De suite après la mission, 19 décembre.
Pour que vous souffriez autant que moi

Elle a fui. Elle a fui la chambre de Lola, elle a fui Aylan, elle a fui ses propres check-up de santé. Elle avait encore plein de sang sur les vêtements, ce sang qu'elle n'avait pas remarqué jusqu'alors et qu'elle avait aussi sur les mains avant qu'elle ne les lave, qu'elle s'était même étalé sur le visage sans le vouloir. C'était le sang de Norah, celui de Nico, celui d'Alice. L'envie de rentrer dans sa chambre pour s'y enfermer à tout jamais l'a longuement traversée, mais finalement elle ne pouvait pas sortir de l'hôpital.

Tout le monde était rentré. Tout le monde, absolument tout le monde était blessé.
Sauf elle.

On lui a donné des anxiolytiques après qu'elle ait pété les plombs dans une des salles d'attente, et on l'a gentiment guidée vers une des salles d'eau pour enlever son gilet pare-balles, les sacs remplis d'aiguilles, son flingue.

On lui a donné ces brosses pour nettoyer sous les ongles, et elle a frotté à s'en irriter la peau, tremblante, encore terrifiée. Elle ne pouvait voir personne, mais elle n'était pas non plus la priorité. Ce n'était même pas un soignant, juste un quidam qui était venu aider après qu'une infirmière lui ait refilé les médocs. Puis on lui a montré les douches de l'hosto, et elle en a pris une très longue. Quand elle est sortie, on lui avait ramené des vêtements au pif, un peu trop longs mais suffisamment larges ; il lui suffit alors d'en retourner les manches...

Aria aurait pu demander à Afya ou Tina de venir, mais elle n'avait pas envie qu'elles la trouvent comme ça, et c'est sûr qu'elles comprendraient. La perspective de retourner à l'institut lui donne envie de gerber. Le regard des gens. Le bruit. Le silence. Ses amis tous à l'hôpital. C'est là qu'elle doit être, et pas ailleurs, nulle part ailleurs. C'est un moment qui lui appartient, celui où elle pète complètement les plombs dans des coins de couloirs, en tournant en rond dans l'attente, à refuser qu'on l'approche, à refuser qu'on lui dise d'aller se reposer.

On l'a prévenue de l'état de tout le monde, malgré l'agitation ; les plus blessés étaient encore au bloc, et elle aurait pu pleurer, pleurer, pleurer toutes les larmes que son affinité pouvait produire ; elle aurait pu engloutir Terrae toute entière. Les autres, eux, étaient dans leur chambre en attendant d'être examinés ou après leurs premiers soins, avec leur amoureux ou amoureuse, avec leur famille, avec leurs proches.

Quand les anxiolytiques font effet (plus rapidement que ce post ne laisse entendre), elle va se réfugier dans la chambre d'un de ses amis, se transforme en petit chat roux, et va se glisser sous la couverture pour se coller contre son flanc. Au moins, on ne la trouvera pas là. Elle est en sécurité, on va lui foutre la paix. Et elle entend Erik respirer, alors ça, au moins, ça la rassurera un peu.

