__–Dans l’idéal rousse, mais à part ça, aucune importance.
__–Pour ce qui est de son caractère, Agate est inflexible, extrêmement stricte, autant envers les autres qu’elle-même quand il s’agit de travail. Tout est subordonné au devoir. Elle peut tolérer certaines choses, certains traits qu’elle abhorre (comme l’homosexualité, la non-blancheur, l’athéisme, i tutti quanti), à condition que les résultats soient là.
__–Elle a en vérité assez peu d’émotion à part le dégoût, l’agacement et la colère, ou du moins exprime très peu les autres, a beaucoup de mal à le faire et, surtout, à s’autoriser à le faire.
__–Elle est relativement apolitique, mais républicaine pour les questions sociales et démocrate pour les questions économiques (libre-échange, soutien aux GAFAM par exemple). Elle aura sans doute voté Obama puis Biden, mais déclaré avoir voté Trump à tous ses proches.
__–En revanche, elle a une passion, qui occupe ses quelques week-ends libres : le jeu de rôle grandeur nature. Enfin, ce n’est jamais qu’une occasion pour elle d’exprimer sa férocité, sa rage de vaincre, son tempérament de chef et sa pugnacité d’une autre manière, en l’occurrence engoncée dans une armure de plates complètes et avec une épée à deux mains.

__–Agate est issue d’une famille conservatrice WASP (white anglo-saxon protestant) et aisée, qui remonte à l’aristocratie militaire sudiste. Elle pouvait faire ce qu’elle voulait de sa vie, tant que c’était dans le domaine de la défense, pour honorer la tradition familiale.
__–Du fait de ses études en géopolitique et en langues ainsi que des connexions de ses parents, elle se familiarisa très tôt avec le milieu des diplomates et généraux de Washington DC, jusqu’à poser sa candidature à la CIA. Reçue avec les honneurs, elle y poursuivit une carrière fructueuse. Son domaine n’était cependant pas le terrain ; Agate était une analyste. Son rôle était de guider les agents en mission, lire et compiler les données, recueillir des informations par divers biais, dont certains qui impliquèrent des séjours à Guantanamo et un peu de waterboarding, puis de compiler tout cela. C’était elle qui était chargée de produire le renseignement proprement dit, c’est à dire un produit fini, raffiné, issu du croisement des sources et des interprétations, que ses supérieurs lisaient et transmettaient ensuite aux dirigeants politiques et militaires pour les aider dans leurs prises de décision.
__–Au sein de l’Agence, Agate rencontra James Molina, autre analyste de son état. Ils se fréquentèrent, nouèrent un profond respect professionnel, qui se mua en amitié, puis en amour et enfin en mariage. Agate avait jusqu’ici consacré sa vie à son travail et n’avait jamais pensé qu’il eût pu en être autrement. James en était parfaitement au courant et avait décidé de partager sa vie avec elle en toute connaissance de cause. Esprits relativement solitaires, ils s’accoutumaient en vérité assez bien de rester parfois toute la nuit au bureau, devoir partir pendant plusieurs jours voire semaines sans pouvoir donner de nouvelles et surtout, surtout, ne jamais poser la question « alors, tu as fait quoi aujourd’hui au travail ? ».
__–Après dix ans de mariage et une promotion, ils décidèrent de passer un nouveau cap. Agate avait la trentaine bien entamée et fait ses preuves dans l’Agence, leur foyer était stable, il était temps de concrétiser leur mariage par un enfant. Par fierté, par excès de confiance en elle, pour le principe de faire ce qui lui chantait, Agate voulut l’impossible : conjuguer sa grossesse avec son travail. James se désolait de cela, de la voir sombrer dans un épuisement physique et mental toujours plus intense, mais se sentait totalement impuissant. Jamais Agate n’aurait accepté de lever le pied, surtout s’il le lui demandait. Elle avait trop à prouver, dont à elle-même, peut-être.
__–Ce qui arrive à un quart des personnes enceintes arriva. Agate fit une fausse couche. Ayant été biberonnée elle-même à de la littérature peu recommandable sur le sujet, elle ne put en venir qu’à la conclusion de tous les livres pseudoscientifiques qu’elle avait lu et qui faisaient porter tout le poids de la culpabilité sur la mère. Elle avait trop fait, voulu pousser trop loin, s’était surmenée et avait causé la mort de son enfant. La vérité, j’en ai bien peur, est bien plus prosaïque et renvoie à un simple coup de malchance. Mais bien sûr, jamais Agate n’aurait pu l’interpréter comme tel.
__–Avec l’intense dépression qui suivit, les deux édifices les plus importants de sa vie s’effondrèrent sur le coup. Tout d’abord, le mythe qu’elle entretenait sur sa solidité, son invincibilité face à toutes les difficultés de la vie et que, contrairement à tous les ratés qui peuplaient ce monde, elle avait la volonté nécessaire pour s’en sortir. Ensuite, le rôle social qui lui avait été imposé, inculqué, depuis son plus jeune âge ; celui de mère. Elle avait échoué à l’être, préféré ses folles ambitions personnelles.
__–Ses supérieurs lui imposèrent de prendre un arrêt maladie. Agate tournoyait chez elle, prisonnière de ses vacances forcées, de l’oisiveté, de son propre esprit et de ses échecs.
__–Jusqu’à ce qu’un inconnu tapât à sa porte et lui dit venir du Japon spécialement pour elle…

