Qu'avais-je fait ? Hein ? Comment avais-je pu faire ça ?
Allongé dans mon lit, fixant le plafond, le dos de ma main sur mon front, le coude ouvert sur le côté, je ne parvenais pas à quitter mes pensées. Je serrais dans ma main le cristal, Ce cristal, que m'avait offert Aoi, pour mon dernier anniversaire. Mon coeur se serra lorsque je pensais que je n'avais... Toujours pas été la voir depuis ce dernier incident. Un emportement injuste de ma part. Stupide, et puéril. Voilà tout ce que j'étais.
Je fermai les yeux, et serrai mon poing sur son cristal, sentant ainsi sa chaleur, et percevant tant bien que mal l'énergie d'Aoi qui brillait quelque part dans Terrae. Mais j'étais trop perdu dans ma tête pour réussir pleinement à la localiser.
Mon autre main, posée sur mon ventre, serra mon t-shirt, alors que je me remémorai cette fois, quand j'étais avec Aoi, et qu'elle était tombée dans l'escalier. J'avais tenté de prendre tous les dégâts et... Je dois avouer que je m'étais quand même fait mal. Et puis je revis sa bouille d'ange, toujours calme, toujours là pour les autres, son sourire tantôt douloureux, tantôt terriblement sincère, joyeux, doux... Heureux. Et enfin, ce fut son visage dévasté, son regard perdu, ces pupilles qui s'agitaient alors qu'elle ne savait pas comme réagir face à mon emportement, lorsque j'avais découvert ces lettres. Je me redressai d'un coup dans mon lit, desserrant mon t-shirt pour taper du poing sur mon lit. Au moins, ça ne fait pas de dégâts...
Je me mordis involontairement la lèvre en me redressant, rageant contre moi-même. Essuyant le sang qui coulait lentement d'un revers agacé de la main, je posai mes yeux sur un coin de la pièce, me laissant de nouveau aller dans mes pensées.
Je crois que je restais ainsi une bonne demie-heure, sans remarquer le temps qui passait. Lorsque je me relevais de mon lit, mes yeux avaient viré au gris. Je sortis de ma chambre, et n'avançai que de quelques pas. Pourquoi avais-je attendu si longtemps pour toquer à la porte qui se trouvait juste à côté de la mienne...?

– Parce qu'il faut bien s'entraîner à le faire, un jour ! je lâche finalement avec force, debout au beau milieu de ma chambre, dans une pose stéréotypée de super-héros déterminé à sauver le monde.

Une grimace se glisse sur mon visage, alors que je laisse pathétiquement retomber mon bras le long de mon corps. Je me jette sur mon lit en soupirant, où je finis par m'asseoir en tailleur. Ce qu'il y a d'agaçant, avec les pouvoirs de guérisseur, c'est que le seul moyen de s'entraîner est de soigner des blessures. Logique. Sauf que bon, j'ai pas très envie de débarquer à l'hôpital et de demander aux infirmières si je peux pratiquer des techniques plus ou moins obscures sur mes cob-- les patients.
Ça va, je sais refermer les plaies, ressouder difficilement les os (bon, d'accord, très, très difficilement) et faire disparaître les bleus sans effort. Bon j'avoue que cette dernière faculté est utile qu'aux personnes aussi maladroites que moi qui s'amusent à jouer au flipper avec les murs de sa chambre et du couloir. Même si c'est pas toujours fait exprès.
Bref. Tout ça pour dire que j'y ai longuement réfléchi. Guérisseur, c'est quoi ? C'est tout ça. D'accord. Mais est-ce qu'on ne pourrait pas aussi essayer de faire le processus inverse ? Genre... Créer des plaies au lieu de les soigner ?
En me réveillant, ce matin, j'ai eu cette illumination subite, et j'avoue que je me suis fait un peu peur. Si ça se trouve, en plus, c'est même pas possible... Et ça me servirait pas à grand chose.
Donc oui, je n'ai rien à faire de ma journée.
Je place ma main droite au niveau de mon autre paume, ferme les yeux et tente de visualiser ce que je souhaite obtenir. Je cherche au fond de moi la source de mon pouvoir de guérisseuse et le laisse faire, comme j'en ai l'habitude. Puis mes sourcils se froncent, et j'essaie de ne penser qu'à cette plaie que je voudrais voir se former.
Inspirer.
Expirer.
Garder son calme, en tout circonstance. Ces derniers temps, c'est de sang-froid dont je manque je plus. Plus le temps passe, plus j'ai l'impression de ressembler à maman. Caractère fort mais enjoué – ou du moins souriant. Un léger sourire naît sur mes lèvres alors que je pense à elle. Si forte, si déterminée... J'aimerais être comme elle. Mais je ne suis pas feu, alors c'est impossible, pas vrai ?
Une moue boudeuse s'installe sur mes lèvres alors que mes pensées dérivent vers un certain rouquin. Ouais, bon, d'accord, finalement je préfère être air, au moins j'ai ça de chance en plus de jamais devenir aussi crétine...
Mon sourire se réinstalle sur mes lèvres. Je suis méchante, quand même, il faudrait que j'arrête.
Quelques coups légers contre la porte me sortent de mes pensées, et je constate sans surprise que ma paume est toujours vierge de toute coupure. Oh, et puis c'est pas grave, finalement, j'ai pas envie d'avoir mal. J'ai pas envie de me transformer en masochiste !
Mes pieds nus se posent avec douceur sur le sol, et je me surprend à penser que je n'attendais personne. Mes yeux glissent rapidement sur ma tenue, un débardeur et un short, puis je hausse les épaules sans conviction. Ça ira, je suppose. Si ça se trouve, c'est quelqu'un qui s'est trompé de chambre, comme ça arrive assez souvent, donc c'est pas bien grave.
J'ouvre lentement la porte, un doux sourire sur les lèvres.

