Depuis l'Eclipse, l'ambiance a l'Institut avait légèrement changé. Pas que je m'en plaigne - bon, peut-être un peu - mais admettons que les gens avaient en grande partie perdu la tête. J'veux dire, c'est quoi le problème ? Tes pouvoirs ont changé, et alors ? C'est pas comme s'ils faisaient à ce point partie de ta vie, faut se calmer quand même.

Bon, d'accord, j'ai fini par comprendre avec Ariana que si, les pouvoirs nous définissent un peu -faut voir comment elle le vit mal, j'sais même plus quoi faire pour l'aider, j'suis si nul. Du coup, j'ai aussi compris que j'étais peut-être un peu une exception, puisque mes pouvoirs et moi on formait bien deux corps complètement distincts, mais passons.

Je venais de quitter ma chambre après avoir terminé un devoir que j'avais à rendre pour la semaine prochaine. Avec l'Eclipse et tout leur bordel là, Terrae avait interdit les sorties hors de son enceinte, et j'étais obligé de suivre mes cours à correspondance ce qui est, quand on étudie la sociologie, bien bien con. Nan mais ouais, c'est vraiment pratique d'étudier les humains et leurs relations... Sans être au contact d'humain. Bon, bref, j'ai décidé de pas faire le chieur et d'accepter mon sort. Pour compenser, j'ai décidé que j'allais analyser les gens qui m'entouraient à Terrae-même, à savoir : comment ces sujets réagissaient suite à la perte de leurs "repères" (oui bon, j'ai encore du mal à l'accepter, d'où on se perd autant dans ses pouvoirs, à quel moment les gens comprennent que c'est quand même PAS HUMAIN D'AVOIR DES POUVOIRS ?!) ?

Il était aux alentours de 17h quand j'ai commencé à prendre la direction de la salle commune pour étudier cette espèce rare d'humains qui semble vivre des choses parfaitement ATROCES (désolé pour l'ironie). J'étais tranquillement en train de descendre les marches, mains dans les poches, quand j'ai croisé un rhinocéros (ptdr). Autant dire que j'me suis stoppé direct dans les marches quand j'ai vu ça (genre, délire, le gars croit que j'vais descendre alors qu'il est en train de s'embrouiller avec sa copine, mdr même pas en rêve moi j'm'implique pas). Sauf que j'étais bloqué dans les marches, et j'avais vraiment pas le courage de remonter pour prendre l'ascenseur.

Du coup, j'me suis assis sur une marche, et j'ai pris mon téléphone entre mes mains pour m'occuper un peu le temps que l'autre Morphe arrête son sketch face à sa copine Feu qui pleurait toutes les larmes de son corps en clignotant visible/invisible. Déjà gros, quand t'es un gentil et mignon petit Eau, tu te tapes pas une Feu, règle de base. Et ensuite, régler ses problèmes par la violence ça sert à rien. Surtout quand tu te tapes l'affiche dans les couloirs. Le plus digne c'est d'aller pleurer tranquilou dans ta chambre.

... Bon, malheureusement, j'étais probablement pas à la fin de mes peines pour aujourd'hui.

Une momie en peignoir déambulant morbidement dans les couloirs de l'institut. Sous cette épaisse couche de bandages et de compresses se cachait Senri. Suite à sa petite visite chez les masters, il s'était évanoui et avait été conduit à l'hôpital par Aaron. Qui lui avait d'ailleurs laissé un petit mot que Senri avait accroché à son frigo.

Le masque de bandelettes était constitué de deux trous pour les yeux, d'un pour bout du nez et un dernier pour la bouche. L'adolescent portait également un large tee-shirt Magical Girl - son préféré- ainsi qu'un short de sport. Au dessus de tout ça, trônait un peignoir gris, dont les pans traînait derrière l'adolescent. Enfin, le garçon portait dans sa main droite, elle aussi bandée, une tasse fumante, avec un petit sachet à l'intérieur. Un petit papier indiquait "infusion à l'eucalyptus".