__–On va passer l’enfance et toutes ces conneries pour arriver direct au jour où son Vide s’est manifesté. En haut d’un gratte-ciel de Pékin. 2008, Xinyi était trop jeune pour l’avoir vraiment connue, mais cette crise avait déjà tué son père. 2023, l’économie chinoise ne se porte pas si mal, mais là on parle de tendance de fond. De fragilisation du marché, de ceux qui réussissent et ceux qui traînent le boulet depuis les problèmes de 2020, qui ne se règlent pas. (la covid n’a pas eu lieu dans l’uchronie de Terrae, mais on va dire qu’une récession à ce moment là si, allez.) Les dossiers, les rapports, les colonnes de chiffres, sur son bureau, sont formels. C’est terminé, là. Xinyi en peut plus. Il regarde les voitures, à travers la brume de pollution de la ville, depuis le Cent-quatrième. C’est haut, cent-quatre. Son père s’est tué depuis le quarante-neuvième. Hé, ça fera au moins un point sur lequel il sera allé plus haut que lui.
__–De toutes façons, on finit tous tout en bas.
__–Sauf si, juste à ce moment là, sa secrétaire tape à sa porte et lui dit qu’une personne venue expressément de Tokyo veut le voir, lui. Xinyi n’en a plus rien à foutre, mais il peut bien étancher sa curiosité sur qui voudrait bien s’intéresser à lui, avant de quitter ce monde.

__–Rapidement sur le nom, je l’ai pris au hasard sur un générateur de noms, c’est pas pure commodité. Vous prenez ce que vous voulez.
__–Au niveau de l’apparence, je passe vite fait là dessus, franchement ça peut être très libre. Beau gosse ou pas, qu’importe. Je le verrais plus un peu moche, vous voyez, pas dégueulasse, mais genre, comme un mec normal juste pas trop gâté. Le genre qui passe tout à fait inaperçu dans une foule de gens en costume, mais qui a pas un visage assez beau pour qu’on s’attarde sur lui. (Après, soyons réalistes, ce genre de gens normaux est introuvable sur Pinterest et consorts, vous ferez ce que vous pourrez plutôt que ce que vous voudrez.)
__–Niveau mental, je vois bien Xinyi comme quelqu’un d’assez coincé, genre éducation stricte, valeurs et routines bien établies, il arrive à Terrae il arrive chez les fous. Quelqu’un de terne, mais qui a toujours voulu être plus. Un peu à la Robin Williams dans Hook, vous voyez ? Il arrive au royaume imaginaire alors qu’il est un tranquille employé de bureau et tout le défi, ça va être de concilier le grand retour de ses rêves et ses fantasmes d’enfants sur avoir une vie palpitante pleine de magie, de gens hauts en couleur avec le fait que c’est un adulte un peu coincé, pas super sportif, pas super intéressant, qui a du mal à s’adapter.
__–Je l’ai mis Guérisseur, même si en soi c’est modifiable, parce que je voulais aussi un Guérisseur qui n’ait absolument aucun lien avec le soin et dont le métier à Terrae ne soit pas du tout d’aller vers l’hôpital. Votre autre défi ça va être ça, de chercher à redéfinir cette affinité, de lui donner une autre signification que celle d’être un toubib. En vrai, c’est un très bon comptable, il peut rendre de fiers services à Terrae et ses constants problèmes de budget avec son expertise. Il parle bien quand c’est à des gens sérieux, maîtrise des sujets économiques techniques, non clairement il y a quelque chose à faire.

__–Pas mariée, à quatorze ans, c’est chaud… à seize ans, c’est problématique… À vingt, tu seras foutue ma petite.
__–Ah ouais ?
__–Genre, vraiment ?
__–Hé ben écoutez, quitte à partir en vrille, autant que ce soit avec des flammes, des effets spéciaux de film américain, du bruit. Plein de bruit. De la grosse musique. Should I Stay or Should I Go jouées sur les plus grosses enceintes possibles.
__–Ben d’ailleurs c’est exactement comme ça que j’ai fini dans cette cellule. Direct, à mon arrivée, j’ai commencé à gratter des encoches sur le mur. Un garde a pas compris (ce con), il m’a demandé, pourquoi il y en a une dizaine alors que je suis là depuis même pas une journée ? Je lui ai répondu, c’est le nombre de turbans de mollahs et de casquettes de flics que j’ai foutu par terre d’un coup de latte dans la nuque.
__–Il s’est foutu de moi, mais il s’est vachement moins foutu de moi quand j’ai rajouté la sienne à mon compte.
__–Il m’a défoncé la gueule par contre.
__–Ça valait le coup.
__–D’un coup de pied le lendemain, j’ai foutu au sol celle du commissaire.

__–JE SUIS UNE PUNK CONNARDS.

__–Clairement, c’est le moins défini de tous (et celui qui a le plus haut potentiel pour être un invraisemblable cassos…). L’idée derrière ce personnage, c’est de jouer quelqu’un de riche, célèbre – au moins au niveau national ou régional – et peut-être même un peu trop.
__–L’Égypte, c’est quand-même un pays sous dictature avec atteintes régulières aux droits de l’homme, disparition d’opposants et journalistes, persécution policière, etc. Forcément, sitôt qu’on a un Hassan Shadid qui devient un peu trop célèbre, un peu trop libertin, un peu trop inspirant pour la jeunesse… Bon…
__–Vous voyez la tension principale que pourrait offrir ce personnage : aller à Terrae, c’est un peu le seul moyen de rester en vie, mais c’est aussi un exil. Peut-être loin d’une militance politique, ou plus prosaïquement de ce qu faisait sa richesse et sa renommée. Dur dur de devoir se terrer dans un village à l’autre bout du monde tout le temps en galère de pognon quand on a vécu dans l’opulence et la célébrité, m’voyez ?

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