Comme à chaque fois, c'est la même. Aoi défend toujours Mitsuki. Parce que comme elle est impulsive, on lui pardonne tout. C'est toujours pareil. Et moi, j'ai pas d'excuse, quand je m'engueule, j'suis pas pardonné. Quand je fais part de mes sentiments, j'suis pas pardonné. Quand j'ai peur, j'suis pas pardonné. Quand j'suis en colère, j'suis pas pardonné. Quand j'ai honte... Personne me pardonne. Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'elle, on doit toujours tout lui pardonner, hein ?

Un soupir m'échappa de nouveau alors qu'elle m'affirmait que je lui plaisais. Ouais, c'est ça, ouais. Et quoi, elle n'allait pas bien la dernière fois ? Mon coeur se serra et je relevai difficilement le regard vers elle.

-Comment tu peux savoir comment elle allait la dernière fois ?

Huo était venu me voir. Aoi était là aussi ? Tcht. Of course. Ils se séparent plus. Alors quoi, ils nous ont espionné ? Ils ont voulu savoir ce que je faisais ? C'est pas des manières de faire, désolé. Ca aussi, j'dois le pardonner ?

Je détournai le regard, blessé dans mon amour propre. J'ai même plus le droit à une vie privée, c'est ça ?

-Arrête de me dire ce que je dois faire, s'il te plaît. Compare pas ce qui n'est pas comparable.

C'était pas très gentil. Mais elle me blessait, là. Comme si je savais pas apprendre de mes erreurs... Même si elle voulait m'aider, même si elle faisait ça pour moi, et que ça partait d'une bonne intention, c'était beaucoup trop réducteur.

Il se referme comme une coquille d'huître. Une moue se glisse sur mon visage et j'hésite à poser ma main sur son genou, gentiment.

—Je l'ai croisée l'autre soir. Elle tenait plus sur ses jambes, alors je l'ai raccompagnée.

Puis je soupire et pose l'arrière de mon crâne contre la porte, sans dévier mon regard de lui. Il fait vraiment sombre, là-dedans.

—Allen, je ne te dis pas quoi faire. Mais je m'inquiète pour toi. Je suis ton amie, alors je suis là pour toi, je prononce doucement, sans me départir d'un léger sourire navré. Même pour les choses chiantes. Et je sais que je le suis. Mais j'aurais aimé que tu puisses être heureux…

Je crois que j'ai tellement l'habitude qu'il me passe les nerfs dessus que ça ne me fait presque plus rien. Même si ça fait un bout de temps, soyons honnêtes.

—Excuses-moi, je lui dis. Je sais que tu ne veux pas qu'on t'assiste. Que c'est ta vie privée. Que tu es en colère. Mais on t'aime, alors on veut que tu sois heureux. Et ça, ça nous importe, même si tu penses que ça ne nous regarde pas.

Tu l'as croisée... C'était tout de même étrange, hein, que je croise Huo le soir-même où tu as croisé Aria qui rentrait... Je la cherchais un instant du regard, dans la pénombre. J'ai pas dit que je voulais être malheureux. Et d'accord, ça me fait plaisir qu'elles veuillent que j'sois heureux. Est-ce que c'est pour autant une raison de se mêler de ma vie ?

-Y'a pas de raison de s'inquiéter. Je ne bois plus. J'vois pas ce qu'il pourrait m'arriver d'autre.

C'était vraiment blessant. Pourtant, d'une certaine façon, je pouvais comprendre. Je pouvais faire cet effort-là. Parce que quand j'ai commencé à boire, justement, elles l'ont pas tellement vu venir, parce que j'étais absent, j'leur ai pas parlé, j'les ai envoyées bouler. Alors ouais, j'pourrais comprendre que maintenant, elles s'inquiètent vite, parce qu'elles veulent pas manquer un truc. Mais j'ai pas envie de faire cet effort-là. Simplement parce que là, maintenant, j'ai envie d'avoir ma vie à moi, d'avoir quelque chose de personnel qui n'aura rien à voir avec elles.

-Là, j'ai juste pas besoin de ça. C'est pire qu'étouffant.

