Un silence de mort, un silence de mort pesait dans mon appartement depuis deux jours déjà. Ne me demandez pas pourquoi, quelque chose n’allait pas ici. Non pas seulement dans cette bâtisse, mais dehors aussi … Quelque chose me troublait.

Me redressant dans mon divan, je regardais par la fenêtre d’un air perdu. Le ciel était bleu, les oiseaux chantaient, tout à l’air d’aller bien non ? Alors pourquoi … Pourquoi ce silence ? Cette atmosphère lourde qui me prend de partout, quelque chose se serait passé à Terrae ? Non, j’y étais hier soir, tout allait bien … Je crois.

Me levant finalement, je m’avançais vers ma fenêtre, ouvrant celle-ci, je fermais les yeux pour sentir le vent caresser mon visage. Il n’était pas doux, il n’était pas calme, quelque chose … Un murmure ? Le vent pleurait, un vent venant de l’est me prévenait d’un malheur … Que ?

Trouvez-vous cela étrange ? Oui, j’arrive à comprendre le vent, de la manière qu’il siffle, dans la manière qu’il fait virevolter les feuilles des arbres. Me penchant légèrement un peu plus, je humais l’odeur de l’extérieur avant de me décider de retourner à l’intérieur en fermant la fenêtre.

Me dirigeant vers la sortie, je m’arrêtais en décidant d’aller me changer avant de retourner à l’institut. Enfilant rapidement un jeans et une chemise, je mis mes talons et hop, partis en direction du parking.

Montant dans ma voiture, je voulus démarrer le contact mais mon téléphone sonna. Décidant d’y répondre, j’écoutais les dires de mon interlocutrice avant de lui répondre :

- 5 minutes, et j’y suis.

Balançant mon cellulaire sur le siège arrière, je poussai sur l’accélérateur en direction de Terrae. Comme je l’avais dit, cinq minutes pas plus pour que je me retrouve sur le parking de l’école. Le permis de conduire ? Oui, je l’ai … Ce n’est pas pour autant que je respecte le code. Soit.

Sortant de ma voiture, je me dirigeais vers le bureau d’Hideko d’un pas rapide. Il ne me fallut évidemment pas plus de cinq minutes pour me retrouver devant celui-ci, elle était avec quelqu’un … une autre Master … qui ?

Restant devant la porte, je sentis une autre personne arriver dans mon dos. Me retournant légèrement, je vis Aaron. Que faisait-il ici ? Était-il lui aussi convoqué chez Hideko-San ? Le saluant d’un signe de la tête, je me demandais si il allait me reconnaître ou non. Sans doute, il pouvait sentir mon énergie, à force de se croiser, même si ce n’était pas si souvent que ça, il devait peut être me dissocier des autres, autant que tout les autres Master n’est ce pas ?

Poussant la porte, je lui fis un clin d’œil avant de rentrer la première dans le bureau de la directrice. J’avais raison, elle n’était pas seule. Je n’avais jamais vu cette femme … vu l’énergie qui en dégageait, elle était Master aussi … mais qui était-elle ? Serait-elle la cause de notre venue ? Non … Je ne crois pas, je ne sais pas.

Me penchant respectueusement devant les deux jeunes femmes, je me posais contre un mur en croisant les bras.

- Que se passe-t-il ?

J’aurais pu dire plus, mais autant aller au but. Je ne savais pas ce que je faisais ici, mais bizarrement, ca ne sentait pas bon du tout, mais pas du tout !