– Oui ?

Mes yeux s'écarquillent imperceptiblement et mon sourire s'efface lorsque je reconnais la personne face à moi. J'avoue être tentée de refermer immédiatement pour me cacher et ne pas avoir à subir l'entretient qui va suivre, mais je me contente de me figer.

– Allen .. ?

Ses yeux argent me perturbent, mais je n'en montre rien – ou, du moins, autant que je le peux. Est-ce qu'il est encore en colère contre moi ? Mon cœur se serre douloureusement.
Un an et demi qu'on ne s'était pas parlé ; un an et demi que je ne l'avais pas vu d'aussi près. La première remarque intelligible que je me fais à son sujet est qu'il a grandi, pendant tout ce temps...

Le regard que je croise est... Bien différent de celui que j'avais pu croiser la dernière fois, émanant d'elle. J'aurais pu avoir l'occasion de la voir pas mal de fois, mais... Disons que je n'ai jamais eu le courage. Et pourtant, là, toute la réalité qui m'a échappée pendant plus d'un an me saute aux yeux. Toutes ces heures de cours où, me pointant à la dernière minute, je prenais bien soin de vérifier qu'Aoi n'était pas dans la salle, auquel cas je préférais sécher... Toutes ces heures là m'ont empêché de la voir évoluer, changer, devenir... Femme ?
Je restai alors paralysé ainsi pendant un bon moment, avant de revenir à la réalité, sans doute contre mon gré. Parce que ce retour à la réalité imposait avec lui une conversation... Que j'avais bien trop longtemps redouté. Et que là, maintenant, face aux faits... Je redoutais deux fois plus.
Je m'humidifiai la lèvre inférieure, discrètement, et posai mes yeux sur mes pieds, et mes mains, constatant que j'avais gardé son cristal dans la main... Ayant oublié de le ranger. Ce qu'elle devait forcément ressentir... Etant donné qu'il s'agissait de son cristal. Je le serrais plus fort et enfouis mes mains dans mes poches, relevant les yeux sur Aoi, qui semblait avoir plus ou moins passé sa surprise face à mon apparition derrière sa porte... Bien qu'elle semblât encore légèrement réticente à l'idée d'avoir... LA conversation ?
A cette idée, un léger frisson me parcourut l'échine. A vrai dire, je n'avais pas envie de parler de ça non plus... Je m'en rendis compte au moment où je constatai que j'étais ainsi, posté devant sa chambre, depuis un bon moment maintenant, totalement muet, pratiquement sourd apparemment, car je ne me rappelai plus ce qu'elle m'avait dit, et... Fort heureusement pour moi, pas encore aveugle.
J'avalai ma salive. Assez difficilement d'ailleurs...
Je me passai une main dans les cheveux, constatant que je commençai à me dandiner sur place sans parler. Et puis, j'ouvris la bouche... Sauf qu'aucun son ne sortit. C'est le comble pour un Sonore, n'est-ce pas ? Je pestai intérieurement et détournai le regard. Bordel mais Allen, même une petite fillette de 3 ans serait plus courageuse que toi...
Je reportai mon regard sur Aoi, le plantai dans ses yeux alors qu'ils étaient déjà redevenus bleus depuis longtemps maintenant. Je me pinçai les deux lèvres... Avant de soupirer. Je me lassai. C'était carrément le mot. Je me mis alors à serrer très fort son cristal, et je murmurai un léger...

