J'avais mal dormi. Ou plutôt très mal dormi. A l'approche de l'hiver, je commençait vraiment à avoir froid, même sous toutes mes couvertures. De grandes cernes se dessinaient sous mes yeux, bien violettes et bien moches. De toute façon, mon apparence, je m'en fiche, je suis comme je suis et puis voilà.

Dans la salle de bain, j'observais que mes cheveux avaient poussé depuis le temps. De quelques centimètres, ils étaient presque en bas de mon cou. Je me disais bien que quelque chose me grattait depuis le temps ! Mais j'allais éviter de me les couper maintenant, sinon ça allait être un véritable massacre étant donné que mon état était semblable à celui d'une personne narcoleptique. En même temps, il ne devait pas être plus de neuf heures du matin.

J'avais vraiment pas envie de m'habiller, donc je restais dans mon pyjama constitué d'un pull en laine que mon frère m'avait donné et d'un short.

Je m'installais sur mon lit, le regard dans le vide. Je ne voulais penser à rien, pour une fois. Juste rester seule sans aucune pensée. Et pour me faire tout oublier, je me mis à faire pousser une petite fleur sur ma cuisse, que j'essayais de faire un peu bouger. Je réussis à la faire passer dans ma main, pour ensuite la faire un peu grandir.
Et c'est là que quelqu'un toqua à ma porte.

Je ne savais pas qui ça pouvait bien être. Peut être Amanda pour un entrainement, ou Kana pour jenesaisquelleraison. Mais quand j'ouvris la porte en lançant un "Quoi ?" de personne mal réveillée, à peine une seconde suffit pour que je fasse un pas en arrière après avoir vu le visage de la personne qui venait.

Même carrure imposante, je m'étais reculée. Même visage, chaque trait sans aucune différence, j'avais mis mes mains sur ma bouche pour retenir un petit cri de surprise, mais aussi de peur. Mêmes cheveux, d'un blanc pur, mêmes yeux marron-rouge. Mes yeux commencèrent à être humides.

Je me disais être dans un rêve, pourtant, j'étais bien réveillée.

-Non... non... c'est pas possible... dis-je en sanglotant. C'est vraiment toi ?

J'enlevais mes mains de mon visage, je sentais des larmes rouler sur mes joues. Un sourire se dessina sur mon visage. et je dis doucement :

-Kyle... Alors c'est bien toi ?

Je ne savais pas comment réagir. Et si j'avais une hallucination ? Que ce n'était pas lui ? Dans tous les cas, je restais à une certaine distance, à le fixer, sans faire le moindre mouvement. J'étais parcourue de petits sursauts dus aux sanglots.

J'avais passée la nuit à errer dans Terrae endormie et à observer les étoiles en pensant à plein de choses sans importance comme mes devoirs ou les profs qui me soûlaient.
Alors que j'errais dans un bâtiment lorsque l'aube se leva enfin. Je m'arrêtais pour observer les nuages se colorer de rouge et d'or et la nuit fondre comme de la glace noire. Lorsque le ciel fut d'un bleu tellement écœurant que je ne pus plus le supporter je repris mon chemin. Je m'amusais à lire les noms des locataires du dortoir dans lequel j'étais lorsque je tombais sur une plaque au nom de Strenght, Blade.
Je stoppais et me rapprochais de la porte pour relire le nom. Une fois, deux fois, trois fois. Pas de doute, c'était ma petite sœur qui logeait ici. Je réprimais des larmes de joies. Je l'avais enfin retrouvée ! Après tout ce temps !
Je comptais jusqu'à trois avant de toquer à la porte, un petit sourire aux lèvres. Ce fut une gamine d'un mètre quarante aux cheveux un peu plus longs qu'avant et aux magnifiques yeux bruns-rouges qui m'ouvrit avec un grognement mécontent. Puis elle eut un sursaut, ma petite sœur chérie et elle sembla me détailler de la tête aux pieds. Et alors elle se mit à pleurer. Elle murmura :

Non... non... c'est pas possible... C'est vraiment toi ?

Je ne pus rien dire tant ma gorge était serrée. Je me contentais donc d'ouvrir les bras en retenant mes larmes. Elle souffla, l'air d'une enfant sortant d'un cauchemar :

Kyle... Alors c'est bien toi ?

Je souris.

Me voilà petite sœur, désolé pour l'attente...

Ah ça y est, je pleurais... Je m'approchais de la gamine que j'avais élevée par mes soins et posais, comme autrefois, un léger baiser sur son front en murmurant :

Ma petite sœur chérie... Je t'ai cherchée partout, mais je suis là maintenant, tout va aller mieux... Je te le jure.

