La morphe ne dort plus bien depuis qu'elle n'a plus ses pouvoirs. Elle s'est arrangée pour passer le plus de temps possible avec ses amis, mais elle ne veut pas constamment embêter Afya, qui est bien plus stressée qu'elle avec toutes ces histoires. Elle aime avoir des nouvelles de ses amis, elle aime surtout avoir des nouvelles d'Allen... Elle n'ose pas trop aller le voir, mais elle en a aussi besoin. Elle lui est reconnaissante de l'avoir retrouvée lorsque leurs pouvoirs leur ont été retirés ; sa présence et sa prévenance l'ont aidée à sourire, à se remettre. Tout doucement. Même si elle se sent aussi démunie que l'année passée, où elle ne pouvait plus se transformer à cause de sa grossesse. Elle ne veut juste pas y penser.

Il est plutôt tôt, ce matin-là. C'est rare, mais elle n'a pas envie de rester seule - sa chambre lui semble menaçante, elle a besoin de sortir, de lui parler, au moins de le voir un peu. Elle enfile un pull trop grand par-dessus ses habits décontractés et glisse un oeil dans le couloir. Personne... Du moins jusqu'à l'escalier. Elle grimace et sourit à demi à l'attention de la personne qui surveille le couloir, et qui lui renvoie son salut. Elle lui indique qu'elle monte au couloir des airs sans donner plus de détails et, dans ses petits chaussons panda, va rejoindre la porte de la chambre d'Allen.

Plusieurs secondes passent dans le silence avant qu'elle ne se convainque de frapper à la porte ; elle ne veut pas le réveiller, maiiiis c'est un peu tard pour regretter, non ? Elle est un peu embêtée en le voyant ouvrir après un deuxième coup contre la porte et se tripote les mains en se retenant de détourner les yeux. Il a l'air fatigué, elle a vraiment dû le réveiller, égoïste qu'elle est… Elle lui lance un sourire malgré tout, contente de le voir.

—Désolée si je te réveille… chuchote-t-elle en espérant ne réveiller personne d'autre. Est-ce que je peux rentrer ? Je- J'arrivais plus à dormir toute seule ?

Même si c'est juste s'affaler sur le lit regardant le plafond pendant qu'il dort. Ils pourront faire un truc plus tard dans la matinée. Manger un bon petit déjeuner. Sortir un peu. Prendre l'air. Profiter. Ne pas être seul. Ne pas être triste. Être avec lui. Peut-être qu'elle en demande déjà trop ?

J'étais en plein milieu d'un rêve quand j'ai été interrompu par quelques coups frappés à la porte. Nan, mais nan en fait, j'ai gagné ces vacances. On m'a retiré mes pouvoirs, je suis BIEN, je travaille pas, je respire, je dooors autant que je veux, et là, clairement, j'ai vraiment envie de retourner dans ce rêve, en plein milieu de la forêt amazonienne, entouré d'animaux non-identifiés qui brillent et qui chantent-

Sérieuuuux.

Je grognai, lançant mon oreiller à l'autre bout de la pièce par réflexe. Pourquoi, mais pourquoi ?! Il est quelle heure là ?! J'ai envie de dormir ! Je comprends pas qui peut venir me déranger à une heure pareille ! Je suis TRANQUILLE, je ne participe à rien, je ne suis dans aucune histoire, je suis juste en paix, alors ne venez pas me-

-Aria.

Ha. Haha. Hahaha. J'm'y attendais pas à celle-là, avec ses vêtements trop larges, ses chaussons... panda (haha sympa le clin d'oeil hein trololol), sa bouille BEAUCOUP trop mignonne-

Calme, respire Allen. C'est le matin OK TU CONTROLES PAS ON SAIT. POSITIONNE TOI DE FAÇON A CE QU'ON VOIT RIEN OK ?!

-Tu- Heu. Ouais. Ouais, entre.

Et j'fais quoi après ? J'l'invite dans le lit ? J'vais dans la salle de bain calmer mes parties génitales ? JE FAIS QUOI OMG ?! ELLE A PAS IDEE DE DEBARQUER DANS LA CHAMBRE D'UN MEC A UNE HEURE PAREILLE.

-Ca te dérange pas si j'retourne me coucher ?

De toute façon t'as pas le choix. De retour dans le lit, je me plaçais bieeeen dos à elle, sur le côté, histoire d'être SÛR qu'elle voit rien hahahaha.
De longues secondes s'écoulèrent. Ouais, bon bah j'arriverais pas à me rendormir avant un moment là hein.

-Pourquoi t'arrive pas à dormir ?

C'est toujours mieux que "Pourquoi tu es venu me voir moi ?".

Devant la mine d'Allen, Aria est tentée de lui dire que c'est bon, elle ira se rendormir seule, qu'elle est désolée de l'avoir dérangée et surtout qu'elle ne recommencerait pas. Mais même s'il a l'air agacé pendant une seconde, il a surtout l'air surpris lorsqu'il la reconnaît - ou peut-être que ce n'est que son imagination ? Elle ne distingue pas très bien les détails dans la pénombre de sa chambre, mais étire un nouveau sourire quand il l'invite à entrer. Elle est contente qu'il ne l'envoie pas chier, mais en même temps, elle ne voit pas trop comment il aurait pu faire sans passer pour un malpropre...