Quand j'émerge, c'est soudain. Comme si on me jetais des souvenirs à la gueule, d'un coup. Je me crispe. Je revis les dernières minutes. Les dernières heures. Les dernières secondes avant de m'être effondré. C'était quand. C'était quand, et surtout, comment va Aoi. Comment va Jérémy. Elwynn. Nikkou, je m'en fais moins pour lui, il avait l'air presque en forme. Comment je vais ? Ptdr j'sais pas. J'sens rien du tout. Puis tout s'enflamme. J'émerge complètement. Aussi complètement que le permettent les cachets et autres anti-douleurs. C'était pas juste nous cinq. Pourtant, j'ai assez matière à m'inquiéter avec juste mon équipe. Mais. Comment ça s'est terminé, pour le reste ? Pour les autres missions. Les autres équipes. Bordel. Je sens la douleur. C'est bizarre, parce qu'elle fait pas mal. Mais je sens sa présence, dans mon crâne. Dans ma tête et dans mon bras. Puis je tousse. Horrible. Tousser allongé, qu'elle connerie. Alors je me redresse. Ouvrant péniblement mes yeux bouffis par le gaz. Et je remarque la bosse au niveau de mon abdomen. Ptdr j'ai pris une balle et depuis le début j'le sais même pas ?? J'glisse mes doigts sous les draps, terrifié d'y trouver une blessure, une perfusion où je n'sais quoi de médical. J'pensais m'en être bien sorti sans les bourdonnements étouffés dans mon crâne. Oh. C'est doux. J'me suis à moitié transformé en iench? Ils m'ont greffé de la peau de iench ? Tifa ? Nan elle est plus grande que ça m'a Tifa. Puis elle est avec Piu. Ils m'ont ramené un des chats ??? C'est trop mignon mon bébé ?? J'retire la couverture d'un geste que je veux délicat mais qui s'avère encore trop brusque pour mon bras gauche, bandé contre mon torse pour que j'imagine je ne puisse pas aggraver la blessure en bougeant trop.

"Alors t'es ni ma p'tite Aeris ni mon p'tit Sephiroth toi. T'es tout choupi. Tu t'es perdu ?? C'est pas un endroit pour les p'tits bouts d'chou comme toi-"

Je m'apprête à lui gratouiller le menton quand j'percute. Ouais nan c'est clairement pas un endroit pour les p'tits bouts comme lui. Puis cette couleur.

"El' ?? Ça va mieux, ta jambe ? Qu'est ce que tu fous là ??? J'suis flatté mais pourquoi t'es pas avec Jérémy ?? "

Elle s’est endormie, constate-t-elle lorsque la masse sur laquelle elle est roulée en boule commence à gigoter. Puis carrément se redresser. Aria-chaton a un geignement mécontent, et finalement lève des yeux embués vers Erik qui commence à lui grattouiller sous le menton. Ronron massif. Va quand même falloir qu’elle se retransforme un jour, mais là ça lui fait tellement de bien qu’elle pourrait en chialer.

Elwynn… bon, c’est sûr que c’est plus logique de considérer que c’est sa partenaire de mission qui est venue s’étaler là contre lui, mais voilà. Peut-être que c’est pas Aria qu’il voulait voir, finalement, et qu’elle doit juste faire genre elle est Elwynn et se retransformer en humaine-Elwynn et genre euh ouais ?! Non ce serait pas cool, et elle a clairement pas l’énergie pour ça. Et vraiment, les anxio ça l’a shootée à mort.

Pour se venger, elle mord le doigt qui la grattouille (ça vaaa c’est un p’tit gnakage de chaton ça fait pas maaal il vient de revenir de la guerre et il est sous anesthésiant eh ohhh…) et titube sur le ventre d’Erik jusqu’au rebord du lit où elle fait un rouler-bouler et—- ouais elle se ramasse la gueule sévère du coup, mdr le sol il est loin. Ronchonnant dans son miaoumiaou, elle se redresse sur ses pattes et pfff c’est bon c’est là qu’elle se retransforme en elle. Elle tend le bras pour essayer d’attraper la chaise et se hisser sur ses PIEDS…

—Ils m’ont donné des anxio, c’est un peu plus fort que prévu, grommelle Aria d’une voix rauque.

Elle abandonne et s’appuie juste tête et bras sur la chaise. Toujours assise par terre. Et fixe Erik.

—Déso, c’est pas El, du coup.

Mdr malaise.

—T'as vu on est vivants.

On dira pas dans quel état.

Nan mais wsh. Le chat il s'est foutu là pour me voler mes cachetons ? Il a l'air défoncé le reuf.

"Outch-"

J'ai mal pour toi là. Eeeeeet c'est pas Elwynn.

