Il avait soupiré en levant les yeux au ciel avant de laisser tomber le verdict :

« Désolée gamine, je ne tape pas dans du moins de seize ans. » ce qui était totalement vrai étant donné que son premier copain avait seize ans, et que par la suite les années croissant il n’avait plus investi que dans l’ancien et le d’occasion. Préférant un homme mature à un jeune premier. Peut-être histoire de conserver son intégrité physique. Et si possible ne pas baiser avec un type qui s’y prenait comme un pied, même s’il ne l’avouera pas, c’était tout de même un de ses critères de sélection, quelqu’un qui avait de l’expérience. Il avait compris qu’une première relation n’était jamais parfaite, et que si on pouvait déjà avoir un retour sur expérience, on avait la possibilité de s’améliorer. Ils se quittèrent en se donnant rendez-vous plus tard.

Il prit lui aussi le temps de se laver et passa des fringues propres sans se préoccuper de leur concordance. C’est ainsi que le baggy militaire se retrouva accommodé d’un tee-shirt rose sans que cela ne le perturbe. Ce haut portant l’effigie d’un groupe lambda et depuis longtemps dissout, n’était miraculeusement pas constellé de petites taches de couleurs, aillant il semblait échappé à la maladresse de son propriétaire, ce qui n’était pas le cas du baggy. Les taches de couleur venant se mêler à celles militaires, lui donnaient un aspect presque girly.

Il attendit un moment la belle devant son véhicule de travail, ne maitrisant pas la téléportation comme Mitsuki il usait de moyens plus communs, à savoir : son joli taxi jaune. D’habitude il veillait un peu plus à son dress-code, mais là. Franchement, il n’allait pas travailler quoi. Il sortait boire un coup avec Oksa. Quand il la vit arriver il s’inclina dans une comique révérence :

« Le carrosse de mademoiselle est avancé, attention t’as la permission de vingt deux heure, après j’me retransforme en souris. »

Il n’alla pas jusqu’à lui faire l’offense de lui ouvrir la portière. Elle était assez grande (malgré sa taille) pour le faire elle-même. Il s’installe du côté conducteur, même si elle savait conduire il ne laisserait jamais personne prendre sa place. C’était sa voiture, il serait pire qu’un mari trompé si quelqu’un la touchait un jour. Pire qu’un père avec le premier copain de sa gamine : il serait un type bafoué dans son honneur le plus intime, on aurait touché sa bagnole. Ouai, non, en fait il s’en foutait, il avait juste pas fini de payer le crédit qui lui avait permis de l’acheter et il ne voulait pas pouvoir en vouloir à qui que ce soit si elle se trouvait d’une quelconque manière abimée.

« Je t’amène dans un bar que j’fréquente quotidiennement, l’ambiance est vraiment chouette ! » dit-il en pressant la pédale de l’embrayage.

Je profite un moment de la douche puis finalement en sors. Je noue une serviette au niveau de ma poitrine et en enroule une autre sur ma tête afin de ne pas sentir les gouttes de mes cheveux couler dans ma nuque. Je m'observe quelques instants dans le miroir et repense aux paroles d'Angie: " Désolée gamine, je ne tape pas dans du moins de seize ans. ". Je soupire légèrement. Ce n'est pas que j'ai particulièrement envie de le draguer, mais de temps en temps, savoir qu'on plait et qu'on ne fait pas 12 ans, c'est réconfortant. Je hausse les épaules et vais m'habiller. Je trouve rapidement un pantalon noir et un T-shirt bleu, de la même couleur que mes cheveux à vrai dire, et les enfile. J'ajoute à cela une paire de converse basique. Peut être que si je mettais des talons je pourrais paraitre un peu plus vieille... plus grande en tout cas! J'enlève la serviette de mes cheveux et tente de les sécher. Mais ils finissent plus en bataille que secs. Je soupire et tente de les coiffer. Indéniablement, comme d'habitude, ils se mettent à boucler et rebiquer.