J'étais sous le choc. Pétrifiée. Je n'y croyais pas au début. Mais quelqu'un comme lui, totalement identique, comme ce frère que j'avais perdu, venait d'apparaitre devant moi. Je n'étais pas vraiment sûre de ce que je pensais. Peut-être que j'avais peur, que j'étais heureuse.

C'est quand il se mit à me parler, en ouvrant ses bras, que je compris que, dès ce moment, j'allais être heureuse. Ce n'était pas possible que ce soit quelqu'un d'autre que Kyle, sa voix, je la reconnaitrait entre milles.

Je le voyais pleurer, après s'être excusé de l'attente qu'il avait causée. Puis il s'était approché de moi, je n'avais pas bougé. Et il m'avait embrassé le front, comme il me le faisait souvent, avant. Puis il me souffla dans un murmure :

Ma petite sœur chérie... Je t'ai cherchée partout, mais je suis là maintenant, tout va aller mieux... Je te le jure.

Je craquais. Sans aucun contrôle de ma force, je me jetais dans ses bras, le faisant tomber en arrière au passage. Je n'arrivais pas à articuler le moindre mot, j'étais trop heureuse pour ça. J'avais entendu quelques craquements provenant des os de mon frère, ce même frère que j'avais perdu. Celui qui était parti trop tôt, mais qui aujourd'hui réapparait devant moi, comme par magie.

C'est sûrement ça, la magie de cet institut. Permettre à certaines personnes de pouvoir vivre heureux, parfois en leur faisant connaitre de nouveaux amis, ou, comme dans mon cas, réunir des frères et sœurs qui s'étaient perdus, sans jamais penser se revoir un jour.

J'essuyais les larmes qui coulaient abondamment sur mes joues, et je réussis à dire doucement :

Kyle... Tu m'as manqué... Pourquoi t'es parti...

Et je restais un moment dans ses bras, avant de me redresser. J'y étais sûrement allée un peu fort, étant donné que nous étions dans une sorte de trou causé par la chute engendrée par ma force. Et Kyle, et si je lui avais fait mal ? Et ces craquements ? Si c'était que je lui avais cassé quelque chose ? Je lui demandais alors précipitamment, un peu inquiète :

Ça va ? Je t'ai pas fait mal ?

Blade me sauta dans les bras et je me préparais au choc... ...qui fut on ne peut plus grand lorsque je fus projeté en arrière sous la force de ma sœur.
BOUM ! je me retrouvais sur le dos et je sentis tous mes os vibrer sous la force de l'impact. D'ailleurs deux de mes côtés s'étaient cassées ainsi que mon coude gauche. Ma tête tournait et je voyais des étoiles. Le souffle me manquant de restais étalé par terre tandis que Blade pleurait à chaudes larmes. Je la pris dans mon bras valide et la serrais contre moi. Elle murmura :

Kyle... Tu m'as manqué... Pourquoi t'es parti...

Je tentais quelques mots qui ressemblèrent à un gémissement de douleur plus qu'à autre chose... Blade parut alarmée et se redressa sur les côtes cassées... Cette fois ce fut un hurlement de douleur qui sortit de ma gorge.

AAAAAAARGH !!! Blade, pitié lève toiiiiiiiiiiiii !!!! hurlais-je en me tordant de douleur.

Elle demanda avec un air inquiet :

Ça va ? Je t'ai pas fait mal ?

Pour avoir un peu l'air classe, je m'immobilisais et levais le pouce de mon bras valide en l'air avec un sourire pâle. Je l'étais aussi pâle !

Ghhh... Niquel Lâchais-je d'une petite vois étouffée.

Je tentais de me redresser mais j'abandonnais vite car la douleur m'arrachait des larmes.

A son hurlement, j'avais vite fait de comprendre que si, je lui avais fait mal. Pourquoi, quand je revois mon frère pour la première fois depuis longtemps, il faut que je lui fasse mal ? Je m'en voulais, je n'avais pas réussi à contrôler ma force. Je voyais bien qu'il essayait de cacher sa douleur, comme il me l'avait appris, mais c'était trop flagrant.

Je m'étais rapidement levée, après qu'il m'ait dit.. non, pas dit, crié :

AAAAAAARGH !!! Blade, pitié lève toiiiiiiiiiiiii !!!!

Et il avait répondu à ma question avec un voix vraiment... aiguë, comme quoi tout allait bien, tout en levant son pouce et en gémissant. Puis il avait fait une tentative pour se lever, mais il avait abandonné. Je lui avais vraiment fait mal !