"ARIA-"

J'me redresse un peu plus sous la surprise et ma tête tourne un peu alors je ferme les paupières le plus fort que j'peux avant de cligner des yeux.

"Ptdr t'es sûre chui pas mort et y a un ange qui vient j'chercher ou j'sais pas quoi ? Bon apparemment c'était pas l'ange de plus habile du troupeau-"

Ça se dit un troupeau d'ange ? Ptete c'est genre un vol ? Une harde ?? Bref. Malaise un peu l'humour quand même. Malaise tout court la scène nan ? Ptdr j'viens de dire c'est un ange ? Wouaaah.

"Ils tapent fort les trucs qu'ils m'ont filé aussi t'as raison ptn."

Blanc. J'examine la rouquine du regard viteuf.

"Désolé de pas avoir été là pour l'extraction. Tout va bien ? "

...

"Est ce que toi tu vas bien ? "

C’est sûrement pas les même médocs qu’ils ont reçu, cela dit. Aria pouffe de rire et pose sa tête sur ses bras, observant son ami blond.

—Wesh salut, je suis l’ange défoncé…

Enfin, un ange qui vient de tuer des gens, elle se souvient. Elle a un peu les larmes aux yeux, de fatigue et de dépit, mais elle est tellement contente de le voir qu’elle préfère se concentrer là-dessus. Mais il pose des questions, et faut bien lui répondre… Elle inspire fort, se passe les mains sur le visage… La terreur qui l’a envahie quand elle a appris que l’équipe diversion était KO, et surtout qu’ils ne pourraient pas les extraire…

—J’avais peur qu’il vous soit arrivé quelque chose de grave. Je suis contente que ça ait été uniquement du gaz soporifique… Il est arrivé quoi à ton bras ?

Bien sûr, elle a conscience de ne pas du tout répondre à ses questions. Quel bad. On va rester au sol un peu, hein.

—On a pu ramener Lola, Miguel et trois autres dotés. On en a loupé plein, lâche finalement Aria en fermant douloureusement les yeux, serrant les poings contre son visage. J’ai pas été blessée.

Ou très peu. Des égratignures, quelques brûlures superficielles.

—Je suis la seule à pas avoir été blessée.

Elle ne sait pas si c’était un coup de chance, un coup du destin ; peut-être qu’elle aurait préféré, parce que ça lui aurait donné quelque chose de concret sur lequel se concentrer, plutôt que juste attendre et devoir aller de l’avant.

"Tu vas rire mdr. J'ai ouvert une porte à grand coup d'explosifs. Et j'ai pris trop des épaules avant la mission, j'me suis ouvert avec le montant en métal de la porte en voulant passer de l'autre côté-"

Puis bon après il s'est passé ce qu'il s'est passé et un connard a tapé dessus en boucle pendant que- 'fin voilà. Elle est pas blessée, elle. C'est le principal. Enfin non. Le principal c'est que la mission est réussie, hein. Oui oui-

"Vous avez ramené les gosses ? Parfait. Bien joué."

J'souris timidement.

"J'imagine que le plus dur est encore à venir, pour toi- j'essaie d'enchaîner rapidement pour pas laisser ces mots prendre trop d'espace. - Personne n'est. 'fin. Dans un état critique ou, 'fin. Comme t'as l'air au courant pour mon équipe- Viens là, j'crois t'as besoin d'un câlin. Et j'pense que si j'essaie de me lever ça va biper de partout et on va être emmerdés. J'suis content que tu sois en un seul morceau."

J'réfléchis pas trop. Les mots sortent tous seuls. Le soulagement, la douleur, le satisfaction de savoir que les gosses sont hors de danger. Tout se mélange et crée des émotions que je peine à appréhender totalement, à cause de mon état actuel. Mais c'est une certitude. J'suis content qu'elle aille bien. Physiquement. Parce que je sais très bien comment c'est à l'intérieur. Et j'm'en veux d'avoir fait une remarque là dessus. Mais ça serait bizarre de revenir dessus. Et j'ai pas envie de revivre comme avant la mission.