" Arg! j'en ai marre! "

J'affiche une moue dépitée et me mets à la va vite du mascara. Je ne me maquille jamais. Mes cils sont déjà naturellement longs. Et d'ailleurs là ça ne fait pas naturel du tout. De plus en plus dépitée, j'enlève le maquillage, attrape un sac à main dans lequel je fourre mon porte feuille, mon portable et un gilet puis gagne la porte. Je sors et rejoins Angie qui m'attend devant son taxis. Il a le droit de le prendre à usage personnel? Enfin... C'est autre chose qui me saute aux yeux... C'EST QUOI CES FRINGUES? Et moi qui croyais que j'allais faire tache avec mes cheveux impossible à dresser et ma tête de bébé! c'est lui qui est plein de taches finalement! Un sourire taquin aux lèvres je lui réponds en faisant aussi une mini révérence:

" Non... Je pense que tu risques plutôt de te transformer en Cendrillon!"

Je lui tire la langue et vais m'installer. Sa voiture est confortable cependant cela me fait bizarre de me faire emmener dans un bar. Ce n'est pas vraiment mon quotidien. Bon, je reconnais que cela me fait plaisir, mais quand même! Je hausse les sourcils, surprise, en entendant ce qu'il me dit.

" Que tu fréquentes quotidiennement? Eh bah dis moi, je ne te savais pas si dépravé! Ce qu'on dit sur Cendrillon est donc vrai...! "

Je ris en me disant que lorsqu'il va se venger, je risque de légèrement regretter mes paroles. Je finis par me tourner vers la vitre, observant le paysage défiler devant mes yeux.

" Et il est loin ce bar? Tu crois qu'ils vont me laisser rentrer? J'ai pris ma carte d'identité mais bon.. on sait jamais! "

Eh oui, je préfère en rire qu'en pleurer. En plus, Angie m'aurait probablement vanné la dessus à un moment ou un autre, alors autant prendre les devants.

« Bien que la robe bleue à paillettes et les souliers vairs m’iraient sans doute foutument bien, je préfère encore mes frusques, elles sont bien plus confortables. »

En fait il avait déjà porté ce type de déguisement dans des soirées entre amis. Il avait un sens de l’humour étrange et parfois étonnant. Oui étonnant de voir le temps qu’il pouvait mettre dans un maquillage ou dans la confection d’un costume. En artiste aguerrit il préférait faire les choses bien plutôt que de les bâcler. Voilà comment il en était venu à se déguiser en Aurore pour une fête d’Halloween alors qu’un de ses potes avaient enfilé un déguisement de Maléfique. Etrangement les deux habits allaient parfaitement aux hommes, nombre les avaient d’ailleurs félicités de leur audace autant que de leurs atours.
Seul celui qu’il avait aimé avait trouvé quelque chose à redire. Il n’avait guère apprécié que Charlie-ange forme un duo avec un autre que lui-même. Il lui avait fait une crise de jalousie qui n’avait fait que détruire l’ancien professeur. Lui faisant croire un instant qu’il n’était qu’un mauvais bougre, un petit-ami malveillant qui ne cherchait qu’à blesser celui qui quelques mois plus tard l’avait quitté, car il lui faisait du mal… Et malgré tout, malgré le fait qu’il sache que ce n’était pas ce connard qui cherchait sans arrêt le malheur de son aimé, il pensait encore indistinctement que c’était de sa faute s’il était parti. Il essayait simplement de ne pas y penser. Certaines blessures mettaient tout simplement plus de temps que d’autres à s’effacer.

Un sourire amusé nait sur ses lèvres. Moqueur il accorde un regard à la jeune femme alors qu’il roule sur une ligne droite.

« Ce n’est pas entrer dans un bar qui définit qui tu es mais ce que tu y bois ma belle. »

Le voilà qui parlait en maitre chinois avec des belles paroles tout droit sortie d’un biscuit du destin. Pourtant c’était un conseil valable, il savait juger d’un homme à sa consommation et aux horaires de cette dernière. Quelqu’un qui commandait un pastis à huit heures du matin n’était sans nul doute quelqu’un en difficulté. Quelqu’un qui en prenait un à dix-neuf heures avec ses potes après le boulot restait quelqu’un de naturellement plus sain. En apparence du moins !

