Bon voilà, ça fait quelques semaines que je suis à Terrae. J'ai rencontré des gens super sympas ! Selvi et Allegra sont toutes les deux vraiment gentilles, et je les aime déjà beaucoup. J'ai envie de les voir plus souvent mais j'aurais peur de les déranger, car elles doivent avoir des choses à faire. J'ai terminé mon dossier d'inscription à l'école, et je me rend compte que mon niveau d'étude est loin de ce qui est requis à mon âge. Je vais vraiment devoir m'y mettre sérieusement... Parce que maintenant que je peux étudier, je veux avoir de bonnes notes, ouvrir les yeux sur tout ce qui me sera donné d'apprendre. J'ai soif de travail et de savoir, je suis curieuse et je veux apprendre !

Mais pour l'heure, j'ai ma journée de libre, et j'ai décidé de la passer dans mon nouvel uniforme pour le "faire" un peu. Les chaussures me font donc mal aux pieds, et sont encore dures. Mais j'ai, dans la poche "bouche" de ma petite sacoche-grenouille, des pansements à foison ! Comme il faisait plutôt beau, j'avais décidé de me balader dans Terrae, de visiter plus en détail l'endroit où j'avais atterrit ! Il y avait des gens qui se baladaient, à droit à gauche. Avec un vent léger, le temps était parfait. J'entrais dans le parc. J'herbe était verte et bien entretenue et les allées étaient en fin gravier. J'avais toujours aimé le son du gravier sous les chaussures. Mais quelque chose clochait avec l'herbe. Elle semblait avoir été tondue il y a peu et... Il n'y avais plus aucune fleur !

Puis des couleurs vives attirèrent mes yeux. Un marchand semblait vendre des fleurs, et une jeune femme s'en allait avec l'avant dernier. Je filais voir le dernier bouquet. Il était encore frais, magnifique et plein de couleurs ! Il y avait dedans des tournesol, marguerites, rose trémières... Ma maman adorait les marguerites et les roses. Et il serait bientôt temps de la fête des mères. Même si elle était morte à présent, elle méritait tant ces fleurs. Il me les fallait. Je tendis la main et saisit le bouquet. J'allais demander le prix au vendeur lorsqu'une voix colérique coupa court à mon enthousiasme.

- Hé!! Mais tu veux pas aller cueillir des fleurs comme toutes les gamines de ton âge?!

Cela me mit un coup au moral. Je me tournais vers le garçon, plutôt l'homme, qui s'était exprimé. Il semblait vouloir le bouquet. En temps normal je le lui aurais donné en souriant mais... Ma maman... Je tentais de garder un sourire joyeux alors que mon cœur se serrait.

- Excusez-moi. Je vous cède le bouquet, j'en trouverais un autre, j'ai le temps avant la fête des mères...

Ma voix s'éteignit. Je tendis le bouquet au jeune homme en me raclant la gorge.

- Hrrm... Il n'y a pas de fleurs en ce moment dans le parc mais... J'en trouverais bien en ville !

Voilà, c'est ça Chii il y en aura en ville aussi ! Sois gentille, il en a peut-être plus besoin que toi.

Non mais le respect pour les aînés n'existe plus. Bon, certes, Ys n'était pas un model en ce concerne de respecter les génération. Il fallait dire que dernièrement, il avait défier une certaine Roxanne. Mais ça, c'est son caractère. Si, c'est excusable.
Ceci dit, pour l'heure, il a juste affaire à une petite demoiselle aux couettes. Elle est pas bien grande, elle est même mignonne. Bah c'est qu'une gamine, elle a quoi? Douze ans tout au plus?! Il parait que tout ce qui est petit et mignon. Et je vous arrête tout de suite, (surtout Aaron avec ses rumeurs à la mort moelle nœud!), Ys n'est pas un pédophile! Que les choses soient claires!

Bref, cette dernière lui tend le bouquet. Et parce que la fierté l'a toujours rendu idiot, le Tonnerre s'empara brusquement de l'offrande. Et suite à ses remarques sur le fait qu'elle en trouverait d'autres en boutique, il ajouta d'un air indiffèrent:

"Ouais, fais donc ça!"

