Etienne est arrivé à Terrae depuis un moment…genre…début mars en fait. Mais, Etienne étant qui il est, soit assez discret, pas timide mais pas non plus prêt à sauter sur tout le monde…Bah il se sent un peu seul. Il a du mal à savoir comment se lier aux autres. A la ferme, il était toujours entouré, alors à l’école il ne ressentait pas vraiment le besoin de se faire des amis.

Bon, il a Nicolas, heureusement. Ce cousin retrouvé d’une manière surprenante dans l’institut. Il leur aura fallu aller à Tokyo pour se rencontrer, mais au moins ça a le mérite d’être arrivé. Celui-ci lui a déjà été d’une grande aide en lui donnant ses cours, calmant en partie la panique d’Etienne face au japonais, et d’un certain soutien émotionnel de par sa simple présence, au moins, le Novice n’est pas toujours seul…mais le garçon sent la légère distance qui existe toujours entre eux. Ils n’ont pas la même vision de la famille, et évidemment, pour le Tonnerre, être proche de son cousin juste parce que c’est son cousin n’a pas de logique. Lui, sa famille, c’est Aaron, Charlotte et Jérémy, si Etienne a bien compris. Et puis, le petit groupe d’amis qu’il appelle la Cool Patrol.

Etienne aussi, il voudrait bien d’une famille 2.0. Même si ce ne serait pas pareil, ce serait un début. A quoi sert-il, sinon, tout seul sans pouvoir aider les autres ?

Heureusement, début avril, les cours ont commencé, l’occupant un peu. Au bout d’un moment, même si Terrae est grand, Etienne ne savait plus trop quoi visiter. Oh, il se doute que dans les mois prochains il découvrira encore de nouveaux lieux, de nouveaux endroits à découvrir…mais il avait envie de changer d’activités au bout d’un moment. Enfin, il adorait toujours aller dans la salle d’entraînement, se poser dans un coin et observer les Terraens et leurs pouvoirs en marmonnant dans sa barbe pour retenir les petites techniques qu’il relevait, les caractéristiques que semblaient avoir chaque affinité, tentant de deviner ce qu’il allait être. Nicolas était Tonnerre, et Etienne adorait voir les Tonnerres en action. C’était souvent vif, énergique. …ça ne lui allait pas vraiment. Il se disait que s’il l’adorait sur les autres, ce serait sûrement moins le cas si lui l’était. Le Feu… Sans trop développer, tout en l’acceptant sur absolument tout le monde, il ne voudrait pas vraiment l’être. Chaque fois qu’il se souvenait de la cicatrice dans son dos, ça le réconfortait dans cette idée. Restaient l’Eau, la Terre et l’Air…Et là, Etienne n’aurait su choisir quelle affinité lui plairait le plus, lui irait vraiment.

Enfin, il avait encore un peu de temps, et un cours de maths à suivre, donc un retour à la réalité serait bien vu.

Et la réalité s’abat sur lui.

- Oh pardon !

Son sac a lâché. La fermeture dans la poche principale a décidé que les bouquins et tous les cours de Nicolas qu’Etienne transportait « au cas où » sont de trop. Juste au moment de rentrer en classe, en plus. Sauf que s’il était en bout de file, il n’était pas non plus le dernier et derrière lui se tenait cet élève avec qui il était en cours. Ce garçon aux cheveux blonds presque blancs et aux yeux bleus presque violets. Beaucoup de presque, oui.

- Ça va ? Vraiment désolé.

Et tout en se penchant pour ramasser ses affaires, il marmonne contre lui-même en s’en rendant à peine compte. Pas très doué. Trop maladroit. C’est pas comme ça qu’on va se faire des amis hein. N’importe quoi. Et il va falloir acheter un nouveau sac en plus. Super. Peut-être que Nicolas en aurait un ancien ? Ce serait parfait. On va espérer. Ah, mince, le cours commence, il faut se dépêcher. J’espère que j’ai pas fait mal au garçon…

Pour quelque chose qui devait changer ma vie, je ne voyais pas trop les changements pour le moment... J'allais en cours, comme avant, je m'ennuyais, comme avant, je m'occupais de Roda, comme avant. J'avais certes retrouvé Alice, on se retrouvait tous les deux parfois, à la faveur d'une promenade avec ma chienne, pour que je puisse poser ses questions, qu'elle me parle de ses amis farfelus, qu'on échange un peu de ce qu'on a raté de l'autre... ce qui ne me mettait pas forcément à l'aise... parfois... souvent... Et Erik eh bien... Il avait quitté le dortoir, il avait sans doute autre chose à faire que de s'occuper d'un lycéen anti-social. Je me retrouvais donc dans la même position inconfortable que j'avais avant de rencontrer le Master qui devait "me changer ma vie" et gniagniagniaaa...

