Trente-deux ans, Lloyd n'y croit pas du tout. Aucune chance qu'elle soit plus vieille que lui, elle est trop... pas assez... aucune chance. Il ne lui donne pas plus de vingt-huit printemps, et de toute manière il ne compte pas lui demander sa carte d'identité quand il aura assez retrouvé le moral pour vérifier la qualité de sa dernière épilation du maillot. Si elle décide de lui dire tant mieux, mais il ne perdra pas son temps à essayer de deviner si elle n'est pas prête à lui répondre honnêtement.

Elle poursuit sur quelques compliments que le rouquin prend avec le sourire, il n'espérait certainement pas être une copie parfaite de la Monroe, et note tout de même que la brune passe beaucoup de temps à l'imaginer dans certaines situations. Si elle est d'accord pour le laisser tranquille ce soir, nul doute qu'elle le ramènera quand même dans ses pensées au moment où elle décidera de soulager les tensions de la soirée. Pour l'instant, sa langue se délie à mesure que le temps passe, que ce soit sous l'effet de l'alcool ou des multiples plaisanteries de Lloyd et celui-ci n'est pas mécontent de l'écouter parler, puisqu'elle ne cesse de l'encenser dès que l'occasion se présente. N'a-t-elle pas encore compris que s'il ne se sentait pas au fond du gouffre continuellement, elle serait déjà en train de parfaire ses vocalises ?

"C'est très physique, oui, et je ne pense pas trouver beaucoup d'adeptes ici. Ça n'a rien à voir avec le frisbee "traditionnel", malheureusement. Mais tu m'impressionnes, avec tous ces dons que je ne connaissais pas. Tu as un groupe, tu joues quelque part ? Ou il faudra attendre que ma toison soit entre tes cuisses pour t'entendre chanter. "

Celle là est un peu facile, mais s'il peut continuer à lui mettre des images peu convenables en tête sans trop se mouiller, il ne va pas se gêner. Après tout, ça ne risque pas de lui gâcher la nuit, au contraire...

"Si le concert m'a plu, je peux t'assurer que tu auras Lloyd en soubrette au réveil pour le rappel."

Là, ça devient vraiment limite, il rougirait presque d'être aussi direct mais d'un autre côté, il sait déjà que la réaction de Pandora le fera rire. Heureusement que le troupeau d'étudiants choisit ce moment pour lui offrir une diversion, même s'il dit adieu à son chiffre pour ce soir. Rien d'étonnant un Lundi soir, mais il a étrangement hâte d'être dans le feu de l'action pour voir s'il a encore l'énergie d'assurer après toutes ces années. Une réflexion interrompue par l'approche peu discrète d'une poitrine qu'il a déjà trop regardée dans l'heure passée. Aux grand maux les grands remèdes, il met carrément sa main en paravent pour éviter de pêcher une fois de plus.

"Ecoute, tant que les meilleurs restent... enfin "les", je réserve mon jugement pour le zombie du fond. Le cocktail attendra un peu, je préfère m'assurer qu'il n'est pas tombé dans le coma, on sait jamais."

Lloyd étant tout de même un barman consciencieux, il prend le temps de préparer un shooter kahlua-Bailey pour Pandora avant de l'abandonner quelques instants. Arrivé au milieu de la pièce et sans même avoir tourné la tête pour s'offrir le plaisir d'une paire de jambes à tomber, il hèle l'inconnu qui semble assoupi. Aucune réaction, l'énergumène garde le menton posé sur le torse. Lloyd s'approche lentement comme s'il avait à faire à une quelconque bête, puis place sa main devant la bouche du dormeur.

"Ah, il respire... tout va bien."

Que monsieur cuve sa bière tranquillement, il sera toujours temps de sortir les trompettes plus tard pour lui faire quitter les lieux. Avec un peu de chance, Pandora ne verra pas ça comme une occasion de sortir le grand jeu. Est-ce que c'est l'appréhension qui lui donne un coup de chaud ? Et dire qu'il va falloir faire le trajet dans l'autre sens... peut-être que s'il se cale à côté de l'autre et qu'il fait semblant de dormir, elle ne remarquera rien.

Lloyd n'ajoute rien, mais je le vois me scruter avec un air dubitatif ; j'espère bien qu'il n'a pas cru que j'ai vraiment 32 ans, sinon je vais finir par me vexer ! L'abus de drogues et d'alcool cumulé au manque de sommeil joue sans aucun doute en défaveur de mon teint et de mes cernes... Mais quand même, pas à ce point là ! Un sourire en coin retrouve sa place sur mes lèvres quand il me parle plus en détails de la pratique de son sport.

"J'aime bien les activités très physiques moi, je jouerai avec toi si tu veux... T'auras qu'à m'apprendre, je suis sûre que j'peux te battre à plate couture !"

Un clin d'oeil s'ajoute à mon sourire amusé. Excès de confiance en moi ? Non, juste Etoile Air, un frisbee j'pense pouvoir maîtriser quand même ! Eh, j'ai dit que je jouerais avec lui, mais j'ai jamais dit que je jouerais à la loyale... La réflexion du rouquin me tire un nouvel éclat de rire, avant que je ne lui lance un regard de braise. Il faut qu'il arrête avec ses sous-entendus salaces là, il me donne bien trop d'idées...

"C'est pas vraiment le même genre de chanson, ça... Mais si tu demandes gentiment, j'pourrais peut-être te faire un petit showcase privé, que t'aies l'occasion de comparer les deux..."

Je ne le lâche pas des yeux, me mordillant légèrement la lèvre d'anticipation. Et le voilà qui en rajoute une couche en plus ! Je ne sais pas ce qui me retient de grimper sur le bar pour lui sauter dessus. Ses paroles un peu plus tôt dans la soirée peut-être, qui résonnent encore à mes oreilles ? Il est quand même bien branché sous-entendus tendancieux pour quelqu'un qui n'a aucune intention d'aller plus loin ! Je finis par croiser mes bras sur ma poitrine et tourner la tête avec le nez en l'air, d'un air faussement vexé.

"C'est déloyal, ce que tu fais ! D'un côté tu joues les pauvres créatures fragiles, et de l'autre tu me chauffes comme c'est pas permis ! Tu surestimes mon self-control là..."

Une nouvelle image s'impose à moi ; Lloyd menotté au bar, totalement à ma merci... Mais heureusement, le départ des groupes étudiants apporte une distraction suffisante pour faire redescendre légèrement la tension. Une fois seuls - ou presque - le barman tente un mouvement d'éloignement, utilisant le pauvre ivrogne endormi comme prétexte. Mouuuaaais avoue que tu as peur de te brûler les ailes à ton propre jeu dangereux plutôt ! J'émets un léger ricanement, avalant mon shooter cul-sec avant de me lever de ma chaise. Oulah, ça tourne ! Je ne m'en étais pas rendu compte, étant assise jusqu'à maintenant, mais j'ai peut-être un peu forcé sur les mélanges. Enfin, pas assez pour être complètement ivre, mais je ne suis clairement plus sobre non plus...