—Merci ? chuchote-t-elle encore, à la fois étonnée et rassurée, mais aussi un peu mal à l'aise à l'idée de venir le déranger dans sa chambre. T'en fais pas.

Elle ne sait pas vraiment combien de fois elle est passée dans sa chambre - pas souvent, en tout cas, c'était souvent l'inverse au final, et la plupart du temps elle l'attendait sur le pas de la porte pour le tirer dehors. Mais l'ambiance n'est pas vraiment la même ; c'est feutré, silencieux, il fait encore plutôt sombre dans la chambre. Elle aussi a encore un peu sommeil. Enfin, elle croit. Elle est surtout fatiguée ?

Elle le suit précautionneusement, en espérant ne pas trébucher sur un objet random, et hésite une seconde. C'est. Elle ne s'était pas rendue compte que c'était un peu gênant, en fait ? Mais tant qu'elle est là…

Après avoir abandonné ses chaussons au pied du lit, elle y grimpe lentement et se glisse sous la couette, juste à côté de lui. Elle reste un moment à regarder le plafond sans rien dire, sur le dos, puis se tourne dans la direction d'Allen lorsqu'il l'interroge, se mordillant un peu la lèvre. Ce n'est pas une mauvaise chose d'être honnête, dans ces moments-là, mais elle n'a surtout pas envie de l'inquiéter. Sauf que si elle ne lui dit rien, il risque de se monter la tête tout seul. Urg.

—Je pense trop... et j'ai pas vraiment l'habitude ?, souffle-t-elle dans une demi tentative de blague ratée. Disons- Enfin… J'ai peur ?

Et puis, elle n'a plus non plus ses pouvoirs pour se protéger. Elle n'a plus rien. Elle se sent démunie, faible, elle se sent mal. Avec Allen, ça va un peu mieux. Ca lui rappelle quand il est venu la ramasser, il y a quelques jours. Garder sa main dans la sienne. Ça allait mieux…

Elle soupire, appuie son front contre son dos.

—Tout ce qu'il se passe, l'agitation, les pouvoirs… Tu crois que j'ai tort de m'inquiéter comme ça ? Comment tu fais pour rester zen ?

Comment tu fais pour dormir, Allen ?

Je fixais la fenêtre. Je n'allais pas pouvoir me rendormir de toute façon. Je l'entendis retirer ses chaussons, la sentis s'installer à côté de moi dans le lit. Mon corps se raidit face à cette proximité. La dernière fois que c'était arrivé, je m'étais réveillé légèrement moins habillé... On n'en avait jamais reparlé, mais les choses avaient changé entre nous depuis cette fois-là. Je n'arrivais pas encore à savoir comment, ni à quel point. Mais c'était différent. Je me sentais différent lorsque j'étais près d'elle.

Elle finit par me répondre. Mon coeur commença à s'agiter alors que je sentais son souffle dans mon dos. Je ne parvins pas vraiment à sourire suite à sa blague. J'étais bien trop perturbé par cette situation.

Je retins un sursaut quand je sentis son front dans mon dos. Mon estomac se tordit. J'arrivais à peine à entendre ce qu'elle disait... T'es tellement nul Allen.

- On n'a jamais tort de s'inquiéter. Mais tu n'as pas à avoir peur. Parce que tout va rentrer dans l'ordre. Tu vas finalement récupérer tes pouvoirs, les autres vont finir par se calmer...

Un soupir m'échappa. Je ne bougeais pas, ne me sentant pas capable d'affronter son regard.

- Je reste calme parce que ce qui m'angoisse, moi, ce sont justement les pouvoirs. Toutes les utilisations qui peuvent en être faites. Les débordements auxquels j'ai déjà assisté... Je trouve que les gens sont nettement plus dangereux quand ils ont leurs pouvoirs que lorsqu'ils ne les ont pas. Alors d'une certaine façon, à l'inverse de tout le monde, je me sens... mieux, en ce moment. Je me sens plus en sécurité.

Je poussai un nouveau soupir, et me tournai finalement pour me retrouver face au plafond.

- Je suis juste blasé du comportement qu'ont les gens en ce moment. C'est comme si personne n'était capable de réfléchir correctement. Ryu est hospitalisé, nos pouvoirs vont forcément revenir. Et pour ce qui est du couvre-feu, en soi, qu'est-ce que ça change vraiment ? Ca fait même pas une semaine que tout ça est arrivé, est-ce que c'est nécessaire de péter les plombs dès le début comme ça ? Ca rime à rien. Autant attendre de voir ce qu'il se passe avant de chercher à tout détruire...

Je lui jetai un coup d'oeil avant de reporter mon attention sur le lustre.

-Tu t'es inscrit pour les patrouilles, j'ai vu. Tu as déjà commencé les tours de garde ?

Avec Theo. Comme par hasard. Hahaha. Ca avait vraiment refait ma journée lorsque j'avais vu ça sur le panneau d'affichage, hier.

