Une nouvelle était arrivée dans la classe d’Alyssa ce jour-là. Rousse, tout comme elle, elle l’avait légèrement intrigué. Ce n’était pas une couleur de cheveux commune bien que, dans cette ville, elle avait remarqué que les roux étaient plus nombreux qu’à l’habitude. Du coup, on l’embêtait moins à cause de ça, et cela lui faisait du bien.

Au final, elle ne l’avait pas accosté. Elle semblait un peu trop surexcitée comparativement à elle… Vers la fin de l’avant-midi, la cloche retentit, annonçant le début de la pause du dîner. La fillette se dirigea vers son casier, prit sa boîte à repas et alla s’asseoir à la cafétéria avec une amie. Une fois installée, elle déballa son sandwich alors que Gabriela lui parlait et qu’elle se contentait d’hocher la tête en signe d’attention.

Depuis quelques jours, elle avait recommencé à parler. Elle continuait d’écrire, mais une fois de temps en temps, on pouvait entendre une suite de mots sortir de sa bouche, et parfois même des phrases. Elle bégayait presque beaucoup et elle espérait qu’avec le temps, elle réussirait à parler normalement et avec assurance. Au fond d’elle, parler lui avait manqué.

Puis, ses yeux furent attirer par la nouvelle. Elle avait l’air de se demander où elle allait s’asseoir. Elle ne s’attendait pas, alors pas du tout, à la voir s’approcher de sa table.

Les yeux légèrement écarquillés, Alyssa regarda la rousse s'installer à côté d'elle. Normalement, les nouveaux n'étaient pas attirés par Gabriela et elle. Elles n'était pas des filles « cools ». Une fois assise, la fillette fit un grand sourire et se présenta. Quand ce fut son tour, Alyssa écrivit son prénom sur son carnet et le lui montra.

Puis, Elizabeth désigna son sandwich et lui demanda où elle se l'était procurée, car elle trouvait qu'il avait l'air très bon. Apparemment, elle avait acheté le sien à la cafétéria et il n'en restait qu'au thon. Elle recommença à écrire sur son carnet.

« C'est un sandwich et j'ai fait avec Maria, c'est une des Masters. »

En effet, la Master lui avait proposé de préparer son goûter de temps en temps ensemble. Ainsi, la veille, elles avaient fait ensemble son sandwich qui était constitué de poulet, de salade, de tomates et de mayonnaise. Elle se rapprochait peu à peu de Maria et comptait d'ailleurs lui demander de devenir sa maître Terre télépathe.

Les maux de tête provoqués par les voix qu'elle entendait dans sa tête l'avaient poussé à réellement considérer l'option, sans compter le désir de vouloir apprendre à contrôler la terre, finalement apparu. Avant ça, elle avait eu l'esprit trop occupé par plusieurs choses... Mais maintenant, elle se sentait un petit peu plus d'attaque.

La nouvelle la regardait bizarrement maintenant qu’elle l’avait vu écrire dans son carnet. Elle y était habituée : c’était rare que les gens n’aient pas la moindre réaction en découvrant ça, surtout les enfants. Elle la dévisagea un moment avant de prendre une mine effrayée et de lui demander si on lui avait coupé la langue. Elle semblait trouvé le fait qu’elle ne pouvait supposément pas mettre sa langue sur son nez accablante.

Alors qu’Alyssa commençait à écrire une réponse sur son carnet, elle recommença à parler, assumant qu’elle n’avait pas de langue. Ne pouvait-elle pas attendre qu’elle ait terminé d’écrire ? Elle la questionna pour savoir si elle pouvait toujours goûter le chocolat, sans quoi ce serait triste. Effectivement, l’idée de ne pas pouvoir savourer du chocolat était plutôt déprimante. Lorsqu’elle eut finalement finit d’écrire, elle montra son carnet à Elizabeth.

« J’ai une langue, c’est juste que je n’aime pas tout le temps parler. Alors oui, je peux goûter le chocolat. »

Gabriela lit également sa réponse, puis se tourna vers l’autre rouquine pour lui donner plus d’informations.

— Ouais Alyssa elle a pas parlé pendant longtemps, elle vient juste de recommencer. Des fois elle écrit, des fois elle parle, dit-elle en haussant les épaules.

Elle avait appris à accepter la petite comme elle était. Ça ne la dérangeait pas tant que ça de devoir attendre qu’elle écrive pour discuter avec elle. Elle avait d’ailleurs été vraiment surprise la première fois qu’elle avait entendu sa voix, car elle avait menti à tout le monde en disant qu’elle était muette.

Au moins, maintenant que la rouquine savait qu’Alyssa préférait écrire, elle ne la jugeait pas, même si dans son cas elle n’aimait pas écrire. Apparemment, elle avait un problème qui faisait qu’elle mélangeait les lettres. Elle commença à dire le mot, mais ne se souvint pas de la suite. La petite crut comprendre de quoi elle parlait. Elle écrivit alors :

« Dyslexie ? »

Elle lui sortit ensuite une réplique de l’univers de Star Wars. Elle connaissait, mais ne s’y intéressait pas plus que ça. Elles continuèrent de manger et Elizabeth fit la grimace, comme si son sandwich était dégoûtant. Et selon elle, il l’était. Il n’avait pas l’air si terrible, pourtant. Alyssa prit une autre bouchée dans son repas et la nouvelle reprit parole.