D'un pas léger, alors que le rouquin est occupé à vérifier la respiration du dormeur, je m'approche de lui et me plante juste derrière son dos ; assez près pour qu'il sente la chaleur de mon corps derrière le sien, mais assez loin pour que l'on se frôle à peine. Moi aussi, je peux jouer à ce petit jeu de repousser les limites de la tentation ! S'il veut jouer au chat et à la souris, je ne compte pas le laisser mener la danse sans rien faire. Et si je dois finir frustrée ce soir, alors lui aussi ! Il est un peu plus grand que moi, mais pas trop non plus, aussi je n'ai qu'à me mettre légèrement sur la pointe des pieds pour atteindre la bonne hauteur. Posant mes doigts délicatement dans sa nuque, à la base des cheveux, je les laisse glisser lentement dans son cou tout en chuchotant au creux de son oreille.

"La patience est une vertu que je ne possède pas, tu sais... J'attends toujours mon cocktail..."

J'espère avoir visé juste, mais je sais à quel point la nuque et le cou sont une zone sensible généralement. En tout cas, c'est le cas pour moi. Je ne résiste pas à l'envie de poser mes lèvres dans son cou dans un baiser très léger, avant de m'éloigner de lui pour me diriger vers la porte. J'crois que j'ai besoin d'un peu d'air, là ! Je m'exclame quand même avant de sortir, histoire qu'il ne pense pas que je l'abandonne comme une lâche ;

"Pause clopes, j'reviens !"

Et je pousse la porte, accueillie par une brise glacée à l'extérieur. Ah ben oui là, je suis bien refroidie pour le coup !

Si Lloyd l'avait sentie arriver un peu plus tôt, il se serait sûrement redressé tel un suricate à l'affût du moindre bruit suspect. Seulement Pandora est discrète, un vrai félin s'approchant de sa proie, et le malheureux trop concentré sur le pochtron comateux ne voit rien venir de l'attaque sournoise. Il se fait avoir comme un bleu en plusieurs temps, d'abord par les doigts qui viennent lui caresser la nuque, puis par les mots susurrés à son oreille et le baiser qui s'ensuit, mais c'est bien lorsqu'il a la faiblesse de reculer de quelques millimètres que sonne l'hallali. Il sent alors quelque chose de ferme se presser légèrement contre son dos, et il n'a pas besoin de plus pour savoir de quoi il s'agit. S'il se retourne et qu'il croise le regard enflammé de la brune, c'en sera fini de sa volonté.

Par chance, elle décide de ne pas prolonger sa tentative plus longtemps et préfère mettre de la distance entre eux, une initiative bienvenue. Lloyd pourrait tout aussi bien la suivre dehors, il a assez chaud pour deux depuis quelques secondes, mais une pause dans leur petit jeu lui fera le plus grand bien et il a un cocktail à faire. Il ne résiste pas pour autant à regarder Pandora faire sa sortie, retrouvant assez de verve à la vue de ses hanches qui se balancent au rythme de ses pas pour lancer une dernière réplique.

"Bon courage ! J'aurais de quoi te réchauffer à ton retour."

Celle là aussi peut être mal interprétée, mais pour une fois il n'a pas fait exprès. Sans trop se presser, il a encore à l'esprit l'image d'une robe rouge collée derrière lui, il retourne à sa place pour se mettre au travail. Pour commencer, le rouquin sert une grande pinte de blonde triple dont il avale deux grandes lampées, et une troisième pour être sûr. Il n'y a plus personne pour faire de remarque, il a besoin de s'éclaircir les idées... ou de les embrouiller, il ne sait plus très bien.

Elle a eu raison de lui rappeler, placer autant de sous-entendus après lui avoir demandé de se tenir, ce n'était pas très classe. Bien que ça n'ait pas eu l'air de trop la déranger, il faudra faire un effort, au moins le temps d'être en mesure d'accepter le concert privé. Par contre niveau boisson, Lloyd est à cours d'idée sur les célébrités, les quelques concepts auxquels il avait réfléchi n'étant pas à la hauteur. Pour cette fois, Pandora devra se contenter de quelque chose de plus traditionnel, un rhum arrangé aux fruits exotiques qu'il laisse devant la place qu'elle occupait avant de sortir. Et là voilà justement qui fait son grand retour sous le regard à peine voilé du barman.

"Ta boisson t'attend, ne la laisse pas toute seule. Et comme je ne voudrais pas que tu chopes un rhume à force de devoir calmer tes coups de chaud, promis, je vais freiner sur les allusions. C'est temporaire, bien sûr."

Il lui adresse un petit clin d'oeil qui en dit long sur ce qu'il prévoit pour eux quand il se sentira plus en jambes, et reprend une gorgée de bière. Ce poison-là fait un bien fou, il est déjà content d'avoir évité celui de la cigarette qui oblige à aller se geler les meules par des températures négatives. Ce qui le ramène au frisbee, il avait presque oublié la proposition de Pandora à ce sujet.

"Je t'apprendrais le sport national australien avec plaisir ! Il y a besoin de pas mal d'espace normalement, mais vu la météo je pense qu'on se contentera d'un gymnase si tu n'y vois pas d'inconvénient. J'espère que tu aimes courir, je n'aurais aucun pitié !"

Son sourire s'accentue, autant pour la pique que par fierté. Il est assez content d'avoir résisté à l'envie d'ajouter qu'il préfère de loin la voir en haut moulant et petit short qu'en doudoune au milieu d'un parc enneigé. Si il peut joindre l'utile à l'agréable, il ne va pas se priver.

Une fois dehors, je profite quelques instants de l'air glacial, qui a le don de me remettre les idées en place. Je respire un grand coup, avant de m'allumer une cigarette. Je sais que la nicotine ne fera qu'empirer l'emprise de l'alcool sur mon organisme, mais franchement, je crois que ça vaut mieux. J'ai atteint ma limite là, et si je veux être capable de résister à l'envie de chevaucher Lloyd dans la réserve, il va falloir que je m'anesthésie rapidement et que je focalise sur autre chose que le sexe !

Je ne finis ma cigarette qu'au trois-quart, il fait bien trop froid ce soir, et bien sûr j'ai laissé ma veste sur le dossier de la chaise ! J'écrase le mégot dans le cendrier près de l'entrée, avant de m'engouffrer à l'intérieur pour la seconde fois de la soirée. La vague de chaleur qui m'enveloppe est plus que bienvenue, et je retourne au bar en me frottant les mains l'une contre l'autre. Un large sourire étire mes lèvres lorsque je découvre qu'un verre de cocktail m'attend déjà à ma place - et que Lloyd s'est servi un verre également, bien.

"Aah merci bien ! Pas de petit nom pour celui-là ? T'aurais quand même pu te servir un truc un peu plus classe qu'une bière..."

