Personne ne trouve à redire à mon idée, j’ai même l’impression qu’Alice avait eu la même mais refusait de nous imposer ça. J’crois qu’on est pas assez exploitables pour qu’elle l’ait soumise. C’est cool, j’aimerais pas avoir la réputation d’être une meuf sympa qui accepte d’aider quand on en a besoin. Ce serait relou, j’vous jure. J’entends l’affaire avec Tomoe, et nous nous mettons tous en route. Plus on est nombreux plus c’est facile dans ce genre de situation, l’enseignante marche devant montrant le chemin aux enfants et distillant ses conseils qui sont en réalités des ordres. Il n’y a que les enfants pour croire qu’elle leur laisse le choix quand elle commence une phrase par « pourriez vous »… Elle a la classe Tomoe quand même. Et pas que la primaire.
On arrive sans trop d’encombres à l’institut, je les laisse monter dans la salle de cours en prenant les escaliers et j’leur dis aurevoir d’en bas. De toute manière le temps que l’ascenseur arrive et que j’les rejoigne ils auront déjà repris leurs activités. Quand ils me rejoignent Nath soumet l’épineux prêt du « et maintenant on fait quoi ? » ce à quoi Alice répond avec tact et classe « j’ai soif. » Je les connaitrais pas mieux tous les deux je les embarquerais ni vus ni connus dans un bar, je les saoulerais à mort et je garderais des preuves… Mais ils ne boiront aucune goute d’alcool j’en suis presque certaine.

« J’suppose qu’un bon cocktail bien alcoolisé ne vous ravirait pas… » je tente.

Sait-on jamais, vraiment j’paierais cher pour voir Alice et Nath bourrés séparément, mais ensemble c’est encore mieux en fait. Ils n’ont pas l’air convaincus…

« Bon, sinon j’connais aussi des bars où ils font de bon cocktails sans alcool, vous inquiétez pas… »

Arrêtez de me regarder comme ça j’pourrais presque croire que vous êtes en train d’me juger, bon vous êtes sans doute en train de le faire… Mais un bar ça a deux avantages : de la boisson et la climatisation. Tout ce qu’il faut pour être heureux, ainsi qu’intimité si on sait quel bar choisir et où se placer, ce que je sais faire heureusement. Après on peut aussi aller chercher des boissons et se caler dans un parc, mais elles ne seront sans doute pas fraiches à voir.

Nathanaël retint de justesse un rire quand Alice lui répondit qu'elle avait soif. Certes, pourquoi pas. Il avait lui aussi envisagé l'idée d'étancher leur soif. Il passa rapidement en revu les différentes options possibles, mais Ipiu prit la parole avant qu'il ne puisse exprimer les résultats de sa réflexion. Il regarda la femme qu'il aimait avec une légère surprise face à sa proposition. Lui ne buvait jamais d'alcool et il doutait qu'Alice le fasse souvent, si elle le faisait. Une chose était certaine, elle n'en avait jamais consommé en sa compagnie. La Tonnerre proposa une alternative face à leur air perplexe.

Nous pouvons effectivement nous rendre dans un bar où le choix sera suffisamment grand pour contenter tout le monde... et je doute qu'à ces heures ce genre d'établissement soit bruyant. Autrement, nous pourrions aussi aller acheter quelque chose dans un commerce, puis nous rendre dans le parc. Alice, je pense que c'est à toi de choisir ce qui te fait le plus envie.

Le Titan offrit un sourire mi-navré, mi-amusé à la Sensitive. Il se demandait si elle n'avait pas l'espoir secret d'un jour le voir saoul. Cette idée, la perte totale de maîtrise de lui-même principalement, lui déplaisait fortement, l'effrayait même, et il veillerait à ce que cela n'arrive jamais, dû moins pas de son plein gré. De toute manière, il n'avait pour le moment pas encore le droit de consommer de l'alcool au Japon. Cela réglait donc définitivement la question.

Une fois la suite des événements décidés, l'Anglais prit brièvement congé de ses deux amies, le temps d'un détour rapide par sa chambre. Une fois arrivé à destination, il saisit le paquet cubique emballé à la mode japonaise posé sur son bureau et le plaça dans un sac à dos pour maintenir la surprise encore un moment. Il se dépêcha ensuite de rejoindre les deux femmes de sa vie.

Nathanaël s'arrêta un instant pour les observer, avant de s'approcher d'elles. Il aimait ce tableau, voir les deux personnes les plus importantes de sa vie converser, rire même. Cette joie profonde était divine.

