Fallait que Misao sorte un peu d'son trou, un jour. Non, parce qu'honnêtement, y a pas vraiment d'intérêt à rester bloqué dans sa chambre ou son labo toute la journée, faut vraiment qu'il se sociabilise un peu. Il est pas toujours très déter, d'autant que plus il se renferme, moins il voit de monde ; et moins il voit de monde, moins il est sympa avec les gens, et moins il a envie de sortir. Bref, petit cercle vicieux qu'il faudrait penser à briser un jour, histoire de retrouver une vie sociale un peu plus normale.

Misao a quasiment pas de potes, en fait. Il s'en est rendu compte en constatant que même Joyce ne le voyait plus si régulièrement. Ca lui convenait pendant un temps, mais là, faut revenir dans le monde réel.

Voilà donc la raison de sa présence ici. Quoi de mieux qu'une boîte de nuit pour s'amuser, se détendre, boire un peu et parler à des personnes de plus de 21 ans ? C'est une denrée rare sur Terrae, en réalité. Il aimerait bien qu'il y ait plus de vieux. Ou peut-être qu'il devrait simplement se barrer, histoire de trouver son bonheur ailleurs...

Les mains dans les poches, dans sa chemise blanche parfaitement repassée (il a passé au moins 35 minutes sur le repassage pour s'assurer qu'aucun pli non désiré ne viendrait lui entacher l''oeil), Misao attend de pouvoir entrer en se plaçant en bout de file. Au bout de quelques instants, derrière lui, il sent une odeur âcre particulièrement désagréable - clope. Vivement, Misao se retourne vers l'inconnu - tiens, c'est un Master ? - et plisse le nez pour lancer :

— Hé, vous êtes pas obligé de fumer juste à côté de la file.

Et au pire, qu'il se démerde et aille ailleurs ? Ou ne fume pas du tout ? Ouais, nan, qu'il fume pas du tout, ça l'arrangerait bien mieux, tout compte fait.

J'avais envie de me bourrer la gueule. Enfin, plus ou moins. Disons plutôt que je voulais sortir, être au milieu de la population, danser comme un attardé mental aux milieu d'autres gens ronds comme des barriques qui n'en aurait rien eu à foutre. Voir du monde.
Parce que je me suis rendu compte que récemment j'étais un gros blasé. Ou en tout cas que je sortais plus, ou beaucoup moins. Et ça m'a mis en rogne. Je suis tellement pris par mes missions, et tout un tas d'autres choses en rapport avec le boulot que je n'ai pas sorti la tête du guidon. Il faut croire aussi que a relation avec Aaron m'a assagi. Peut-être que c'est une bonne chose, très probablement même, mais là pour une fois, j'ai envie de me bourrer la gueule et de ne plus penser à autre chose. arrêter d'être le gentil Gaetano responsable l'espace d'une soirée.

Je me retrouve donc à l'entrée d'une boîte de nuit, bien habillé pour une fois, c'est à dire une chemise bleue foncée et une jean noir pas troué. Mais oui, ça existe dans ma garde robe, enfin si on peut appeler ça comme ça. Je veux dire... C'est pas plutôt pour les filles qu'on emploi ce genre de terme d'habitude ?

Je soupire. Déjà un quart d'heure que je suis dans la file d'attente et je n'ai avancé que de deux mètres. Joie. Donc je m'ennuie. Alors j'allume une cigarette pour faire passer le temps. Faut bien s'occuper comme on peut dans ce genre de moment. Et puis on est dehors, alors ça va pas gêner les gens n'est-ce pas ? Ah. Si apparemment. A croire que le monde s'acharne sur moi pour que je sois un gars respectable. Ça doit être pour contrebalancer l'époque où j'étais un connard fini.

Je jette un regard mauvais à celui qui m'a interpellé, me demandant si je vais lui obéir bien sagement ou lui dire d'aller voir ailleurs. Je me crispe en voyant son visage. Ah. Il aurait tellement pas dû. Non, pas que je le connaisse particulièrement mais je hais ce gars. Pourquoi ? Parce que même si c'était "prévu", haha cette blague, c'est à cause de ce mec qu'Aaron s'est retrouvé chez les scientifiques. Encore. Et il aurait pu en crever si Mitsuki n'était pas aller le chercher. Non, je ne suis pas le seul à avoir le monopole des plans foireux. Zen Gae. On attaque pas les gens juste parce que c'est des cons. Même si c'est la chose la plus tentante à faire.

Je le fixe dans les yeux, pour lui faire bien comprendre que j'en ai rien à faire de lui, approche ma cigarette des mes lèvres pour prendre une dernière taffe avant de jeter finalement la dite cigarette.

- Je suis pas obligé, mais c'est pas comme si c'était interdit, hein ?

Putain rien que la gueule de ce mec me donne envie de lui démolir.

Oula, le mec est pas très très content. Non mais, c'est quoi son problème à le mater bête comme ça ? Misao a juste envie de pas avoir un environnement pollué avant d'entrer dans l'antre de la sueur et de la débauche - à cette pensée, il se demande ce qu'il fout là, en fait ? -, et c'est pas une raison pour le fixer de cette manière-là. En plus, aucune expression sur le visage, juste la remarque cinglante qui va bien avec... Ca ne l'empêche pas de jeter sa pauvre cigarette au sol.

Il est quoi, Air, Eau ? Un truc comme ça. Peut-être Terre, même si vu sa gueule et la rapidité avec laquelle il a réussi à l'énerver, ce serait un peu étonnant. Et un Feu ou un Tonnerre l'aurait probablement déjà pris au col ou beuglé que "rien à foutre il fait ce qu'il veut"...

—Que ce soit pas interdit n'empêche pas que pourrir l'atmosphère des gens avec une clope n'est ni très malin, ni très respectueux. S'il faut inscrire toutes les règles de la logique et de la politesse dans un règlement, où est-ce qu'on va...

Et il désigne la cigarette écrasée au sol pour finalement ajouter :

—Mais merci, je suppose.

"Pour votre bienveillance et votre si parfait respect des autres. C'est vrai que ce n'est pas interdit, de quelle abnégation vous avez fait preuve !" veut-il continuer, mais il se contient. Il sait qu'il est prof, de quoi il sait plus trop, par contre ; mais il sait aussi que les profs sont tous Masters, sauf assistants et remplaçants éventuels. Autant ne pas se mettre dans la merde tout seul. Il va avancer tranquillement et entrer dans la boîte de nuit et-...

—Plus personne ne rentre pour le moment. On ferme temporairement les entrées, lâche placidement le vigile.
—Non mais c'est une blague… grince Misao en serrant les dents.

Et l'autre dans la file juste à côté de lui. Il lui jette un coup d'oeil en diagonale, qui se veut discret. Ça va vraiment pas bien tourner…