Ma voix tremble un peu sous l'effet du froid que je viens de quitter, et je laisse échapper un rire chevrottant tout aussi ridicule. Je me rassieds sur la chaise haute, et m'enveloppe de ma veste pour essayer de me réchauffer plus vite. Je le dis à chaque fois, mais putain c'est la DERNIERE fois que je sors en robe sans mettre une paire de collants, je ne sens même plus mes jambes là ! Je me penche légèrement jusqu'à avoir le nez au-dessus du verre et hume le parfum de rhum fruité. Parfait. J'attrape la paille sans attendre et aspire de grandes goulées du cocktail. Ah, ça fait du bien par où ça passe...

"Alors franchement, là tout de suite j'me suis auto-refroidie pour la soirée je crois ! Même tes allusions ne peuvent plus rien pour moi... Serais-tu assez bon pour me faire un autre autre rhum-double ? J'ai besoin d'un cul-sec pour raviver la flamme mais je m'en voudrais de gaspiller le cocktail !"

D'une pierre deux coups, je me réchauffe ET je m'anesthésie suffisamment pour dissiper les images salaces qui me viennent en tête à chaque fois que je pose les yeux sur sa jolie toison de feu. Et pour oublier les allusions aussi, parce que c'est totalement faux qu'elles ne me font plus d'effet - j'imagine même pas s'il me touchait là, je crois que je me liquéfie... Lloyd amorce un changement de sujet bienvenu, et je souris en hochant la tête lorsqu'il me propose de m'apprendre à jouer au frisbee. J'suis prête à faire n'importe quoi avec lui, et encore plus si ça inclut de le voir courir dans un short de sport...

"Je te prends au mot, je ne te laisserai pas te dégonfler ! Et j'ai bien remarqué que t'aimais me voir courir... Fais gaffe à toi quand je t'aurai attrapé !"

Je plisse les yeux en me passant la langue sur les lèvres. Damn, voilà que je suis déjà repartie, ça n'aura pas duré longtemps ce coup de froid ! Il faut que je trouve autre chose pour m'occuper l'esprit en attendant que l'alcool fasse son oeuvre, et me relève soudainement de ma chaise.

"Eh, tu crois que dormeur va nous en vouloir si on monte un peu la musique ? J'ai envie de danser, ça va me réchauffer, et puis c'est normalement l'heure où je vais en boîte là !"

Je me frotte les jambes tout en parlant, restant suffisamment près du bar pour pouvoir attraper mon verre que je termine rapidement.

Cette petite pause dans l'air glacial de Février semble avoir fait du bien à la brune. En tout cas, elle repart sur des bases un peu plus sages que lors de se première arrivée, ce que Lloyd accueille avec un immense soulagement. Il ne sait pas combien de temps il aurait tenu sous les provocations incessantes, même si avec toutes les images qu'il a encore en tête la simple présence de Pandora constitue une menace bien réelle pour l'innocence du rouquin. Par contre, insinuer qu'un petit sous-entendu la laisserait de marbre, c'est pousser le bouchon un peu loin, ce serait plus crédible si les yeux bleus ne s'attardaient pas un peu trop souvent sur lui. S'il pouvait arrêter lui-même de voir des double sens partout, ce serait plus simple.

"Cette bière va me tenir jusqu'à la fermeture, c'est son gros avantage. Ce qui n'exclut pas quelques à-côté si l'ambiance s'y prête. Et désolé pour ton cocktail, mais je ne pensais pas avoir à faire aussi varié dès le premier soir, je dois encore étoffer ma carte."

Bien, une discussion normale c'est ce qu'il faut, et sur un sujet qui les intéresse tous les deux en plus. Pour être sûr de ne pas se relancer à nourrir l'imagination de sa cliente avec des propos tendancieux, et les idées ne manquent pas quand il voit son corps moulé dans la robe rouge, Lloyd se tourne et prend tout son temps pour préparer le rhum double qu'elle lui a demandé. Comme ça si elle veut s'en mettre plein les yeux en toute innocence, libre à elle de profiter de l'occasion pour prendre sa dose de fessier coincé dans un 501.

Pas une si bonne idée, parce qu'il n'a même pas le temps de finir ce qu'il faisait qu'elle remet le couvert, et la bête qui s'était assoupie dans le ventre de Lloyd se remet à gronder de plus belle. Là franchement, elle tend le bâton pour se faire battre, et pas n'importe lequel. Il arrive au moins à conserver son sérieux comme il le faisait en début de soirée quand il lui refait face et lui donne son breuvage, de plus en plus impressionné par la quantité d'alcools différents qu'elle arrive à avaler sans que les effets ne soient trop visibles.

"Sacrée descente, j'aimerais pas la remonter à vélo."

Le côté pince sans rire ne va pas durer, surtout avec la dernière demande de la jeune femme. Ce plan musique forte et danse, Lloyd ne le sent pas du tout, c'est très dangereux. Il la voit déjà en plein milieu de la pièce en train de se déhancher et la bête gronde plus fort encore. Mais elle est maline, glisser l'air de rien qu'elle pourrait aller en boite et le laisser seul jusqu'à l'heure de fermeture s'il ne coopère pas, c'est un sacré coup bas, il n'a plus vraiment le choix. Puis merde, si elle tient tant que ça à ce que la tension monte, elle ne pourra s'en prendre qu'à elle-même quand elle se sera emmerdée au pieu au lieu d'attendre son heure.

"Ma maison, mes règles. Si monsieur n'est pas content du volume, il peut toujours rentrer chez lui, c'est pas avec ce qu'il me rapporte ce soir que je vais lui dérouler le tapis rouge. Mais tu me fais trop d'honneur à me tenir compagnie, je veux pas t'empêcher de trouver ton bonheur ! Même si j'apprécie... "

Il ne sait pas quoi mettre après. L'attention ? La vue ? Ou bien simplement le fait de se sentir désiré comme jamais. Parce que si elle est encore tremblotante de froid, ses yeux à l'inverse crient braguette et c'est clairement celle du rouquin qui est visée. Enfin soit, elle veut de la musique, elle en aura. Lloyd va jusqu'à l'ordinateur à l'autre bout du plan de travail, et après avoir sélectionné une musique qu'il estime être du goût de sa commanditaire, monte le son suffisamment pour qu'il emplisse toute la salle. Maintenant quoi, il va devoir la regarder bouger sans rien faire ?

Les tables, il a des tables à nettoyer. Le retour du plateau avec chiffon ne se fait pas attendre, et il quitte la sécurité de son comptoir pour s'aventurer vers le fond de la salle. Mais en passant devant la brune, une idée lui vient pour pimenter un peu le moment, quitte à regretter plus tard. Il s'approche donc d'elle et lui lâche le plus sérieusement possible :

"Ca te convient comme ça ? Et au fait... Courir, marcher, danser, c'est toujours agréable de te voir de dos, peu de chances que je me "dégonfle". Je m'en souviendrais quand... tu sais."