-Désolé...

Regardant ailleurs. On aurait dit un vrai gosse. C'était n'importe quoi... Sauf qu'en plus, vous savez quoi ? Mes pouvoirs étaient des traitres. Parce que mon pouvoir de sonore, pour ce murmure, il avait vachement bien fonctionné... Et mon "désolé" avait résonné dans tout le couloir...

Un frisson mon parcours l'échine alors qu'il m'observe dans le silence le plus complet. Il semble être plongé dans une sorte de transe, immobile, absent. La manière dont il laisse ses yeux courir sur mon corps donne à la scène une allure de première rencontre qui me fait presque mal au cœur. En cet instant, à quoi pense-t-il ? À la vue de l'inquiétude qui lui brouille les traits, je me doute qu'il se remémore notre dernière entrevue somme toute plutôt courte...
Ses poings se serrent et fuient dans ses poches – doucement, palpitant au creux de sa paume, je ressens une énergie particulière, celle-là même qui se niche au creux de ma poitrine. Mon cristal ? Il l'a gardé, alors ? Cette constatation me réconforte plus encore que sa présence ici, au pas de ma porte.
J'ai un peu de mal à réfléchir, et je m'embrouille toute seule en continuant à me questionner mentalement, à m'inquiéter de ce qu'il allait dire ; lui aussi semble mal à l'aise, et je l'observe un instant se dandiner devant moi. Il a l'air de chercher ses mots, de ne pas savoir quoi dire, et son soupir, qu'il pousse si désespérément, me fend l'âme.

-Désolé...

Mes yeux me piquent un peu, et je remarque que ma vue se brouille légèrement à cause des quelques larmes qui ont perlé. Ses mots résonnent autant dans le couloir vide que dans mon cœur et mon esprit. Alors, il ne m'en veut pas ? Il ne m'en veut pas de lui avoir menti, de lui avoir caché ces choses sur ses parents ? Ni de ne pas être revenue après ça, de peur de... de peur de quoi, déjà ? De le perdre ? Ahhh... Vraiment... Je crois qu'on est stupides.

– Moi aussi je suis désolée, Allen, je murmure en baissant un peu les yeux.

J'étire un faible sourire pourtant empli de douceur, et relève la tête vers lui. C'est vrai. J'avais décidé d'être forte, de ne plus me laisser aller à de noires pensées. Il faut que je tienne ces engagements à présent, sinon tout ce en quoi j'ai choisi de croire sera vain. Ce n'est pas pour maman que je le fais, ce n'est pas non plus pour Mitsuki, ou Allen, ou Tomoe, ou même encore Shizuru. Je le fais pour moi, pour pouvoir, un jour, être fière et me dire que je n'ai pas totalement flanché. Qu'il ne faut pas abandonner. Peut-être que plus tard, quand j'aurais des enfants, je pourrais leur prouver que la volonté est une chose merveilleuse, leur apprendre à rester déterminé.
Déterminé à ne pas se laisser abattre par tout ce qui nous tombe dessus. C'était ça que me disait Tomoe, pas vrai ? « Tu ne dois pas abandonner, il te faut de la volonté. » Et Shizuru... Ce discours que je lui avais fait... J'étais naïve, et je le sais ; mais j'ai grandi, depuis. J'ai grandi, je me suis affirmée comme je le pouvais. « Comprends-tu seulement la valeur de ta propre vie ?! » Oui. Oui, je la comprends, à présent, Shizuru. Je la comprends. C'est pour ça que je ne pleurerai plus, que je ne faiblirai plus. Je me battrai pour les autres, pour leur sourire. Pour leur vie, s'il le faut.
Ce n'est qu'un début, et je le sais. Mais tout commence par un enchaînement de petits pas, n'est-ce pas ?

