__–Hm.
__–Déjà vu.
__–Bah, c’est probablement rien. Je suis juste là, pépère, à m’exercer sur mes pouvoirs, vous voyez. Où c’est, là ? Ben, c’est marqué au-dessus du titre, dans la forêt. Si on veut être plus précis, sous le sol. Qu’est-ce que je fous là ? Je m’exerce, vous suivez ou bien ?
__–Non, bon, un peu de sérieux. Une de mes activités d’entraînement, c’est d’utiliser mes pouvoirs en combiné. C’est à dire, la force plus la terre. Trouver une utilité à ma force dans autre chose que de taper des trucs, casser des trucs, soulever des trucs, tordre des trucs. Une autre activité importante, c’est d’utiliser la terre comme une extension de moi-même. Toujours dans l’optique d’avoir le membre droit le plus fonctionnel possible. Alors, pour l’instant, j’arrive à développer une sorte de sonar. Vous voyez, quand on met son oreille contre le sol pour entendre les vibrations ? J’en suis à là. On est encore très loin d’un truc plus développé, mais c’est un début. Et donc, mon idée dès le début, dès que j’ai commencé à explorer ça avec Alice, c’est de combiner les deux. Les vibrations, ça s’en va et sa revient. (Et je suis pas Française, donc j’ai pas la ref, les amateurs de chansons populaires c’est pas votre moment. En plus, je suis même pas Tonnerre. Bref.)
__–Concrètement, ça veut dire créer des petits séismes.
__–C’est pour ça que je fais ça loin, dans les bois, là où y’a personne à part des Terres, qui seront pas nécessairement choqués par ce que je peux bien maquiller.
__–Donc, je suis sous le sol, à environ quatre mètres de profondeur, en tailleur, dans une petite bulle fermée, à peine assez grande pour être assise, reliée à la surface par un roseau creux que j’ai fait pousser pour l’occasion et qui assure l’arrivée d’air. Y’en a qui trouveraient ça super claustrophobe, comme être enterré vivant, sauf que, techniquement, je suis plus comme un poisson dans l’eau que comme Beatrix Kiddo dans la tombe de Paula Schultz.
__–Bref. Concentration. On ferme les yeux. (Ça ne sert à rien dans le noir complet, mais allez savoir pourquoi, peu importe le contexte, quand on veut se concentrer, on ferme les yeux.)
__–Je place ma main gauche, ouverte, droite, en tranchant, perpendiculaire à la paroi devant moi. Je ferme le poing. Je le recule. Je frappe. La terre meuble prend le choc et vibre. Pas une poussière ne me tombe dessus. (Parce que j’ai mis une bâche au-dessus de moi, hein.)
__–Les ondes partent, se répandent sur dix bons mètres. Et elles reviennent. Alors. Ça, c’est une racine. Racine, racine, racine, oh ! Racine, dans une forêt, c’est fou. Taupe, que j’ai effrayé sa mère, la pauvre, racine, racine et… pas. Je veux dire, des pas, quelqu’un qui est là, quoi. À environ huit mètres.
__–Arf, galère. Juste le jour où j’oublie de prendre mon panneau « attention, Terre qui s’entraîne, si ça tremble c’est normal ».
__–Hm, flemme de me déplacer si c’est pas indispensable, tout le monde ne sera pas forcément choqué. Et ce sera l’occasion de tester un truc. Je me reconcentre. J’essaye d’estimer la position de la personne au-dessus et trace, à distance, dans la terre, un message :


__–Écoutez, il faut bien commencer par quelque part, la puce fonctionne pas pour l’écrit.

Depuis un mois Oscar fuyait l'institut dès qu'il le pouvait. Oui, c'est vrai, il n'était pas le plus sociable des jeunes de sa classe. Il avait tendance à apprécier avoir sa "bulle", son espace personnel. Il faut dire que c'est fou comment les gens ont tendance à oublier ce qu'est l'espace personnel. Mais ce n'était pas la raison pour laquelle Oscar fuyait tous les jours vers les bois, s'y enfonçant le plus profondément possible.

Non, c'était surtout parce que, depuis un mois, Oscar entendait tout. Toutes les pensées de tous les gens qui passaient à moins de cinq mètres de lui. Tout le temps, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Et le pauvre garçon, qui était habitué à pouvoir faire des pauses sensorielles en enlevant ses appareils auditifs pour se retrouver au calme, avait perdu cette possibilité. Il était bien incapable de comprendre comment faire pour éliminer ces pensées intrusives. Donc, son seul échappatoire était la forêt. Là au moins, il était seul, et n'entendait plus que ce que ses appareils auditifs voulaient bien lui transmettre.

C'est donc dans ce calme bienvenu que se baladait le jeune garçon. L'air était encore frais, mais Oscar n'était pas très frileux. Il portait de toute façon son sweat-shirt le plus chaud par dessus son uniforme. Un gros sweat-shirt en pilou brun, avec les oreilles d'un certain pokémon accrochées à la capuche qui se balançait dans son dos. Cependant, son répit allait être de courte durée... Puisqu'à peine commençait-il à ne plus reconnaître les bois autour de lui (il changeait régulièrement de chemin et commençait à manquer d'endroits à découvrir) que quelque chose attira son attention.

Ça vibrait sous ses pieds. Pas comme une vibration de téléphone. D'ailleurs, il n'en avait toujours pas. Mais comme... un mini-séisme ? Il savait que le Japon se situait entre deux plaques tectoniques, qui créaient régulièrement des séismes et entraînait de temps en temps des tsunamis sur les côtes. Il hésita sur la conduite à tenir : il était seul dans un bois assez dense, sans téléphone ni accès à une radio... On lui avait appris comment se protéger dans une salle de classe, mais pas en pleine nature. Oscar finit par se décider : il s'amusait depuis un mois à faire pousser de petites plantes et manipuler la terre. Il réussit donc, avec un effort de concentration, à se créer une sorte de petit dôme dans lequel il se glissa, laissant une petite fenêtre pour ne pas être dans le noir.

C'est là qu'il se rendit compte que la terre ne tremblait plus, et qu'à ses pieds une phrase s'était affichée... Écrite comme par magie sur le sol meuble. "English tap once, japanese tap twice." Oscar hésita... Il comprenait l'anglais, un peu, mais n'était ni Anglais, ni Japonais. Il finit par taper sur la terre une fois. L'anglais, au moins, il le comprenait et savait le lire. Et pour ce qui est de l'étrangeté de la situation, vous dites ? Oscar s'était tout de suite douté qu'un autre doté, sûrement un Terre lui aussi, était dans le coin. Il ne se posa pas plus de questions. Parfois, être autiste, ça sert.