Et sur ces bonnes paroles, il file faire sont travail le plus calmement du monde. Au moins en apparence.

Je jette un coup d'oeil dubitatif à la bière de Lloyd, puis à l'horloge, et enfin à l'homme lui-même. C'est une bonne pinte, certes, mais il est à peine 22h30 ! Moi qui pensais qu'il allait me suivre sur le route du vice, je suis déçue...

"Jusqu'à la fermeture ? Eh ben dis-donc, elle va être plate et chaude d'ici-là ta bière... Non, si tu veux mon avis, tu ferais bien mieux de descendre des shots avec moi !"

Je lui lance un regard de défi, avant de gentiment me rincer l'oeil sur son postérieur quand il me sert mon rhum. Des jolies fesses rebondies qui donnent très envie de toucher je dois dire... Une fois le verre entre les mains, j'en bois une bonne moitié pour dissiper les images qui me viennent en tête une nouvelle fois, mais c'est déjà trop tard, et je ne peux empêcher une remarque tendancieuse de se glisser dans la conversation. Le rouquin me complimente sur ma descente, et je lâche un rire amusé.

"L'habitude mon cher ! Mais là, même pour moi, ça va commencer à se corser... Il me faut bien ça pour "rester forte" hein !"

Je mime des guillemets dans l'air en même temps que j'énonce cette phrase, reprenant ses mots utilisés un peu plus tôt dans la soirée. J'vais finir par croire que j'aime me faire du mal, j'aurais clairement pu bouger mes fesses jusqu'en boîte pour trouver une autre distraction facile, au lieu de rester ici à alimenter le feu qui menace clairement de me ravager les entrailles. Mais je crois que ce que j'aime encore plus qu'une nuit de folies, c'est l'amorce, le jeu, se tourner autour et tenter de résister tout en sachant très bien ce qui va arriver, sans savoir pour autant quand ça va arriver... Et il n'y a pas à dire, il est très bon joueur !

"Je ne suis pas assez cruelle pour te laisser en tête-à-tête avec l'autre zombie ! C'est ta première soirée, il faut qu'elle soit mémorable quand même..."

Je lance un clin d'oeil au rouquin, avant de me rincer l'oeil une fois de plus lorsqu'il se dirige vers l'ordinateur pour mettre le son plus fort. Je pousse une petite exclamation enthousiaste en clappant des mains face à son choix de chanson ; un petit Footloose, c'est par-fait pour danser ! Je termine mon verre d'une traite avant de me lever, commençant à me déhancher doucement en rythme avec la musique pour tenter d'atténuer le tournis dû à l'alcool.

Du coin de l'oeil, je vois Lloyd rassembler son plateau et torchon pour nettoyer les tables, alors que je me chauffe toujours en douceur sur la musique. Il me prend par surprise en se plantant devant moi, avec la remarque probablement la plus déplacée et surtout déloyale de la soirée. J'en rougirais presque à la vision qui s'impose à moi, alors que le barman tente de s'éloigner en douce. Oh non mon tout beau, tu ne vas nulle part après un coup aussi bas ! Je le retiens par l'épaule et lui colle une main au panier sans la moindre hésitation. Mmh, intéressant... Je me penche à son oreille pour lui souffler d'une voix mielleuse ;

"J'vérifiais juste que... Tu sais, t'aies ce qu'il faut pour assumer ce genre d'insinuations."

Alors, clairement oui, mais je ne lui ferai pas le plaisir de le souligner - du moins pas pour le moment, il s'en rendra bien compte tout seul quand j'aurai la bouche pleine... Je lui retire ensuite le plateau des mains pour le poser sur une des tables avoisinantes, et une fois débarrassés de cet élément encombrant, je reviens vers lui pour attraper sa main avec un sourire innocent.

"Allez, fais-moi danser va, le ménage ce sera pour plus tard !"

Restant pour le moment à distance raisonnable du rouquin, je commence à me déhancher de façon plus énergique que tout à l'heure, dans une jolie démonstration de mon jeu de pieds - c'est dans le thème, vu la chanson !

Pour ce qui est de rester forte, un petit rappel de ce que ça signifie ne serait pas de trop. Lloyd a tout juste le temps de faire quelques pas en direction des tables qu'elle le retient, le fait revenir vers elle et ne se gêne même pas pour lui peser le bazar. En voilà des manières, alors qu'ils ne sont même pas tout seuls. Dans ces moment-là, même un endormi ça compte, et Lloyd regrette presque d'avoir sorti le grand jeu avec sa tirade d'avant, il en était si fier dans l'instant, aussi agréable que soit ce contact malvenu. Parce qu'il ne faut pas se voiler la face, il n'est pas non plus insensible à l'attention, pas après cette étrange soirée qui prend des allures de traquenard.

Le pauvre barman n'est pas au bout de ses peines, Pandora a décidé de le faire danser. Il va en plus falloir ajouter le ridicule à la liste des choses qui lui feront vivre un enfer le lendemain, parce que cette discipline n'est clairement pas sa spécialité, loin s'en faut. La brune va déchanter rapidement, et c'est peut-être ça qui le sauvera après tout. Le rouquin se laisse donc faire, privé de son plateau protecteur et livré à la vue d'une robe écarlate ondulant devant lui. Distance de sécurité, heureusement que le rock ne requiert pas de collé-serré qui lui serait fatal, et il commence à balancer les jambes maladroitement.

"Tu vas regretter de m'avoir entraîné là-dedans, je danse comme une savate. Et je suis pas du tout assez bourré pour que ça me vienne naturellement, contrairement à d'autres !"

Comme quoi, il aurait dû s'envoyer une série de shooters au lieu de se faire couler une bière. Tant pis, foutu pour foutu, il y a peut-être moyen de la dégoûter pour de bon. Lloyd affermit sa prise sur la main de sa partenaire et sans trop savoir ce qu'il fait, l'attire vers lui juste le temps de la faire tourner sur elle-même avant de se replacer. Avec un peu de chance il peut lui filer le tournis et s'offrir un répit salvateur. Dieu qu'il doit être ridicule à remuer comme ça... malheureusement, la première parade à l'embarras qui lui vient, c'est de reprendre sur le même thème qu'avant. Il s'approche une nouvelle fois, mais pour placer sa main sur la hanche de Pandora qu'il serre délicatement sous ses doigts avant de lui lâcher dans un sourire.

"Si tu voulais vraiment vérifier, tu avais juste à te pencher un peu, j'aurais fait le reste."

Et la Belle au bois dormant avachie sur sa banquette, elle aurait pas pu se réveiller au milieu de la phrase pour l'empêcher de dire des conneries ? Parce que Lloyd ne sait décidément pas se tenir, et à force de remettre de l'huile sur le feu que la brune a au cul il va finir dedans. Il essaie malgré tout de garder la tête froide, cherchant à toute vitesse une excuse possible pour se tirer de là. Le mieux, ce serait encore de lui marcher sur le pied un bon coup, même si ça manque de classe. Pour l'instant, il n'ose même pas la regarder, ni dans les yeux ni ailleurs.