Alors je me retournais, histoire de me calmer, je vidais ma tête de tout ce qui se trouvait dedans et je me concentrais. Autant que mon pouvoir me serve un peu à autre chose que de faire du mal aux gens ! Je tentais de réunir ma force dans mes bras, tout en faisant passer un peu de puissance dans mes jambes, histoire de ne pas être déséquilibrée. Et je retournais vers Kyle, en respirant un grand coup.

J'essayais tant bien que mal de le soulever. Son poids n'était pas un problème, le véritable inconvénient était sa taille. J'avais à peu près réussi à le faire tenir sur ses genoux, mais je ne pouvais pas le soulever davantage. Puis je lui dis en souriant :

-C'est pas bien de mentir, grand frère. Donc maintenant tu vas aller à l'infirmerie. Et tu discute pas.

J'avais pris un air légèrement menaçant sur la fin de ma phrase, mais je voulais qu'il comprenne que je me faisais du soucis pour lui et que je voulais qu'il aille bien. Surtout que, je pense que je me ferai du soucis à chaque fois que quelqu'un lui fera du mal, ou qu'il n'ira pas bien. Comme une petite sœur dont la seule famille est son grand frère. Donc un réaction plus que normale pour moi.

Elle se leva d'un seul coup et je poussais un petit soupir de soulagement. Tout petit hein je veux pas la vexée ni l'inquiéter ! Elle se retourna et je me redressais avec beaucoup de mal en position assise en penchant la tête de côté comme un chien qui n'aurait pas compris quelque chose. Je demande :

Ça va petite sœur ? Ne t'inquiète pas pour moi hein, c'est que des égratignures !

Elle se retourna d'un coup et ce fut comme si son regard avait changé. Elle s'approcha de moi et je tressaillis quand elle me souleva. De quoi ?! D'où elle me soulève ?! Elle prit un air autoritaire et sérieux trop mignon avant de laisser tomber :

C'est pas bien de mentir, grand frère. Donc maintenant tu vas aller à l'infirmerie. Et tu discute pas.

Je me débattis un peu avant de laisser tomber en gémissant. Je posais une main sur celle de la plus géniale des petites sœurs et dis :

Attend mon cœur tu dois te faire mal au dos comme ça... on va faire autrement. Tu me pose et je vais essayer de marcher... D'accord ?

Comme elle ne serait sûrement pas d'accord, je lui fit lâcher doucement mes jambes et posais les pieds par terre et commençais à boitiller en direction de l'infirmerie.

Il avait dû être surpris par le fait que je le soulève. Surtout que je n'avait pas eu de mal. Aaaah le pouvoir de Titan ! Quelle merveille !! Et pourtant il avait pensé qu'en faisant ça, je me ferait mal au dos. Mais non, mais non, vu ma force surhumaine et ma faculté à ne pas me plaindre, il allait pas râler.

Il m'avait bien indiqué qu'il serait en mesure de marcher, peut-être. Mais vu le choc qu'il s'est reçu, ça ne peut pas être très glorieux. Cet abruti s'était débattu, je ne m'étais pas opposée, si jamais je ne pouvais contrôler ma force.

Quand je le voyais se relever, je soupirais de désespoir. Sérieusement, qui a eu l'idée de me coller un frère aussi entêté ? Je ne manquais pas de lui dire, en le voyant boitiller :

On irait sûrement plus vite si je te trainait... Et je me suis pas fait mal au dos, quand je t'ai soulevé ! Franchement, crois pas que je suis juste une petite fille toute fragile !

J'aurais été plus grande, je l'aurai soutenu. Mais un petit mètre quarante ne suffit pas pour arriver à la hauteur d'au moins deux têtes de plus ! Mais ça me faisait de la peine de le voir dans cet état. Alors je m'arrêtais en lui faisant signe de continuer d'avancer, puis je me concentrais.

Quelques minutes plus tard, je tenais une sorte de grand morceau de bois un peu recourbé au bout. Puis je lui tendais ma création en lui disant, tout sourire :

Voilà, prends ça, comme ça ce sera peut-être plus facile pour toi de marcher !

Je me sentais mal mais je fis semblant de me diriger vers l'infirmerie sans trop de difficulté. Je me tenais les côtes avec le bras valide et marchais lentement, jetant des regards fréquents par dessus mon épaule pour regarder ma petite sœur. À un moment, elle me fit signe de continuer. Docile, je lui obéis et, lorsqu'elle me rattrapa, elle me tendis un bâton en forme de cane pile poil à ma taille.

Voilà, prends ça, comme ça ce sera peut-être plus facile pour toi de marcher !

Je la regardais avec étonnement mais pris le bâton quand même car elle avait raison. Pour la peine, je lui fit un bisou sur le front et dit en riant :

On se demande parfois qui est le plus âgé...