Je déprime.
Oui, oui, c'est rare de me voir comme ça, je le sais parfaitement, mais bon, c'est pas comme si j'y pouvais réellement quelque chose. La prédiction d'Haley me pourrit mes nuits, m'ôte toute envie de faire quoi que ce soit. Et pourtant, durant ces quelques jours, rien n'avait changé. Rien n'avait changé, mis à part mon comportement, devenu presque aussi effrayant que l'an passé. Je ne vais pas bien, et je ne veux pas le cacher. Tout le monde s'en fout, que mes cauchemars se multiplient de cette manière. Tout le monde s'en fout que je n'aille pas bien ; je leur fous la paix, comme ça. Mais alors pourquoi... Pourquoi est-ce que j'ai cette impression que tout va mal ? Pourquoi... ? Pourquoi ça ne tourne pas rond, dans ma tête ?!
J'ai peur... Tellement peur. Une peur indicible. Que je ne peux effacer, même au prix d'efforts considérables. J'ai finis par quasiment arrêter de manger, même si c'est idiot. Je n'ai pas faim, c'est tout. Par contre, ma consommation de nicotine n'arrête pas d'augmenter ; j'enchaîne les cigarettes les unes après les autres, achetant plusieurs paquets d'avance pour ne pas avoir à manquer. Je sais que c'est mal, mais la fumée comble ce trou dans ma poitrine. Ce vide que j'ai déjà ressenti par deux fois. Avant Terrae... Et après l'incident. Cette blessure... Que je n'arrive toujours pas à refermer. On m'avait dit que, lors de ma Masterisation, tout disparaîtrait sans doute. Mes doutes, mes peurs. Je ne les ai jamais perdus ; ils étaient simplement enfouis au plus profond de moi-même.
J'ai tellement peur de sortir de mon antre. Et pourtant...
Un appel téléphonique de la Directrice m'incitant à venir dans son bureau sur le champs m'obligea à le faire tout de même.
La boule dans ma gorge grossit, et le nœud de mon estomac se resserra, alors que je lui répondais. J'ai peur.
Je sortis presque en trombe de chez moi, sautai dans ma voiture, avant de remarquer que j'avais oublié mon paquet de cigarettes chez moi. Merde.
Mettant le contact en pestant sur moi-même, je me dépêchai d'arriver en direction de l'institut. Ce n'était pas très loin, mais je risquai de mettre plus de temps à pied pour arriver là-bas.
Je descendis, entrai dans le bâtiment après avoir pris soin d'éteindre ma cigarette, marchant assez rapidement jusqu'au bureau de ma supérieure. Je vis une jeune femme sur le pas de la porte que je ne reconnus pas immédiatement. Mais son aura ne me trompait pas, c'était bel et bien... Miya. Et pourtant, ce n'était plus elle. Que ce soit dans l'expression de son visage, dans son style vestimentaire ou bien son apparence en général. Même son aura semblait différente, tellement plus... Froide. Tellement plus sauvage et indomptable. Je lui répondis d'un faible hochement de tête.
Je déglutis en sentant l'énergie de Tomoe à l'intérieur de la pièce. J'espérai tellement que...
Suivant Miya (?...) à l'intérieur du bureau, je les saluai en inclinant légèrement la tête devant elles, préférant laisser parler la Master Sonore. Mais, n'y tenant pas, je posai une question à mon tour, réprimant un léger tremblement qui agitait mon bras droit. Il me sembla aussi que ma mâchoire tremblait, mais il se pouvait que ce ne soit qu'une impression... N'est-ce pas ? Ne pas perdre la face. Surtout, ne pas perdre la face devant elles.

- C'est... grave ?...

Pourquoi ma voix était-elle si faible ?...
La jeune Voyante me lança un regard compatissant, mais néanmoins triste. D'accord, merci Tomoe. Tu me rassures pas du tout, là. Pas du tout, du tout...

-Sauvez-les vite, je vous en supplie...

Les sauver, je n’avais pas vraiment le choix, et bizarrement, je ne demandais que ça. C’étaient des élèves, mes élèves avant tout et non seulement des habitants de Terrae. Serrant mes mains en baissant la tête, je me mordis la lèvre en me répétant les dires de Tomoe et Hideko. Trois élèves … Des noms, des gens, des vies à protéger.

-J'aimerais que tu te serves de la voie du ciel pour vous emmener, toi et Aaron, dans cet endroit. Tomoe va vous donner un plan le plus détaillé possible de ce qu'elle a vu dans sa vision. Si jamais vous avez un problème... J'ai ici trois autres puces, qui en plus de traduire n'importe quelle langue, vous permettront de communiquer directement avec Terrae si le besoin s'en fait sentir.