Il gare sa voiture et met par prudence le frein à mains. Le temps de descendre de voiture, et les voilà qui entrent dans ce bar dont il est habitué. Il ne se trompe pas au regard du patron, elle n’est pas la première donzelle qu’il ramène ici. Pas la première amie. De cela pourtant l’homme ne peut préjuger, préférant sans doute voir en son client l’étalon qu’il n’est pas. Il la guide vers le bar et lui tire un tabouret pour l’inviter à s’assoir :

« Bienvenue dans le monde des grands ma petite ! »

J'observe quelques secondes le profil d'Angie puis m'exclame, super enthousiaste.

" Je suis sûre que tu serais carrément mignonne en fille! "

Et en effet, je l'imagine parfaitement en robe classe et talon haut, pas trop haut car il est déjà grand. En revanche, j'ai du mal à me dessiner dans l'esprit le même visage encadré de cheveux longs.

" Hum... Tu t'es déjà laissé pousser les cheveux? Parce qu'autant les habits je vois parfaitement, autant même en nana je ne t'imagine pas avec une chevelure cascadant sur tes épaules. "

Le même sourire amusé se dessine sur mes lèvres, et je profite de ce moment d'échange de regard pour le rembarrer un peu, moi aussi.

" Ah oui? Merci pour ce cours empli de sagesse Senpai Alcoolo! "

Mais nous arrivons au bar. "Le monde des grands"... Je lève les yeux au ciel et m'avance. C'est... étrange? J'ai l'impression que le patron nous fixe carrément. Un peu gênée, je m'assois sur le tabouret. J'ai la sensation que je vais étouffer. Ma tête commence à tourner un peu. Mais je me calme.

" Merci... "

Mon sourire se fait plus nerveux. Il y a beaucoup de monde, beaucoup de bruit, je ne me sens pas très à l'aise. Peut être est-ce pour cela que j'ai toujours refusé de venir dans un bar. Je savais que ça ne serait pas forcément ma place. Un serveur arrive, nous demandant ce que l'on désire boire. Je sens mes joues se colorer. Arg. Parler à un inconnu est toujours difficile. Je ne réfléchis pas et demande, en ne me basant que sur les boissons que les personnages de séries américaines boivent, une bière. Je vois le doute du serveur quant à me servir de l'alcool mais il regarde rapidement Angie et hausse les épaules. Il prend la commande du jeune homme et s'éloigne.

Je n'ai jamais bu d'alcool. Qu'est-ce que je fous? Pourquoi je n'ai pas commandé... je ne sais pas moi! Un coca? Un ice-tea? J'étais tellement paniquée que je n'ai même pas écouté ce qu'a commandé Angie. Enfin vous me direz, il est 18h passée, presque 19h. Ce n'est pas comme si j'avais commandé de l'alcool à 10h le matin... Epuisée à la fois par ma journée et mes réflexions, je pose sur Angie un regard où doit soudainement se lire une puissante fatigue.

" Pardon je n'ai pas entendu... Tu as pris quoi toi? "

« J’étais canon tu veux dire ! »

Il surenchérit, se foutant clairement dans la merde. Se rendrait-il compte qu’il tend le bâton pour se faite battre ? Non, il rit, s’amuse de lui-même avec aisance, pourquoi se prendre au sérieux ? Et puis c’est vrai qu’il était canon, la longue robe masquait ses genoux velus et il avait pour l’occasion investi dans un soutien-gorge rembourré. Il se demandait d’ailleurs toujours pourquoi les femmes s’infligeaient une telle souffrance, à leur place il aurait été hargneux non seulement les jours où les menstrues les dérangeaient mais aussi ceux où elles devaient s’affubler d’un tel artifice. Ou objet de torture… tout dépendait de votre point de vue.

« T’sais les perruques ça existe ? »

Bon et il n’a jamais vraiment eu les cheveux longs jusqu’aux épaules peut-être quelques fois, mais sa mère se débrouillait toujours pour qu’il prenne la décision de ses les couper tant qu’il ressemblait encore à quelque chose. Ce qui concédons-le était peut-être un abus de langage car en tout temps rien n’avait moins ressemblé à un Charlie-Ange qu’un Charlie-Ange. A part peut-être un Charlie-Ange ? quoique, la chose n’était pas certaine.