— Pas Gabrielle, Gabriela. Je suis arrivée euh… il y a..., déclara-t-elle avant de compter sur ses doigts. Six mois environ. Alyssa est arrivée plus tard. Je suis une Eau voyante.

Pendant ce temps, son amie écrivait sur son carnet une fois qu’elle eut terminé, le releva pour qu’elle puisse voir sa réponse.

« Moi, je suis une Terre télépathe. Mais ici, c’est pas une école de super-héros. »

Elle ne savait pas si elle avait dit métaphoriquement ou si elle pensait vraiment que c’était le cas. Les super-héros, ça n’existait pas.

Elizabeth confirma qu'elle était effectivement dyslexique. Pour elle, il semblerait que ce soit un mot difficile à retenir. Elle demanda d'ailleurs à Alyssa pourquoi elle le connnaissait, si elle aussi elle avait du mal à lire. Elle écarquilla les yeux à sa question. Elle ne savait pas ce qu'elle ferait si elle avait aussi ce problème, car lire était ce qu'elle préférait.

« Non, mais j'en ai déjà entendu parlé. »

La dyslexie n'était pas commune, toutefois pas rare non plus. Puis, après que Gabriela ait affirmé qu'elle était une Eau voyante, la petite rouquine se leva et l'attrapa par les épaules, surexcitée. Gabriela l'écouta les yeux écarquillés et à chaque fois qu'elle tentait de lui répondre, elle n'en avait pas le temps. Finalement, elle réussit à lui expliquer que ça ne fonctionnait pas comme ça.

Ce fut ensuite le tour de l'orpheline d'écrire son pouvoir. À sa mention du fait que l'école n'en était pas une de super-héros, Elizabeth eut l'air confus. Elle répliqua et, selon sa logique, vu que les gens à Terrae avaient des pouvoirs et qu'ils apprenaient à les contrôler, c'était comme dans les X-men. Elle ajouta qu'elle était même certaine que la ville possédait un avion supersonique. Pendant qu'Alyssa commençait à écrire, la gamine continua à parler et assuma que les Masters devaient avoir des noms de super-héros.

« Même si on a des pouvoirs, on est pas des super-héros. Il n'y a pas de vilains à combattre. Et non, les Masters n'ont pas de noms de code. »

Elle regardait la nouvelle avec une expression un peu suffisante. La fillette ne lui apparaissait pas comme ayant 10 ans. Même si Alyssa était souvent plus mature que les autres enfants de son âge, elle trouvait celle-ci particulièrement puérile.

— C'est vrai que c'est pas vraiment une école de super-héros, mais ça pourrait être cool avoir des noms de code. Je crois que j'aimerais bien m'appeler... hum... Océane ! Et toi Alyssa ?

Elle repensa à sa discussion avec Ipiu. Elle ne savait même pas si elle voulait garder son nom actuel alors se trouver un surnom... Elle baissa les yeux, inconfortable.

— Je sais pas...

Elizabeth ne semblait pas contente qu’elle ait dit qu’il n’y avait pas de vilains. Faisant la moue, elle répliqua qu’il y en avait partout, car sinon il n’y aurait pas d’actes horribles comme les meurtres ou des kidnappings. Alyssa hocha la tête, elle n’avait pas tort. En fait, au début, elle avait cru qu’elle parlait de vilains avec des pouvoirs, comme dans les films, des extraterrestres ou des mutants. Cependant, elle ne pensait pas que les Masters s’occupaient des criminels à Terrae, il y avait sûrement des policiers… quoi que… Il faudrait qu’elle pose des questions sur le sujet maintenant que le doute s’était installé dans son esprit !

Puis, la rouquine mentionna qu’un vilain en particulier se trouvait en haut de sa liste et qu’elle comptait lui faire la peau. Elle semblait très sérieuse, peut-être que cela avait un rapport avec la raison de sa présence ici ?

« C’est qui ? » demanda-t-elle par écrit, la curiosité l’emportant sur elle.

Puis elle demanda si Gabriela et elle voudraient avoir des noms de super-héros. Son amie de prêta au jeu et déclara vouloir être nommée Océane, alors qu’elle n’en avait pas la moindre idée. Elizabeth suggéra qu’elle pourrait s’appeler Gaïa comme c’était la déesse de la Terre dans une certaine mythologie. Il était vrai qu’elle avait déjà entendu ça quelque part, mais elle ne se souvenait pas où. C’était effectivement une belle trouvaille.

« Oui, c’est pas mal… j’aime bien. »

Elle nota dans un coin de sa tête de faire plus de recherche sur la déesse en question. Elle s’exclama alors que comme elle ne savait pas encore quels pouvoirs elle aurait, elle ne savait pas encore quel surnom elle pourrait avoir. Apparemment, elle aimerait avoir un pouvoir d’élasticité ou de super-force.

« En fait tu ne peux avoir que des pouvoirs précis, associés à un élément. L’élasticité n’en fait pas partie mais la force surhumaine, si. »

Elle lui expliqua quel élément était relié à quel type de pouvoir. Elle les avait tous appris par coeur, donc c’était facile. Si elle voulait avoir le pouvoir de la force surhumaine, il faudrait qu’elle soit une Terre, mais ça… Alyssa en doutait fortement.