Aria ne rit pas, elle lui renvoie simplement un air inquiet, puis une moue.

—Tu vois, c’est toi qui t’es trop musclé, je te l’avais dit, soupire-t-elle excessivement, avant de s’essuyer les yeux et sourire. J’espère que ça guérira vite.

Au moins ça veut dire qu’il n’a pas pris de bal, qu’il ne s’est pas blessé trop trop fort. A priori.

Ramené les gosses… bah du coup non, pas trop. Pas tous. Ils ont merdé, à cause d’elle, parce qu’elle a pris trop de temps. Ca paraît déjà si loin, pourtant c’était ce matin. Aria serre fort les dents et acquiesce faiblement… mais elle se lève pas. Elle a pas envie, pas l’énergie. Après peut-être.

—Je me lève… après, promis. (Quand j’arrive.) C’est… Nico a pris une explosion de plein fouet. Norah a absorbé une partie de ses blessures. Ils ont tous pris une balle. Même Lola a pris une balle…

Elle, elle n’en a pas pris.

—Et puis Luna est encore au bloc… Mitsuki je sais pas… Alice doit se reposer…

Aria souffle et pose ses mains sur ses yeux, respirant juste.

—Je suis contente que tu sois rentré pas trop blessé aussi… renifle-t-elle, avant d’essayer de se lever.

Elle va finalement s’assoir au bord du lit et se penche vers Erik pour un câlin, finalement.

—On a pas réussi à ramener tous les amis de Lola. Il va falloir qu’on y retourne un jour…

Quel enfer.

"Bien sûr que ça guérira vite. On a les meilleurs médecins du monde. Et j'ferais attention. Puis de toute façon, le pire c'est pas mon bras. J'ai la tête qui siffle à cause des explosions à répétition. Enfin ça passera aussi j'imagine hein."

J'écoute la liste des blessés qui s'allonge, s'allonge, s'allonge encore. J'serre les dents, hochant la tête à chaque nom, espérant qu'il sera le dernier. Et quand mon amie se lève, je passe mon bras valide dans son dos et la serre doucement contre moi. Et je peux pas m'empêcher de sourire quand elle dit "les amis de Lola" et pas "les amis d'Aylan".

"Fait chier. On finira par mettre ces enflures hors d'état de nuire à quiconque. Mais avant ça, on panse nos blessures. Et on aiguise nos esprits. Et même si on a pas pu ramener tout le monde. On leur a donné espoir. Comme une promesse. Que je compte bien aller tenir dès que possible."

Je dépose un bisou sur la joue de la Morphe avant de mettre fin à notre étreinte.

"Est-ce que tu veux en parler ? "

J'ai pas osé demander "à quoi elle ressemble alors ? ". Comme ça si elle veut comprendre ça différemment elle peut. Je ne sais pas si moi je suis capable de raconter ce qu'il s'est passé exactement. Et ça m'étonnerait qu'Aria ne soit pas dans le même cas. Mais sait-on jamais.

"Sinon j'te propose un autre câlin sans rien dire parce que pas besoin de mots. J'suis réellement content que tu sois en un seul morceau, Aria."

—C’est vrai… Tu as raison, sourit faiblement Aria.

La tête qui siffle, hein… La rouquine baisse les yeux et se laisse câliner, le serrant doucement contre elle pour ne pas lui faire mal. Elle renifle un peu en le sentant se crisper. Elle n’a pas encore dit qu’Alice s’était aussi pris une balle, et que le Lieutenant avait…. l’épaule disloquée… un sanglot lui échappe à cette pensée, parce que ça, vraiment ça, c’était tellement sale. Elle va y penser longtemps, à cette blessure-là. Et puis les autres… elle n’a pas trop les détails, on n’a pas voulu lui en donner. Mais leur mission à eux, c’est clair, c’était une boucherie sur la sortie.

