On était jeudi. Jeudi, c’est-à-dire, les jours où le gymnase n’accueillait pas le club d’auto-défense. Jeudi où le club de football ne se réunissait pas. Il y avait donc deux choix qui s’offraient à Senri, travailler ses cours comme un élève assidu et se débarrasser de ses mauvaises habitudes qui l’avaient conduit à un échec scolaire des plus grandioses ou tout de même faire un tour au gymnase pour voir s’il ne pouvait pas emprunter de quoi boxer. Après tout, ça faisait presque douze heures qu’il n’avait pas tapé dans un sac, il se sentait mal.

S’étant paré d’un short ample, arrivant un peu au-dessus des genoux, d’un tee-shirt large. Ses épaules épaisses et imposantes se dessinaient néanmoins assez bien sous le tissu. Il avait également enfilé ses baskets rapiécées. Il était vraiment temps qu’il fasse l’acquisition d’une nouvelle paire. Néanmoins, le garçon était sur la paille en ce moment, à moins de trouver un petit boulot (et donc de renoncer à ses activités de club) il ne pourrait pas se payer de bonnes chaussures avant un petit moment.

Il oublia tous ces problèmes en trottinant tranquillement du dortoir au gymnase, un petit sac à dos sur celui-ci. Il contenait ses gants, ses bandes, une bouteille d’eau et un paquet de granolas. Rien ne semblait pouvoir ternir cette merveilleuse soirée. Au détail près que le jeudi, le club de danse occupé le gymnase. Il découvrit une seconde avant d’ouvrir la porte à la volée et s’évita une honte pour les dix années à venir.

Néanmoins, il resta planté devant la porte. Perdu. Qu’est-ce qu’il allait pouvoir faire de sa soirée ? Son regard bifurqua sur le local où était entreposé les ballons dédiés aux différents sport. Un sourire se dessina sur son visage alors qu’il se glissait dans la petite salle. Après tout, il était aussi membre du club de foot, et il avait grand besoin de s’améliorer !

Ne prenant pas le risque d’allumer la lumière, il laissa un temps à ses yeux pour s’habituer à la pénombre. Il ignorait si ce qu’il faisait était interdit ou pas, alors dans le doute, il joua la carte de la discrétion. Tâtant les différents ballons pour trouver son bonheur, il se figea en en touchant un de volley.

Il en avait presque oublié la texture. Des flashs de souvenirs l’envahirent soudainement. Il se mordit la lèvre inférieure instinctivement et relâcha immédiatement le ballon.

Le bac suivant fut le bon, il sortit du gymnase un ballon de foot contre lui. Les lèvres pincées, Senri se hâta vers le terrain. Il laissa tomber le ballon, qui roula quelques mètres devant lui, et passa un son bras contre ses yeux tout en reniflant. Il poussa un profond soupir.

-Voyons ça…

Il commença à s’échauffer, d’abord sans le ballon, puis avec. Il le faisait rouler sans réel but, s’entraîner parfois à faire une passe en visant les poteaux. Pestant à chaque fois qu’il échouait.

-C’est vraiment pas pareil, de jouer tout seul. Tch.

Tandis qu’il jouait tranquillement avec son meilleur ami le Vide, un vacarme croissant attira l’attention de Senri. En se tournant, il ne vit rien, pourtant le brouhaha se rapprochait. Lorsqu’il baissa la tête, il identifia l’origine et la nature du bruit. Une fillette qui devait être en primaire, début collège, peut-être, se tenait devant lui, les mains sur les genoux. Sa respiration haletante mit Senri sur la piste pour la désigner comme origine de la cacophonie de pas qui l’avait arrêté dans son entraînement solitaire.

Il arqua un sourcil, les yeux écarquillés d’étonnement par le caractère incongru de la scène. C’est vrai que Terrae accueillaient toutes les tranches d’âge, mais le tas de muscle sans cervelle n’avait jamais vraiment réalisé que des enfants pouvaient y être amenés.

La voilà qui relevait ses joues cramoisies par sa course pour s’adresser à Senri. Elle se présenta entre deux expirations et annonça qu’elle voulait jouer elle aussi. Il haussa son autre sourcil. Il n’allait quand même pas jouer avec une petite fille ? Ce n’était pas vraiment son genre. Mais, en même temps s’entraîner tout seul, de son point de vue, ça faisait vraiment pitié.

Senri se baissa, ployant ses genoux et prenant le ballon entre ses mains. Il s’amusait à le faire tourner sur lui-même entre ses doigts. Tic qu’il avait dès qu’un ballon entrait en contact avec ses paumes.

-Tu veux rejoindre le club de foot ? Je sais pas s’il y en a un pour les enfants, mais mardi soir, après les cours, y a bien un entraînement, ici.

Il avait, malgré lui, ce visage assez froid, un tantinet menaçant. Pourtant, il chercha à s’adoucir avec un sourire taquin, sauf que ça avait l’exact effet inverse. Il avait l’air encore plus flippant !

-Tu voudrais le rejoindre ? T’as pas peur qu’on t’écrase, mini-anpan ?