Allen se tend, mais Ariana ne le remarque qu'à peine. Elle ferme les yeux, presque apaisée par le contact de son front contre son dos. C'est un peu étrange de se retrouver là, comme si rien n'était bizarre entre eux, mais elle a envie de dépasser tout ça. De toute manière, elle ne peut pas vraiment faire autrement pour le moment, hein ?

Alors elle reste silencieuse, et elle le laisse parler. Sa voix la berce un moment, et elle la rassure surtout. Même si elle sait déjà tout ce qu'il lui dit, à propos du retour au calme, à propos du retour de leurs pouvoirs, l'entendre le lui dire rend la chose plus réelle, plus tangible. C'est comme évoquer le bruit simplement pour le créer ; c'est une réalité. Et elle n'a pas à avoir peur.

Elle se décale vaguement lorsqu'il se décide à répondre à sa question. Son ventre se tord, elle repense à cette fois dans la montgolfière et elle se souvient à nouveau pourquoi il avait été si en colère contre elle. Parfois, elle se demande aussi pourquoi il lui parle encore ; mais elle ne va sûrement pas s'en plaindre.

—Est-ce que ça veut dire que tu te sentiras de nouveau menacé quand on retrouvera nos pouvoirs ? chuchote-t-elle, un peu triste de cette constatation.

Ariana, c'est le genre de fille qui veut utiliser ses pouvoirs pour rendre les autres heureux. Elle veut les faire sourire, rire, elle veut faire l'idiote et leur montrer des choses extraordinaires, ou même simplement jolies. Parce que l'eau, c'est la liberté et l'imagination, mais c'est aussi la vie, non ?

Elle lui laisse un peu de place pour qu'il puisse se retourner. Son bras est presque contre elle, et elle se sent toute petite à ce moment-là. Elle comprend. Elle aussi, elle trouve que les gens vont loin. Mais elle comprend aussi qu'ils aient peur. Qu'ils se sentent vide. Peut-être que le fait qu'il ait été séparé si longtemps de ses pouvoirs le rend au final plus mature sur ce point ? Est-ce que c'est réellement sain d'être dépendant de ses pouvoirs de cette manière ?

Un temps passe. Elle se mord la lèvre lorsqu'il évoque les patrouilles, mal à l'aise. Elle n'aime pas se rappeler de la personne avec qui elle sera forcée de passer plusieurs heures à tourner dans les couloirs ou l'institut.

—Non, pas encore. Ils me laissent le temps de retrouver mes pouvoirs avant.

Un nouveau silence.

—Je n'aurais peut-être pas dû m'inscrire. Je pensais que ça me donnerait du courage, enfin je crois ?

Et puis, elle voulait se rendre utile. Qui aurait cru qu'elle se retrouverait avec cet abruti….

—Ça a un peu l'effet inverse… soupire-t-elle en se remettant sur le dos elle aussi, épaule contre celle d'Allen. Tu n'en feras pas, toi, hein ?

Assez étrangement, un sourire étira mes lèvres suite à la question d'Aria. Si j'allais me sentir menacé, hein... Finalement, à force de dire que je n'aimais pas ces pouvoirs, j'en avais peut-être presque oublié le fond du problème. Si je me sentais mieux maintenant que je n'en avais plus, et que personne autour de moi n'en avait non plus, est-ce que je m'étais réellement senti mal pendant ces derniers mois ? Je crois que j'avais plutôt fini par vivre avec cette angoisse, je me l'étais appropriée. C'était quelques petits réflexes qui s'étaient mis en place, des comportements devenus rituels. Alors est-ce que j'allais vraiment me sentir mal une fois que j'allais les récupérer, hein ?...

- Je crois que ça devrait aller. Ca fait longtemps que je n'ai pas été fourré dans un plan qui tourne mal... J'ai presque envie de croire que la chance tourne et que c'est enfin à mon tour d'en avoir, mais je n'irais pas jusque là non plus, sinon ce serait beaucoup trop à accepter d'un coup et je risquerais de perdre la tête.

Je souris maladroitement avant de reporter la conversation sur les tours de garde. Tant qu'on était dans les aveux, autant aller jusqu'au bout, hein...?

Ouais, enfin pas trop non plus Allen, ce serait quand même con que tu lâches un "je t'aime" au milieu de cette conversation sans avoir tâté le terrain avant.

- Non, répondis-je un peu plus sèchement que prévu.

Je n'arrivais pas à l'imaginer avec ce porc pendant toute la soirée, à traîner ensemble pour faire respecter les règles. Je ne comprenais d'ailleurs pas pourquoi ce pauvre mec s'était inscrit. A quel moment est-ce qu'il lui était venu l'envie d'aider l'Institut, d'appliquer les règles et de travailler en équipe ? Juste, est-ce que c'est moi qui veut voir le mal partout ou est-ce qu'il n'y aurait pas une personne dans les environs qui soit d'accord avec moi quand je dis que c'est une plaisanterie ?

Un soupir m'échappa. Encore. J'étais bien las, aujourd'hui. Faut dire que j'avais été tiré de ma nuit un peu plus tôt que prévu.