—Ouais, articule-t-elle en serrant les dents, et ils échangent un regard. On ira leur péter la gueule encore, hein ?

Mais est-ce qu’elle a vraiment envie d’y retourner ? Est-ce qu’elle n’a pas mérité de se reposer, de ne jamais y retourner ? Après tout, ils ont ramené Lola… C’était son seul objectif, non …?

Elle se repose à nouveau sur Erik, en essayant de pas appuyer sur son bras. Elle s’essuie les yeux encore une fois…

—On est tombés face à un télépathe qui a empêché Alice de l’attaquer, et caché la présence de ses hommes… c’était horrible, il nous a tiré des balles anti-char dessus. Personne pouvait les arrêter, ça traversait même le béton… rit-elle nerveusement. Et Nicolas a été touché par une seringue qui a changé ses pouvoirs, il pouvait pas se défendre comme d’habitude…

Elle se mord la lèvre, et son débit de parole est plus rapide.

—Lola a bien voulu… prendre ma main. Mais tout à l’heure, elle m’a demandé qui j’étais, et je suis partie en courant. J’ai eu trop peur, j’arrive pas à lui parler. Et elle a pris une balle dans le bras parce que j’ai pas été assez rapide à prendre des décisions. J’ai pas arrêté de pleurer, je suis vraiment nulle, je suis trop nulle Erik… Et maintenant Nicolas, Norah et Nathan sont super blessés, Alice et Lola ont pris une balle…

Elle se cache le visage et craque.

—Et moi j’ai rien, et j’ai tué des gens….

Elle aurait peut-être besoin de reprendre des anxio, finalement.

"Bien sûr qu'on ira leur péter la gueule. Autant de fois qu'il faudra. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités-"

Oui bon j'cite du Spider-Man sans aucune vergogne j'sais. Mais eh, en même temps c'est un peu vrai. Je la serre doucement en écoutant le résumé grossier de sa mission. Puis je la repousse en espérant plonger mon regard dans le sien, la rassurer, lui dire qu'elle n'est pas nulle parce que c'est la stricte vérité. Mais elle s'effondre, se cache, et me met en face de mes propres échecs, de mes propres traumatismes encore beaucoup trop frais. Pourtant, l'envie de rassurer l'Etoile prends le dessus et je garde la face, quand tout s'effondre à l'intérieur.

"Et j'imagine que c'est une des raisons pour laquelle tu n'as rien, et de pourquoi les blessures des autres ne sont pas plus graves. Nous aussi on a été poussé à- à ça. À cette extrémité. Je- Moi aussi- Je marque une pause pour ne pas me faire submerger par mes émotions, avant de reprendre d'une voix faible et tremblante  - Moi aussi j'ai tué des gens. Alors j'- Je comprends. Je comprends pourquoi tu l'as fait. Et je t'aime toujours autant, okay ? Ça change pas l'image que j'ai de toi. "

Genre c'est pas ça qui va changer la manière dont je te vois, Aria. Et on savait tous que ça risquait d'arriver. Que ça allait arriver. Et on sait tous que ceux qui n'auraient pas été affecté par le fait de donner la mort n'avaient rien à faire parmi nous. Maintenant je ne sais pas quoi rajouter. Ni même si je dois l'enlacer à nouveau. Genre j'comprendrais qu'elle veuille être tranquille. Du coup j'reste là, comme un piquet, assis en tailleur sur mon lit d'hôpital. À attendre en silence. À deux doigts de m'effondrer moi aussi. Mais je me contiens. Je sais pas si je peux, si je dois me laisser aller. Est ce que si je reste stoïque ça la rassure ? Ou est ce qu'au contraire elle va se sentir encore plus nulle parce qu'elle a l'impression que moi, j'arrive à gérer ça ? J'crois c'était plus simple d'avancer dans ce putain de bunker...