Pourquoi diable Senri était dans un tel état de décrépitude ? Lorsqu'il s'était réveillé un peu plus tôt, à l'hôpital, il avait d'abord était outré par le message de son mentor qui disait que ses éclairs faisaient "pitié", puis lorsqu'il avait tenté de se téléporter sans succès et que malgré son rythme cardiaque élevé son crâne n'avait généré aucune électricité, il s'était souvenu que les Master lui avait bloqués ses pouvoirs. Dès lors, le monde tout en couleur de Senri était devenu bien terne.

Il avait regagné sa chambre sans grande énergie. Une fois là-bas, il avait mis ses vêtements préférés, changé ses pansements car il avait pleuré en trébuchant sur un caillou, en poussant la porte au lieu de la tirer et en enfilant ses vêtement à l'envers. Il avait, une nouvelle fois, versé de chaudes larmes en se rendant compte qu'il n'avait plus de lait parfumé à la vanille à mettre dans son infusion.

Et il était maintenant dans le couloir. Titubant vers la cafétéria pour mettre la main sur du lait vanillé. Malheureusement, les escaliers étaient bloqués par une dispute de couple. Quelqu'un attendait sur les marches, tout seul.

- Saluuuuuuuuuut.

Senri venait tout juste de s'asseoir à côté et de parler avec une voix toute éteinte. Il regardait la dispute et ses éclats se faire, d'un œil vide. Il tourna finalement son visage bandé vers le jeune homme à côté.

Il semblait ennuyé aussi. Il avait un air ennuyé en tous cas. Et son téléphone à la main...

- Ils font ça depuis... Longtemps ?

Sa voix se cassa dans sa phrase alors qu'il ravalait un sanglot et reniflait tristement. Si ce garçon avait son téléphone dans la main, en parlant Senri l'avait sûrement dérangé. Il se sentait si inutile.

C'est long. C'est terriblement long. Surtout que la conversation n'a aucun sens puisque l'un des deux passe son temps à pleurer, et l'autre se transforme sans cesse en un animal différent.

Oui, parce que du coup, faut que j'vous raconte. Rhinocéros-Eau a repris sa forme initiale pour lui balancer à la gueule "Mais tu te rends pas compte que-" avant de se transformer en kangourou (ça avait moins de style) puis en vieux crapaud tout rabougri, avant de reprendre forme humaine pour finir une phrase où il manquait le début (qui avait dû être prononcé quand il avait la forme du crapaud. Ou du kangourou, au choix.) "- parce que ma mère dans tout ça-" et là il a repris une forme de chaton (on peut dire qu'il a perdu toute crédibilité avec ses adorables miaulements). Quelques instants plus tard, il s'est transformé en poisson, et j'ai assisté au merveilleux spectacle d'une Feu qui clignote qui courait partout en quête d'eau pour sauver la vie à son copain (ou ex-copain, qui peut le deviner, j'me demande même si elle comprend ce qu'il se passe, elle. Vu qu'elle est directement concernée, ce serait con qu'elle comprenne pas...). Bref, il a repris forme humaine, mais il était super essoufflé, du coup.

C'est à ce moment-là que j'ai décidé de décrocher, parce que leur conversation // absence de conversation (???) était beaucoup trop épuisante. Du coup, j'ai repris mon téléphone, et j'me suis connectée sur mon compte twitter pour partir à la recherche de quelques tweets sur Terrae. Et tant qu'à faire, on va regarder si y'a des gens qui sont en train de tweeter sur ce qu'il se passe actuellement dans les couloirs de l'Institut... C'est quoi le hashtag vous croyez ? #dispute ? #FireWater ? #coupleTerrae ? Bon, on va tout essayer. On finira bien par trouver.

Tout le monde comprendra donc pourquoi j'ai sursauté comme un malade en manquant de faire tomber mon téléphone (et menaçant donc de le faire dévaler TOUTES LES MARCHES JUSQU'AU COUPLE) quand ce mec est apparu comme par magie à côté de moi pour me lancer un vieux "Saluuuuut" de gros dépressif.

Je tournai la tête vers lui après avoir récupéré mon téléphone dans sa chute, et arquai un sourcil. Il. Attendez, mais il est en train de chialer ? Waaah mais il a pas compris que j'étais là justement pour éviter les larmes de l'autre dingo de Feu en bas ?! J'ai pas envie de supporter ça moi, pourquoi les gens m'emmerdent avec leurs drames là ?! J'suis juste un p'tit étudiant en sociologie, laissez-moi tranquille !!