Je détournai le regard. En fait, c'était encore pire avec Aoi qu'avec Aria. Elle pouvait pas revenir ? J'aurais largement préféré passer 14 minutes avec elle, si j'étais vraiment destiné à enchaîner deux tours de la super attraction de la soirée.

Elles s'ouvrent quand ces portes ?

Cette fois, je roule des yeux. Comme si le fait qu'il ne buvait plus ne pouvait pas m'autoriser à m'inquiéter pour mon meilleur ami, tssk.

—Donc en fait, quand nous ça ne va pas, c'est grave, mais quand c'est toi, on s'en fout, c'est ça ? le taquiné-je pour lui faire comprendre à quel point son raisonnement est grotesque.

Mais je n'insiste pas plus dessus et finis par acquiescer, haussant une épaule dans la pénombre. Etouffant... Parce qu'il ne pensait pas que ses réactions avec Huo étaient étouffantes, à l'époque ? J'ai un regard furtif vers ma main gauche et tripote ma bague du pouce.

—Alors j'arrête. Je ne veux pas être chiante. Enfin, pas trop, je souris. Mais saisis ta chance tant que tu en as une, ok ? Et arrête de faire la gueule, je rajoute en lui donnant un très léger coup de mon genou dans le bras, qui est juste à côté de celui-ci.

Lentement, je ramène mes jambes contre moi et me redresse pour essayer de me remettre debout. J'époussète ma robe et attends tranquillement que la porte s'ouvre.

C'est... Rah, elle m'énerve ! C'est différent, ok ? J'vais pas MAL en soi. J'suis juste... Enfin, j'ai fait une connerie, mais j'essaie de l'assumer, et de m'en faire pardonner. J'essaie. C'est p't'être pas encore concluant, mais y'a un effort. J'ai juste pas envie qu'on me force la main. Je sais que j'ai des oreilles attentives, et pour l'instant, j'ai juste pas envie d'en parler. Pour l'instant, j'ai envie d'essayer de me débrouiller seul, c'est tout. Et puis quoi, elle veut que j'lui dise quoi en vrai ? Que j'suis am-... Nan mais nan. Faut arrêter. J'tiens à elle, c'est différent, ok ?! Elle est trop fragile, elle se laisse trop embarquer, j'ai juste pas envie qu'il lui arrive de la merde, c'est tout ok ? J'suis pareil avec Aoi, hein, j'vois pas pourquoi là j'me prends tout ça dans la tête. J'ai toujours été comme ça nan ? Nan mais c'est vrai quoi, ça m'énerve là. Et pourquoi la porte est encore fermée ?! Et j'ai chaud. Il fait chaud, ici. Ca se trouve j'vais bientôt commencer à suffoquer et manquer d'air, c'est un comble pour une personne d'affinité Air, hein ?! Haha.

-J'vois pas de quelle chance tu parles, soufflai-je en détournant le regard.

Nan mais quoi, une chance ? Une chance de quoi ?! Putain mais ça me saoule, j'm'embrouille là ! J'ai envie de sortir, laissez-moi sortir. Laissez-moi respirer RESPIRER IL ME FAUT DE L'AIR OK ?!
La porte s'ouvrit. ENFIN. ENFIN, OMG.
Aoi sortit. Alors qu'elle s'éloignait après un dernier petit sourire dans ma direction, je sentis mon coeur se serrer.

-J'ai pas prévu de la blesser, tu sais... murmurai-je à peine, sachant pertinemment qu'elle m'entendrait, quand bien même elle avait commencé à s'éloigner.

J'ai pas envie qu'elle soit blessée. J'veux juste qu'elle me pardonne. Et qu'on recommence à passer du temps tous les deux. Même si j'ai l'air tout le temps blasé. Même si j'donne l'impression de pas vouloir être là. Même si j'suis chiant et que j'l'embête. J'ai envie de la voir sourire... Je veux l'entendre rire. Je veux croiser son regard quand elle se prépare à m'imposer je ne sais quoi de farfelu. Je veux...

Je sortis enfin du placard, l'estomac noué et le visage chaud. J'vais sortir un peu, hein ?