Je grimaçais lorsque la douleur dans mes côtes augmenta et me retenais de m'effondrer sur le bâton. J'y posais pourtant un peu plus de mon poids. Je me remis à avancer comme je pouvais, faisant des pauses de temps en temps et grinçant des dents à cause de la douleur. Lorsque nous arrivâmes enfin à l'infirmerie et que je fus guéri, je regardais mieux ma sœur.
Elle avait les traits creusés de cernes mais semblait en forme. Son visage s'était affiné et il semblait taillé dans la marbre. Elle avait un peu grandit et semblait aussi plus mature. L'émotion me submergea et je me relevais pour la prendre dans mes bras et la serrer fort. Les larmes de joies coulaient sur mes joues et atterrissaient dans ses cheveux dont je sentais le parfum.

Comme tu m'as manquée... murmurais-je, bouleversé.

Je voyais bien qu'il allait mal, vu les têtes qu'il pouvait tirer (il était tout de même assez drôle à voir, ce séducteur acharné qui avant se la pétait mais se tordait de douleur maintenant !). Non, en fait c'était pas drôle, c'est vrai que voir un membre de sa famille souffrir, c'est très dur, et croyez moi, je sais ce que c'est. Surtout que lui ait mal, il faut dire que ça me rappelle d'assez mauvais souvenirs...

Mais grâce au bâton que je lui avais fabriqué, on avait réussi à rejoindre l'infirmerie où il fut soigné assez rapidement. Je sentais son regard se poser sur moi, il avait dû remarquer ma fatigue, mon physique qui avait un peu évolué. Je ressemblais plus à une fille maintenant, mais quelle importance, je suis en sécurité.

Il s'était relevé pour me prendre dans ses bras, son étreinte m'avait vraiment manqué. Je pensais que jamais je ne pourrais le revoir, le sentir près de moi, qu'il me prenne de nouveau dans ses bras. Je crois que je connais, maintenant, le véritable sens du mot "bonheur". Il pleurait mais de bonheur, tout en me murmurant que je lui avais manqué. Je répondais à son étreint en souriant et en fermant les yeux, pour ensuite caler ma tête contre son torse. Lui aussi, il m'avait manqué.

Je m'éloignais d'un pas, pour pouvoir à mon tour le regarder. Il n'avait pas vraiment changé, toujours aussi grand, aussi beau, même si j'ai du mal à digérer ça quand c'est lui qui le dit. Même si il était pas mal musclé, il me paraissait fragile, peut-être parce que je savais qu'il avait échappé de justesse à la mort. J'avais un petit sourire qui apparaissait sur mon visage, puis je lui demandais :

En fait, ça fait combien de temps qu'on s'est pas vus ? Et puis il y a quelque chose que je comprends pas... Pourquoi tu es là, alors que l'institut est uniquement ouvert à ceux qui sont âgés de moins de 25 ans ?

En fait, je m'en fichais pas mal de sa réponse, mais je voulais le savoir quand même.

Ma Blade se recula d'un pas et m'observa attentivement. Même fatigué je réussit à penser "Quoi ? J'ai un truc entre les dents ?" ce qui me fit sourire intérieurement. Elle eut un petit sourire et fit :

En fait, ça fait combien de temps qu'on s'est pas vus ? Et puis il y a quelque chose que je comprends pas... Pourquoi tu es là, alors que l'institut est uniquement ouvert à ceux qui sont âgés de moins de 25 ans ?

Je me figeais un expression sûrement grotesque peinte sur mes traits. Alors là j'étais mal... très mal. Réfléchis, Kyle, allez fais marcher tes méninges... Je peux pas lui dire que j'avais reçu une permission spéciale de la part de Hideko, ça paraîtrait trop gros comme mensonge... Euh... Euh... Je pouvais pas lui mentir en disant que son information était erronée non plus, les infirmières derrière moi me contre-diraient... Je crois bien que je suis coincé... Je murmurais un air craintif sur le visage :

En fait... Euh, écoute petite sœur laisse moi finir sans m'interrompre, s'il te plais... Et ne t'énerve pas par pitié..?

Je me raclais la gorge :

Hrrrm... En fait, je t'ai menti... J'ai 25 ans et pas 27... J'ai menti à Rook et aux autres pour pouvoir avoir ta garde et m'entraîner plus tôt pour te protéger... Ne m'en veux pas je t'en prie... Je voulais juste te protéger, je voulais ton bonheur...

Pitié, je vais me remettre à pleurer, c'est pathétique. Je baissais mes yeux l'air coupable.