Il y a quelque chose qui cloche, c'est sûr.

Misao a le nez plongé dans ses recherches depuis l'avant-veille. Il lit avec application des dizaines d'articles dont il prend des notes de son écriture impeccable dans un petit carnet noir et, dès qu'il en termine quelques uns, se retrouve soudain avec de nouvelles références et de nouveaux articles ou livres à suivre. Lire les articles est déjà long, mais pour certains, il lui faut négocier avec le budget de Terrae afin d'en récupérer, voire de récupérer quelques livres pour élargir davantage son champ d'investigation. Evidemment, les mails envoyés au beau milieu de la nuit sont rarement lus immédiatement, et généralement plutôt mal reçus le lendemain matin, alors il lui faut en plus se justifier auprès de l'administration.

Après quelques refus agaçants mais des compromis utiles, et surtout beaucoup de café, Misao s'est remis au travail. Il se sent envahi par le feu de l'inspiration (c'est le cas de le dire) et ne tarde pas à renvoyer des mails à la Master qui lui a demandé ses services, avec un descriptif détaillé de tous les éléments allant en leur faveur et leur défaveur pour l'opération qu'elle souhaitait effectuer. C'est risqué, mais ça vaut le coup ; et ça, il en est persuadé.

Il a donc passé bien deux jours sans dormir plus de quelques malheureuses heures. Misao accepte de quitter son laboratoire à regret lorsqu'il se rend compte qu'il marche de travers et qu'il n'arrive plus à garder les yeux ouverts — il lui semble même s'être endormi sur carnet avant, comme le suggère la page qu'il a retrouvée froissée après un instant d'absence.

Comme un mort, il se dirige vers l'ascenseur, cherche ses clés, peste quand il n'arrive pas à ouvrir et râle intérieurement lorsqu'il se rend compte qu'il a oublié de verrouiller la porte, lorsqu'il était reparti au laboratoire, après midi. Il abandonne ses chaussures dans l'entrée sans allumer la lumière, pose son carnet sur le bureau en tâtonnant, enlève rapidement sa chemise et son pantalon qu'il pose sur la chaise puis va s'allonger en boxer. Et il s'endort à peu près immédiatement.

Le problème, c'est que quand il se réveille, ce n'est pas sa chambre qu'il voit dans la pénombre. Il cligne des yeux. Et se rend compte que ce qui l'a réveillé, c'est le contact de quelqu'un contre son dos.

Euh.

Il tourne lentement la tête, figé d'effroi. Lentement. Lentement. Il aperçoit une touffe de cheveux et écarquille les yeux. Immédiatement, il fait un bond hors du lit qui l'amène à se péter la gueule, emmenant le drap avec lui dans sa chute :

—AH PUTAIN !

QUOI. QUOI. GENRE QUOI ???????????

[OMG, désolée de répondre seulement maintenant mais j'ai TELLEMENT RI ]


La pêche a été infructueuse ce soir, j'aurais bien ramené une minette dans mon lit mais... Il faut croire que j'ai déjà ratissé le périmètre, je recroise les mêmes têtes un peu trop souvent ! Et ma réputation me précède donc, à part des claques, je ne récolte plus grand chose. Damn. Je reste malgré tout au bar et continue de boire jusqu'à oublier pourquoi je suis là, et même carrément où je suis et comment je m'appelle, lol.


Un rai de lumière filtre à travers les rideaux et m'atterrit en plein sur le tronche, ce qui me réveille de bon matin. J'ai un mal de crâne à m'en fendre la poire en deux, je ne me souviens plus à quelle heure ni comment je suis rentré. Pourquoi je m'inflige ça encore, vous pouvez me le rappeler ? Je bouge légèrement et sens un contact dans mon dos. Tiens ? Je ne me souviens pas d'avoir réussi à ramener quelqu'un hier soir, mais finalement, il faut croire que même ivre mort, mon charme opère, ahah ! Et alors que je m'apprête à me retourner pour voir la tête de la demoiselle, j'entends un cri un peu trop masculin à mon goût et me retrouve soudain frigorifié, sans couette et en caleçon dans mon lit. Euh ?