Se faire traiter d’alcoolo pour quelqu’un qui n’a pas bu plus d’un verre d’alcool dans toute sa vie est tout de même un comble. Il avait ce savoir pour lui ne dissimulant pas un regard amusé et moqueur envers sa jeune amie. C’est toujours drôle de savoir quelque chose que les gens ne savent pas, il se tut encore un peu la laissant dans sa croyance. Boire n’avait jamais été pour lui nécessaire pour s’affirmer, pour se considérer comme un des grands qu’il venait d’évoquer. Il n’avait pas besoin de tous ces faux semblant pour se connaitre.

Il ne fut pas étonné qu’elle commande une bière, c’était ce que nombre cherchaient en ces lieux. Peut-être un peu de sexisme l’aurait entrainé à penser qu’un demi-pêche serait plus approprié aux papilles gourmettes d’une jeune fille, mais heureusement le sexisme n’était pas dans ses défauts… Après tout n’avait-il pas l’habitude de commander un truc ultra-sucré ? Le genre de cocktail à filer du diabète à tout un chacun, un mélange contenant presque cinquante pour-cent de sirop de framboise et cinquante pour-cent de jus d’ananas, un délice … Mais ce jour-là il avait soif et pas envie d’une boisson qui ne l’étancherait pas. Quand elle lui demanda ce qu’il avait pris il répondit avec un large sourire.

« Une grenadine ! »

Aucune honte, il assume pleinement de venir dans ce lieu de débauche et de commander tantôt un chocolat chaud, tantôt une limonade, tantôt un sirop. Les plaisirs sont multiples et déclinables en nombreux cocktail dont il raffole.

Je hausse les sourcils. " Etais canon"? Il s'est donc bien déguisé en fille un jour. Oula, ça ça demande à être approfondi! Je me promets de revenir là dessus peu de temps après.

A ma question, Angie me dit qu'il a prit une grenadine. Son air tout heureux contraste avec mon désespoir. Je crois que je déteste sortir en fait, je suis un ermite. Enfin bon, tentons de rendre ça.. divertissant? Je crois que c'est le mot généralement utilisé pour ce genre de sortie.

" Sinon, oui je sais que les perruques existent... Et donc, tu t'es déguisé en fille? Je paierais cher pour voir ça! Dis moi que t'as des photos! "

Je lui souris, mais mon sourire est crispé. Les gens qui passent autour, sans le faire exprès je suppose, m'effleure, me touche, et je déteste ça. Trop de contacts non voulus. Finalement la serveuse apporte nos commandes avant de repartir sans nous laisser le temps de payer. Nous ferons ça en partant alors je suppose. Hésitante, je tends ma main vers la bière. Je porte le verre à mes lèvres.

Ok. Je peux survivre en buvant ça. Ce n'est pas aussi mauvais que ce que je pensais. C'est même plutôt pas mal. On m'a toujours dit que la bière était amère, mais finalement ça va. J'ai juste peur, étant donné que c'est la première fois que je touche à de l'alcool, de finir saoule. Mais Angie est quelqu'un de gentil, même je ne suis pas dans mon état normal, mis à part se foutre de moi pendant un moment, il ne fera rien.

Observant sa grenadine, une question me vient soudain. J'ai la sensation d'avoir raté quelque chose. Mon regard se fait suspicieux.

" Bois-tu de l'alcool Angie? Parce que j'ai la sensation que tu te fous de moi en fait, et que tu es tout sauf un alcoolique! "

Soit je me suis plantée et il va se marrer. Soit j'ai raison et il se marre depuis tout à l'heure intérieurement face à mes mauvaises accusations. Dans les deux cas, je passe pas mal pour une conne. Je bois une seconde gorgée de ma bière. Eh oui, ce soir, j'apprendrai à noyer mon désespoir dans l'alcool.

Ils font pas ça avec du whisky, du rhum ou de la vodka habituellement? Boh, pour une première fois, la bière suffira!

« J’ai des photos, mais elles se paie cher sur facebook ! »

En fait il aurait peut-être dû ressentir un soupçon de honte à ce que de telles images de lui circulent sur les réseaux sociaux, et ce d’autant plus que ses élèves pouvaient sans doute y accéder si cela les avait intéressés, mais il s’assumait. Ne ressentant nulle honte à s’affirmer, ne buvant pas une goute d’alcool il pesait souvent le pour et le contre et assumait chacun de ses délires. Il ne se cachait pas en disant « ouai j’avais trop bu, j’regrette ce qu’il s’est passé ensuite… » Il ne regrettait pas tout simplement.