Il s'en fout pas mal, maintenant qu'il eut ce qu'il voulait. Réglant la note, le marchant s'éloigna. Jetant un rapide coup d'oeil à la gosse, ce dernier lui lance un regard noir. Non, il ne voulait pas être gentil. Cette petite lui avait pris des mains (quelle mauvaise foie) les fleurs et lui avait également fait perdre du temps. Ce n'est pas temps parce qu'il voulait à tout prix offrir ces fleurs à Mitsuki, mais c'était une question de principe.
Il s'était donné du mal à se motiver, à faire le premier pas, alors il fut frustré si elle l'avait gardé pour elle.

Tournant des talons, Ys reprit sa route vers l'hôpital. Il n'avait que faire de cette gamine. C'est qu'une gosse parmi tant d'autres. Et pourtant, il se donnait tout le mal du monde pour s'en convaincre.

*C'est bon je vais pas me faire doubler par une morveuse! Y en a des fleurs, c'est pas ce qui manque! Et puis je l'avais vu en premier. Pour la fête des mères, non mais sérieux, elle s'y prend maintenant? Tsss.....*

Et au fur à mesure qu'il se brutaliser pour s'en convaincre, ses pas ralentissaient. Jusqu'au point mort.
La fête des mères? ... Elle au moins, cette gosse, elle y pense à sa mère; Elle désire lui offrir quelque chose pour la remercier, pour la reconnaissance. Alors que lui... Il l'a oublié. Connard.
Il sent bien honteux le grand Tonnerre. Il se sent minable d'avoir agi de la sorte. C'est facile quand on mesure un mètre quatre vingt. C'est malin de jouer au plus fort en ressortant ses muscles. Et elle, de sa petite taille, avec sa petite voix, ses petits yeux, elle vient de te donner une leçon de vie.

Soupirant, Ys leva les yeux au ciel, se sentant plus nul que jamais. Sérieusement... en plus, les fleurs en boutique, ça coûte cher. Elle n'aura pas les moyens nécessaire. Il vient de lui voler l'unique chance. Mitsuki lui hurlerait dessus si elle apprenait les circonstances.
Très bien...

"Pfff..... OH! GAMINE!!"

Et tandis qu'Ys se tourne soudainement pour attirer l'attention de cette inconnue, instinctivement, il lui tendit le bouquet quand d'un coup un scooter passe à vive allure.
Ce dernier, dans son élan, arrache les fleurs. Et voilà des milliers de pétales volées en éclat. Abasourdi et désemparé, Ys observe le bouquet déchiqueté, détruit.
Il lui fallut un temps pour que la colère s'empare de lui.

"ENFOIRE!!! TU PEUX PAS REGARDER OU TU VAS?!!"

Il lui jetait des pierres, lui montrant ce qu'il restait du bouquet. Seulement le motard ne s'était jamais arrêté. Il y a comme un goût amère. Un sentiment d'injustice. Ayant ressorti tout ce qu'il avait à dire, le garçon se calme, respire fortement.
Ses poings se resserrent, sur le bouquet, son regard glisse sur le sol. C'était frustrant...

"Connard..." Souffle-t'il.

Et qui insultes-tu de connard exactement?

- Ouais, fais donc ça!

Je sens mon cœur se serrer lorsque le jeune homme tourna les talons et s'éloigna. Alors Selvi disait vrai. Il y avait bien des gens ici qui ne voulaient pas parler avec les autres... Mais, même s'il avait été un peu odieux avec moi, je n'en voulais pas au garçon. Je fis moi aussi demi-tour, prête à partir. Après tout il était là d'abord et je n'avais pas la flemme de me déplacer jusqu'au centre ville. Tant que je trouvais des fleurs. Je sais, c'est stupide de se dire "je vais donner des fleurs à ma maman pour la fête des mères" quand celle-ci était morte. Mais je me disais que, peut-être de là où elle était, si elle me surveillait, alors elle en serait contente ?

- OH! GAMINE!!

