Je sors d'un entrainement long. J'viens de bosser ma tenue de transformation, j'gère de plus en plus, et maintenant je peux aussi devenir une tigresse assez facilement. Mais ça demande tellement d'entrainement ah ! J'suis contente de mieux y arriver. Pareil, je peux maitriser bien mieux l'eau maintenant, et avec Aria j'apprends à la faire bouillir ou à la geler. J'étais contente de moi.

Et puis j'crois une nana du dortoir des Eaux, j'la croise de temps en temps. Elle se dirige droit vers moi. Je pige directement qu'il y a un souci. Je lance un regard interrogateur à la jeune femme, qui me répond directement, l'air inquiète.

Euuh... J'voulais juste te dire qu'il y a un type bizarre qui attends depuis un moment devant ta chambre... Il a une capuche et il-... El-Elwynn ?

Je suis partie en courant. Directement. Pas le temps d'entendre la fin, pas le temps de rien. Asbjorn attendait devant ma porte. Asbjorn qui ne va pas bien un jour sur deux depuis décembre, malgré son air de tout va bien. Asbjorn qui a décidé de retourner voir ses parents. Quelle idée. Vu comment j'ai retrouvé ma soeur après un p'tit tour chez sa famille, et rien que d'imaginer l'état dans lequel je serai si j'devais retourner en France, si j'devais retourner voir ma mère... LOOOOOL. J'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose.

Est-ce qu'il s'est fait rejeter ? Il a perdu un de ses parents ? Est-ce qu'on lui a fait du mal ? Vraiment la personne qui affecte Asbjorn, si y faut j'irai jusqu'au bout du monde puis lui montrer c'que ça fait d'être une mouche écrasée par une tapette. Non mais attends Elwynn, rationalise un peu, on parle d'Asbjorn. Quasiment rien à part lui de lui fait du mal. Il a peur de lui et presque jamais des autres. Parfois on dirait Alice... Pff, mais Alice a compris qu'elle se mentait parfois. Asbjorn pas encore. Ou alors il pense que c'est la meilleure solution.

Asbjorn, tu sais, si j'dois te combattre, toi, parce que tu t'fais du mal, j'le ferai. Et j'le ferai les yeux fermés.

Arrivée en haut, après avoir à moitié escaladé les escaliers, je le vois, prostré devant ma porte. Je cours presque jusqu'à lui, m'agenouille violemment devant lui, l'air inquiète. Je l'écoute en même temps que je fixe son visage, perplexe. On dirait qu'il va mourir de l'intérieur. Asbjorn, qu'est-ce que tu as ?

Oui, tu es rentré. Je suis contente de te voir Asb.

Je le regarde sans rien dire de plus. J'me mords la lèvre -mimétisme ? Comprendra qui pourra- et le relève avec moi. J'ouvre ma porte, le fait doucement rentrer, referme derrière moi. Je me tourne vers lui, le regarde encore un instant. Puis je secoue la tête, soupire, et vient doucement le prendre contre moi. Je cale ma tête contre la sienne.

Tu vas commencer par me dire si tu veux boire quelque chose. Et puis ensuite tu pourras me raconter comment ça s'est passé, ok ?

J'm'inquiète Asb. J'ai peur pour toi. J'ai envie que tu m'racontes. Tu sais comment j'suis hein, j'poserai pas de questions si tu m'fais comprendre que tu veux pas m'raconter. Mais j'm'inquiète Asb. J'ai envie de savoir pourquoi tu as l'air si vide. J'ai envie de t'aider à sourire en vrai. Tu sais, depuis quelques temps, j'me rends compte que j'peux porter pas mal d'affection aux gens, et ça m'fait bizarre, parce que j'suis pas censée être douée de sentiments. Mais avec toi c'est pas pareil, toi, j'veux juste que tu sois heureux. Toi, j'te laisserai pas être triste si t'en as pas b'soin. Toi j'te laisserai jamais tout seul si t'es dans l'noir. J'm'inquiète Asb. Vraiment.

J'fais bien la tête que j'veux Asb. Mais j'lui rétorque pas ça, je laisse son doigts se poser entre mes deux yeux, cillant à peine. Je continue pourtant de le fixer comme ça. Désolée Asbjorn hein, mais à choisir entre des rides et ton bien être, j'veux bien ressembler au père de Jack Sparrow si y faut pour que tu ailles bien. Très sincèrement j'm'en fou, c'est pas comme si mon corps était pas déjà foutu.

Il a revu ses parents, il a l'air vraiment content de les avoir revu. Ouais, t'as d'la chance de pas avoir le genre de galère que j'peux avoir, et encore, j'suis pas la pire. J'connais pas mon père, une galère en moins. J'veux juste plus jamais reparler à ma pauvre conne de mère. Hm, c'est déjà pas mal comme souci en fait nan ? Aha. Il a l'air réellement content. Alors ça va. J'vais pas aller niquer leur morts à ses parents. Oui j'fais ça maintenant y a quoi. J'ai peur de rien si c'est pour toi Asb. Encore moins que d'habitude. Il a revu un pote. Hm. Ce sourire. Ce surnom. Cette phrase. Je le fixe, assis à coté de moi.