Je me pinçai l'arête du nez en détournant trèèèèès ouvertement le regard pour ne pas le regarder et surtout ne pas voir les larmes qui brillaient dans ses yeux.

-Ouais, ça dure depuis un petit moment maintenant. Ah ! Visiblement il a réussi à récupérer son souffle vu qu'il l'invective à nouveau- ah non, ça a pas duré longtemps, il a pris la forme d'un phacochère cette fois.

De pire en pire.

Je repris mon téléphone et me remis à faire défiler mon fil d'actualité.

Il reniflait encore. C'est hyper dérangeant. POURQUOI IL EST VENU RENIFLER A COTE DE MOI ?! Et c'est quoi ce vieux look d'ailleurs, on en parle ? J'ai pas réagi tout à l'heure, parce que j'ai eu trop peur de perdre mon téléphone, mais là, j'suis dispo, et on peut en parler : POURQUOI IL EST DEGUISE EN MOMIE ?!

-T'as fait quoi pour te retrouver cassé comme ça ?

Oh putain, non. Non, s'il se met à chialer, j'me casse et j'remonte dans ma chambre. Tant pis, j'ferais pas ce que j'avais prévu, MERCI A CE VIEUX COUPLE TOUT PETE.

- Hm. Un phacochère.. c'est marrant.

Senri avait dit ça avec un sourire triste et des yeux vides. De son regard de poisson rouge mort, il observait la scène. Il était tellement jaloux d'eux. Ils avaient des pouvoirs incroyables ! Senri sentit sa gorge se serrer et ses yeux s'humidifier. Qui plus est, le jeune homme à côté de lui semblait vraiment mal à l'aise à cause de la présence de la momie.

Accablé de tous les maux de la terre, Senri ne se sentait pas capable de s'énerver et de décrocher des portes en exprimant à quel point il était outré par le comportement du jeune homme. Il avait juste envie de disparaître ou de ne faire plus qu'un avec l'escalier.

Oui c'était bien l'escalier. Il serait au moins aussi piétiné que son estime de lui et sa joie de vivre. Il avait vraiment envie qu'on lui marche dessus à présent.

Cependant, lorsque le jeune homme adressa quelques mots à Senri, ce dernier tourna un visage brillant de reconnaissance. Ses yeux brillaient de gratitude envers cet homme qui avait daigné lui parler !

- Oh, ça. Je me suis battue contre les Masters, tout à l'heure.

Il avait dit ça de manière assez détaché, trop heureux qu'on lui adresse la parole. Mais lorsqu'il reprit sa voix était infiniment plus triste et mélancolique.

- Après c'est aussi parce que je me téléporte souvent dans les murs.

Et là, Senri explosa en sanglot se tordant presque de douleur. Il s'écroula sur le pauvre garçon assit à côté de lui. Senri agrippa fermement le bras de l'homme en geignant et en pleurant toutes les larmes de son corps.

- Et... Et... Et... Les masters... Ils ont... Ils... Ils ont... Ont...

Il hoquetait de désespoir à chaque mot, tandis que des flots de larmes roulaient sur son visage.

- Ils m'ont retiré mes pouvoiiiiiirs !!! J'avais enfin réussi à me téléporter, je suis trop triste... Bouhouhou..

Il pleurait, pleurait pleurait. Les poignets de celui qui l'écoutait bien malgré lui contre le visage. Malgré ça, la dispute un peu plus bas semblait toujours être aussi animée. Les protagonistes n'avaient même pas accordé un coup d'œil au chauve qui sanglotait sur la manche de l'étudiant de sociologie.

Il.

Non.

C'est juste non.

MAIS ARRETE DE PLEURER.

Pourquoi. Pourquoi, Allen, as-tu décidé de lui parler ?! TU AURAIS PU T'EN ALLER. REMONTER DANS TA CHAMBRE. ALORS POURQUOI ?!

Je me pinçai la lèvre inférieure, pris une lourde inspiration. Mon dieu c'est dégueulasse. Je le fixai alors qu'il était secoué par les sanglots après m'avoir avoué qu'il avait été se battre contre les (les ? vraiment ? ils étaient plusieurs ?) masters.