Je sursautais et me retournais. Le garçon était revenu sur ses pas et me tendit le bouquet. Indécise, j'hésitais à la conduite à suivre. Est-ce qu'il me le donnait ? Mais avant que j'ai le temps de faire un geste, un scooter passa et le bouquet fut massacré. Cela provoqua une montée de colère chez le garçon.

- ENFOIRE!!! TU PEUX PAS REGARDER OU TU VAS?!!

Je sursautais encore une fois. De près, je remarquais qu'il était vraiment grand en fait. Il a l'air déçu, frustré, énervé. Il serra les poings le regard sur le sol constellé des pétales de fleur. Je me sens mal, il s'est retourné pour moi.

- Je suis désolée... C'est de ma faute, je vais te rembourser !

Je met la main à ma petite sacoche-grenouille, pour en sortir le porte-monnaie en cuir.

- Je suis désolée pour le bouquet, vraiment !

Je ne savais plus où me mettre, mes gestes étaient fébriles, et je sentais une boule se former dans ma gorge. Oh non... Je ne devais pas pleurer. Ce n'était pas digne de moi ! Mais les larmes menaçaient déjà de couler sur mes joues. Je tentais de les ravaler du mieux que je pus et seule une d'elle se libéra de mes yeux. Je la camouflais avec mes couettes et sourit en tendant la monnaie au jeune homme.

Dommage qu'il n'ait pas l'autorisation de se servir de la téléportation pour le choper par le col et lui mettre une dérouillé. Non mais ce motard le méritait largement. Ce tocard n'est pas foutu de conduire une moto correctement. Ça ne sert à rien de faire le kéké s'il est pas foutu de rouler sans renverser un obstacle. Imaginez s'il avait renverser une petite vieille ou un enfant?! Bon, il lui met la dérouillé, on est d'accord?!

De toute manière, son attention sera préoccupée par autre chose. La petite brun se tenait devant lui, visage baissée. Son porte monnaie? Sa faute? Non mais elle sort d'où?! Elle est bizarre. Elle est ...pure?!
Affichant de grands yeux, Ys fut extrêmement gêné par cette attitude. Elle lui tendait sa monnaie avec un sourire alors qu'elle est.. si fragile.
Reprenant ses esprits, Ys dut contraint de secouer la tête pour ôter ce rouge qui peignait ses pommettes.

"Non mais arrêtes!! On dirait que je te racket!"

Posant sa main sur la sienne, il l'obligea ainsi à ranger sa monnaie. En fait, elle était terriblement mignonne et innocente! Oh non! C'est horrible, Terrae a tellement transformé le Tonnerre qu'il en devient un sensible!! Beurk! #Vomis
Ok, il faut se reprendre là. Raclant sa gorge, Ys jeta le bouquet dans la première poubelle qui lui vint tandis qu'il tournait des talons.

"Viens gamine, on va trouver un vrai bouquet."

Jouant aux gros durs, oui parce qu'il faut sauver les meubles, le Tonnerre jeta un coup d'oeil sur le côté, détaillant un instant la gosse. Non mais il comptait bien lui rendre ce bouquet mais maintenant que ce dernier est détruit, il ne comptait pas partir, la laissant en plan avec cette mine. Non mais il a des principes, vraiment. Faut pas écouter les mauvaises langues.
Reportant son attention devant lui, Ys reprit une profonde respiration. C'est que mine de rien, il s'était senti bien con de s'être énervé pour rien.

"Et arrêtes de bouder, c'était que des fleurs. A ton âge, t'as quoi? 12 ans? C'est pas un gros problème."

Ouais surtout qu'il culpabilisait. La gosse s'était excusée, avouer que c'était de sa faute alors qu'il en était le seul responsable. Mouais.... c'est moche la conscience...

J'étais déçue, même si je me battais pour éviter que ça se voit. Le bouquet, que j'avais cédé avec effort au garçon en face de moi, avait fini écrasé par un stupide scooter..! Le bouquet que je voulais donner en cadeau à ma mère, puis que j'ai laissé au grand homme, est maintenant éparpillé, déchiqueté. Et ça a manifestement beaucoup atteint le jeune homme... A travers lui, mais pas seulement, ça m'a atteint. Je me suis sentie mal pour lui et j'ai voulu le rembourser, pensant que c'est ma faute. Mais, avec une attitude bourrue à laquelle je commençais à m'habituer, il m'a contredite. Enfin, en quelque sorte.