Sa voix, elle n’était plus aussi calme, plus aussi douce, une demande ? Non, une supplication … Elle montrait tellement sa peur à ce moment là. Son regard croisant le mien me disait tout, je voulais partir maintenant, sans attendre, aller les sauver.

-J'en garderais un ici, au cas où. Pour le reste... Je vous fais confiance. Mais je vous en supplie, soyez prudent. Ne commettez aucunes actions irréfléchies... Et ne faites pas de carnage. On ne sait rien de ce qui vous attend là-bas...

M’approchant du bureau, je pris cette petite puce en main, la regardant un court instant, je fermais les yeux en essayant de me convaincre que ca ira, que nous les retrouverons sous peu. Croisant le regard d’Hideko, je lui accordai un petit sourire avant de tourner les talons.

M’arrêtant à la hauteur d’Aaron, je pouvais déjà sentir son flux d’énergie augmenter. Regardant Tomoe sur sa chaise, j’attendis que celle-ci me donne les informations nécessaires pour partir. En attendant cela, je m’approchais d’une des baies vitrées du bureau pour ouvrir celle-ci. Passant ma tête par la fenêtre, je fermais les yeux en sentant le vent caresser mon visage.

Froid et Sec, un danger. Ils … ou plutôt, nous ? Je ne savais pas le dire à ce moment là … Je devais attendre.

- Je ne promets pas de me retenir si je vois quelque chose qui me déplait là bas, Hideko-Chan.

Tomoe [Yoshida] baissa les yeux, Hideko reprit une longue bouffée d'air. Ce qu'elle allait nous annoncer n'allait pas être agréable, c'était certain. Alors que la Directrice nous regardait, tour à tour, ses yeux s'ancrèrent aux miens. J'entendis à peine ce qu'elle nous dit, un nœud se contractant avec violence dans mon estomac. Et encore plus lorsqu'elle continua sa phrase.
Le moment de vérité...

- Trois élèves se sont faits enlever, et...

Je le savais. J'en étais certain. C'était évident. C'est de ma faute. Lorsqu'Haley m'avait prévenu, j'aurais dû aller voir Hideko sur le champ. J'aurais dû aller l'avertir immédiatement après avoir obtenu ces informations. J'aurais dû le faire, ça n'aurait... Ca n'aurait jamais dû se produire ! Parce que j'ai été lâche, parce que je n'y croyais pas ; que je ne voulais pas y croire. Parce que je m'imaginais encore que c'était un mauvais coup d'Haley, parce que je voulais m'en convaincre par tous les moyens possibles et imaginables. C'est de ma faute. Je le savais.

- Ils se trouvent dans un laboratoire, fermé, perdu en Amérique, reprit Tomoe. Au Texas précisément. Ce sont trois enfants... Deux garçons, et une fille. Elio...

J'avais violemment fermé les yeux, serrant les dents. Une vive envie de vomir me prit, alors que je sentais mon tatouage, dans mon dos, me faire mal. Une douleur que je n'avais pas ressenti depuis bien, bien longtemps. Et qui faisait remonter à ma mémoire des souvenirs aussi horribles que terrifiants. Des souvenirs que je gardais encore... De cet enfer où j'étais enfermé.
Bon sang... C'étaient... C'étaient trois gamins, trois enfants qui n'avaient rien fait ! Trois enfants qui ne méritaient pas tout ce qu'on leur infligerait, tout ce qu'on leur a déjà infligé ! Des tortures sous toutes leur forme, pour le plaisir malsain de scientifiques ayant tous perdu la raison. Qui pourrait bien faire ça ?... Qui pourrait bien faire ça, mis à part des gens dont l'humanité les a quitté depuis bien longtemps ?! Dont la vision d'adolescents perdus et traumatisés ne leur faisait rien ?! Qui sont-ils pour prendre la vie de ces gamins de cette manière ?! Leur sucer le peu de bonheur et de dignité qu'il leur reste, après qu'ils aient dû traverser des épreuves toutes plus terrifiantes les unes que les autres, et qui leur a fait ressentir l'appel... C'est tout ce qu'ils savent faire ! Tuer, détruire, voler. Déchirer, casser, découper. Au nom de la science.
Dégoûté. Dégoûté, écœuré, voilà ce que j'étais. Écœuré par tant de violence, et d'incompréhension. Ils ne nous comprenaient pas ; ils n'arriveraient jamais à le faire. Mais qu'est-ce qu'il leur fait peur ? Sommes-nous si effrayant que ce qu'ils tentent de nous faire croire ?
Je serrai les poings en sentant un courant électrique les parcourir, passant du haut de mes bras jusqu'au bout de mes doigts. Me calmer, il faut me...