- Mais c'est bien que tu fasses ça. Je pense qu'il faut des personnes comme toi pour patrouiller. Tu sauras être juste et honnête avec les gens. Ca sert à rien de leur rentrer dedans, ça les énervera encore plus... Tu as déjà reçu un planning ou quelque chose ? Est-ce que ça dure toute la nuit, est-ce que c'est que pendant un créneau particulier ? Est-ce que tu vas aller dans une aile précise ou est-ce que vous patrouillez partout dans l'Institut pendant un temps donné ?

Il n'en faut pas plus pour que la morphe pousse un soupir de soulagement. Elle avait un peu peur qu'Allen retombe à nouveau dans l'angoisse, qu'il... enfin, peut-être qu'il se remette à boire ? Est-ce qu'il buvait à nouveau, depuis la dernière fois ? Elle n'avait jamais osé lui poser la question, et sans doute ne le ferait-elle jamais ; mais elle s'en voulait terriblement de la nuit qu'ils avaient passé ensemble, surtout parce qu'elle n'avait pas pu le faire arrêter de boire, qu'elle l'avait au contraire accompagné, qu'elle l'avait même embrassé… Au final, la soirée est floue dans sa mémoire ; mais elle se souvient de son ton parfois méprisant, elle se souvient aussi de son regard, un peu triste parfois, perdu et désespéré. Et elle ne voulait plus revoir cette expression-là ; elle ne voulait pas non plus qu'il s'en veuille, qu'il ait du regret. Et si le retour de ses pouvoirs lui faisait cet effet-là ...? Et s'il pétait à nouveau les plombs ? C'est un peu comme avec Nicolas ; est-ce qu'il irait bien ? Est-ce qu'Aaron saurait gérer ça, et est-ce qu'il serait même là ?

Mais Allen lui assure que ça ira sans doute, et, comme un peu plus tôt, ces simples mots lui suffisent. Ariana lui rend son sourire, tout doucement. Peut-être que la chance tourne, oui… Et puis, pourquoi pas, après tout ?

—J'essaierai de ne plus faire de bêtises, promit-elle.

Son "non" assez sec la touche cependant plus qu'elle ne l'aurait souhaité. Elle ne lui en veut pas, elle ne comprend juste pas pourquoi, soudainement. Elle se rend compte quelques secondes plus tard qu'elle se mordillait la lèvre, mais se contente d'acquiescer quand il la conforte dans l'idée qu'elle n'a pas eu tort de se proposer.

—Des personnes comme moi ? relève-t-elle en pouffant de rire.

Juste et honnête, est-ce qu'il l'a vue ? Elle se sent surtout stupide, parce qu'elle imagine mal comment arrêter deux personnes en pleine bagarre (éventuellement soulever son t-shirt pour provoquer la surprise… mais avec Théo à côté qui risquait de se moquer, ce n'était même pas envisageable) surtout si elle n'a plus ses pouvoirs. Mais ils reviendront, et je ne commencerai pas avant... Sûrement ?

—Pas vraiment. Apparemment les patrouilles durent trois heures, donc c'est faisable, et ils nous donnent des horaires précis. Et, euh, je crois que ce sera dans une zone précise ? Mais il faut encore que je retourne les voir pour savoir où on va commencer, et surtout quand.

Elle n'ose pas dire qu'elle n'a pas tout compris et qu'elle préférait attendre de voir quelqu'un de l'administration pour qu'on lui réexplique les choses dans les règles. Enfin, elle n'est pas trop pressée maintenant...

Elle se remet sur le côté, tournée vers lui.

—Tu trouves que la chance tourne ?

J'arquai légèrement un sourcil et tournai le regard vers elle quand elle promit de ne plus faire de bêtises. Ariana Vicente, ne plus faire de bêtises ? Le monde arrêtera de tourner quand ça arrivera. Je réprimandai un petit sourire en coin. Elle n'avait pas à se blâmer tant que ça. Elle était juste... elle. Et puis elle au moins avait eu la décence de s'excuser.

Je reportai mon regard sur le plafond en l'écoutant parler.

- Ca a l'air d'être un peu casse-couilles leurs patrouilles. Ils pourraient être un peu plus organisés que ça.

Un léger soupir m'échappa.

- Mais sinon, ouais... J'pense qu'ils ont de la chance d'avoir quelqu'un comme toi dans ces patrouilles. C'est justement parce que tu ne vas pas foncer dans le tas que tu seras efficace. Les gens sont déjà sous tension, tout le monde est à bout de nerfs... Leur rentrer dans le lard ne va rien calmer, au contraire, les gens vont se retrouver encore plus énervés et vont emmagasiner encore plus de colère liée à la frustration de n'avoir même pas pu l'exprimer comme ils l'auraient voulu.

Enfin, j'imagine. Pour avoir suivi une longue thérapie, fortement axée sur toutes les choses que j'avais gardé enfouies en moi, j'pense que j'peux parler sans trop me tromper. Plus tu te renfermes, plus tu accumules, et pire sera l'explosion... Donc bon. Y m'semble que ma logique est plutôt bonne, finalement.