Non mais arrêtes!! On dirait que je te racket!

Je baisse les yeux, un peu désolée. J'aime profondément les gens, tous, je les adore. Mais parfois encore j'ai du mal à les comprendre. J'ai commencé à cerner le garçon en face de moi, je sais qu'il n'est pas méchant mais qu'il n'ose pas agir comme con cœur le voudrait. J'ai compris qu'il était bourru, mais gentil au fond. Mais je n'arrive pas à réagir comme il le faudrait. J'entends un bruit et lève la tête. Le jeune homme a jeté le reste du bouquet. Je suis un peu triste qu'il finisse comme ça. Je ne suis pas matérielle mais je n'aime pas voir des objets cassés être jetés. C'est comme si on les délaissait parce qu'ils ne sont plus beaux... C'est triste. Le jeune homme m'adresse la parole à nouveau, d'un ton légèrement adoucit.

Viens gamine, on va trouver un vrai bouquet.

Un "vrai bouquet" ? Mais celui-ci en était un ! Sa phrase m'a légèrement attristée, mais je me tais. Je suis un peu agacée aussi, car m'appeler "gamine" commence vraiment à être lourd de sa part. Je sais, je ne fais pas mon âge, voire pas du tout mais tout de même ! Serait-ce mes couettes qui me font ça ? Ou ma sacoche enfantine..? Mais je me dois de la garder, il y a mon trésor dedans ! Le jeune homme s'est éloigné de quelques pas avant de m'alpaguer.

Et arrêtes de bouder, c'était que des fleurs. A ton âge, t'as quoi? 12 ans? C'est pas un gros problème.

Je fais une petite moue.

- En fait, j'ai été triste que de si jolies fleurs, coupées exprès, ne servent pas. C'est vrai, elles allaient mourir lentement pour qu'on puisse les admirer dans un vase. Alors qu'elles soient écrasées puis jetées ça me fait de la peine pour elles. On es jette comme des vieilles chaussettes. J'ai un temps d'arrêt où je réfléchis un peu. Hm, c'est un peu stupide comme réflexion... Désolée !

Je tire la langue puis le rejoins en courant. Je pense l'avoir détourné de ma mine attristée de tout à l'heure. Quoiqu'il ne tombera peut-être pas dans le panneau... Je m'arrête à sa hauteur et le fixe dans les yeux. Il est plutôt beau en fait. Je l'aime bien, je ne sais pas pourquoi. Je souris et dis d'un ton joyeux :

D'ailleurs ! j'ai 17 ans... Je les fais pas, c'est pas ta faute ! Alors, au lieu de "gamine" tu pourrais m'appeler par mon prénom, s'il te plaît ? Je m'appelle Chii. Et toi ?

Je ne devais simplement pas laisser paraître ce qui me rongeait de l'intérieur. Après tout il m'accompagne acheter un bouquet, autant qu'on fasse connaissance !

Stupéfait et quelque peu surprit, Ys l'écouta pourtant se justifier. Triste pour des fleurs? C'était bien la première fois qu'il entendait ça. Non mais il se sentait décaler. Pour lui, ce n'était qu'un bouquet rien de plus. Pour lui, tout cela n'était que futilité...

"Mais c'est jus-"

S'arrêtant soudainement, Ys croisa les yeux de la jeune fille. Ok, il a compris. Il était bien trop brute pour saisir la sensibilité de ce qu'il pensait être futile. Et puis, devant une personne si pure, inoffensive, il s'apaisa. A croire qu'elle eut le don de le calmer. Enfin c'est surtout qu'il se sentait bien idiot devant elle. Il devait être son aîné de quelques années, et pour sûr, il devait lui montrer l'exemple. (Ouais mais Joyce la dit: il n'est pas un exemple!)