Nouveau pouffement de rire épuisé, et bientôt tout s’effondre. Elle. Lui. Ils s’effondrent tous les deux, mais lui il fait encore semblant d’être debout, alors que c’est lui le plus blessé des deux. Ils se fixent, désespérés. Alors lui aussi… ils ont dû tous les deux tuer des gens, des ennemis certes, mais des gens. Aria ne devrait pas regretter, parce qu’elle n’avait pas le choix, mais elle voudrait se dire qu’ils ont toujours le choix. Toujours.

Elle s’est promis que c’était ok d’aller aux enfers pour ça. Pour protéger ses amis, sa famille. Pour sortir de là-bas vivante. Et c’est vrai que si elle ne l’avait pas fait… peut-être que Nicolas serait mort, lui aussi. Peut-être qu’elle serait morte, elle aussi. Qu’il y aurait eu un deuxième Nathan, avec son épaule disloquée et tout ce sang qui s’échappait de lui. Va-t-il seulement survivre ? Va-t-il seulement rejoindre sa femme et ses filles ?

Erik ne bouge plus, il est comme perdu en lui-même, et il souffre lui aussi. Alors Aria fait ce qu’elle fait de mieux, elle l’enlace à nouveau fort contre elle, une main sur sa tête, dans ses cheveux, l’autre dans son dos, les yeux fermés très fort comme pour contenir le flot de larmes.

—Je t’aime toujours fort aussi Erik. Toi non plus… toi non plus tu changes pas pour moi.

Viens on pleure tous les deux. Me console pas si j’ai pas le droit de te consoler aussi. J’en ai marre d’être faible Erik, j’en ai marre j’ai l’impression de pleurer depuis des années. Je veux plus pleurer, Erik, mais je sais plus faire autrement.

Viens, on pleure tous les deux.

Quand la petite Morphe me prends dans ses bras et passe une main derrière ma tête, je craque. Mes valves lâchent et l'eau commence à couler. À flot. Ma main libre vient frotter son dos à nouveau pendant qu'on se chiale mutuellement dessus. J'suis rassuré de savoir que tout le monde s'en est tiré. Et que malgré les blessures la mission a été un succès, certes incomplet, mais un succès quand même. Mais par dessus tout, je suis content qu'Aria soit là. Si je m'étais réveillé, seul, dans une chambre stérile, avec personne, je me serais inquiété à mourir. Et on reste comme ça, sans bouger, sans dire un mot. Jusqu'à ce que ça frappe à la porte, et que l'infirmier qui entre dans la pièce demande à Ariana de sortir pour quelques prises de sang et autres examens. C'est avec un pincement au cœur que je la regarde sortir, retourner au monde, ce monde qu'elle n'a pas l'air d'avoir envie d'affronter, je le sais. J'espère sortir vite de ce putain de lit, beaucoup moins accueillant et agréable quand personne ne vous tient compagnie.

Finalement, la fatigue et les médocs auront raison de moi rapidement, chassant les pensées que l'échange avec Aria avait réveillé. L'inquiétude pour les blessés. La culpabilité d'avoir pris des vies. Tout disparu avant de revenir à mon réveil, le lendemain matin. Affamé. Et cette routine dure quelques jours, pendant lesquels je perds la notion du temps. Jusqu'à ce que je sorte enfin. Et qu'après une nuit des plus mouvementées à la maison, me voilà Etoile. Et la vie d'ma mère que j'm'attendais pas à ça. Bon, sans doute parce que j'ai plus de sceau c'est le bordel de zinzin. Mais j'crois j'vais avoir besoin d'aide. Un peu.

Meuf tu devineras jamais mdr faut trop qu'on se voit et que j'te raconte mais pour faire court CHUI ETOILE OUE OUE et du coup euh bah comme t'es la meilleure tu veux bien m'apprendre deux-trois trucs ?? Genre j'veux trop voler ou faire des trucs de fous mais j'ai un poti peu peur de faire des bêtises tu veux bien être ma sensei et entraîner ton Super Acolyte ???