Je fermais les yeux, de plus en plus souvent, en poussant des soupirs. Je le savais bien, je le sentais même... Je n'essaie même plus de réfléchir, je pense sans but et je divague. Je me raccroche en me disant que j'essaie simplement d'échapper à cette situation qui me pèse en rêvant, en vidant mon esprit, mais rien que l'idée de me raccrocher à ça me perturbe...

"En vrai c'est quoi le problème ? C'est quoi ce Vide dont on me parle ?" Je ne sais pas. Et Alice aura beau me rassurer à ce propos, je pense que c'est quelque chose qu'on ne peut qu'expérimenter soi-même... ...M'enfin, elle l'a dit aussi mais est-ce qu'on peut catégoriser ces mots comme du "rassurage"... eeeeeeeh... Moi oui. Mais ça doit pas être le cas de tout le monde.

Un peu tête en l'air, je capte pas vraiment ce qui m'entoure... Sauf si ce qui m'entoure à la discrétion d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. L'éléphant en question aujourd'hui, c'est Étienne. Oui j'ai retenu son prénom. Déjà parce que français, donc plus facile à retenir et je me suis dit que même si je parlais à personne je pourrais au moins faire l'effort de les traiter comme des êtres humains -donc, retenir leur prénom, c'est pas mal. Etienne dont le contenu de son sac se répand par terre, dans un fatras chaotique de feuilles, de cahiers et de quelques livres. Déjà bravo à lui pour porter autant de trucs dans un si petit sac et ensuite, j'aurais pas cru ça de lui. Il n'a jamais eu l'air bien intéressé par les cours et il avait les capacités de concentration d'un enfant hyperactif sous caféine. Il s'excuse promptement puis il marmonne, longtemps, sans s'arrêter... Personne devant ne vient l'aider.

C'est dans ces moments où j'aimerais faire comme eux, faire semblant d'avoir rien entendu et plaindre mon camarade de classe une fois qu'il sera entré en classe en retard. Je soupire encore une fois. :

-J'ai rien eu. dis-je en me baissant pour l'aider.

J'ai les gestes lents et tranquilles des gens qui ne sont pas pressés... Peut-être que je devrais, la sonnerie va sans doute pas tarder à se faire entendre. Mais ce n'est pas grave. Quelques excuses au prof et on repart, il est pas du genre méchant si les excuses sont valables. Je me relève, quelques cahiers et papiers dans les bras... Je grimace en voyant le sac bien abîmé. Bon, je risquais pas de me débarrasser de lui tout de suite. :

-Viens, j'vais te poser ça sur la table... sinon j'pense ton sac va exploser.


HRP : LOOOOOOOL LE BOULET

Etienne voit les regards de ses camarades de classe qui l’évitent soigneusement. Il ne s’en étonne pas, habitué à cette ignorance feinte des élèves lorsqu’une personne a besoin d’aide. Il soupire tout en s’affairant, trop occupé à se réprimander lui-même pour tout de suite réaliser que le blond qui s’est reçu l’entièreté du sac se penche pour lui donner un coup de main. Il sursaute légèrement en voyant les mains entrer dans son champ de vision et, trop surpris d’avoir été aidé, ne parvient pas à répondre. Chacun des garçons entre ainsi, bras chargés, avec quelques minutes de retard dans la salle de classe. Heureusement, le prof en les voyant en galère n’en rajoute pas et les laisse s’installer…peu discrètement.

Parce que des cahiers empilés les uns sur les autres, avec au-dessus des feuilles manquant de prendre leur envol à chaque pas et, pour parfaire la presque parfaite pyramide, une trousse mal fermée d’où des stylos tentent de se faire la malle…ça ne tient pas toujours bien. Et c’est ainsi qu’en se penchant pour poser tout le bardas, eh bien Etienne voit la moitié lui glisser des mains et atterrir bruyamment sur le bureau.
Même plus la force de m’excuser, là…
Il s’installe sur sa chaise et rassemble vivement ses affaires, joues rosées. Ses yeux noisettes glissent sur le garçon assis à côté de lui et il se racle la gorge avant de murmurer :

- Merci.