Fourrant ses mains dans ses poches, il sentit sa présence se rapprocher et le rattraper. Croisant son regard, il glissa entre ses lèvres une cigarette. Quoi de mieux pour calmer ses nerfs? Elle semblait plus joyeuse, laissant apparaître ses grands yeux enfantin. Elle n'est pas bien grande, c'est normal au vue de sa taille. Elle parait frêle mais sa gentillesse déstabilise le jeune homme.

"Dix... Dix sept ans?!"

Beugla-t'il. Il vient de réaliser que cette fille se rapproche le plus de l'âge de Joyce que d'une gamine de neuf ans. Non mais c'est un truc de fou!! Elle ne les fait tellement pas! D'ailleurs, il a un peu honte de l'avoir appeler ainsi. Il tente de camoufler cette petite rougeur sous un sourire crispé.

"Ouais, tu ne les fais pas du tout...Hum, Chii."

D'une main, il vint lui faire un shake naturellement dans sa main et y ajouta sèchement:

"Ys."

Clairement la douceur, il n'y connait rien. On aurait dit un scénario du bon et de la brute.
Reportant son attention sur sa cigarette, crachant quelques bouffées de fumée, le Tonnerre se sentit plus détendu. Bon, il avait l'impression de se promener avec sa petite soeur (putain mais comment on peut faire aussi jeune?!), et jeta un regard aux alentours.

"Ta mère les aime de quelle couleur les fleurs?"

Ouais, il gardait bien en tête qu'il devait se faire pardonner pour son comportement si... peu sociale.

Le pauvre garçon a eu un choc quand je lui ai annoncé mon âge. "Ouais, tu ne les fais pas du tout...Hum, Chii." Je tirais joyeusement la langue au blondinet. Eh oui, je ne fais pas mon âge du tout ! C'est une situation qui a ses avantages, mais souvent des inconvénients. On est traité comme les petits, les "adultes" nous font du baby-talk, et j'en passe et des pires... Mais j'aime bien mon apparence au final ! Elle me convient, elle est mignonne, agile et je peux me permettre de mettre des habits colorés sans que personne ne dise rien. Et là, j'ai même droit à un check en bonne et due forme !

- Ys.

Juste un mot, un peu sec, qui reste comme un courant d'électricité dans l'air. Alors comme ça il s'appelle Ys. J'aime bien, c'est court, rapide à mémoriser et joli pour un homme ! Je remarquais qu'il avait allumé une cigarette. L'odeur et la fumée ne me dérangeaient pas, je les préférais aux cigares bon marchés que fumait mon père avant... Je le vois tirer une bouffée de fumée et le regarde souffler dans l'air chaud. Puis il regarda aux alentours. Qu'espérait-il trouver ? Il n'y avait rien autours, personne au soleil cuisant à part nous. Je serrais la lanière de ma sacoche-grenouille. Je voulais vraiment ce bouquet finalement...

- Ta mère les aime de quelle couleur les fleurs?

Je levais les yeux vers Ys. Quelle étrange question, je n'avais jamais demandé la couleur qu'elle aimait... Encore quelque chose qu'elle aurait du lui demander quand elle le pouvait encore. Une ombre passa sur mon visage mais je me maitrisais et souris joyeusement.

- Je sais pas ! Mais ses fleurs favorites étaient les roses blanches, les pivoines et les marguerites.

"étaient"... C'était encore difficile pour moi de parler au passé. Je m'y habituerais ! Je souris joyeusement et pris le bras de Ys, le tirant avec force vers le village.

- Allez on y va !

Je vois bien quand Ys s'arrête en pleine phrase qu'il a du se rendre compte. Mais le but ici n'est pas de démoraliser quiconque ! C'est donc avec courage que je ne laissais pas le temps au grand rouquin de se démoraliser, le prenant par le bras et l'entraînant. C'est dans un silence un peu pesant que nous marchâmes un moment. Je combattais le chagrin qui m'étreignait un peu la poitrine, regardant l'homme à mes côtés fumer sa cigarette. Lui aussi avait l'air gêné, mais j'avais peur que si j'ouvrais la bouche, tout ce qui en sortirait ce serait des sanglots. Alors que Chii est joyeuse, toujours entrainante. Et je devais rester la Chii que j'étais, à tout prix, parce que sinon, ce serait la fin.

