L'errance. C'est ce que je vivais dans les couloirs de ce bâtiment. Même pas vingt-quatre heures après avoir quitté l'hôpital que j'avais l'impression de toujours y être. Certes, ici c'est différent, c'est une institut, une école mais y a quand même une psychologue donc ça ressemble un peu à un hosto. Disons que le changement d'atmosphère ne se fait pas encore vraiment ressentir. Bref, presque un jour que j'étais parti, une majorité de ce temps avait été dédié au voyage pour arriver ici, l'autre pour déposer mes affaires - aussi maigres soient-elles - puis à rencontrer cette fameuse psy. Qu'est-ce que j'en avais retenu ? Qu'elle m'avait questionné sur ma vie, mes envies, mes soucis que j'avais eu un peu de mal à exprimer mes sentiments car… bah clairement se réveiller des années plus tard, avoir la sensation d'avoir raté sa vie et perdu sa jeunesse, ça laisse un gout plutôt amer en bouche et surtout ça motive pas pour la suite. À l'écouter, j'avais des idées noires. Pourquoi pas, j'imagine c'est un truc de thérapeute que de filer une couleur à nos idées et nos pensées. J'suppose que si j'avais dit être heureux, elle m'aurait parlé d'idées roses pastel ou fuchsia. Ma mère qualifiait ce genre de personnalité de : hippie, j'ignore ce que ça veut dire mais je crois que c'était pas sympa. La psy m'avait donc conseillé dans un premier temps pour reprendre gout à la vie de me fixer des petits objectifs quotidiens pour me motiver, pour m'obliger à me dépasser.

    C'est ainsi que comme challenge du jour, elle m'avait refilé, car ouais : j'devais normalement trouver moi-même l'objectif mais n'ayant pas d'idée, elle m'avait aidé… on notera que ça va sûrement toujours se passer ainsi. Quand même ta psy te file des devoirs dans une école, tu sens que tu vas pas t'amuser souvent. Passons, l'objectif donc ! Retrouver le dortoir et essayer d'engager la discussion avec quelqu'un, le mieux étant de parvenir à me faire un ou une amie. J'vais pas vous mentir et comme ça il n'y aura pas de spoiler : c'est pas que j'avais la flemme mais presque. En plus son plan étant bidon, pour retrouver mon chemin, j'allais forcément devoir questionner quelqu'un. Elle me prend vraiment pour un con en plus !

    Je déambulais donc dans le bâtiment en espérant tomber sur un plan. Les rares personnes que je croisais ne m'inspirai pas confiance : des adultes ou des adolescents pour la plupart, je ne me sentais pas à l'aise… ça aurait été plus simple si je tombais sur quelqu'un de mon âge. J'avais un vieux gilet gris délavé et mal fermé qui laissait voir un débardeur noir en dessous. Un pantalon beige en tweed et des petites chaussures de ville marron. Pour cacher ma cicatrice au visage, j'avais gardé mes pansements et je songeais à me procurer un bandage pour plus tard, pas envie d'exposer cette balafre aux yeux de tous... Dernière chose avant de juger mon style vestimentaire : j'ai dormi pendant plus de dix ans, les fringues que je porte ce sont celles que mon grand-père m'a dépanné pour que je quitte l'hôpital autrement qu'avec ma blouse de patient. Alors fermez là si mon look vous rend hilare.

    Mon téléphone vibra et je le sorti de ma poche pour voir que ma sœur m'appelait. J'étais pas encore à l'aise avec la technologie mais j'avais rapidement compris comment refuser ou prendre un appel. J'avais pas spécialement envie de lui parler mais bon.
    – Allo ?
    – Isoshi, t'es où ? Ça fait une demi heure que je t'attends devant l'hôpital. Tu devais pas sortir à 14h30 ?
    – Ah si... mais en fait, je suis parti me promener. Je me suis même inscris dans une école et il y a un dortoir. Je rentrerai sûrement le week-end. Désolé, j'ai oublié de prévenir.
    – T'es sérieux ? Et je peux savoir où tu es exactement ? Elle est où cette école ? C'est quoi son nom ? T'es tout seul ? Nan mais tu as pas à partir comme ça tout seul, c'est dangereux ! Tu te rends pas compte !
    – Je te laisse. Je crois que le directeur de l'école va me recevoir.
    – Isoshi ! Je t'interdis de me raccro...

    Parfois, il faut vivre dangereusement et braver les interdits. J'avais donc raccroché au nez de ma sœur. J'étais l'ainé et elle me prenait pour un gamin, c'était agaçant. J'aperçu alors un écriteau disant "dortoirs". J'avais trouvé !! Et sans demander de l'aide ! Pas sûr que la psy soit ravie que j'ai pas tenté d'interaction sociale mais déjà, je ne me suis pas perdu. Il y avait cependant une fille qui tenait la porte et parlait à des gens. Me bloquant le chemin, je me postais derrière elle à attendre. J'espérais juste qu'elle allait rapidement bouger ses fesses de mon chemin, j'devais encore retrouver ma chambre et mes affaires.