- Sora, et Mitsuki. Ce sont ces trois adolescents là... Ils ont été enlevé la nuit dernière. Et depuis...

Cal...mer ...?
Je relâchai tous les muscles de mon corps, desserrant poings et mâchoire. Ouvrant simplement les yeux, ceux-ci s'écarquillant d'eux même, pour les plonger dans ceux de Tomoe. Je voyais ses lèvres continuer à bouger, mais il n'y avait qu'un seul mot que je semblais comprendre et entendre. Un seul nom.
Mitsuki.
Mitsuki... Mitsuki. Partie, envolée. Retenue dans ces salles crasseuses, humides. Retenue par ces gens. Ces gens, qui vont tout lui voler. Sa dignité. Son âme... Son esprit. Qui vont violer son intimité, lui détruire le corps. L'ouvrir, la disséquer. La tester, comme un rat de laboratoire. Tester ses limites. Lui voler peu à peu tout ce qu'il lui restera. Sa force... Son espoir. Et, finalement, sa vie, avant même qu'elle ne s'en aperçoive.
La discussion se continuait et moi, je fixais Tomoe, sans ciller. Je la fixais sans même la voir. Je l'écoutais sans même l'entendre. Pour moi, plus rien n'existait.
Je posai ensuite mes yeux sur Hideko, ne lâchant plus les siens, fuyant mon regard. Mon regard voilé de douleur, de tristesse, de surprise. Mon regard emplit de colère, de haine. De colère envers moi-même, envers ces gens qui se prétendaient de bons samaritains, poussé par leur orgueil à détruire des vies. Détruire des vies avec délectation, avec le plus grand des plaisirs. Ils aimaient faire ça, et peu importe ce qu'on leur ferait, ils n'arrêteraient pas. Ils n'arrêteraient jamais. Et pourtant...
Il faut les tuer.
Les tuer, tous, un par un, les uns après les autres. Leur arracher leur vie, pour leur faire passer l'envie de faire de même. Leur faire subir tout ce qu'ils nous ont fait. Tout ce qu'ils leur ont fait. Tout ce qu'ils feront.
Je serrai une nouvelle fois les poings, faisant blanchir mes jointures. Me mordis la lèvre, pour faire couler le sang, tenter de me maîtriser. Fermai les yeux arborant désormais une couleur or, retenant mes larmes de rage. Reculai jusqu'au mur derrière moi pour m'y appuyer, me retenant de prendre ma tête entre les mains. Me retenant de hurler, de tout détruire.
C'étaient mes élèves. C'était mon élève. Ils n'avaient pas le droit d'y toucher. Ils n'avaient pas le droit... De recommencer à me prendre tout ce que j'avais.
Je baissai la tête, sentant mon énergie traverser tout mon corps, manquant de ressortir par tous les pores de ma peau. Je la sentis traverser le sol, les murs. Effleurer chaque ampoule, chaque ordinateur.
Me maîtriser. Me maîtriser, pour ne pas tout détruire. Je ne suis pas comme eux, je ne prend pas de plaisir à détruire sciemment tout ce qui m'entoure. Je ne peux pas prendre autant de plaisir qu'eux. C'est impossible.
Je sentais plus que je ne voyais la lumière vaciller autour de moi, dans les couloirs, les salles. Dans l'institut tout entier.
Me maîtriser. Me maîtriser, pour pouvoir partir. Pour pouvoir aller les sauver. Si je ne le fais pas, je n'arriverais jamais à partir. On ne me laissera pas partir.
Hideko savait à quel point ces histoires là me touchaient. Alors pourquoi m'avait-elle appelé moi ? Elle savait que je ne pourrais pas me contrôler. Elle savait que, si ça arrivait, je n'arriverais pas à reprendre contrôle de moi-même.
Ce n'est pas mes pouvoirs qui m'échappent. C'est ma colère.
Ce n'est pas mes pouvoirs que je tente de maîtriser ainsi. C'est tout simplement ma haine.
Ce n'est pas le système électrique de l'institut qui risque d'exploser. C'est mon coeur.
Mon cœur, et mes larmes.
Ma main droite se posa d'elle-même sur mon t-shirt, au niveau du cœur ; serra de toute ses forces le tissus entre ses doigts.
Je les ramènerais ; je la ramènerais. Coûte que coûte, jamais je ne pourrais les laisser là-bas, tous seuls. Je ne pourrais jamais l'abandonner entre les mains de ces types.
Je me suis toujours dit que ce serait formidable, si je pouvais user de mes pouvoirs sur moi-même. Peut-être réussissais-je même à le faire sans m'en rendre compte. Mais là, je me rendais compte que, j'avais beau contrôler les sentiments d'autrui, j'avais beau pouvoir leur faire ressentir ce que je souhaitais... Je n'ai jamais compris mes propres sentiments. J'ai eu un mal fou à comprendre ce que les autres ressentaient. Je crois que je n'ai même jamais compris. Que je ne comprendrais jamais.
Ma respiration, peu à peu, se calma ; j'en fis de même. J'avais réussi à comprendre quelques bribes de conversation, et la dernière phrase qui était parvenue à mes oreilles était celle de Miya.
Rouvrant les yeux, après avoir réussi à me contrôler un peu, je dis, la voix basse et grave :