- 17 ans hein?! T'es encore lycéenne dans ce cas. Tu t'y plais à Terrae?

Allez Chii, courage, réponds !

- Oui, j'avais arrêté l'école au collège, donc je suis en début de lycée, mais je fais des efforts ! Et puis Terrae est un super endroit, alors je m'y plait bien.

Le soleil commençait à me brûler les épaules, et je n'osais pas regarder Ys en lançant cette réponse d'un ton un peu trop joyeux. Allez bon sang, je suis censée être toujours de bonne humeur ! C'est le personnage que je me suis donné, alors je dois m'y tenir... Je levais les yeux alors que nous arrivions à la boutique... Fermée. Des larmes incontrôlables me montèrent aux yeux mais je les chassais avant qu'elles ne coulent. La déception était grande pour moi, mais Ys réagit d'une autre façon :

- QUOI?!! C'est quoi ces fainéants? Tout ça parce qu'il fait un peu chaud, allez quoi!

Je souris, un peu tristement, montrant la devanture vide.

- Les pauvres fleurs ont toutes dû faner avant de pouvoir être vendues à cause de la chaleur, ce n'est pas la faute des vendeurs, je pense...

J'étais déçue, très déçue. Ce serait la première année où je serais incapable de donner des fleurs à ma mère. Mes pieds me faisaient mal, j'avais la peau qui brûlait à cause du soleil et la soif rendait ma bouche pâteuse, mais le pire était ce signe "Fermé" sur la porte. Il me pesait comme un poids mort. Ys écrasa sa cigarette sans la finir d'un geste frustré. Après quelques instants à râler et tempêter dans son coin, Ys se tourna vers moi l'air un peu bougon mais plus calme.

- Bah... ça te dit de boire un truc? Histoire de se désaltérer.

J'acquiesçais sans beaucoup d'enthousiasme.

- Oui, pourquoi pas...

J'étais fatiguée, triste et je me sentais très vide. J'emboîtais le pas au jeune homme en traînant des pieds. Réflexe d'enfance, j'agrippais un petit bout de tissu du t-shirt de Ys et baissais la tête. Après tout, à 17 ans on est encore un enfant, je ne pouvais pas toujours faire semblant...

- Tu....Hum....

Je crois que je le gênais. Il devait être mal à l'aise d'avoir une gamine accrochée à son t-shirt, avec l'air d'être prête à pleurer. Mais cela faisait si longtemps que je n'avais pas cherché réconfort. Si ça devait être un jour, alors autant que ce soit celui célébrant le seul être qui m'en ait jamais prodigué. Mais avec ces pensées noires, je sentais les larmes qui me piquaient le nez et qui venaient s'accrocher à mes cils. Je fermais très fort les paupières pour les refouler, et une main se posa sur ma tête, pile entre les deux couettes. Ys me tapota gentiment la tête, et les larmes s'en allèrent, comme par magie. Relevant la tête, je lui adressais un regard plein de remerciements.

Finalement nous arrivâmes à une brasserie. Nous nous installâmes à une table à l'ombre. Le chagrin de n'avoir trouvé de fleurs pour ce jour si important était toujours là et menaçait de m'emporter, mais je luttais bravement et reniflais discrètement alors que Ys passait commande auprès d'un serveur. Je laissais dériver mon regard avant de me rendre compte que je n'avais aucune idée de quoi commander. Penaude, je lançais un regard au serveur. Ys me sortit de ce mauvais pas.

- Je sais! Je t'offre une glace, la plus grosse de la carte! Laisses moi deviner, tu aime la fraise? Avec du colis de chocolat!

Je lui souris faiblement. Je devais faire des efforts, il était tellement gentil avec moi...

- Plutôt à la vanille, s'il vous plaît ?

Le serveur acquiesça et s'en alla prestement. Il devait avoir senti l'ambiance lourde qui pesait entre ses deux clients. Gardant les yeux baissés sur mes mains, je m'armais de mon courage. Pitié que ma voix ne tremble pas trop !