    La parfaite inconnue me fixa un instant avec intérêt, elle avait me semble-t-il écarquillé les yeux en m'apercevant. Quoi ? Ma tête ne lui revenait pas ? Elle n'avait jamais vu de grands mecs à la peau si blanche qu'ils semblent briller à la lueur du soleil ? Ben dans ce cas, je n'étais pas le seul à ne pas avoir vu les derniers films sortis ! Car ouais, y parait qu'il y en a un dans lequel, les vampires à défaut de cramer au soleil, ils brillent mode boule à facettes ! Ma frangine m'avait raconté ça pour me filer le sourire peu de temps après mon réveil. J'avoue que sur le coup, ça ne m'avait fait ni chaud ni froid, mais maintenant je me posais une question... QUI A EU CETTE IDÉE DE MERDE ?

    Bref, la demoiselle se décida à parler, à défaut de me laisser passer. Genre comme si j'avais envie de discuter même si la psy venait de me le conseiller. La jeune femme m'interrogea d'ailleurs comme ma psy, les deux devaient avoir ça en commun : la curiosité ou alors, c'était un truc de fille : vouloir se renseigner sur les autres ? Elle me demanda donc si j'étais un novice et nouveau et qu'elle cherchait un certain Isoshi Jara ou Bora... je ne parvins pas à dissimuler un rictus et faillis rire en l'écoutant estropier mon nom, c'était pourtant pas dur à retenir : Hara, connasse !! Et pourquoi elle me cherchait ? Qu'est-ce qu'elle me voulait ? Je venais de débarquer, je n'avais encore fait aucune connerie... je crois ? Merde, Iso : réfléchis ! Me dis pas qu'en plus d'un coma, tu as en plus hérité d'amnésies partiels ?

    Soudain tout prit sens dans mon esprit qui cogitait à fond la cadence : c'était la psy ! Non, la nana n'était pas ma psy, mais envoyée par celle-ci pour m'obliger à avoir des interactions sociales car elle se doutait que je n'essaierai pas. La garce, elle avait donc tout prévu !
    – Euh... ouais, c'est moi : Isoshi Hara, disais-je en insistant bien sur le nom de famille. J'ai débarqué ici depuis... quelques heures même pas. C'est la psy qui t'envoie ? Et si j'ai pas envie de discuter, on fait comment ? Surtout que la contrainte, je suis pas sûr que ce soit médicalement recommandé !

    Je la dévisageais en espérant avoir l'air d'un type un peu patibulaire ou au moins impressionnant pour lui couper toute envie de poursuivre cette conversation. Si ça commençait déjà comme ça à m'imposer des trucs, ça allait rapidement me gonfler !

    Elle fixait le jeune homme sans trop savoir quoi dire, seul quelques mots sortaient de sa bouche sans parvenir à former de phrase cohérente. Elle semblait un peu mal à l'aise mais également frustrée, Isoshi se demanda bien pourquoi : après tout, c'était à lui qu'on imposait des choses ! Elle fini par parler pour expliquer que c'était son psy qui l'envoyait pour rendre service à la mienne. Compliquée comme histoire, les psy se rendaient service entre eux ? Comment ça se passait dans ce milieu où se mêlent médecine et folie ? Reste qu'il avait raison, on lui imposait bien de parler avec quelqu'un alors qu'il n'en avait pas spécialement envie.

    Le but de sa visite était semble-t-il de me faire visiter les lieux, non pas pour m'obliger à avoir des interactions sociales mais plutôt que je sache où en avoir. C'était pareil, non ? Elle se foutait de lui ou... ? Reste qu'elle marquait un point : personne ne lui avait montrer les lieux et il était un peu paumé dans ce grand bâtiment avec tous ces gens. Après avoir expliqué ça, elle resta figée sur place, obligeant Iso à la fixer en ce demandant bien ce qu'elle attendait. Il devait accepter ? Il devait se promener au hasard pour qu'elle dise ensuite où ils étaient ? Il avait jamais fait de visite et ignorait la procédure et à bien y réfléchir, elle semblait tout aussi paumée que lui. Le gamin poussa un long soupire en regrettant de ne pas avoir des mangas pour s'isoler dans sa chambre et lire toute la soirée plutôt que de se promener avec cette... FILLE ! Ouais, hormis sa sœur, il savait jamais comment se comporter avec une personne du sexe opposée. Surtout qu'elle, ce n'était pas une gosse, donc plus compliqué.
    – Et donc ? On fait quoi ? D'ailleurs, tu t'appelle comment ? Et pourquoi tu vois une psy ? T'es ici aussi depuis pas très longtemps donc t'as besoin d'en voir une ? On fait quoi pour cette visite, j'avance et tu me suis en disant où on est ? Pas très organisé tout ça...
Dans l'esprit du gamin, un psy était forcément une femme vu qu'il n'en avait rencontré qu'une seule la sienne et donc il faisait une généralité. Un boulot chelou pour des femmes chelous. Il scruta l'inconnu et songea que si elle était capable d'un peu plus s'imposer, elle était suffisamment étrange aussi pour être psy.