Senri oubliait – assez régulièrement – que les gens à Terrae n’était pas tous Japonais. Ainsi, il y avait peu de chance que la petite saisisse la référence à l’anime qui avait bercé l’enfance de Senri et qui continuait de bercer celles d’autres enfants japonais. Cela dit, peut-être que le traducteur qu’il fournissait à Terrae traduirait aussi la référence ?

Dans tous les cas, Senri se leva, il jeta le ballon au-dessus de sa tête et tourna le dos à l’enfant pour le renvoyer en l’air avec son pied. Il enchaîna quelques jongles – seule réelle prouesse qu’il maîtrisait vraiment – tout en reprenant la parole.

-De toute façon, même pendant les entraînements officiels, on est pas vraiment plus nombreux.

À la fin de sa phrase, il laissa tomber la balle et posa son pied dessus. Le chauve jeta un regard par-dessus son épaule.

-Mais vu que t’es là, on peut jouer un peu. Tu t’es échauffée correctement, j’espère ?!

Il avait paru un peu plus sérieux en disant sa dernière phrase. Si elle voulait jouer, il ne fallait pas qu’elle néglige l’échauffement ! Oui, il s’était déjà décidé à jouer avec elle. Aussi bizarre que cela puisse paraître, Elizabeth inspirait quelque chose de positif à Senri.

-Hein ?! Pour qui tu te prends, demi-portion ?!

Senri avait hurlé ses mots, en tentant de récupérer son équilibre mis à mal par la bousculade de la jeune fille. Elle avait osé lui prendre le ballon ! Enfant ou pas, Senri n’aurait plus aucune pitié.

-Tu vas voir qui cours le plus vite, mini anpan !

À ses mots, il se jeta vers la petite. Il avala la distance entre eux rapidement. Trop rapidement, il se donnait à fond pour laver cet affront. Arrivant aux côtés de l’enfant, il ne put s’empêcher de lui lancer un regard et d’afficher un sourire mi-amusé, mi-moqueur. Expression qui vint ponctuer le moment où ses doigts éjectèrent le ballon des mains de la rousse. Sans laisser, à la jeune fille le temps de réagir, il accéléra pour s’emparer du ballon.

En posant son pied dessus, il le fit pivoter sur le côté et accompagna le mouvement de la balle avec son corps. Se redressant de toute sa longueur, il se mit à sourire de plus belle.

-Ne néglige pas l’échauffement ! Sinon, tu continueras de courir comme une limace, jusqu’à la fin !

Tout en parlant, il commençait à faire bouger le ballon d’un pied à un autre. Il avança soudainement vers Elizabeth et tourna sur lui-même pour la contourner tout en gardant le ballon.

-Tu vas t’échauffer en essayant de me prendre le ballon ! À partir de maintenant tu peux m’appeler Coach Yamada ou Monsieur Senri Yamada !

Il s’était arrêté pour dire ça en regardant toujours la jeune fille avec un regard de défi et un large sourire aux lèvres. Alliant geste et parole, il commença à courir, poussant le ballon devant lui. Il était bien décidé à faire suer la petite impertinente. Il s’assurait néanmoins de ne pas courir trop vite pour ne pas la décourager.

- Tu cours en montée de genoux ! … Talons-fesses maintenant !… Pas chassées !

Il lui donnait toutes ses petites indications au fur et à mesure et accélérer parfois pour pousser Elizabeth à en faire de même puis il ralentissait. Senri répéta le manège quelques fois, ne manquant pas de narguer l’enfant avec la balle. Il finit par être lassé de ce petit jeu et se tourna vers l’enfant pour lui faire face. Il attendit qu’elle vienne à lui pour commencer à faire passer la balle d’un pied à l’autre, faire mine de l’envoyer dans une direction pour la diriger dans celle opposée. Tout pour taquiner et feinter la jeune fille.

-Alors, c’est quoi que t’aimes faire au foot, p’tite ?

Soudainement, il glissa son pied sous le ballon et donna une impulsion, faisant passer la balle au-dessus d’Elizabeth. Il fit un pas de côté pour aller récupérer le ballon, il ne doutait pas qu’il allait y arriver. Ce n’est pas comme si une gamine pouvait le prendre à son propre jeu.

Sauf peut-être quand il prenait confiance au point de sous-estimer son opposante.

Lorsque que la petite sauta pour attraper le ballon, elle fit remonter de nombreux souvenirs dans l’esprit de Senri. Son saut avait été naturel et haut, pour une enfant, du moins. Il ne savait plus très bien à quelle hauteur, il sautait à cet âge. Cela dit, il avait lancé le ballon à hauteur de poitrine, donc ça avait été impressionnant. Les yeux écarquillés par l’action, il revoyait le gymnase du lycée où ses camarades et lui sautaient toujours plus haut pour espérer toucher la balle. Pour espérer percer le block adverse.

La fougue de la jeune demoiselle le sortit de ses souvenirs. Son entrain et le bruit du ballon qui avait fusé vers le filet. Il se tourna au moment le ballon rebondi sur le gazon.

-J’vois ça.

Reportant son regard vers la jeune fille, il se mit à sourire de manière moins narquoise.

