Les thermes. Ces mots m’avaient intriguée, lorsque je suis un jour passée devant un panneau les indiquant. A l’origine, « les thermes » m’évoquaient les thermes du temps de l’Empire Romain. Ces bains publics, où les gens se retrouvaient, se lavaient, faisaient du sport aussi… à dire vrai j’ignorais qu’il en existait encore en fonctionnement. Disons plutôt que je ne savais pas comment de tels lieux avaient évolué. Surtout au Japon ? Je ne savais rien de ce pays, nous n’avions étudié que la culture occidentale. La vieille culture occidentale.

Je fixe d’un air perplexe les casiers où nous sommes censées laisser nos affaires. Bien sûr, chez les Romains, il n’y avait pas de pudeur comme aujourd’hui. La nudité était quelque chose d’assez tabou chez nous ; plus nous étions vêtus, mieux c’était. Les jupes qui arrivaient à la mi-cuisse, c’était déjà bien assez court selon mes parents. Lors des réceptions, c’était toujours des robes très longues, pas question de montrer ses jambes. Bon en revanche il y avait toujours un grand décolleté dans le dos. Enfin peu importe. Toujours est-il que quand j’ai compris qu’il fallait que j’aille nue dans les thermes, j’ai bien failli faire demi-tour. C’était tellement embarrassant…

Mais bon, je n’allais pas me priver de découvrir de nouvelles choses à cause de ça, n’est-ce pas ? Et puis ce n’était pas des bains mixtes, alors il n’y avait pas de raison d’être embarrassée. Allez Eleanor, on y va ! Je remonte mes cheveux en un chignon lâche. Après m’être débarrassée de mes vêtements, je me saisis de la serviette, une douce étoffe blanche dans laquelle je m’enveloppe.

La vapeur d’eau caresse la peau de mes bras, de mon visage. Je parcours un peu nerveusement les lieux du regard, puis mes yeux s’arrêtent sur la silhouette floue d’une jeune femme. Bon, tant que je suis là, autant rencontrer de nouvelles personnes n’est-ce pas ? Mon carnet de connaissances n’était pas encore très rempli.

Je me dirige donc vers elle, hésite un instant en face de la jeune femme, avant de demander doucement :

— La place est-elle prise ?

J’attends sa réponse, avant de laisser tomber la serviette et de me laisser glisser, non pas sans un certain malaise, dans l’eau.

Eleanor sourit doucement en entendant la voix avenante de la jeune femme. La jeune Anglaise n’était pas vraiment timide, à l’origine, simplement, toute l’éducation qu’elle avait reçue ne pouvait pas s’envoler comme ça, alors elle gardait toujours cette distance particulière avec les autres. Dans un premier temps, du moins.

Elle se glissa dans l’eau, face à la jeune femme dont les traits étaient un peu brouillés de par la vapeur d’eau. Elle avait des caractéristiques qu’Eleanor n’avait pas l’habitude de voir, en Angleterre.

Elle releva un peu la tête lorsque la jeune femme pris la parole. Elle eut un petit sourire, commençant à se détendre.

— Oui, c’est la première fois. Disons que la nudité n’était pas quelque chose de très bien vu dans ma famille, qui était, on va dire, assez « coincée », expliqua-t-elle avec l’espoir de ne pas paraître trop bizarre.

Elle hocha la tête lorsque la jeune femme lui dit son nom.

— Enchantée, Haley. Je m’appelle Eleanor.

Elle se laissa glisser un peu plus dans l’eau.

— D’où venez-vous, Haley ? D’après votre peau mate vous n’avez pas l’air de venir d’un pays froid et pluvieux. Cet endroit accueille vraiment beaucoup de nationalités. C’est amusant et intéressant de voir une communauté représenter ainsi tous les pays du monde.

Terrae l’intriguait beaucoup, pourtant elle ne s’y sentait pas encore à sa place. Aussi fallait-il dire qu’Eleanor s’y intéressait avec sa raison, pas avec son cœur. Elle ne faisait pas assez confiance aux gens d’ici pour se laisser aller. Mine de rien, dans son univers d’avant, malgré qu’elle ne soit pas d’accord avec ce dernier, elle s’y sentait « à l’aise », en quelque sorte. Tout était si différent ici.

— Est-ce que je peux vous tutoyer ?

Enfin, cela revenait plutôt à demander si elle pouvait s’exprimer avec des marques de familiarité, comme la différence entre le vous et le tu n’existe pas en anglais. La jeune femme s’était habituée à la puce traductrice, mais après tout elle ne savait pas comment son interlocutrice percevait ses paroles. Mieux valait demander avant, avant de faire une de ces boulettes dont Eleanor avait le secret…