- Merci, Ys... Désolée d'être de si mauvaise compagnie. Si ma mère me voyait, elle me réprimanderait certainement !

Je ris, mais mon rire sonna affreusement faux à mes oreilles. Je tentais pourtant de détendre l'atmosphère, sans grand effet.

Après ce que j'ai dit, Ys laissa échapper un soupir pour le moins bruyant.

- Raaaahhh.... Qu'est ce que tu racontes encore?!

Un peu prise au dépourvu, j'inclinais la tête sur le côté en le regardant.

- Eh ?

Mais lui n'en a pas fini. Il semble un peu mal à l'aise, l'air de ne pas savoir quoi faire vraiment. La curiosité commence à prendre le pied sur ma déception, et je tente de deviner ce qu'il pense. Heureusement, il finit par me l'expliquer.

- Ecoutes, je suis pas le gars qui sait trouver les mots justes pour consoler, hein?! Je suis pas doué pour ça. En revanche, je connais pas ta mère bien sûr, mais je doute sérieusement qu'elle pourrait penser ça de toi.

Je ne sais pas pourquoi, mais ça m'émeut. C'est vrai que, même sans le connaitre vraiment, je sens qu'il est bourru, et pas très doué pour parler. Mais bon, il a un bon fond, et ça je l'ai découvert tout récemment. Rêveuse, je réfléchis à beaucoup de choses en même temps. Il me fait penser à un grand frère qui ne veut pas avouer qu'il s'inquiète pour sa petite sœur. Je me demande ce que ça fait de ne pas être la plus grande ? Comment ont ressenti mes frères d'être chouchoutés par leur grande sœur ? J'ai tellement l'habitude d'être l'ainée que je ne sais pas trop comment me comporter avec plus âgé que moi. Cela fait tant de temps que j'ai endossé le rôle de la jeune fille mature que je ne sais pas me comporter comme une petite de mon âge. C'est étrange.

- Au moins, toi, tu pense à elle.

Oh. Lui aussi a perdu sa mère ? Je dois avoir touché une corde sensible, parce que je vois dans ses yeux passer quelque chose, comme du regret ou de la culpabilité. Je ne sais pas vraiment, mais d'un coup je me sens un peu bête d'avoir fait un caprice pareil. Ce n'est pas très adulte, et je ne fais pas honneur à mon prénom en ayant une mine aussi grise... Je dois me ressaisir !
Le serveur arriva alors, me faisant revenir sur terre. Le coupe de glace à la vanille qu'il pose devant moi est digne de satisfaire un adulte de deux fois mon poids ! Mais il ne faut pas me sous-estimer ! J'ai hâte d'attaquer ça ! Je prends donc ma cuiller et la remplit à raz-bord de glace bien froide. Alors que j'ouvre la bouche pour enfourner le tout, Ys se lève l'air excité. J'ai presque l'impression de voir l'ampoule s'allumer au dessus de sa tête lorsqu'il me demande de l'attendre là. Pas de problème, j'ai une glace grosse comme ma tête à manger.

Alors que Ys est parti, Je m'empresse d'écraser la cigarette tombée sur la table en bois dans le cendrier. Juste lorsque je terminais, le serveur revient et me chuchote à l'oreille :

- J'ai rajouté de la glace et de la chantilly pour toi, mais c'est la maison qui offre les surplus !

Et avec ça, il me fait un clin d’œil et s'en va comme si de rien était. Mon héros. Soudain, Des paquets de papier plus colorés les uns que les autres atterrissent sur la table. Ys se rassoit, l'air fier de lui. Moi, je me retrouvais debout, surprise par le bruit des paquets.

- Tu sais quoi? On n'aura peut être pas de véritables fleurs pour ta mère. Mais on peut toujours en fabriquer nous même!

Bouche bée, je reste là pendant quelques secondes à fixer tour à tour le grand blond et les papiers colorés. Puis, prise par je ne sais quel élan, je saute au cou de Ys, le serrant fort dans mes bras.

- Merci !! Tu es un génie !!

En fait, c'est lui, mon vrai héro.