- Je... Ne peux pas le promettre non plus.

A vrai dire, je ne voulais pas le promettre. C'était aussi simple que cela.
Je sentis le regard de Tomoe sur moi, et tournai la tête vers elle. Elle semblait inquiète de m'avoir vu m'agiter de cette manière. Tellement compréhensible.
Je ne pus pas lui sourire pour tenter de la rassurer, je m'en sentais incapable. Ca aurait été un mensonge, de toute manière. Et je ne pouvais me permettre de lui mentir. Pas à Tomoe. Pas à elle, je n'aurais pas pu. Elle ne m'aurait pas cru. Elle me connait bien trop pour ça.

- En revanche...

Je relevai la tête, me décollai du mur, me redressant complètement, inspirai un grand coup. Mon regard, déterminé et sûr de lui, se porta tour à tour sur mes trois collègues.

- Je promets de ramener ces gamins. Quoi qu'il m'en coûte.

Parce que c'est ça... Le rôle d'un Master.
Apprendre, éduquer. Protéger...
Et peu importe le prix à payer.

Je n’ai pas attendu qu’elle nous accorde sa bénédiction pour sauter par la fenêtre, me laissant tomber dans le vide, je fermais les yeux en repensant à ce qu’elle avait dit précédemment. Les enfants, nos élèves, mes trésors, une de mes seules raisons de vivre, ils allaient me les enlever, ils allaient me les arracher. Jamais, jamais je ne supporterai de porter le poids de leurs vies sur mes épaules si ceux-ci venaient à mourir.

A plus ou moins un mètre du sol, j’ouvris les yeux et repoussais violement celui-ci avec ma maitrise de l’air. Remontant en flèche, je me laissais retomber une fois de plus pour me vider l’esprit. Planant littéralement devant la baie vitrée du bureau d’Hideko, je regardais Aaron. Il … Ce n’était pas le chieur que j’avais connu avant, ce n’était pas le débile de services que j’évitais. Etrangement, sur ce coup là, je le trouvais tellement … mature.

On a tous nos peines, on les cache comme on le peut, on s’efforce parfois à sourire, ou encore, à jouer les débiles de services, mais quand quelque chose nous fait ressentir de la nostalgie envers un passé tragique, la connerie ou le sourire ne nous aide plus à masquer nos angoisses, notre tristesse, nos peurs.