Lloyd ne semble pas rassuré quand j'attrape sa main pour l'inciter à danser avec moi, mais malgré tout, il commence à bouger le bas de son corps plus ou moins en rythme sur la musique. Il se sent obligé de souligner qu'il est piètre danseur, avant d'ajouter une petite pique de circonstance. Je hausse les épaules en regardant autour de moi d'un air interrogateur.

"Mmh ? J'vois pas de qui tu parles !"

Moi, bourrée ? Noooon... Heureusement, avec la danse je peux prétendre que mon tournis est dû à mes mouvements enflammés ! Le rouquin me rapproche soudain de lui pour me faire tourner sur moi-même, et je m'exécute avec grand plaisir en accompagnant mes mouvements d'éclats de rire. Bon clairement, il ne rivalise pas avec Patrick Swayze, mais je m'en fous complètement, parce que je m'éclate comme ça n'était pas arrivé depuis longtemps... Et il a beau bougonner, je vois bien qu'il s'amuse bien aussi, hein !

"J'tiens à dire que j'ai eu de pires partenaires de danse quand même ! Et arrête de faire genre que ça t'ennuie, j'vois bien que tu kiffes !"

Je ris à nouveau, avant d'échanger les rôles et de le faire tourner lui. Une fois à nouveau face à face, je reprends sa main dans la mienne et m'éloigne à distance de sécurité ; le rock a cet avantage de ne pas se danser trop collés-serrés... Je continue à me déhancher un moment sur la musique, oubliant presque le corps désirable qui bouge à cinquante centimètres du mien... Jusqu'à ce qu'il décide de se rappeler à moi de la plus délicieuse des manières. M'attirant à lui, Lloyd pose sa main délicatement sur ma hanche, et ce seul contact parvient déjà à m'électriser. Un sourire en coin étire mes lèvres à ses mots, et j'ai soudain une furieuse envie qu'il m'emmène dans la réserve. Enfin, c'était déjà le cas avant, mais l'envie se fait de plus en plus pressante...

"Tu joues avec le feu là, tu le sais ça ? Je risquerais de te prendre au mot..."

Mais les yeux du rouquin se baissent bien vite sur ses chaussures, et même dans mon état alcoolisé actuel, je peux voir qu'il n'y aura rien derrière sa grande gueule pour assurer une fois le moment venu... Aussi, je me contente de le repousser et tourne sur moi-même avant de reprendre mon déhanché là où je l'avais arrêté. Le moment serait-il venu de danser sur les tables ? Oui, je crois bien que oui, y'a plus de retenue à avoir ! J'entame un moonwalk approximatif jusqu'à la table la plus proche, et grimpe sur une chaise avant de monter sur ladite table, pointant mon doigt en direction du barman.

"Plus qu'une heure avant la fermeture, c'est le moment de tout donner, allez ramène ton joli petit cul ici !"

Je fais signe de l'index à Lloyd de me rejoindre sur mon piédestal, et recommence à me déhancher en riant... Et là, c'est le drame. Je ne sais pas trop si la table est bancale ou si je tangue un peu trop, mais toujours est-il que je glisse et me ramasse la gueule par terre, tordant salement ma cheville au passage, qui a encaissé le plus gros du choc. Je prends appui sur mon bras pour me remettre assise au sol, avant de tâter ma cheville douloureuse.

"Aaah putain j'ai mal... C'était vraiment une idée de merde !"

Je relève les yeux vers le rouquin avec une moue. Bon et maintenant, quoi ?

Lloyd n'assume tellement pas l'énormité qu'il vient de sortir, même si ce n'est pas l'envie qui manque, que Pandora a dû remarquer tout de suite le changement de posture. Sinon elle aurait renchérit plus audacieusement que ça, ça ne fait aucun doute. Le rouquin ne se sent pas coupable pour un sou de l'allumer le plus possible, elle savait dans quoi elle s'engageait et a choisi de rester malgré tout, mais il sait qu'il n'en faudra pas beaucoup plus pour qu'elle abandonne ses bonnes intentions et se jette sur lui comme une forcenée.

Pour le moment en tout cas, elle a compris ce qu'il en est et se contente de poursuivre sa danse endiablée, ce qui pousse irrésistiblement Lloyd a relever les yeux et suivre les courbures gracieuses de la robe à mesure qu'il remonte le long des jambes, du bassin... Si seulement il se sentait capable de faire plus que causer, ce n'est pas des pirouettes qu'elle irait faire sur la table mais une bonne session de galipettes, histoire d'évacuer les images imprimées dans son cerveau malade. Il la suit encore du regard quand elle monte sur son podium improvisé, la vue n'est pas mal d'en bas non plus, et éclate de rire à sa remarque.

"Si tu me prends par les sentiments, j'ai pas le choix !"

A l'instant où le barman s'apprête à poser la main sur la table pour rejoindre la danseuse, catastrophe. Sans voir ce qui se passe exactement, un éclair rouge passe dans son champ de vision et des bruits qui n'étaient pas prévus au programme perturbent l'ambiance musicale. C'est ce moment que le poivrot endormi choisit pour ouvrir un œil et grogner quelques chose d'incompréhensible.

Encore dans le pâté, le malheureux doit se demander pourquoi un Babybel à taille humaine fait la conversation avec Percy Weasley au milieu de sa chambre, mais il mérite tout ce qui lui arrive après être resté inerte aussi longtemps. Peu importe, Lloyd n'a d'yeux que pour la brune, comme toute la soirée finalement, et s'empresse de rejoindre la zone du crash pour lui porter une main secourable

"Oh merde, ça va ? Comment tu te sens ?"

Question conne, mais réflexe. Avec toute la douceur dont il est capable, Lloyd l'aide à se relever et à voir la grimace qu'elle fait quand elle s'appuie sur sa cheville, pas besoin de lui demander si elle peut marcher toute seule. La fête est finie, il va falloir l'emmener se faire soigner, ça pourrait être grave. Le rouquin attire une chaise du pied pour que Pandora puisse s'asseoir et se gratte le front quelques secondes, réfléchissant à ce qu'il doit faire.

"Bon... il y a bien un hôpital ou une infirmerie dans le coin ? Je vais t'aider à y aller, mais je dois fermer le bar d'abord, bouge pas. Je me dépêche."

Il lui offre le sourire le plus amical de la soirée, d'une innocence à toute épreuve. Déjà, il doit chasser les indésirables et plante ses yeux dans le regard vide du solitaire qui n'a toujours pas bougé.

"Hey, il faut partir, je ferme la boutique... MAINTENANT !"