Asbjorn se cache. Je sais pas quelle taille elle a, sa putain de planque. Mentale. Avec tous ses objets cassés, ses malles abîmées pleines de merveilles, ses tapis qui cachent les plus grandes horreurs de sa vie. Mais elle est bien là. J'la voyais pas avant, parce qu'il a peint la porte en couleurs éclatantes. Elle est belle et rassurante c'te putain de porte. J'y ai cru Asb. J'y ai cru, parce que tu es fort. Et parce que j't'aime. Tu es fort Asbjorn, parce que cette porte, tu l'as jamais ouverte, malgré tout ce qu'on a vécu. Pas grand chose pour toi peut être. Toi, toi et les copains, t'es l'début de ma nouvelle vie. Alors c'est important pour moi. Asb. Maintenant j'sais qu'elle existe, ta cachette. Maintenant que j'te connais. Asbjorn. Arrête de t'y planquer. J'vois bien que ça t'fait du mal.

Je hoche la tête. Bah oui. Asbjorn me pose une question, j'acquiesce. Ouais. On pourra voyager. J'crois que j'ai pas envie de voyager. En fait j'en sais rien. Non j'insiste pas, pas encore, pas maintenant, pas après cette question.

Ouais. On fera ça ensemble. T'inquiète. Tu m'emmèneras. Ca s'ra cool.

Je souris pas. Nan. Elwynnouchette sourit pas tout l'temps. J'souris pas. Mais il sait qu'en vrai ça m'ferait plaisir. Où on irait ensemble hm ? On irait à la mer. J'aimerai revoir la mer. J'aimerai voir la mer avec la Cool Patrol. Oh. J'aurai dû faire ça pour mon anniversaire. Merde. J'ai fucked up.

T'es fort Boubou. T'es bien plus fort que c'que tu penses. Et en même temps, si fragile. On dirait moi, Asbjorn. Toi aussi tu l'sais, hein ? Tu l'sais, que moi aussi, j'ai mes cachettes. J'en ai des milliers, parce que j'cache pas les choses au même endroit.

Moi ça va. J'ai eu mon job. J'vais donner des cours d'arts martiaux en club. J'suis contente.

C'est vrai. J'suis réellement contente. J'm'inquiète beaucoup trop, j'le fixe, je le lâche pas des yeux. Je l'sens. Asbjorn. Tu m'aurais pas attendu devant ma porte hein ? Je fais passer mes cheveux sur le côté, le lachant des yeux quelques secondes. Avant de poser mes yeux dans les miens. Excuse-moi d'être directe Boubou.

Asb, si tu as besoin. Si tu as besoin de parler, ou dire des choses, tu peux. Tu l'sais je sais. Mais, vraiment. J'veux que tu m'dises si quelque chose va pas.

C'est une des rares fois où "j'insiste". Où je propose de parler. En vrai. Il peut refuser. S'il refuse alors on boira juste un café, un thé, on parlera de trucs biens. Et il partira lorsqu'il décidera qu'il voudra dormir. Non. Me laisser dormir. Alice et Nico me racontent sans vraiment le vouloir Asbjorn. Et puis on a passé des nuits à pas dormir ensemble. J'te connais hm. Allez chaton.

Asb me félicite pour mon taf. J'lui souris. Ouais, j'suis contente. J'en parle pas trop pour l'instant parce que je sais pas encore ce que ça va donner mais j'suis contente. Malgré tout, je sais que je ne dois pas compter sur lui pour venir voir comment ça se passe. Trop de violence pour lui, même si ce n'est que des entraînements. Je ne le lui demanderai pas. En revanche, je sais que je devrais tout lui raconter.

Pour une fois, et c'est pas souvent que ça arrive, mon regard plonge dans le sien. Je sais, je sais que c'est faux Asbjorn. Je sais aussi que ce n'est pas à moi que tu mens. Mais c'est faux. Tout ne va pas bien. A quel point tout ne va pas bien ? Tu ne me le diras pas hein ? Je retiens un semblant de colère qui monte en moi, ne le lui montre pas. Je n'aime vraiment pas ça. Je soupire simplement et détourne le regard. Je n'ajoute rien, je l'écoute enchaîner comme si, effectivement, tout allait très bien.

J'ai envie de lui balancer à la gueule que j'aime pas quand il fait ça, j'ai envie de lui dire que j'le vois bien, que ça va pas, j'ai envie de lui dire d'arrêter de m'prendre pour une idiote, ou une personne fragile, qu'il arrête de vouloir de me protéger de lui, c'est moi qui décide de comment j'me protège, j'ai envie de lui dire d'arrêter de se mentir à lui-même parce qu'il va juste échouer et encore plus s'en vouloir, j'ai vraiment pas envie d'être sympa.

