m'indiquer des points de repères le long du chemin, j'aimerais éviter de me perdre une nouvelle fois à l'avenir.

Afficher un air ennuyé, esquisser un faible sourire gêné. Ça me semblait pas mal jusqu'ici. Donner l'illusion de la banalité. Par contre on verra une autre fois pour le petit rire qui appuie habituellement ce genre de déclaration. Chaque chose en son temps.

Nicolas se met en route, il sait exactement où il est. C'est ça de grandir dans la campagne, on différencie si bien chaque arbre et chaque plante sur son chemin qu'on pourrait leur donner un p'tit nom au passage... Il voyait bien Aria faire ça, genre "Cette fougère s'appellera Albert !"... En songeant à elle, il cache son sourire. Ahlala ce phénomène... Même quand elle n'était pas là elle arrivait à le faire sourire... La prochaine fois qu'il la croisera, il le lui dira. Elle devait compter ça comme un exploit !

Concernant monsieur Cache-oeil, il avait encore du mal à le suivre. Il engagea la conversation mais ce qu'il dégageait était tout sauf de l'intérêt... avant qu'il arrête brutalement de ressentir ça pour passer à, ce qui lui semblait, un poil de détermination. Nicolas haussa un sourcil avant de répondre. :

-J'ai grandi en campagne, alors la nature, je la connais tout simplement... Et je considère que la solitude n'est pas un mal. Ça permet... de se recentrer je dirais.

Il s'arrêta pour montrer au jeune homme, tout en pointant du doigt, les éléments qui lui permettaient de se repérer. :

-Comme je sais d'où je viens, par rapport au chemin, c'est facile. Je mémorise quelques points de repères, les arbres ou certaines plantes, et par rapport à la place du soleil dans le ciel, je me redirige si je m'éloigne de ma route. Il reprend sa marche. Quand on se perd, à Terrae c'est plus simple. S'il fait beau, avec le soleil, on peut repérer le nord. On finit forcément par sortir du bois de cette manière. Quand il fait mauvais, il faut regarder comment le lierre ou la mousse se développe sur les troncs. J'aurais du mal à vous apprendre comment faire en fait, c'est instinctif chez moi.

Nicolas était peut-être traqueur dans une autre vie... Il espérait qu'il se montrait clair parce qu'il ne connaissait rien de son vis-à-vis, qui n'avait peut-être aucune connaissance concernant la nature.

Ce qu'il dégageait lui était familier et à la fois dur à saisir. Et il le comprit enfin quand il lui offrit un sourire gêné sans pour autant l'être, comme une feinte. Comme un masque. Et Nicolas, qui en avait porté un, si ce n'est plusieurs, sut enfin ce qui se tramait derrière le cache-oeil. :

-Ah !... Vous n'êtes pas obligé de faire la conversation vous savez... A moins que ce que je vous raconte vous intéresse vraiment ! En fait, j'ai du mal à comprendre ce que vous ressentez exactement. Je contrôle mal mes pouvoirs, excusez-moi.

Ouiiii bonjour je suis sensitif mais je sais pas encore bloquer totalement les émotions qui me parvienneeeeent ouiiii alors désolé si j'vous perçois sans votre autorisation alleeer ciaoooo !... Nicolas comprenait pourquoi on appréciait pas tant que ça les télépathes et les sensitifs. C'était intrusif mais il n'y pouvait rien... Et d'un autre côté, si ça pouvait aider le pauvre gars à ne pas se sentir obligé de jouer la comédie, pourquoi pas hein ?