Il se rend compte de la morve qu'il est en train d'étaler sur ma manche là ? Mais c'est dégueulasse ! Et il est même pas capable de finir ses phrases, c'est insupportable !!!

-Et ce-

WAH MAIS STOP T'ES DEGUEU GROS une momie qui pleure MAIS LES GARS EN BAS FINISSEZ VITE VOTRE ENGUEULADE QUE JE ME TIRE D'ICI -enfin en même temps, j'vais pas pouvoir aller bien loin, il s'agrippe à moi comme si sa vie en dépendait là.

-C'est pas définitif, si ? Parce que quand ils retirent les pouvoirs définitivement ils te font partir de Terrae aussi...

Je me contractai alors que j'apercevais de la morve couler de son nez. Non, no way, zone interdite, RENIFLE TOUT DE SUITE JTE DIS.

J'inspirai, expirai. Me déplaçai trèèèès légèrement sur le côté, un petit coup de fesse ici et là pour m'éloigner petit à petit.

-Tu. Tu veux pas me lâcher s'il te plaît ?

Alors que Senri pleurnichait contre la manche de son bon samaritain, ce dernier dit quelque chose qui fit lever la tête à Senri. Il dévisagea son interlocuteur avec un regard qui semblait traduire toute la tristesse du monde. Le garçon sans cheveux s'arrêta un moment, la bouche entrouverte, assimilant l'information.

Il ré-explosa en sanglot et replongea contre la manche qui s'imbibait lentement et irréductiblement de morve.

- Ils vont me virer, pourquoiiiiiiiiii... Beuheuheu...

À cette annonce, les glandes lacrymales de Senri redoublèrent d'efforts pour faire s'écouler de grosses larmes de crocodile. Sans retenir en aucune façon l'écoulement de son nez. Il était trop dévasté pour y faire attention. Cependant quand l'Air chercha à se décaler et alla jusqu'à demander à Senri de le lâcher, l'adolescent se redressa tout penaud et s'excusa. Distraitement et discrètement, il essuya la manche de l'Air, qu'il avait fini par tâcher.

- Désolé, chu encombrant je sais...

Il baissa ses yeux, encore humides, vers les escaliers, tout contrits. Il posa son regard sur le couple se disputant et jouant avec leurs pouvoirs. Pour le désormais novice, c'en était trop. Il se leva, fulminant et sanglotant.

- NON MAIS VOUS EN AVEZ PAS MARRE DE VOUS LA PÉTER AVEC VOS POUVOIRS ?! VOUS PENSEZ À CEUX QUI EN ONT PLUS ?! DÉGAGEZ-MOI LE PLANCHER !

Le couple le regarda avec de grands yeux, le garçon retrouva sa forme humaine pour l'occasion. Senri les foudroya du regard et son visage se tordit de colère derrière ses bandages ; le couple se décida à s'éclipser. Senri se tourna vers son bon samaritain, en s'éclaircissant la gorge.

- Bon bah, je crois on peut passer.

STOP. JE DIS STOP.

Il faut qu'il arrête, c'est plus possible là !!!! Il est en train de niquer complètement mon pull, et puis merde, c'est juste dégueulasse, j'vais attraper la mort avec ses conneries, sans déconner ! Si j'avais voulu de la morve et des larmes, j'aurais fait un bébé depuis longtemps hein !!! (lol lol lol lol lol MDR)

ET STOP L'APITOIEMENT SUR SON SORT PUTAIN.

Mais même moi quand j'étais au fond du trou, j'étais pas comme ça ! Il ferait bien mieux de boire, c'est clairement moins chiant pour les autres, plutôt que de chialer sur l'épaule d'un PARFAIT INCONNU. POURQUOI JE SUIS DANS CETTE SITUATION ?!

Suite à ma remarque, il finit par s'éloigner en faisant encore le gros malheureux, et essuya ma manche et mon épaule WAH MAIS C'EST ENCORE PLUS DEGUEULASSE, IL REALISE QU'IL ETALE LA ?!