- Mais tu sautes mieux. Donc, faut que tu tires plus pour t’améliorer, mini-anpan ! J’vais au goal.

À ces mots, l’adolescent se tourna et trottina jusqu’au but. Posant le pied sur le ballon, il le ramena vivement vers lui avant de glisser la pointe de son pied sous ce dernier pour le propulser en haut. Il attendit qu’il ne soit qu’à quelques centimètres du sol pour taper dedans et le renvoyer à Elizabeth. Après quoi, il tapa dans ses mains en se penchant en avant, prêt à arrêter les tirs de la jeune fille.

- Allez, dès que tu mets un but, tu vas au goal ! Ça te va ?

Tout en se tenant prêt à bondir sur le côté, il ne pouvait s’empêcher de repenser au saut d’Elizabeth qui avait été si naturel. Ça lui avait donné l’impression qu’elle avait agit à l’instinct, faisant de son mieux pour pouvoir jouer aussi. Il se sentait presque coupable de la taquiner ainsi. Néanmoins, elle était insolente, Senri n’aimait pas vraiment qu’on le traite de chauve. Sa coupe était bien mieux pensée ! Il passait beaucoup de temps à entretenir ce très fin duvet sur son crâne. Il fallait beaucoup d’entretien pour qu’il conserve cette forme.

Cela étant, ce n’était pas le moment de penser cheveux. Elizabeth avait beau l’avoir impressionné avec ses sauts, il ne lui laisserait pas marquer de but. Les yeux plissés, il analysait chaque mouvement de la jeune enfant. Se jetant au dernier moment sur le ballon. Il se contentait de le repousser loin du filet. Jamais il ne le bloquait cependant, ses habitudes de volleyeur avaient la vie dure visiblement.

En parlant de Volley, il ne put continuer de taire son intérêt et son envie de parler de ce sport à sa camarade de fortune.

- Vu comme tu sautes, tu cartonnerais au volley.

Il plongea sur le côté pour frapper le ballon avec son crâne et le repousser. Il se releva aussitôt après avoir transformé son plongeon en roulade.

- T’as déjà essayé d’y jouer ?

Depuis qu’il en parlait, il n’arrivait pas à chasser ce sourire béat et passionné de son visage.

[HRP : Je me suis permis de dire qu'Elizabeth commence à tirer, mais si tu veux la faire aller au goal avant que Senri n'y aille, aucun problème \o/

-Quoi ?!

Senri avait arqué un sourcil alors qu’une veine de colère était soudainement apparue sur son front. C’est qu’elle était mauvaise joueuse, la petite. Et insolente de surcroît.

-T’as fini de te trouver des excuses ?! Il est très bien mon crâne !

C’était un sujet sensible pour le jeune homme. Néanmoins, l’insolence de la jeune fille lui redonna du poil de la bête, réalisant ainsi, avec son crâne, son super-arrêt-de-la-mort-qui-tue. Comme il l’appelait. Après avoir repoussé le ballon avec sa tête et avoir parlé de volley, il croisa les bras contre son torse en voyant l’enfant s’asseoir. Et lui posait des question sur le volley. Senri se mit à sourire, à la fois heureux de pouvoir parler de son sport favori et flatter qu’Elizabeth s’y intéresse.

- On y joue avec un ballon oui ! Un peu plus dur qu’un ballon de foot. On est une équipe de six, le ballon doit toujours voler. Jamais toucher le sol ! Et on doit toujours sauter pour taper dans le ballon et l’envoyer de l’autre côté !

Tout en parlant, il était allé chercher le ballon de foot et avait commencé à jongler avec. Lorsqu’il eut terminé de parler, il envoya le ballon plus haut et, fléchit immédiatement ses jambes pour bondir. Il fendit l’air de sa main alors qu’il prenait de la hauteur et il frappa du plat de la main le ballon qui alla se loger dans le filet. Il retomba en fléchissant les genoux, pour contrôler sa chute. Il poussa un petit soupir tout en transperçant le ballon du regard. En match, il l’aurait sorti et donner un point à l’autre équipe. Peut-être était-il rouillé ?

Senri chassa cette pensée en même temps qu’il se relevait pour regarder la jeune fille.

- C’est un sport de grand. Parce qu'y a toujours des géants en face pour bloquer tes balles. Mais en fait, peut importe la taille tant qu’on peut sauter et passer au-dessus du block !

Il avait dit ça sur un ton plus enjoué que ce qu’il avait l’habitude et avec ce même sourire passionné sur le visage. Il reporta assez rapidement son attention sur la jeune fille, assise au milieu du terrain qui l’écoutait et ne se priverait pas de lui répondre. Il fit quelques pas pour attraper son sac et alla s’asseoir en face d’elle, sortant sa bouteille et avalant quelques gorgées. Puis il la reposa face à elle.

-Tiens, c’est important de s’hydrater ! Ça fait bouger les muscles plus vite ! J’ai des gâteaux aussi.

Il sortit de son sac le paquet de granolas.

- T’as intérêt à reprendre des forces, c’est toi qui vas aux buts après ! J’te ferais pas de cadeaux !!