L'autre n'avait pas réagi, alors Lloyd a un peu haussé le ton, et le sac à bière daigne enfin se lever pour aller décuver ailleurs. Une première victoire, mais le rouquin est déjà repassé derrière le bar pour éteindre la musique et les pressions, mettre la caisse à vaisselle dans la machine pour plus tard, passer un coup de chiffon sommaire sur le plan de travail et récupérer les clés de l'entrée. L'essentiel est fait, le reste pourra attendre, il est plus que temps de s'occuper de la demoiselle en détresse. En repassant devant le comptoir il attrape sa veste en cuir, ce serait le pompon qu'elle chope un rhume, et vient lui poser sur les épaules.

"Eh ben... de tous les scénarios que j'avais imaginé, c'était toujours à cause de moi que tu boitais. Ça vaut quelques points pour l'originalité... T'es prête ?"

C'est vraiment pour détendre l'atmosphère, en espérant qu'elle ne le prenne pas mal. Et sans se faire prier, Lloyd soulève doucement la jeune femme en mettant un bras autour de sa taille pour la soutenir. En route vers de nouvelles aventures, il s'excusera plus tard de l'avoir poussée à boire jusqu'au drame avec ses sous-entendus.

C'est au moment où Lloyd s'apprête à me rejoindre pour se trémousser sur la table en ma compagnie que le destin décide de frapper de la pire des manières. Je me retrouve au sol en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et outre ma cheville douloureuse, c'est principalement ma dignité qui en prend un coup. Mais le rouquin a l'air plus inquiet que moqueur lorsqu'il se précipite vers moi pour m'aider à me relever.

"Mmh, moi ça va, par contre ma cheville..."

Pas trop du tout... Heureusement qu'il m'aide à me relever d'ailleurs sinon je crois que je serais restée vautrée sur le carrelage collant. Il a même la bonté de me préparer une chaise et m'aide à m'asseoir dessus, avant de passer à l'action avec une efficacité surprenante ! Quel homme, le voir s'affairer de la sorte juste par inquiétude pour ma petite personne m'émoustillerait presque autant que quand il ondulait du postérieur...

"L'hôpital est seulement à une rue d'ici... Sinon y'a l'infirmerie de l'institut mais ça fait un peu loin pour une estropiée !"

Enfin, ça fait loin surtout pour lui qui va devoir supporter mon poids sur tout le trajet ! Pas qu'il ait l'air un d'un faiblard, mais bon tout de même... Lloyd fait dégager le seul client qui restait encore au bar bien rapidement, et revient vers moi après avoir sommairement décrassé l'endroit. Sa remarque me fait ricaner alors qu'il pose ma veste sur mes épaules, et je hoche la tête lorsqu'il me demande si je suis prête - à me lever, je suppose, ou c'est encore un sous-entendu crasse ?

"Ah oui, et quel genre de scénarios tu as en tête ? Tu m'intéresses là..."

Je lui envoie un sourire en coin amusé, avant de m'appuyer contre lui pour me redresser. J'esquisse une grimace en essayant de marcher et pousse un soupir.

"Me péter la cheville pour impressionner un mec... J'suis trop vieille pour ces conneries !"

Le rouquin passe une main autour de ma taille et je me colle un peu plus à lui, profitant clairement de la situation. Quoi, il faut bien qu'un peu de positif ressorte de cet incident quand même ! Une fois dehors, je le laisse fermer le bar, avant de nous diriger vers l'hôpital. J'aimerais dire qu'on s'est hâté pour arriver là-bas, vu le froid de canard, mais vu ma démarche de canard boiteux, on est resté dehors suffisamment longtemps pour que les bijoux de famille du barman lui soient remontés jusqu'au menton. Une fois sur place, nous nous dirigeons vers le comptoir d'accueil des urgences, où une infirmière s'occupe de remplir les formulaires d'admission.

"Nom, prénom, date de naissance ?"
"Lee, Pandora. 2 février 1995."
"Antécédents et raison de la visite ?"
"Aucun. Et hum... J'me suis tordu la cheville en tombant d'une tab- juste en tombant."

L'infirmière hausse un sourcil et je lui adresse un sourire, encore un peu trop alcoolisé pour être honnête. Elle me donne une béquille et m'invite ensuite à passer dans une des salles d'auscultation, et j'adresse un petit signe de la main à Lloyd accompagné d'un sourire.

"Tu m'attends ?"

Non mais après la soirée qu'on vient de passer, on ne peut quand même pas se dire au-revoir comme ça ! Je claudique jusqu'à la salle indiquée, où je suis reçue par une jeune soigneuse. Plus de peur que de mal, ce n'est qu'une simple foulure, et la jeune femme me remet sur pieds en un rien de temps. Enfin, sur pieds, presque quoi ; je dois quand même garder la béquille pour ne pas appliquer de pression sur ma cheville, et prendre une journée de repos complet avant que tout rentre dans l'ordre. Mais je ne vais pas me plaindre, c'est quand même une récupération express pour une entorse ! Je remercie la soigneuse et quitte son cabinet avec un sourire, retournant en claudiquant vers la salle d'attente... Que je trouve totalement vide.

"Oh l'enfoiré !"

Je me plaque la main sur la bouche directement après lâché ma grossièreté. Oups, on est dans un hôpital quand même !

C'est drôle comme le fait d'être aussi proche de Pandora maintenant qu'elle a une cheville foulée porte moins à confusion qu'il y a quelques minutes. Certes elle n'a pas besoin de se coller autant à lui, mais il n'a pas non plus à la tenir aussi fermement contre son flanc, et pourtant. Il ne regrette rien de ces contacts rapprochés quand ils passent la porte du bar et se retrouvent dans les courants d'air glacés, et il les regrette à coup sûr lorsqu'il doit lâcher la blessée le temps d'éteindre les lumières et fermer derrière lui. Peut-être qu'en s'éloignant du lieu de la tentation, ils se comporteront un peu plus comme des adultes, même si le barman est loin d'oublier qu'elle a demandé des précisions quant aux petites histoires qu'il s'est imaginé.

"Je me ferais une joie de te raconter tout ça en détail, mais j'ai peur qu'on n'atteigne jamais l'hôpital si je commence, il faudra qu'on s'arrête quelque part pour mettre en pratique. Ton courage sera récompensé comme il se doit quand tu seras remise, si ça peut t'aider à tenir jusque là !"

Il lui adresse un sourire en coin, avant de se reconcentrer sur la marche. Non pas que la tâche soit physiquement difficile, mais Pandora a légèrement abusé de la boisson et le plus court chemin entre deux points reste la ligne droite, le rouquin doit donc s'efforcer de leur faire garder le cap tout en prenant soin de ne pas la brusquer. Il n'est pas doué pour la danse, mais pour ce qui est de guider sa compagne du soir par la taille il ne se débrouille pas trop mal, les lumières blafardes de l'hôpital apparaissent déjà au coin de la rue.

Une fois à l'intérieur et tremblant de froid, ce serait sans doute différent s'il était collé à la brune sous un autre angle, il l'amène jusqu'à l'accueil avant de se reculer une fois qu'elle peut prendre appui sur le comptoir. Le petit échange qui s'ensuit avec l'infirmière arrache un grand sourire à Lloyd, autant pour les informations qu'il en tire que pour l'explication très résumée de l'incident. Ils n'ont pas besoin de savoir qu'elle faisait tout son possible pour le rendre dur comme un plâtre, et encore moins qu'elle n'était pas loin de réussir.