Alice rit lorsqu'Ipiu parle d'alcool, mais surtout à cause de la tête de Nathanaël, qui semble tout étonné, avant de comprendre la blague. Ipiu change directement de proposition pour quelque chose de plus adapté, et Nathanaël propose encore une autre alternative. Alice leur sourit à tous les deux avant de répondre d'un ton enjoué.

« On peut aller boire un verre dans un bar en terrasse, ça changera un peu et puis tu as raison Nathanaël, ce sera assez calme à cette heure-ci. »

Ils se décident donc et Nathanaël leur indique qu'il les rejoint. Les deux jeunes femmes s'en vont donc, Alice essayant de faire abstraction des raisons qui ont retenues Nathanaël. Elle n'était pas inquiète ou en colère loin de là, elle avait juste vu un joli paquet cadeau traverser l'esprit de son ami. Elle avait pourtant fait de son mieux pour se protéger de ses images mentales pour garder les surprises !

Alice lance une discussion avec Ipiu, sur le dernier livre qu'elles ont lu chacune. La discussion bat son plein jusqu'au bar, ponctué des rires d'Alice, des sourires d'Ipiu. Une fois arrivées, Alice propose une table à Ipiu, une table qui leur permettait d'être au soleil ou à l'ombre, la tête protégée. Alice prend une place au soleil, s'étire allègrement, profitant de la chaleur, avant d'apercevoir Nathanaël. Elle lui envoie un sourire, et dit gentiment, de façon à ce que seule Ipiu comprenne.

« A son regard, on pourrait croire que ce n'est pas mon anniversaire qu'on fête, mais le sien. »

Avant de lancer un regard amusé à la Tonnerre.

C’est fou les émotions qui peuvent passer sur son visage, mon regard croise celui d’Alice et nous finissons par pouffer. Il est mignon quand même quand il est surpris comme ça, mais… Au fond ça me laisse peut-être un étrange gout, est-ce que je sors avec un enfant ? Est-ce que c’est moral ? Je chasse ces pensées, s’il ne veut pas boire d’alcool c’est un choix réfléchi, certes guidé par la crainte de perdre le contrôle… Peut-être qu’avec le temps il se détendra ? J’en sais rien, et au fond, c’est pas grave, bien ou mal j’veux être avec lui. Il propose que l’on achète ce dont on a besoin et qu’on aille dans le parc, pourquoi pas après tout ? Mais la solaire Alice préfère un café en terrasse… J’avoue que je ne dirais pas non à un bon smoothie, et dans le commerce, ceux en bouteille, sont rarement tops.

Nath nous laisse avec la promesse de nous rejoindre rapidement, et nous rejoignons la terrasse la plus proche en discutant avec Alice, nos lectures ne coïncident que rarement, mais c’est d’autant plus intéressant d’échanger dessus. Elle arrive très régulièrement à me faire lire des ouvrages qui ne m’intéressaient à première vue pas tellement, et je ne suis pas certaine que le contraire soit vrai… Surtout en ce moment où je lis beaucoup de livres d’enseignement de langues étrangère, depuis ma mastérisation j’ai l’impression d’avoir retrouvé mon gout pour celles-ci. Alice choisi une table parfaite et nous nous installons toutes deux au soleil…

« Je pense qu’il préfère le tien. » je réponds à mon amie alors qu’il nous rejoint, je lance un regard entendu, accompagné d’un clin d’œil à Alice, puis un sourire au nouvel-ancien arrivant.

« Nous t’avons donc commandé un rhum-coca ! » je fais à mon chéri avec l’air le plus innocent du monde.

J'avoue que je suis curieuse de voir sa tête… Nous n’avons pas encore commandé en réalité, trop occupées à papoter…

Nathanaël se figea alors qu'il venait d'écarter une chaise de la table. Il ne put s'empêcher de froncer les sourcils un instant, avant de finalement détendre les muscles de son visage et de prendre place, comme si de rien n'était, son sac à dos sur ses genoux.

Un rhum-coca... quel choix bien étrange... n'étais-tu pas censée attendre mon anniversaire pour me faire goûter de l'alcool ? De plus, je vais me retrouver en illégalité...