Et désolé que tu te retrouves à côté de moi.

Il a beau savoir que, plus il est préoccupé, pire sa maladresse est, il s’en veut quand même pas mal de s’être « affiché » ainsi devant toute la classe.

Mais le cours commence et il doit bien mettre de côté ce moment de gêne. Le professeur explique la leçon du jour…les vecteurs. Il explique. Il explique. Longuement. Etienne décroche. Etienne revient. Etienne se bat. Il explique toujours ? Oui. Etienne lutte. Mais même concentré, Etienne a du mal. Ses sourcils se froncent, tant et si bien qu’on pourrait croire qu’ils tentent de rejoindre le bout de son nez. Et puis le professeur arrête d’expliquer. Etienne se souvient soudain que ce n’était que le début, que l’échauffement, que la partie facile. Là, c’est le vraie baston. Là, il est sur le ring. Les vecteurs d’un côté. Lui de l’autre.
Et puis Etienne se prend une droite. Et une seconde. Et comme Etienne est pas vraiment habitué à se battre, il est rapidement K.O.
Regard glissant sur le garçon à côté. Lui a l’air de réussir ses exercices.
Hésitation.
Au point où j’en suis.
Raclement de gorge. Murmure.

- Tu comprends ce qu’il faut faire ?

Les joues d'Étienne prennent une teinte rosée. Je ne suis qu'à demi-surpris ; il doit subir cette gêne typique de lycéen qui se fait remarquer pour de mauvaises raisons. Je dois avouer que je ne sais pas comment je réagirais à sa place. Généralement, même quand je me fais remarquer, le plus souvent, on ne me voit pas. Ça me plaît perso. Ça veut juste dire que même si je voulais faire l'idiot les gens seraient plus surpris d'avoir soudain conscience de mon existence que de vouloir me foutre la honte... Non c'est pas triste, c'est très pratique ! ...J'en profite pas mais on sait jamais. Je murmure un "De rien" à Étienne avant de m'asseoir à ma place, juste à côté de lui. Et je remarque qu'en fait, à part pour de rares exceptions, je suis souvent à côté de lui. Je m'en veux un peu de le remarquer que maintenant avant de me concentrer sur le cours.

Je suis pas un fan de maths... En même temps, si on me demande, je ne suis fan d'aucune matière en particulier. Je voulais faire ES, à la fin de ma seconde, juste parce qu'il y a plus de débouchés là qu'ailleurs... Je me disais que ça me laissait encore deux ans pour finalement choisir ma voie. Vu qu'il n'y a rien de tout ça au Japon, je suppose que c'est encore plus pratique... Et oui, du coup je connais les vecteurs, c'est pas ce qui me paraît le plus compliqué dans cette matière. Le professeur Williams passe un certain temps à nous expliquer comment réaliser nos exercices toutefois, ça me fait plaisir parce qu'un rappel ne fait jamais de mal. Puis je me penche sur les exercices donnés. Ils sont pas compliqués en vérité, à mes yeux si on a suivi ce qui a été dit on peut les réaliser sans trop de problèmes, surtout si on est pas du genre à tout appliquer à la lettre.

Alors quand j'entends un raclement de gorge à mes côtés, suivi d'un "Tu comprends ce qu’il faut faire ?" timide, je ne peux m'empêcher d'avoir les yeux ronds. Je me doutais qu'Étienne avait du mal à rester concentré mais à ce point... Mais à quoi lui servait toutes les notes qu'il avait dans son sac s'il ne comprenait pas la base des vecteurs ?! Je passe ma langue sur mes lèvres, jette un coup d’œil au professeur plongé dans son téléphone -Dieu sait pourquoi- avant de me pencher sur sa feuille. Il... Il n'a réussi aucun exercice. Ok, bon, y'a du boulot. Je tends mon bras sur sa feuille, écris des astuces sur le côté et murmure. :

-Le premier exercice tu peux y arriver si tu relis le cours sur la relation de Chasles.

C'est ce que je dis... Mais en vérité, j'écris "SIMPLIFIE" en majuscule sur sa feuille, suivi d'une flèche pointant le premier exercice, parce qu'il n'y a aucune trace de décomposition dans celui-là. Je me remets à ma place pile au moment où le prof lève la tête, fouille la salle des yeux et retourne à son téléphone. Je retiens un soupir en espérant que mon explication aidera un minimum Étienne... Dans le doute, je surveille ses réactions du coin de l’œil.