PTN MAIS POURQUOI J'SUIS UN PUTAIN DE GUERISSEUR LA c'est NUL je peux même pas me débarrasser de lui comme-

Pourquoi il crie. Pourquoi il. Mais non. Mais.

Bon. D'accord, au moins, le couloir est dégagé. Mais. Mais juste, il était pas obligé de crier. Et maintenant tout le monde m'a vu avec lui. (Allen, un jour, tu m'expliqueras pourquoi tu ne veux jamais que les gens te voient en compagnie d'autres personnes. Tu accordes encore un peu trop d'importance à ce que peuvent penser les gens, si tu veux mon avis. Travaille un peu plus tes cours de socio, et surtout bosse sur ton cas.)

-Ah. Heu. Oui. D'accord. Cool. Cool.

AHEM super parce que du coup il veut vraiment qu'on fasse le trajet ensemble ou comment ça se passe ? Il est ouf lui, il croit quoi, que j'vais l'accompagner à la cafet' et l'aider à manger sa soupe comme un p'tit mec trop sympa ? J'suis p't'être Air, ce qui fait pas très peur, mais j'suis pas con non plus hein. Plus tôt j'me débarrasse de lui, mieux c'est.

-Mais, en fait, j'crois que j'vais plutôt remonter dans ma chambre pour. Et ben. Changer de pull.

OUAIS PARCE QUE T'ES UN GROS DEGUEULASSE.

-Du coup voilà voilà, bravo pour cet exploit, et puis bonne journée hein, courage avec ta vie ! Soigne-toi bien, tout ça tout ça.

Le jeune homme contre qui Senri s’était apitoyé sembla plus que surpris quand le boxeur s’égosilla contre le couple et les fit déguerpir. Visiblement, il n’avait plus envie de descendre non plus, manifestant son envie de changer de pull. Senri sentit la culpabilité l’envahir, mais aussi, l’immense tristesse d’être abandonné. Comment allait-il faire sans cet homme qui, plus qu’une oreille attentive – selon la perception de Senri, était devenu un précieux ami – toujours selon la perception de Senri.

Ainsi, Senri fit l’impasse sur le caractère légèrement condescendant et ironique des paroles de l’air. Son visage alla jusqu’à se décomposer, et bien qu’il soit entièrement bandé, son regard à lui seul exprimait toute sa tristesse. Ses yeux encore rouges qui s’humidifiaient une fois de plus y étaient pour quelque chose. Sans vraiment réfléchir, Senri jeta sa main jusqu’à la manche de l’Air et, le regard rivé sur le sol, il tenta de bredouiller quelque chose.

- Euh… C’est-à-dire que…

Il n’était pas habitué à être dans de telles situations de faiblesse. Habituellement, quand il n’arrivait pas à parler, il frappait les gens. Mais là, il n’avait aucune raison de frapper son ami !

- Vu qu’j’suis plus téléporteur… J’ai euh… Fin…

La suite de sa phrase était vraiment difficile à dire, même dans son état -qui était plus que lamentable.

- J’ai peur… de… tomber dans l’escalier.

Il avait dit ces mots avec une toute petite voix qui traduisait d’une gêne certaine qui passait même à travers le ton larmoyant qu’il avait pour parler. Il releva la tête vers le garçon, l’implorant du regard.

- Après j’me débrouille tout seul ! Mais l’escalier est trop haut ! J’ai peur !

Si le Senri de d’habitude voyait ça, il se fracasserait lui-même une porte sur le crâne.

Il a. Peur. De. Tomber. Dans.

Ok, c'est trop pour moi. J'suis désolé, j'démissionne, c'est pas possible. J'ai jamais signé pour ça ! D'ailleurs, j'ai jamais rien signé, alors pourquoi ça me tombe dessus ?! J'ai une tête de victime à ce point ?! C'est n'importe quoi !

J'eus beau essayé de tirer sur ma manche pour retirer sa prise, il avait visiblement des doigts musclés. Un sourire nerveux étira mes lèvres alors qu'il relevait un regard larmoyant dans ma direction. MAIS GROS TU FAIS TROP FLIPPER AVEC TES BANDAGES FACON MOMIE ET CE REGARD ! STOP.