Aria se tourna à nouveau vers moi et je sentis un frisson me parcourir l'échine. Ouais, bon, j'sais que c'est rien, mais la proximité est vachement gênante là quand même. Surtout quand elle pose ce genre de question, nan mais c'est vrai, c'est quoi ce genre de question, quoi la chance tourne, elle parle de quoi là, nan mais aaaaaah-

- Oui, heu, la chance tourne, c'est-à-dire ? Tu penses à quelque chose en particulier, ou...? Nan mais parce que j'suis pas totalement sûr que la chance tourne vraiment - j'ai toujours eu la poisse, ça changera pas du jour au lendemain non plus, hein ?

Ouais, bon, ok, j'ai paniqué, j'savais pas trop quoi dire pour ma défense.

Plus organisés, cela serait sûrement utile ; cela ne veut pas dire qu'ils gèrent mal les choses, à ses yeux. Il y a beaucoup de monde, et elle se doute que les informations lui parviendront en temps voulus—enfin, euh, normalement. Sans doute avant de démarrer les patrouilles... Enfin, elle ne les voyait pas non plus lui envoyer une lettre recommandée. Comment ils allaient faire, au final ? De son souvenir, ils auraient juste un horaire et une zone à surveiller ; mais comme elle ne démarrerait pas avant le retour de ses pouvoirs...

Par contre, les compliments du sonore sonnent étranges à ses oreilles. Elle ne pense pas qu'ils aient de la chance, au contraire—elle ne voit pas de grandes qualités chez elle. Elle se trouve impulsive plutôt que calme—pas du genre à foncer dans le tas non plus, même s'il est vrai qu'elle tenterait sûrement de calmer les esprits. Le problème étant qu'en patrouille avec Théo, elle n'est pas sûre de réussir à garder son calme. Surtout avec lui, en fait… Elle verrait bien, de toute manière ; mais l'humiliation est encore très fraîche dans son esprit.

—Je ne sais pas ? Enfin, pas sur le fait que la violence entraîne la violence, je suis bien d'accord, mais-, enfin-, continue à chuchoter Aria, le visage écarlate. J'ai... Je ferai juste de mon mieux, je pense ?

Qu'est-ce qu'elle pourrait lui dire d'autre, de toute manière ? Elle a envie de disparaître ; elle a chaud, d'un coup. C'est plus simple de dévier la conversation, de retourner sur quelque chose d'autre. Mais c'est au tour d'Allen d'être gêné—il parle à nouveau vite et un peu n'importe comment, ça la fait rire.

—Tu penses tant que ça que tu as la poisse ? C'est toi qui a dit que tu avais l'impression que les choses changeaient, tout à l'heure, sourit-elle faiblement. Enfin, que la chance tournait. Peut-être que c'est le cas quand même ?

Elle ne parle pas de l'alerte générale—elle ne voit pas vraiment ça comme une chance.

—Déjà, tu as l'air d'aller mieux… un peu ? (Elle se mordille la lèvre.) Je suis contente que ça aille, au moins pour toi. J'avais un peu peur-

Elle s'interrompt, écarlate. Elle va finir par imploser un jour, hein ? Le coeur battant, elle se cache à moitié le visage dans ses mains. C'est avec toute cette histoire, avec le stress généré par Nicolas et la drogue, par Allen et l'alcool... Elle s'inquiète ; c'est inévitable.

Malgré la gêne qui continue de m'habiter, je ne peux m'empêcher d'afficher un petit sourire amusé lorsque j'aperçois toutes ces rougeurs envahir le visage d'Aria. C'est assez drôle, quand on y pense, elle est toujours là à papillonner, à courir partout et à être exubérante et pourtant, quand on lui fait un compliment, c'est tout le contraire et elle se renferme sur elle-même comme un escargot qui cherche à se protéger du soleil (jolie comparaison, oui, je sais, merci).

Cela dit, parler de moi ne me met pas franchement plus à l'aise alors si on pouvait changer de sujet, merci ?

-Et toi, t'as l'impression que la chance tourne pour moi ?

Chais pas, on a couché ensemble, t'en pense quoi, c'était bien ou tu t'en fous ? Parce que si jamais t'as trouvé ça bien, alors ouais, ouais, clairement, la chance tourne parce que j'aurais jamais imaginé qu'un truc pareil - qu'une fille puisse m'apprécier comme je l'apprécie - puisse m'arriver. Mais bon, on en a jamais reparlé tu sais, c'est un peu gênant d'aborder le sujet, parce qu'entre nous j'suis le pro du râteau et là, j'le sens venir à 10 km - le karma tout ça - du coup j'aborderai jamais le sujet maiiiis tu vois ça tourne ça tourne ça tourne dans ma tête et oh merci seigneur tu n'es pas télépathe, ce serait tellement l'horreur sinon !

Un rire nerveux m'échappa.

-Heu, ouais, nan, ça va mieux. Ca a toujours été au final, t'inquiète. Ca sert à rien de s'inquiéter pour moi de toute façon, j'me connais beaucoup trop maintenant pour me laisser sombrer vraiment.

