La plupart des adultes s’en fichaient qu’elle n’aimait pas son nom de famille, alors pourquoi cette femme s’en souciait-elle ? On lui disait que c’était comme ça, qu’elle ne pouvait rien y faire, et qu’elle devrait être reconnaissante envers sa famille adoptive. La bibliothécaire dit que pendant longtemps les gens prenaient leur lieu de naissance ou leurs métiers comme nom de famille, alors ce n’était pas si inédit. Oui, c’était bien vrai… Elle précisa qu’elle-même avait un nom différent avant d’arriver à Terrae.

« Tu peux choisir d’être qui tu veux… Tant que tu rapportes tes livres à temps ! »

Vraiment ? Elle pouvait choisir d’être qui elle voulait ? Pourtant, jusqu’ici, elle n’avait jamais pu choisir quoi que ce soit concernant son identité. Cependant, cet endroit n’était pas ordinaire. Peut-être que c’était la vérité. Elle était loin de sa ville natale, loin de l’orphelinat, loin des Shaw. Mais elle avait la douloureuse impression que cela n’allait pas durer… Les adultes allaient sûrement décider, du jour au lendemain, de la renvoyer. Car les adultes décidaient toujours de tout pour elle.

Alyssa hocha la tête à sa dernière phrase : ce n’était pas son genre d’être en retard pour ses remises de livres. Puis, elle lui proposa de lui donner son numéro de téléphone pour que le logiciel puisse lui envoyer des rappels. Normalement, elle écrivait ses remises sur son calendrier mais si ça se faisait automatiquement, alors pourquoi pas ? Elle écrivit donc son numéro sur son carnet et le lui montra avant de lui poser une question.

Apparemment, elle serait en possibilité de prolonger deux semaines supplémentaires une fois initiée. C’était raisonnable ! Elle serra le livre contre elle, contente à l’idée de le lire. Lire, c’était une des seules choses qu’elle aimait réellement en ce monde.

Tout était en règle. Bien ! Elle espérait qu’après ce livre-là, la bibliothèque lui en réservait plusieurs autres qu’elle ne connaissait pas. Puis, la bibliothécaire lui demanda si tout allait bien. Elle ajouta qu’elle pouvait toujours lui parler ou lui écrire.

Alyssa haussa un sourcil. Pourquoi voudrait-elle se confier à elle ? Elle était sympathique, certes, elle venait tout de même à peine de la rencontrer et souvent, les adultes infantilisaient ce qu’elle ressentait. Lui disant juste « Ça va aller, ça va aller… » au lieu de lui répondre quelque chose de concret. Pour certains enfants, cela suffisait de se faire dire que tout allait bien se passer, mais elle avait appris que ces mots n’avaient aucun poids, qu’ils ne signifiaient rien. C’était juste les mots qui sortaient des bouches de ceux qui ne savaient pas comment agir face à une personne en peine. C’était facile.

Peut-être qu’un sourire aurait suffi à rassurer la dame, mais elle n’avait pas envie de sourire. Parler… ne servait à rien. Elle avait même songé à ne communiquer que pour l’essentiel, que pour survivre, mais elle savait que si elle en arrivait là, les adultes allaient encore plus s’inquiéter. Pourtant, elle, elle voulait juste vivre tranquille. Et seule. Comme ça, personne ne pourrait la décevoir.

Elle secoua la tête et leva la main pour l’agiter en signe d’au revoir. Elle n’avait plus qu’une seule envie maintenant et c’était de plonger dans ce livre et de ne plus penser à ce qui l’entourait. Elle tourna donc le dos à la blonde avec en tête de sortir de la bibliothèque.