Je me lève, simplement, et je vais vers ma machine à café, place la dosette et enclenche. Je lâche, un peu plus froide que d'habitude, dos à lui.

Tu vas exploser en vol Asbjorn. Tu vas te détruire. J'te laisserai pas faire, crois-moi.

C'était une menace, très claire.

Et compte sur moi pour te relever quand t'en auras besoin, tu vas pas te débarrasser de moi comme ça.

Et ça il le prend comme il veut. Le café a terminé de couler, j'attrape ma tasse, et me retourne, prenant appuie sur la petite table. J'ai l'air de nouveau normal. J'vais jouer avec ses armes. Son espèce de masque, de déguisement de la joie. Moi aussi, j'peux mettre un déguisement de meuf pas sympa. Pourtant là, en sirotant mon café, j'lui souris.

J'ai vu deux Morphes s'amuser c'matin dans les couloirs, et j'me suis dit qu'on pourrait nous entrainer en jouant. Genre, tu t'téléportes, sans forcer, et moi j'dois essayer de t'attraper sous forme de renard. Ca peut être marrant, et puis comme ça on s'entraîne un peu. Bon tranquille hein, on va pas non plus s'épuiser, mais ça peut être rigolo nan ?

C'est bon pour l'instant. J'ai dis que tu te débarasseras pas de moi, parce que j't'aime trop pour te laisser te détruire. Alors quand t'auras besoin de rire, de changer d'sujet, j'serai là. Quand t'auras besoin de juste un câlin ou de dormir avec quelqu'un, j'serai là. Quand faudra te secouer les plumes et te foutre des gifles pour que tu t'réveilles, j'serai là.

Crois-moi Asb. J'serai là.

Mais Boubou ne tombera pas. Boubou regarde Elwynn comme s’il était surpris. Et le pire ? Il l’est.

- Ben… Elwynn ?

Elle te relèvera. Mais bon Dieu, puisqu’on vous dit que Boubou tombera pas. Et pourquoi tu te débarrasserais d’elle ? C’est. Ton. Amie.

- J’veux pas me débar-.

Sauf qu’elle sourit. Pourquoi t’as plus peur d’elle quand elle sourit que quand elle est froide ? Ah oui, parce que, même si elle te sourit, c’est pas HYPER habituel. Ou bien c’est le passage glaçon à « Eh j’ai l’air gentille tavu ? ». Ou le tout.

T’acquiesces à sa proposition. Pourquoi t’as d’un coup plus la force de montrer que c’est une super idée ? Allez, Boubou, une dernière fois. Allez, tu peux le faire. Je le sais.

Tu te redresses. Tu souris, de toutes tes dents. Droit et fier, une dernière fois, tu joues la danse :

- C’est une super idée, Elwynouchette ! Puis faut que j’continue de bosser mes pouvoirs ! J’pense qu’on va bien s’amuser en le faisant ! Par contre, t’sais quoi ? A la réflexion, c’était vraiment une journée longue et j’devrais certainement aller dormir. Mais du coup passe dans ma chambre me chopper quand tu voudras qu’on s’entraine ! Allez, bisous Elwynouchette !

Tu te lèves et t’approches d’elle pour passer ta main derrière sa tête et lui plaquer un bisou sur le front en vitesse. Ton regard croise le sien une fraction de seconde.


Tu brilles toujours, Boubou, quand est-ce que tu t’éteindras ? Tes yeux sont toujours plein d’étoiles, ton sourire est un rayon de Soleil. Chaque jour tu pourris un peu plus de l’intérieur, mais tu arrives encore à faire de l’extérieur de la joie pure.
Pourquoi ?

- Et arrête de t’inquiéter.

Ton front rencontre celui de la rouquine. Tes yeux se ferment un bref instant. Et puis tu te souviens.


Oui. On y va. Allez. Tu recules et en quelques secondes, tu es dehors. Il ne faut qu’une téléportation pour te ramener dans ta chambre.

Tu te laisses tomber sur le lit, le bras droit posé sur tes yeux, comme pour te cacher au monde. Tu comprends pas. Tu en as marre. Qu’on s’inquiète. Qu’on soit cinglant. Qu’on t’en veuille. Qu’on t’engueule. Tu y arrives. Tu es courageux. Tu es fort. Tu es…Ton meilleur ? Sûrement. Peu importe. Tu as tenu toute la journée. Tu as tenu toute la soirée. C’est pas la preuve que tu vas bien ? Ils pensent tous que tu vas tomber. Ils sont tous convaincus que, tel Icare, tu te brûleras un jour les ailes à voler si près du Soleil. Mais Icare est un mythe. Tu n’es pas Icare. Toi, tu tiendras. Toi, tu sauras quand t’arrêter. Et puis, la joie ne peut-elle pas qu’être bénéfique ? Après tout, comment blesser les autres ou se blesser soi-même en essayant simplement d’apporter avec soi le bonheur ? N’est-ce pas dans cette joie que tu dois puiser afin de devenir ton meilleur ?