LOL.

C'qui est génial, c'est que je suis tellement centré sur moi-même là maintenant tout de suite que j'suis incapable de capter qu'elle a l'air au moins aussi gênée que moi.

-Au fait, heu... Il faut que j'te dise. Je retrouve plus la chemise que tu m'as offerte. Je crois que quelqu'un a dû me la voler la dernière fois que je suis allé laver mon linge et... Enfin, voilà. Si jamais un jour tes doigts magiques ne savent pas quoi faire...

HAHAHA nan mais nan Allen c'est certainement pas toi qui l'a jeté un jour pas comme un autre où tu étais rongé par la rage et la jalousie. Non non non.

Parler d'elle, c'est quelque chose qu'Ariana ne sait pas vraiment faire — ou, en tout cas, elle ne le fait pas très bien. Elle est la spécialiste du small talk ; les petites paroles en l'air qui ne veulent rien dire, ou bien le racontage de vie sans grande importance. Parler des choses importantes, c'est difficile. Même parler des choses importantes avec elle, visiblement, ça l'est. Elle retient un sourire amer en repensant à Nicolas et Adélaïde, tout simplement parce qu'elle sait qu'elle n'a pas le droit de le leur reprocher. Elle qui ne dit jamais rien, qui évite les questions, qui rit fort et qui s'enfonce dans le sourire pour ne pas pleurer ; clairement, comment pourrait-elle leur en vouloir de ne pas faire ce qu'elle-même ne fait pas ?

Cette discussion avec Allen est d'un autre genre, pourtant, et lui rappelle presque cette fois où il était venu lui rendre visite, pendant sa grossesse de l'année précédente. Même période de l'année, même ambiance un peu feutrée, intime, étrange, qu'elle n'arrivait pas à reconnaître. Sauf que cette fois, la tristesse est absente ; et l'espoir, lui, prend sa place sans se presser… C'est nouveau, et ça lui fait du bien. D'avoir l'impression d'avoir le droit de s'ouvrir vraiment, sans honte.

Ariana déglutis un peu, essaie de faire abstraction de son visage qui a l'air d'une plaque chauffante.

—Je crois que oui ? J'aimerais bien.

Parce qu'elle aime bien le voir — et qu'elle aime bien le voir heureux, surtout. Quand il joue à l'abruti pour la faire rire, ou même quand il ne le fait pas exprès et qu'ils se chamaillent comme des enfants. Peut-être qu'elle aime bien cette insouciance embarrassée dans laquelle il la met ?

—Bien sûr que si, ça sert ! bougonne-t-elle du tac au tac. C'est pas que question de sombrer, c'est parce que je, euh-

C'est. gênant. CHANGEONS DE SUJET PTDR. Ariana semble comprendre ce qu'Allen vient de dire au sujet de la chemise avec un petit temps de retard et se redresse d'un coup sur le lit, le coeur battant.

—Hein, quoi ?! Sérieusement ?! Quelqu'un te l'a volée ?! Mais ils ont que ça à faire ?!

ELLE VA LUI PETER LES DENTS OMFG.
Agacée, elle se relaisse tomber sur le matelas et boude. Dire qu'elle a  passé tellement de temps dessus... Si elle trouve celui qui a fait ça, elle le lui fera regretter, c'est certain !!

—C'est nul... Je t'en referai une autre, promis ; mais après Noël, j'ai beaucoup de travail d'ici-là... Les gens sont vraiment bêtes, ils ont aucun respect !

Je finis par arrêter de penser à moi quand je réalisais qu'Aria parlait un peu vite, un peu plus fort parfois, et gigotait dans le lit. Dans le lit. Dans mon lit, quoi. Genre j'avais déjà oublié qu'elle était allongée à côté de moi dans le lit hahahaha. Malaise salut.

Je sentis mon coeur s'accélérer quand elle commença à bafouiller que c'était absolument normal de s'inquiéter pour moi (trololol), petit coeur qui se calma pourtant assez rapidement quand elle s'énerva pour la chemise. La culpabilité vint prendre le relais et je détournai le regard de son visage bougon pour aller le coller n'importe où ailleurs dans ma chambre.

J'avais vraiment été con d'agir comme ça. Mais pour ma défense, j'étais... mal ? J'sais pas. J'ai enfin reconnu que j'l'aimais, et j'me prends un plan cul dans la gueule, génial haha. Alors qu'en parallèle tout le monde me dit (alors que sérieux, j'aurais bien aimé être tranquille pour une fois), que j'ai une chance - plaît-il Aoi ? Ou Mitsuki ? Ou Ys ? Ou tout le monde avec vos regards malsains ?

Bref. Je ne savais plus trop quoi dire du coup.

Comme attiré par elle, mon regard revint se perdre sur son visage. Dites, en fait, j'ai une question. Genre, si j'ai vachement envie de la serrer dans mes bras et de l'embrasser, j'fais quoi ? Haha l'malaise. En vrai ils font comment les autres pour pécho ? Nan mais sérieux ? Vous croyez que c'est possible d'oublier comment on fait avec le temps ?