« T’es sur facebook toi d’abord ? »

Ce genre de question qu’il posait plutôt que de chercher les gens en mode stalkeur. En fait il demandait aussi pour ne pas perdre son temps, il ne connaissait pas le nom de famille d’Oksa, et encore il n’abordait pas le problème de l’orthographe de son prénom… Si tant est qu’elle soit sur facebook sous ces identifiants et n’utilise pas un pseudonyme comme il le faisait : « Angie Petit » bon évidemment ça avait parfois tourné au gag quand ses potes avaient changé ses identifiants en Petit Ange en lui affublant une troublante image de manga aux formes très féminines… Il avait alors reçu quelques messages tendancieux de mâles en rut et avait pris conscience de la lourdeur de ses pairs et du poids qui pesait sur ses consœurs…

« Nope c’est contre ma religion ! » déclare-t-il avec un grand sourire.

Etrange de parler de religion quand il n’y a qu’un seul adepte, mais c’était il devait l’avouer une façon assez drôle de formuler les faits. Il ne buvait pas, plus, il avait essayé, s’était rendu compte qu’il n’aimait pas. Il n’aimait pas perdre le contrôle de ce corps qu’il ne maitrisait pas. Il avait luté toute sa vie pour s’approprier cette chair qui le couvrait, pour se maitriser, pour gagner en précision. Pour réussir à faire les choses vite, pour vaincre cette camisole dans laquelle il était né. Il avait gagné parfois, perdu le plus souvent, mais toujours s’était battu. Alors il résisterait encore, refusant de boire cet alcool qui le privait à nouveau de lui-même. Il avait lu un jour que sa maladie était assez semblable aux effets de l’alcool sur l’équilibre et le déplacement, sur la finesse des gestes aussi, pas sur la vivacité de l’esprit… Mais ayant combattu tout sa vie pouvait-il accepter sciemment de pointer les armes de l’ennemi sur sa tempe ? Non, il s’y refuserait toujours.

« T’as pas l’air dans ton assiette, ça va ? »

S’inquiète-t-il en voyant le visage d’Oksa ? Absolument, la jeune femme n’a décidément pas l’air dans son assiette. Est-elle malade ? Il est loin d’imaginer que la donzelle a commandé un breuvage dont elle n’a pas l’habitude…

Je lui souris lorsqu'il m'apprend que des photos existent bien sur facebook.

« Je suis prête à payer le prix qu'il faudra! »

Il me demande ensuite si je suis sur le réseau social. J'avais songé en arrivant ici à m'y inscrire, mais n'en avais finalement rien fait. Quel en aurait été l’intérêt ? Je n'avais pas grand monde à "ajouter" dessus. Et puis j’ai toujours trouvé que c’était compliqué. Entre le fait qu’on ne connait pas forcément les noms de famille des gens, l’orthographe de leur prénom et nom et qu’en plus ils peuvent y être sous un pseudonyme, les trouver devient un véritable défi, une chasse au trésor. Je fais donc sans depuis.

« Non. Je n'en n'ai jamais vraiment eu besoin. »

Je bois une gorgée de mon verre. Alors que nous parlons, je commence à me détendre un peu. Je n'apprécie toujours pas d'être au milieu des gens, mais j'aime parler avec Angie et finalement ma boisson n'est pas mauvaise comme je l'avais pensé en commandant. Au contraire, je la trouve bonne.

J'avais donc en effet raison, Angie ne boit pas d'alcool. Contre sa religion ? Je ne sais pas s'il dit ça sérieusement ou si c'est une manière de tourner les choses. Je pencherais plutôt pour la deuxième proposition, mais on ne sait jamais.

Soudain le regard du garçon se fait légèrement inquiet et il me demande si ça va. Je réalise que je ne dois pas être de la plus agréable compagnie depuis tout à l’heure, et commence déjà à ressentir des remords. Après tout, nous sommes ici pour passer une sympathique soirée, pas pour qu’il me regarde me morfondre sur mes soucis de sociabilité. C’est donc un grand sourire que j’affiche aussi rapidement que possible et je lui réponds d’un ton bien plus enjoué.