Ok, ça sert à rien de rager dans sa tête, tu le sais depuis longtemps Allen, alors pourquoi tu continues à le faire ? T'as vraiment l'espoir qu'un jour tout change d'un claquement de doigt, parce que t'auras insulté mentalement ton interlocuteur de tous les noms ? Tellement con comme espoir. Bon, à chacun ses rêves hein...

Sauf que ce rêve est pas prêt de se réaliser, alors t'as pas le choix. Tu vas devoir le guider jusqu'en bas des marches, parce que t'es une flipette qu'ose pas dire à haute voix ce qu'il pense tout bas.

-Hm.

Ok, c'est bien, on laisse le doute comme ça. C'est ni un "Ok j't'aide" ni un "Nope.". Bon, ça ressemble un peu à un "nope" vu que j'continue à le fixer sans bouger. Ca devient malaisant tout ça.

-C'est un bon comme marcher, tu sais. Sauf qu'au lieu de poser ton pied à la même hauteur que ton pied, tu le poses plus bas, en fait.

J'ai vraiment dit ça ? Nan mais j'suis vraiment en train de lui apprendre comment ON DESCEND DES ESCALIERS ?! TA SELF-ESTIME ALLEN ELLE EST OU ?! Honteux. Sauf que comme j'peux pas me débarrasser de son emprise sur mon bras, ben j'ai pas le choix.

-Bon. Ben. On y va. Hein.

Lol c'est lourd, j'kiff ma vie.
Par contre qu'il chiale pas, j'ferai pas la conversation, j'ai pas envie.

Senri acquiesça vivement quand le garçon lui décrivit comment descendre un escalier. Senri n'était pas aussi bête pour ignorer comment on faisait ça. Néanmoins, pour une raison que nul ne pouvait expliquer, il était certain que ces explications lui servirait à quelque chose.

Un sourire plein de reconnaissance éclaira le visage de Senri quand son interlocuteur accepta de l'accompagner jusqu'en bas.

— Merci... J'aurais une dette incroy... PUTAIN DE MERDE C'EST HAUT !

En regardant non pas en bas des escaliers mais bien la marche qui était à un pas de lui, l'adolescent s'était écrié ces mots en serrant un peu plus fort le bras de son sauveur. Une fois sa crise de terreur — à cause de laquelle il haleta comme un buffle pendant cinq bonnes secondes — le garçon se tourna vers l'Air.

—Désolé, j'ai un peu paniqué.

Il adressa un sourire ennuyé à son compagnon d'infortune et, tenant toujours fermement le bras de ce dernier, s'arma de courage pour affronter l'escalier. Il n'avait qu'une envie : arriver le plus vite possible en bas, que ce calvaire s'arrête. Et, comme si le destin venait de l'entendre, Senri se retrouva le front contre la dernière marche de l'escalier.

Il releva la tête, avec une tâche de sang qui grandissait à travers ses bandages, avant de poser un regard interrogateur sur son comparse restait sur les marches. Il ne pouvait pas l'avoir lancé ! Senri accordait toute sa confiance à ce jeune homme qu'il avait rencontré il n'y a pas cinq minutes. Il n'y avait donc qu'une explication logique à tous ça.

Senri se téléporta à côté du jeune homme qui l'avait aidé. Deux fois. Car la première fois, il s'était cogné si fort contre le mur qu'il avait roulé jusqu'en bas des escaliers avant de se téléporter presque immédiatement auprès de l'Air. Cette fois, il avait mis sa main entre son crâne et le mur. On ne l'avait pas 796 fois de la même façons.

— OUAH TU M'AS RENDU MES POUVOIRS ! T'ES TROP FORT ! C'EST QUOI TON NOM ?!

S'il était très enthousiaste, il n'oubliait pas la politesse. C'était déjà ça.