Un soupir finit par m'échapper et je me tournai pour me retrouver sur le dos, plaçant une main derrière ma tête.

-Tu as des choses de prévu pour cet après-midi ?

Aria... Pourquoi est-ce que t'es venu me voir moi quand tu as vu que tu n'arrivais plus à dormir ? Juste, j'sais pas. J'sais pas quoi faire. J'sais pas quoi penser. J'sais pas comment je dois agir... Pourquoi on n'a jamais reparlé de cette nuit qu'on a passé ensemble ? Pourquoi est-ce que je suis toujours gêné quand tu te rapproches de moi ? Pourquoi est-ce que je n'arrive jamais à être à l'aise quand tu es là ? Pourquoi j'ai voulu être là quand Ryu a fait son annonce, pourquoi est-ce que tu m'as accordé cette place à tes côtés ; pourquoi on est restés des heures à juste se tenir la main, pendant que les autres se reprenaient chez Aaron, pendant que les Terraens débriefaient à la cafétéria...?

Pourquoi est-ce que j'ai juste l'impression que j'suis franchement pas doué ?

En réponse à ces questions, ma main glissa dans la sienne et je tournai la tête vers elle.

-Tu crois que tu réussiras à te rendormir pour te reposer un peu avant de commencer la journée ?

Allen retombe lentement dans le mutisme. C'est fou ; quand Ariana est silencieuse, il parle. Et lorsqu'elle parle, il se tait. Un peu comme un miroir, mais un miroir complémentaire ; comme pour compenser ce qu'elle a en trop, ou ce qu'elle ne fait pas assez. C'est déroutant, mais ça ne lui déplaît pas non plus. Même si elle aime bien quand il parle —et qu'il ne dit pas des bêtises plus grosses que lui.

Il a l'air triste, pour la chemise. Elle le voit détourner la tête, et elle a envie de le rassurer en lui disant que ce n'est pas de sa faute et qu'elle lui en refera une aussi belle. Ce n'est qu'une chemise, après tout ; et ce qui est matériel, ça se remplace. Avec du temps et de l'huile de coude, mais elle aime aussi faire ça, alors ça ne la dérange pas. Surtout si c'est pour quelqu'un qu'elle aime.

Il se retourne et Ariana lui sourit, tout doucement, comme pour lui faire comprendre que ce n'est pas grave ; mais comme toujours, il change de sujet, et elle ne sait pas bien pourquoi. Lentement, elle secoue la tête — le coeur battant à tout rompre et la bouche sèche.

—Pas vraiment, non, rougit-elle. Et toi ?

Elle n'organise pas toujours ses journées ; souvent, elle a une idée de dernière minute, comme une lubie, et se décide à la réaliser. Elle vivote comme un papillon, de fleur en fleur ; elle butine ici, butine-là, elle décide d'aller voir tel.le ami.e, de passer dans telle boutique, d'aller faire un petit entraînement en solitaire ou avec un proche.

Elle aime cependant la perspective de passer une partie de la journée avec Allen — même si elle ne le lui dit pas, qu'elle ne le lui propose pas. Peut-être tout à l'heure, si elle trouve autre chose que "je peux traîner au lit avec toi ?" à lui dire. (Parce que c'est très embarrassant et qu'elle ne sait pas encore vraiment comment ils sont censés se comporter depuis qu'ils ont c-)

La main d'Allen glisse dans celle, toute petite, d'Ariana. La rouquine ouvre de grands yeux, rougit, essaie de ne pas se cacher contre le coussin, lui sourit maladroitement.

"Euh, là, j'ai plutôt envie de ne pas dormir du tout du tout du tout cesttafautetumembêtes."

La bouche sèche, Ariana presse doucement ses doigts et baisse les yeux, avec l'impression désagréable que de la vapeur est en train de sortir de ses oreille comme une cocotte minute. Pourquoi elle a chaud ? Rougis pas, rougis pas, rougis pas.

—J-je suis pas certaine. ("Mais je peux faire semblant si j'ai droit à un câlin ?" Lol non.) Mais je suis bien comme ça a-avec t-toi.

Et, alors qu'elle se rend compte que de la vapeur d'eau est vraiment en train de s'échapper de ses oreilles, ses cheveux se décolorent, jusqu'à devenir blonds. Elle cligne des yeux. Louche pour observer une mèche sur son nez, qu'elle ne voit pas vraiment correctement dans la pénombre.

Euh.

C'est clair qu'elle ne rougit pas, là : elle n'est même plus rousse.

—… Euh, Allen ? réalise-t-elle alors que ses yeux se colorent d'un bleu lumineux. C'est, euh. C'est bizarre ou j'ai juste mangé un truc que j'aurais pas dû ?

Le malaise est total. Nan mais carrément. Ok, j'suis gêné, mais elle aussi, putain mais en fait on est juste des handicapés ou quoi ?! Pourquoi il peut pas y en avoir au moins un qui n'est pas gêné à chaque fois ? Genre histoire de rire un peu des situations et de dédramatiser ? J'sais pas, ça pourrait être bien, parce que là j'sais juste PLUS QUOI FAIRE OK. ET J'AI CHAUD, POURQUOI J'AI CHAUD ?!