Le Titan fit semblant d'être contrarié, avant d'esquisser un sourire, fier de sa repartie. Habituellement, lorsqu'elle le taquinait, il ne marchait pas seulement, il courrait ! Mais pour une fois, il n'avait pas cru la Tonnerre et il avait décidé d'en jouer. Il verrait bien ce que le serveur ou la serveuse lui apporterait, pour autant que ses deux amies aient effectivement déjà commandé. Et si vraiment il s'avérait qu'Ipiu et Alice lui avaient pris un rhum-coca, il aviserait sur le moment, préférant ne pas trop anticiper.

Préférant changer de sujet et surtout, pour ne pas trop attendre et risquer de gâcher la surprise, si surprise il y avait encore, l'Anglais sortit de son sac le cube qu'il était allé chercher dans sa chambre. La boîte, d'une dizaine de centimètres de côté, était emballée dans un joli papier cadeau vert à motifs argentés, agrémenté d'un ruban tirant sur le gris lui aussi.

Je te souhaite encore un très joyeux anniversaire, Alice.

Le ton et le regard de Nathanaël étaient aussi doux qu'à son habitude. Il tendit son cadeau à la jeune femme et attendit qu'elle le prenne. Dans la boîte, sa petite soeur de coeur trouverait une figurine les représentant tous les deux assis sur un tabouret, devant un piano, le jeune homme jouant un accord et lui souriant en la regardant, elle riant. La version miniature de la Télépathe était resplendissante. Elle était parfaite, alors que lui était plus flou. Le Titan avait un peu de peine avec l'auto-portrait et n'aimait pas trop cette manière de se mettre en avant, cette sorte de narcissisme.

À présent, il ne lui restait plus qu'à attendre la réaction de sa petite soeur, le sourire aux lèvres.

Alice appréciait toujours discuter bouquins avec Ipiu. Elles avaient des goûts très différents, et en même temps se rejoingnaient sur certains points. Alice appréciait s'ouvrir à de nouveaux univers qu'elle connaissait peu, malgré sa connaissance relativement importante de littérature d'un peu tous les continents. Alice rit à la remarque d'Ipiu, puis sourit à Nathanaël, et attend sa réaction. Souvent, il fonçait droit dans les pièges de la Master, mais pas aujourd'hui.

« C'est promis, on ne dira rien pour ce qui est de l'illégalité. »

Elle le taquine bien sûr, puis ouvre de grands yeux surpris et heureux devant le papier cadeau. Elle attrape la boite avec délicatesse, puis regarde ses deux amis avec tendresse et reconnaissance.

« Merci beaucoup à tous les deux ! »

Elle finit par ouvrir le paquet, et découvre la sculpture. Juste, équilibrée, précise. Détaillée. Alice l'étudie en entier pendant de précieuses secondes, ses yeux brillent de joie et d'admiration face au travail de précision. Elle finit par relever la tête, l'air très émue et très heureuse.

« Ca me fait extrêmement plaisir, merci, vraiment. »

Toute émue, Alice se lève, et vient les serrer tous les deux dans ses bras. C'est une belle journée, un bel anniversaire, une belle occasion de passer du temps avec eux.

Je souris au froncement de ses sourcils, premier instant d’hésitation chez mon aimé qui tente de se dépatouiller de la situation avec classe. Je ne peux m’empêcher d’avoir envie de le taquiner. Si nous savions, que dans une année ce qui s’avérait alors festif deviendrait un problème peut-être ne me serais-je pas permise de faire une petite blague sur le sujet. Je souris alors qu’il s’asseyait à nos côtés.

« Pourquoi remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui ? » je faisais un clin d’oeil à Alice, je n’étais pas vraiment dupe. S’il avait porté crédit à mes paroles, il n’aurait pas réagi avec tant de calme. Un sourire doux se dessina sur mes lèvres alors qu’il offrait son présent à la Terre. C’était magnifique, à la hauteur de l’amour qu’il lui portait. Je ne me sentais pourtant pas menacée un instant par leur relation.

Le présent est magnifique mais ce qui est le plus beau c’est le regard d’Alice quand elle le regarde, et celui de Nath quand il la regardait. S’il y avait une image du bonheur paisible, je pense que cette après-midi y ressemblerait. Des sourires, des rires, des regards. De l’amitié, de la chaleur, des sodas trop sucrés et pas mal d’insouciance pour les saupoudrer. C’était de jolis souvenirs, mais comme tous les souvenirs le temps les estomperait. Un jour il n’en resterait plus qu’une figurine, un livre oublié sur une étagère et un sentiment de douce nostalgie. Celle du temps perdu. L’arpès-midi se termina en douceur.