HRP : J'ai. Tellement ri. Avec la possibilité qu'Allen l'ait poussé dans les marches. C'était magique, merci XDDD

J'en ai marre. J'en ai tellement marre, que je n'ai qu'une envie, c'est de bassiner le monde entier avec ma vie de merde. Déjà, j'comprends pas pourquoi j'attire toujours les gens chelous. C'est pas possible, c'est une vraie malédiction. Et le pire, c'est qu'à chaque fois, ils me collent à la putain de peau ! Pourquoi ?! POURQUOI ?! J'leur ai rien fait. C'est pour ça vous croyez ? Pourtant, j'essaie de pas leur parler. J'essaie de les ignorer, alors POURQUOI ILS ME COLLENT A LA PEAU ?! C'est invivable. C'est complètement invivable, et en plus ça n'a pas de sens. Ils ont bien des potes ces gens-là, ils peuvent pas aller voir leurs potes ? Pourquoi ils me saoulent, moi ? J'leur ai rien fait, j'mérite pas ce traitement, alors laissez-moi en paix putain !

Parce que ouais, j'enchaîne, et faut arrêter de dire le contraire. J'comprends pas ce qui attire les gens chez moi, j'fais tout pour parler le moins possible, pour rejeter les relous, j'fais TOUT et non, non, ils reviennent toujours, c'est insupportable. Déjà y'a quelques années Mitsu et Aoi qu'ont pas été foutues de me laisser boire tranquillement. Donc bon, ok, passons, on va dire qu'elles ont quand même eu raison. Ensuite Aria, qu'a tout fait pour que j'retrouve mes pouvoirs d'Etoile, mais juste NON j'avais pas besoin d'un traumatisme en plus - et d'ailleurs, pourquoi elle m'a autant collé, hein ? HEIN ?! Moi j'étais bien sans sentiment, mais à cause de son pouvoir superglue, j'suis tombé amoureux, du coup maintenant j'suis bien comme un con. Et puis après, y'a aussi eu Matheo, qui pouvait pas s'empêcher de vouloir m'aider, alors que j'faisais tout pour qu'il me foute la paix, mais un truc de dingue ! Pourquoi les gens s'obstinent à venir me voir sans déconner ? On n'oubliera pas Ys, méga relou aussi dans son genre. Bref, tout ça pour dire que les gens sont chiants, ils viennent tout le temps s'accrocher à moi comme des moules alors que j'veux juste la paix, d'ailleurs j'comprends même pas pourquoi j'l'ai pas encore balancé dans les marches -ça doit être parce qu'il s'attache beaucoup trop fort à moi et que j'ai pas envie de chuté non plus et-

Quoi. Attendez, quoi. Il vient de faire qu- MAIS QUOI PUTAIN ?! Un miracle, vraiment ? Il est par terre là, si, SI IL EST PAR TERRE, OUVREZ LES YEUX, IL EST PUTAIN DE PAR TERRE AVEC DU SANG PLEIN SUR LA GUEULE.

C'est tout le moment où tu fuis Allen, tu fuis vite, vite, vite- QUOI ENCORE ?!

Il apparut en face de moi, me gueulant dessus que je lui avais rendu ses pouvoirs (mdr non), en me demandant mon nom. Mais quoi encore, va te faire foutre, j'ai enfin compris qu'il fallait arrêter de donner son nom, sinon les gens viennent te faire chier à frapper à ta porte ! Du coup, panic-impro, on y va-

-J'm'appelle Al-

Al, al, al, al PUTAIN TROUVE UN TRUC.

-Alfred. Alfred, voilà. C'est ça. Bon, bah écoute, cool alors, super pour toi, j'vais te laisser dans ce cas, tu devrais réussir à descendre les marches tout seul maintenant !

Un putain de téléporteur. Eloignez ça de moi svp.

-Salut !

— Albert?! OKAY JE RETIENDRAIS.

Senri était tout excité de cette rencontre avec cet Albert qui était déjà, dans le cœur de l'adolescent, un de ses amis les plus proches. Il fouilla dans la poche de son peignoir sale et en sortit un stylo.

— ATTENDS, FILE MOI TON BRAS.

Senri se télécogna au pied du garçon et se releva presque aussi sec, avec les bandages du front tout imbibés de sang. Il attrapa donc le bras du garçon et y nota son numéro. Puis nota "À mon ami Alfred" et sur tout le reste de la surface du bras, il marqua "WARRIOR TELEPORTER".

— COMME ÇA, TU POURRAS TE SOUVENIR DE MOI !!!

Et sur ces mots, Senri se télécogna contre la fenêtre. Mais de l'autre côté. Il fit néanmoins un petit coucou à son ami avant de disparaître dans le vide.