Regardant Hideko, celle-ci aussi avait l’air de ne plus être dans son état normal. Compréhensible, elle avait faillit à sa tache, elle n’avait pas réussis à sécurisé ses élèves, non, ce n’était pas vraiment ça … Elle était « humaine » aussi après tout. Retournant dans la pièce en marchant sur le bord de la fenêtre, je vins me placer derrière notre chère directrice. Posant ma main sur sa tête d’un signe amical, je lui dis :

- Tu n’es pas la seule responsable, on a tous nos parts de responsabilité dans cette affaire, Hideko-Chan.

Déliassant mon geste amical, je m’approchais de Aaron pour lui prendre la main. Le tirant avec moi jusqu’à la fenêtre je m’arrêtais un instant pour le regarder. Triste … Nostalgique … La peur, la haine mais aussi … ce sentiment fort qui n’est comparable à rien d’autre se lisait dans son regard. Lui accordant un sourire, je lui dis :

- Nous les sauverons, quitte à en rester.

Cette idée ne me faisait pas peur, j’avais accepté ce rôle. Protéger mes élèves à n’importe quel prix, faire d’eux mes précieux, voir dans leurs yeux un avenir merveilleux que je ferai tout pour leurs accorder.

Lâchant la main de mon camarade de « chasses », je montais sur le rebord de la fenêtre, et marchais dans l’air comme s’il y avait un sol invisible juste en dessous de moi.

Tendant une main à Aaron, j’attendis que celui-ci la saisisse pour s’en aller.

Hideko nous donna les puces, et Tomoe le plan. Leurs yeux, à toutes les deux, exprimaient leur douleur et leur tristesse. Et, pour Hideko... Sa haine, mais aussi sa culpabilité.
Hochant la tête lorsqu'elle nous souhaita bonne chance, ainsi que de ramener les enfants... Je lui lançai le regard le plus convainquant.

- Tu peux dormir sur tes deux oreilles. On les ramènera. Je vous le jure, à toutes les deux ; mais aussi à eux trois.

À côté de moi, Tomoe me jeta un regard emplit de toute la gratitude qu'elle pouvait nous offrir. Pourtant, ce n'était pas terminé. Ca n'avait même pas commencé. Alors, à quoi bon tenter de nous remercier maintenant, tandis que nous ne connaissions même pas l'issue de cette mission ?
Je sentais, à mes côtés, Hideko bouillonner de rage, que je savais dirigée vers elle et vers tous ces scientifiques. Hochant la tête après la remarque de Miya, je renchéris, la voix basse, coupable ; presque inaudible, incertain qu'elle ait entendu quoi que ce soit.

- Hideko... Je suis sans doute plus responsable de ça que toi.

Parce qu'après tout... J'avais été mis au courant, mais j'avais décidé d'ignorer cet appel par peur. Et maintenant... Ces trois enfants en payaient le prix fort. Et quel prix que celui de leur vie... Pour la lâcheté d'un homme qui se devait de les protéger.
J'ai tellement honte... Je sais que même si elle me questionnait, je n'oserais rien dire. Je n'oserais rien dire, de peur de fondre une nouvelle fois en larmes devant elle...
Miya (je me répète, mais... était-ce vraiment elle ?) m'attrapa soudainement la main, puis me tira, sans que je n'ai le moindre mot à dire, vers la fenêtre. Tandis qu'elle me fixait, je penchai légèrement la tête sur le côté, interrogateur. Pourquoi me fixait-elle de cette manière ? Essayait-elle de lire, dans mon regard, mes sentiments ? Pourtant... Tout le monde sait que je n'en ai pas, n'est-ce pas ? Seules la haine et la colère dominent dans mon cœur. Tout le monde le sait, n'est-ce pas... ?
Pourtant, lorsqu'elle me sourit, je ne pus qu'hocher la tête, le cœur un peu plus léger.

- Oui.

Un simple mot, mais c'était amplement suffisant, non ?
Alors qu'elle passait par la fenêtre pour marcher dans le vide, je grimaçai. C'est pas que j'ai le vertige, mais... Enfin... Bref, on s'en fout.
Attrapant vivement la main de ma collègue après m'être assit au bord de la fenêtre, le cœur lui même au bord des lèvres, j'attendis que nous fassions le grand saut... Afin d'aller sauver ces enfants.
Mitsuki...
Mitsuki, attends-moi...