Osric s'était levé avec le soleil. C'était là son réveil favori. Les rayons caressant sa peau. La lumière venant trouver son repos à l'aune de ses paupières closes les irradiaient pour éveiller pas à pas son esprit encore assoupi. La tendresse d'une matinée chaude et paisible chassa son humeur matinale habituelle.

Sitôt sur ses pieds, son esprit sorti de sa torpeur matinale pareille à un voile couvrant son âme. Aussitôt, il s'habilla dans une tenue fluide et confortable en tout point identique au voile précédent, si ce n'est que l'un était palpable à l'inverse de l'autre. La tenue lui venait du désert. Elle était faite d'un lin souple idéal par temps de forte chaleur et assez solide pour tenir l'effort d'un entrainement.

Il n'avait pas entrainé son corps depuis quelques temps et il commençait à sentir ses forces l'abandonner. Ses muscles qui avaient appris la rigueur et le gainage, se ramollissaient, ne serait-ce que légèrement. Et cela ne faisait point son affaire. Il avait guerroyé si farouchement contre sa nature chétive pour arriver à un résultat somme toute médiocre, qu'il n'était pas prêt à tout abandonner sous prétexte d'une oisiveté toute nouvelle et relative.  

Il attrapa une pomme qui trainait dans sa chambre et la mangea sur le chemin de l'arène. L'entrainement à jeun avait certes des vertus, mais présentait également des risques en cas de surmenage.

L'arène conçue selon un modèle antique laisser le soleil la transpercer. La journée étant radieuse on aurait pu penser qu'Hélios en personne s'était rendu sur le sable de l'arène pour y passer quelques heures avant de reprendre son cycle inexorable. L'atmosphère était parfaite. Cela lui rappela également les dunes sur lesquelles il avait opéré. Son ami y était-il maintenant ?

D'un geste machinal il chassa de ses pensées ces questionnements inutiles pour débuter ce pour quoi il était venu. Les appuis bien ancrés, il débuta par quelques enchainements élémentaires d'arts martiaux. En plus d'échauffer le corps, ils procuraient une concentration mentale à celui qui les pratiquer d'une intensité toute particulière. Rapidement tout, son être, son corps, son âme, ses pensées, ses gestes furent alignés sur le même et unique champ temporel : son entraînement.

Les muscles qu'il pensait fatigués se révélèrent en grande forme. Ses sens se décuplèrent également. Il était là, à cet instant précis, conscient de son existence et de la temporalité dans laquelle il se mouvait. Il lui semblait être maître de son destin.

L'individu qui l'observait ne changea rien à sa concentration. Il avait bien sur ressenti sa présence et senti son regard couvait ses mouvements. Mais il n'émanait pas de lui un aura malveillant.  

L'équilibre de l'instant (qui durait depuis un certain temps déjà) fut rompu par l'inconnu. Celui-ci se rapprocha et lui tendit sa gourde. Osric s'essuya rapidement la main et l'agrippa, étant gré à l'inconnu de ne pas avoir rompu le silence trop vite. Il avala un gorgée d'eau fraiche et rendit la gourde à son propriétaire avant de le détailler.

Osric nota les yeux d'émeraude de l'homme qui se tenait devant lui. Sa casquette ne parvenait pas à les masquer au grand jour. Il nota également la barbe naissant sur ses joues, peu professionnel pour un soldat. Son père l'aurait congédié dans sa chambre pour moins que ça. Déjà que sa chevelure avait été l'objet de crispations...

L'homme qui se tenait devant lui avait été un soldat, c'était évident. Le service vous change à jamais et par bien des aspects. Certains sont visibles, apparents, d'autres sont plus intérieurs, plus pénétrants. Il semblait plus âgé, plus mur, plus réfléchi. L'homme ouvrit finalement la bouche, la voix calme, assurée, sûre d'elle. Osric leva un sourcil mais répondit :

- "Quelques jours, je n'ai pas encore eu le temps de prendre mes marques." Puis il ajouta après un bref silence " Et merci, pour la gourde."

Puis, sans prévenir, dans un élan de fougue, il étira sa jambe gauche en direction de l'étranger. Il voulait se battre et voir de quel bois celui-ci était fait. Sa courtoisie britannique n'avait pas lieu d'être avec un français. Il espérait quand même que l'homme avait quelques réflexes... Il n'était pas connu pour son sens de la mesure. Osric donnait tout à chacun instant, se livra entier ou jamais. Il était comme cela. A prendre ou à laisser.

S'il avait douté, l'espace d'une seconde de son assaillant, il se jura de ne plus jamais le faire. L'homme n'avait laissé à la surprise qu'un battement de cils, avant que son avant-bras ne protège son visage (ou sa casquette qui semblait lui être chère) du coup fourré d'Osric.

Aux paroles de l'homme, Osric ne répondit que par un nouveau coup porté. Cette fois-ci il s'était projeté en avant avant de descendre sur ses appuis et effectué un mouvement de pied circulaire censé faire chuter son assaillant. Mais l'homme avait de solides appuis qu'il était difficile de déséquilibrer.

Il était maintenant certain qu'il avait eu un entrainement. A cela s'ajoutait une masse musculaire beaucoup plus impressionnante que la sienne. Osric avait l'avantage d'une détente particulière forte et d'une grande agilité. Toutefois, la vigueur de l'homme lui permettait d'encaisser quelques coups sans vraiment en pâtir.

Mais, ce qui chiffonnait Osric, était la désagréable impression qu'il ne révélait pas au grand jour son véritable potentiel. Un code de l'honneur lui interdisait-il pareille usage ou était-ce une volonté de ne pas tout révéler à son assaillant ?

Je lui lançait donc "Qu'est ce qui te retient de me mettre une raclée ? Serait-ce le soleil qui t'affaiblit ? "

Osric avait remarqué que l'homme n'était pas habitué à combattre sous une telle chaleur. Tandis qu'Osric, avait au fil du temps acquis une véritable résistance à la chaleur, du moins pendant une certaine durée.

Les deux pugilistes raffermirent leurs appuis au même instant, Osric s'élança en avant, se pencha dans le même mouvement qu'il avait effectué pour tenter de faire chuter son adversaire plus tôt, mais se contenta d'attraper du sable dans sa main avant de la lancer au visage du français pour le désarçonné et d'enfin finir son mouvement de pied circulaire.

La manœuvre était vicieuse mais Osric voulait voir s'il utiliserait son arme cachée ou s'il s'effondrerait au sol.