« Oui, ça va ! Désolée j’ai juste eu un petit coup de fatigue. La journée n’a pas été des plus reposantes n’est-ce pas ? »

De toutes manières, déprimer ne changera rien. Alors autant essayer de faire avec. Je regarde autour de moi, observant l’intérieur du bar.

« Donc tu viens souvent ici ? L’endroit est sympa, tu fais bien ! »

Ce n’est pas un mensonge destiné à le rassurer. En réalité, le lieu n’est pas si petit, il est juste bondé. La déco est simple mais jolie, avec un petit côté vintage. Le patron croise mon regard et m’adresse un sourire, il a l’air assez gentil. Je reporte mon attention sur Angie.

« Mais c’est quand même surprenant qu’en venant ici assez régulièrement tu ne boives pas une goutte d’alcool ! Tu ne te retrouves jamais à soutenir quelques amis qui ont trop bu ? »

Ce rôle insupportable de tenir les cheveux des gens qui vomissent quand toi tu n’as pas touché à un seul verre alcoolisé. Enfin, c’est aussi ça, ne pas boire. C’est avoir pitié des autres… et éventuellement se faire vomir dessus.

« Est-ce que tu as déjà eu besoin de manger du chocolat ? Pourtant t’en as mangé non ? Bah facebook c’est pareil t’en as pas besoin mais tu y vas et tu te sens coupable après tu tends que tu y a perdu… »

Oui le chocolat ça faisait aussi perdre du temps, comme on disait cinq secondes dans la bouche dix ans sur les hanches. Le temps à faire du sport pour bruler ce surplus de matière grasse c’était du temps de perdu. Si certains acquiescent en lisant ces mots, j’vous rassure une drogue reste une drogue et quand ils rajoutent des noisettes ou des additifs du genre candy-crush les commerciaux et autres développeurs ont dans l’esprit de vous faire consommer. Vous n’êtes pas seuls responsables de votre déchéance… Etait-ce crédible ? Non. Tant pis, un peu de culpabilité gratuite ça ne fait pas de mal.

Il n’a pas à payer les pots cassés de ceux qui ne connaissent pas leurs limites. Pourtant il est ce genre de gentille personne qui se laissent exploiter, ceux qui ne s’en rendent pas compte. Parfois il lui est arrivé de passer la soirée avec un inconnu sur le canap car il ne savait pas où le renvoyer pieuter… Ou de dormir chez des inconnus de peur qu’ils s’étouffent dans leur vomi… Mais dans ce cas on ne pouvait pas vraiment dire qu’il dormait. Il se réveillait en sursaut pour vérifier que la personne respirait encore, se disait qu’il ne se rendormirait pas… Et bref ce cinéma pouvait durer très longtemps.
Le pire dans l’histoire de la vie de Charlie-Ange ? C’était que les gens n’avaient aucune reconnaissance. Une fois il s’était juste fait jeter dehors au petit matin par la meuf qu’il avait veillé toute la nuit… Et à qui il avait tenu les cheveux un millier de fois et demis pendant qu’elle dégobillait dans ses chiottes pleurant à moitié sur son mec qui l’avait plaquée et lui faisait de lourdes avances… Ne comprenant pas qu’il pouvait refuser de coucher avec une fille ivre par éthique et non parce que il était gay. Bon tu étais bi, mais on n’était pas ce genre de détails.

« L’endroit est sympa mais on va rentrer t’as la tronche à pas avoir besoin de maquillage pour tourner dans Walking Dead… »

Et il oublie sciemment de répondre à son autre question. Genre en quoi ça la regarde s’il doit laver ses habits. Non ? Il lui envoie un regard faussement outré. Sérieux ? Angie tu peux faire mieux que ça ! il règle pour eux deux, on ne laisse pas une mineure payer une bière… Quoi comment-ça ? Elle n’est pas mineure ? Mais si regardez sa tronche, ses bonnes joues qu’on a envie de tirer en criant « bouhioubouhioubouhiou ! » non vous ne voyez vraiment pas à quoi je fais référence ? Bref, ce post part un peu trop en live il faudrait qu’ils sortent du bar, c’est donc ce qu’ils font l’air frais semble apaiser la jeune femme au grand soulagement du français qui se faisait du souci pour elle (et pour les tapis de sol de sa voiture)…