"Je ne bouge pas d'ici !"

La prise en charge la plus rapide de l'histoire du monde hospitalier vient d'avoir lieu sous ses yeux, ce qui n'est pas si surprenant dans cet institut de fous, et ça lui évitera d'attendre des plombes avec la seule envie de dévorer des yeux celle qu'il regarde partir dans une petite salle. Il a tout juste le temps de lever le pouce dans sa direction pour lui signifier que tout ira bien avant que la porte ne se referme et le laisse tout seul dans une salle d'attente sans âme. Force est de constater que le froid ne l'a pas calmé, loin de là, et qu'il a hâte qu'elle ressorte pour remettre son bras où il était, même sans raison. Il a faim, aussi, il ne s'en rend compte que maintenant.

"Excusez moi... il y a des distributeurs dans le coin ?"

L'infirmière relève la tête vers le rouquin, et pointe un couloir du bout de son stylo mâchouillé. Lloyd la remercie d'un signe de tête et part dans la direction indiquée, avec l'estomac gargouillant et l'esprit perturbé par une lutte intérieure. Cet endroit est un véritable labyrinthe et le barman met un certain temps avant de trouver ce qu'il cherche, mais il n'est pas vraiment pressé. Il y en a pour un moment, s'ils ne décident pas tout simplement de la garder pour la nuit. Les emballages de barres chocolatées dans le distributeur sont tous plus loufoques les uns que les autres, lui rappelant dans quel pays il se trouve, et il en choisit donc deux au hasard avant de rebrousser chemin.

A l'évidence, il a sous-estimé les soigneurs de Terrae, la porte par laquelle Pandora avait disparu s'ouvre alors qu'il est encore dans le couloir et il la voit le devancer dans la salle d'attente. Ca ne manque pas, un juron bien senti se fait entendre et le fait sourire à nouveau. Lloyd la suit le plus discrètement possible et quand il se retrouve derrière elle, il assouvit enfin sa vengeance pour la main au paquet survenue plus tôt.

"Où ça, l'enfoiré ? J'ai vu personne..."

Il profite de ces quelques mots pour se placer à côté de la brune et poser la main dans son dos, avant de descendre les doigts jusqu'à rencontrer la courbure tant désirée par dessus le tissu de la robe. Décidément, un point d'accroche non négligeable pour leurs futures rencontres. De l'autre main, le rouquin lui tend une des sucreries qu'il a récupérées et reprend comme si de rien n'était.

"T'as faim ? Je me suis dit que t'aurais envie de grignoter quelque chose... Et comment va la cheville ?"

Le froid et la douleur ne parviennent même pas à éteindre la flamme que je sens brûler dans mon bas-ventre aux insinuations de Lloyd, non mais ce mec abuse beaucoup trop ! Sérieusement, je pense que je n'ai pas été aussi remontée à bloc depuis longtemps, rien que la pensée de finir dans ses bras est plus excitante que la moitié de mes ébats bien réels avec d'autres...

"J'espère bien être récompensée pour mon courage ET ma patience... Parce que ça devient difficile là, c'est bon que je suis invalide, sinon j'aurais déjà mis en pratique les scénarios que moi j'ai en tête..."

Je suis sûre qu'ils doivent être similaires aux siens... Ou sinon, on pourra partager nos idées pour pimenter un peu ! L'arrivée aux urgences est presque bienvenue pour calmer cette tension qui ne cesse de monter entre nous, et je suis reçue bien vite par l'équipe médicale - en même temps la salle d'attente est totalement vide... Le rouquin promet de m'attendre, mais à mon retour, cette enflure a disparu ! Et juste alors que je pousse un juron, je sens une main baladeuse se poser sur mon derrière. Un sourire en coin se dessine sur mon visage alors que je lui donne un léger coup dans l'épaule.

"J'ai cru que tu m'avais abandonnée ! Comment j'aurais fait moi, pour rentrer jusqu'à l'institut dans mon état ?!"

Avec ma béquille, j'ai envie de dire, c'est d'ailleurs bien pour ça qu'elle est là. Mais sans rire, même si cet incident a fait redescendre mon taux d'alcoolémie, je ne suis toujours pas de première fraîcheur, et je risquerais de glisser sur une plaque de verglas dans le noir ! Ce serait con, quand même ! Du coup, j'ai besoin de lui, et pour une raison totalement valable en plus. Je frissonne en sentant ses doigts glisser le long de mon dos pour s'arrêter juste à la courbure de mes fesses, et me laisse aller contre lui, posant ma tête sur son épaule. Je tends ensuite la main pour attraper la friandise qu'il me tend tout en laissant échapper un léger rire.

"Mais dis-donc, t'aurais presque l'air attentionné comme ça ! La cheville va beaucoup mieux, merci, c'était juste une entorse au final. La médecin m'a dit de ne pas forcer dessus jusque demain soir quand même, donc j'ai bien peur que tu doives encore me soutenir jusqu'à l'institut..."

J'adresse un clin d'oeil amusé au barman, avant de me coller un peu plus à lui, passant une main derrière son dos pour la caler dans la poche arrière de son jeans. Je sais déjà à quoi me raccrocher si je perds l'équilibre... Nous nous mettons ensuite en route pour rentrer vers l'institut, discutant un peu de tout et de rien sur le chemin... Qui est plutôt long quand on avance à la vitesse d'une limace, c'est bien vrai ! Mais sa compagnie ne me dérange pas du tout, que du contraire, et c'est à regret que je me détache de lui lorsqu'on atteint les ascenseurs. Les quartiers des Airs sont au dernier étage, et même si je suis courageuse et que j'emprunte les escaliers en général ce soir on va éviter hein !

Je pose une main sur son torse, me rapprochant suffisamment de lui pour que nos nez se frôlent presque. Je n'aurais qu'à tendre le cou ou me mettre sur la pointe des pieds pour l'embrasser, mais je ne le fais pas. Je me contente de remonter mon regard noir de désir pour le planter dans le sien.

"J'te proposerais bien de monter avec moi prendre un dernier verre... Mais ce ne serait vraiment pas raisonnable..."

Ca a déjà été bien compliqué de se retenir de se sauter dessus sauvagement durant toute la soirée, alors si on retrouve ensemble dans une chambre, c'est terminé. Il ne faudrait pas tenter le diable non plus... Quoi que ?

La tempête est de courte durée, Pandora se calme dès le retour de Lloyd et accepte volontiers ses offrandes, qu'elles soient tactiles ou enrobées de chocolat. Il comptait enlever sa main dès qu'elle aurait compris que c'était lui, mais comme ça n'a pas l'air de la déranger outre mesure il la laisse où elle est et se permet même d'affermir un peu sa prise, juste pour être sûr de na pas la lâcher. La brune ne se gêne pas pour faire de même, ce qui n'est pas pour lui déplaire, et c'est ainsi qu'ils se jettent à nouveau dans le froid extérieur.