Je me retourne et me retrouve nez-à-nez avec... Un homme. Oui, un homme. En caleçon. Et qui a l'air au moins aussi traumatisé que moi. Mais WTF ?! Comment est-ce que j'ai pu en arriver là, sérieusement, AVEC UN AUTRE MEC PUTAIN ! Je ne me rappelle absolument de rien après 23h environ... J'étais tellement bourré et en chien ou bien quoi ? Ne vous méprenez pas, il est sacrément beau gosse, et je serais presque flatté... Ben s'il n'avait pas une paire de couilles quoi. Je deviens livide et sens dangereusement le rhum d'hier remonter à contre-courant. Et là, je dis merci Théo d'être un mec prévoyant et de garder toujours un sceau près du lit. Je l'attrape in extremis et commence à gerber toutes mes tripes dedans avec classe et dignité. Je relève les yeux vers le mec, la gueule toujours à moitié dans le sceau.

"Est-ce que... Euh... Est-ce qu'on a... Enfin, tu vois ?"

J'arrive même pas à prononcer les mots. Il a l'air au moins aussi mal que moi ceci dit, ça me rassure un tout petit peu.

Hrp : Pas de souci, j'suis en retard aussi xD Mais putain que je pleure



Non. Juste. Non. Mais. Pourquoi. Euh. Aled. A L E D.

Le visage du monsieur qui est à côté de lui (?????) lui tire un sursaut de frayeur. Le souffle coupé, les yeux écarquillés, Misao se recule le plus possible en fixant la masse qui se redresse... Et... Vomit... Dans… Un seau... Aha..... Ahahahaha. AHAHAHAH.

Attendez. Mais euh. PARDON ??? MAIS ? Omg il va vomir aussi. Le bruit que l'autre gars fait fout la nausée à l'Invisible, qui très honnêtement n'a qu'une envie : prendre ses jambes à son cou.

Et en plus il lui parle. Avec la tête dans le seau. Misao a dormi avec un mec (comment, pourquoi, dans quel étagère ?). Qui a. La tête dans un seau.

Mais quelle est cette putain de sorcellerie.

Inspiration. Misao ferme les yeux en retenant un haut-le-coeur dégoûté.
Que quelqu'un le sauve de cet enfer.

Réflexion. Que s'est-il passé ? On l'a drogué et kidnappé ?! Quelqu'un s'est glissé dans sa chambre dans son sommeil ??! Non parce que... Misao… Il est rentré chez lui hier, et... Il regarde autour de lui, pris d'un affreux doute. Voit ses fringues en tas sur la chaise — enfin, ce qu'il devine être ses fringues sur la chaise. Et. C'est pas sa chambre, en fait. Mais. Mais. Maiiiiiiiiiiiiis.

"J'me suis gourré de chambre.
Bien.
Je. Comment. C o m m e n t."

Inspiration. NE PAS VOMIR AUSSI. OH MON DIEU L'ODEUR EST INSUPPORTABLE.

—Une seconde, articule-t-il très lentement, dents serrées.

Misao se lève. Il s'éloigne. Se fout à demi dans la salle-de-bain — ou, en tout cas, le plus loin possible de la bombe bactériologique qui se trouve entre les mains de l'autre mec. L'odeur est insupportable putain. Ici, c'est un peu moins pire.

—Non.

Non.

—J'veux dire. Non. On a pas. Mais putain qu'est-ce que je fous dans cette chambre ?! Je suis pas gay, d'accord ?! se sent-il obligé de préciser.

Inspiration. Ne pas chiper le déo du mec pour lui en foutre dans la gueule. Ne pas chiper le-
Il se passe une main sur le visage, défait, vaincu, avec que dix-neuf chaises, bref : pas bien.

—Il semblerait que je me sois trompé de chambre, déclare-t-il d'un ton sombre.

Déclare-t-il tout en essayant de ne pas gerber et en regardant le mur, surtout. Oulala que c'est dur ce matin.

—Ce truc empeste.

"Truc égal seau plein de vomi. Truc égal si tu t'approches de moi avec, je te fous le feu et à l'institut avec."