J'écarquillai les yeux en apercevant de... la vapeur d'eau ? C'est vraiment de la vapeur d'eau qui sort de ses oreilles ? Pourquoi ses cheveux commencent à déconner là ? HEU HELP ?! QUELQU'UN ?! CHAIS PAS ?!

ET JE REPONDS QUOI MOI ?! Mais sérieuuuux. Même quand j'essaie, et si j'ai essayé, me regardez pas comme ça ! Après un long échange, j'suis sûr que j'aurai franchi le cap et que j'aurais pu aborder la fois où on a couché ensemble, soit j'aurais, heu, j'sais pas, j'l'aurais embrassé ? HAHA ouais nan bref J'AI ESSAYE LA OK. J'lui ai pris la main, c'est pas rien, et elle, elle, elle fait quoi ?! Elle retrouve ses pouvoirs, GENRE LA, MAINTENANT, A CE MOMENT FATIDIQUE. JE FAIS QUOI MOI SERIEUSEMENT ?!

Histoire de me protéger de la chaleur qui s'échappait de ses oreilles (vous croyez que son cerveau est en train de bouillir pour qu'autant de vapeur d'eau s'échappe de ses oreilles ?), je me levai du lit après l'avoir assez rapidement lâché (ALLEZ LA CA ME SAOULE OK). Je me perdis malgré moi dans ses yeux qui se coloraient de bleu, et toussotai.

-Heu, tu, enfin. Voilà.

Ouais c'est très éloquent ça, ça explique super bien c'qu'il se passe, haha.

-Tu retrouves tes pouvoirs ? Tu crois que tu peux arrêter ça ?

Nan mais parce que mon lit est en train de devenir trempé, sérieux, c'est vraiment possible ça ?! Bon bah au moins si j'suis rouge c'est que j'ai chaud, hein.

-T'es blonde, soulignai-je, comme si c'était utile d'apporter des informations supplémentaires.

J'me sens vachement utile à la fixer comme ça là en fait.

Et me demandez pas pourquoi j'ai fait ça.

-Souris ? lançai-je alors que le flash de mon téléphone illuminait la pièce plongée dans le noir.

NAN MAIS JE SAIS PAS POURQUOI OK. C'EST JUSTE QUE, VOILA, ON SAIT JAMAIS, SI J'AI BESOIN D'AVOIR UN COUP D'AVANCE UN JOUR, TOUSSA TOUSSA.

Ariana se dit souvent qu'elle a dû tuer des bébés chats dans une autre vie pour avoir un karma aussi naze. Nan mais c'est vrai, elle a fait quoi ?! Elle pouvait pas juste être gênée, et lui, il pouvait pas répondre qu'il était content qu'elle soit là aussi, et ils se seraient embrassés, ET ILS AURAIENT ENFIN DEPASSE CE MOMENT DE PUR MALAISE ENTRE EUX ? Non. Ben non, non : forcément, elle a retrouvé ses pouvoirs.

De la vapeur d'eau. C'est CHAUD et ça FAIT MAL. Elle grimace et se redresse en essayant de se boucher les oreilles en aplatissant les paumes de ses mains dessus, mais c'est encore plus bizarre et ça fait un peu mal et CA CHATOUILLE OK. Elle laisse retomber ses mains sur ses genoux, un peu paniquée, et cligne des yeux quand Allen lui fait remarquer qu'elle retrouvait ses pouvoirs. OUI BEN EN FAIT C'ETAIT UNE QUESTION RHETORIQUE, BIEN SÛR QUE C'EST PAS UNE CACAHUETE QUI LA TRANSFORME EN COCOTTE-MINUTE. Littéralement. Mais putaiiiiin.

—Euh, euh, je sais pas ?! J'essaie, j'te jure j'essaie ?!

Non, en fait, elle n'essaie absolument pas, elle est beaucoup trop occupée à être stressée ET contente à la fois parce que ça veut dire qu'elle n'est pas condamnée à recommencer les colorations qui niquent ses cheveux. Et en parlant de cheveux...

—HEIN ?? Mais pourquoi blonde ?! Sérieux mais pourquoi ?!!!

Omg elle va sauter par la fenêtre. NON mauvaise idée, elle a déjà expérimenté une fois, on va pas recommencer les mêmes conneries. Euh, euh, concentre-toi, essaie de penser que c'est pas grave si t'es morte de honte devant ton crush, tu peux le faire, c'est bon, tu les contrôles tes pouvoirs, pas de problème. Pas. de. problème.

Un flash l'aveugle. Il vient de prendre une photo, et elle rougit encore plus, et ses cheveux deviennent cette fois d'un rouge écarlate. Samer la cuisinière.

—Allen, le menace-t-elle en levant un index outré, la voix basse. Tu m'aides pas du tout là !!

Elle se leva et se jeta sur lui pour essayer de récupérer son téléphone en couinant.

—Donne-moi ça ! Prends pas de photo, c'est super gênant !! Tu ferais pas autant le malin toi !