Bizarrement, les coups de vent le font moins frissonner qu'à l'aller, sans doute à cause de la chaleur intérieure partant de son bas-ventre et qui ne cesse de gagner en intensité. Il le sait, chaque pas le rapproche d'une décision qu'il doit prendre et qu'il aimerait repousser le plus possible, parce que l'incertitude qui la précède et dans laquelle il a baigné toute la soirée a été des plus agréables. Il vaut mieux se changer les idées, et heureusement Pandora est d'humeur bavarde, peut-être habitée par les même préoccupations.

"Je n'allais quand même pas te laisser rentrer toute seule après tout ce qui s'est passé. Et puis je me sens un peu responsable pour ta cheville, tu n'aurais certainement pas bu autant si je n'avais pas joué les allumeurs à ce point. Donc, je fais pénitence, et j'en profite pour m'excuser."

Il lui sourit dans la nuit, et puis la discussion dérive sur d'autres sujets, la musique, Terrae, sans que l'un ou l'autre ne se sente obligé de rajouter à la tension qui existe déjà. Elle est toujours présente, même si tous deux se sont mis d'accord pour l'ignorer le temps de rejoindre l'institut. Une fois là bas, par contre, la trêve est terminée et c'est sans surprise que Lloyd voit la jeune femme s'approcher de lui pour lancer sa dernière attaque, avec la main invitante et le regard de braise.

"Pas raisonnable du tout, Panpan."

Un petit surnom trouvé au débotté, mais qui ne le sauvera pas. Il faut répondre quelque chose et même si tout son corps lui crie de la suivre, monter dans cet ascenseur et laisser s'exprimer tout ce qu'il a contenu jusqu'à maintenant , son cerveau ne cesse de lui rappeler qu'il va probablement la décevoir, qu'il suffit d'attendre un peu pour que le feu d'artifice soit complet. D'un autre côté, est-ce que l'envie qui le démange n'est pas le signe qu'il va mieux, est-ce qu'il ne suffit pas de décider qu'on va mieux pour en faire une réalité ? Il suffit de la suivre, et il pourra tout assouvir.

"Je tiens à te remercier, je ne m'étais pas senti aussi vivant que pendant cette soirée depuis... je ne me rappelle même plus. Et je crève d'envie de poursuivre ce petit jeu, il y a tant à découvrir..."

Seulement s'il craque maintenant, il ne deviendra qu'un homme de plus qui a cédé à la belle Pandora sans trop de résistance, et elle l'oubliera aussi vite qu'il s'est imposé dans son esprit tout à l'heure. Sans être débordant d'ego actuellement, le rouquin a tout de même envie de laisser une empreinte plus durable que celle d'un coup d'un soir éphémère après une visite à l'hôpital.

"Mais quand je le découvrirais, ce sera dans les bonnes conditions, parce que je veux que tu en redemandes. Que tu penses à moi les nuits suivantes et que tu maudisses de n'avoir que tes mains pour te satisfaire. Pour ça, ça vaut le coup d'attendre..."

Lentement mais sans aucune hésitation, Lloyd se penche un peu et vient déposer un baiser sur la joue de la brune, espérant seulement qu'elle comprenne son choix. Puis avant de changer d'avis, ce qui peut arriver à tout instant, il tourne les talons et repart vers les dortoirs communs.

Lloyd s'excuse de m'avoir poussée à boire, et je réalise alors seulement qu'il se sent coupable de l'incident arrivé un peu plus tôt. Je lui donne un léger coup d'épaule alors que nous marchons, relevant mon regard sur lui avec un sourire.

"T'inquiète pas va ! J'assume la responsabilité de mes conneries... De toute façon, si c'était pas toi, j'aurais trouvé une autre excuse pour me mettre minable hein !"

Je lâche un léger rire qui disparaît bien vite dans le vent glacé. Ce n'est pas drôle, parce que c'est bien trop vrai, mais il vaut mieux en rire qu'en pleurer, non ? Au moins, j'ai conscience d'avoir glissé sur une bien mauvaise pente et que ça ne peut pas durer comme ça éternellement... Mais je n'ai pas encore trouvé le courage d'entamer la remontée, alors je me complais au fond de mon gouffre pour le moment. Mais le temps n'est pas à l'introspection, aussi le rouquin et moi entamons la discussion tout en rentrant à l'institut, collés l'un contre l'autre pour se protéger du froid - et parce qu'on en est arrivé au point où ne pas se toucher relève de l'impossible.

Une fois arrivés à destination, devant cet ascenseur, vient le moment de la décision ; pour Lloyd surtout, la mienne étant déjà prise depuis bien longtemps... Je peux lire le désir et l'hésitation dans son regard, mais c'est finalement sa raison qui l'emporte, et il refuse à regret ma proposition. Un ricanement m'échappe au surnom, on ne me l'avait jamais faite celle-là, mais c'est bien trouvé ! Un soupir m'échappe ensuite, et je laisse glisser ma main de son torse jusqu'à son avant-bras, pour finalement venir caresser ses doigts du bout des miens.

"Merci à toi aussi, il y a longtemps qu'on ne m'avait pas fait rire comme ça... Heureusement que tu restes fort pour nous deux, parce que ma volonté s'est écrasée depuis longtemps !"

Le rouquin se penche ensuite légèrement en avant pour me déposer un baiser sur la joue, susurrant un autre lot de paroles obscènes dans mon oreille. La bête tapie au creux de mon estomac gronde, et je suis obligée de fermer les yeux en inspirant profondément pour la retenir. Mais aussi difficile que ce soit, je dois admettre qu'il a raison ; un peu d'anticipation n'en rendra la libération que meilleure ! Je me recule parce que je ne pourrai pas me retenir une seconde de plus, et appuie sur le bouton d'appel de l'ascenseur. Relevant les yeux sur le barman, je lui lance un clin d'oeil accompagné d'un sourire entendu.

"Tu peux déjà être sûr que c'est à toi que je penserai ce soir..."

Parce qu'il va falloir que je fasse redescendre la tension de cette soirée, et rapidement ! Je regarde Lloyd se retourner et avancer dans le couloir pour retourner aux dortoirs, et une idée me vient soudain. J'attends que les portes de l'ascenseur s'ouvrent, et y cale ma béquille pour être sûr qu'il reste là, le temps que je fasse glisser mon string le long de mes jambes. Du bout du pied, je l'envoie dans la direction du rouquin, accompagnant le mouvement d'une petite brise pour être sûr qu'il arrive dans ses mains.

"Cadeau-souvenir, pour que tu m'oublies pas !"

Et je m'engouffre dans l'ascenseur, pressant le bouton du 4e étage tout en récupérant ma béquille, avant que l'un de nous deux ne craque pour de bon.