– Tu m'as manqué, je lui avoue dans un souffle, de retour sur terre.

J'hésite un instant, avant de me rapprocher lentement et de le serrer doucement dans mes bras.
Les explications viendront plus tard.

Allen passe le pas de la porte, se retenant visiblement de rire face à... ouais, face à ma pathétique tentative de rangement. Il faut bien dire ce qu'il en est, hein ! Je détourne un peu les yeux, gênée qu'il m'ait vu me louper comme une dératée.

-T'as raison, détourne le sujet de conversation ! Moi je trouvais que parler de ta chambre, et de ton beau travail de rangement, c'était une bonne idée, mais bon... Surtout qu'au final, ta chambre était... Rangée. Par contre maintenant... Ben elle l'est plus.  

Je le fixe un instant, mes joues prenant au fur et à mesure une jolie teinte écrevisse. Ah. C'est méchant, là, quand même ! Je fais de mon mieux, même si on dirait pas ! Enfin ça c'est les gênes du boulet qui refont surface, ça faisait longtemps. Je lâche finalement un petit rire lorsqu'il me tire la langue et m'ébouriffe les cheveux. Cette complicité, entre nous, ça m'avait tellement manqué ! C'est vrai, quoi. Il avait disparu si brusquement que... j'ai cru ressentir à nouveau ce vide qui me torturait avant de rejoindre Terrae. Je ne veux plus jamais sentir cette douleur à la poitrine.

– Chut, hein ! Je fais comme je peux.

-Et sinon, quoi de neuf quoi de neuf... Hmm... A vrai dire, pas grand chose. Les cours, les sorties, les crises de Mitsuki à supporter, avec ses caprices... Enfin, tout ça quoi ! Et toi alors ?

Ses mots me tirent un nouveau rire amusé, surtout la partie sur Mitsuki. Ça me manquait de les voir se chamailler tous les deux, il faudrait qu'on se refasse des sorties à trois à nouveau. Enfin, si je ne dérange pas.

Je hausse les épaules.

– Oh, pas grand chose non plus. Des entraînements, par-ci par-là. Quelques rencontres, aussi. Des chieurs (je fronce les sourcils en pensant à Huo) et d'autres gens plus sympathiques, heureusement. Sinon... Sinon rien.

Et voici le néant de ma vie ! Fallait pas s'attendre à mieux, en même temps...

Je reprends mon sourire, plus tendre, un peu rêveur.

– Mais c'est pas grave, je m'occupe en jouant un peu.

Je reprends immédiatement d'une voix douce, pour qu'il n'y ait pas d'incompréhension :

– Du violon, je veux dire. Et maman m'a envoyé son sabre, récemment. Mais pas un mot...

Mes yeux se perdent dans le vague quelques secondes. Un an et demi sans nouvelles, comme pour Allen. Ce n'est pas grave, je sais qu'elle fait ce qu'il faut. Un jour, je la reverrai et la serrerai fort contre moi.

– Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas utilisé. Je ne me souviens même plus comment on l'utilise au combat, je souris à nouveau, un peu gênée de lui avouer ça.

Aoi avait beau me dire qu'il n'y avait pas grand chose à me raconter... Au final, ça se voyait qu'on ne s'était pas vu depuis longtemps. La preuve étant qu'elle avait plus de choses à me dire, et elle aiguisait plus ma curiosité qu'elle ne le pensait.
Je souris donc en l'écoutant me raconter tout d'abord qu'elle avait fait pas mal de rencontres, notamment des chiantes -bon, en fait j'avais surtout retenu ce point parce que ça m'intéressait. C'était l'une des questions que j'allais avoir à poser après...
J'appris aussi qu'elle continuait à jouer du violon, et également qu'elle avait récupéré le sabre de sa mère. Sans un mot... pas de nouvelle.
Son regard se perdit dans le vide, ce que je comprenais. L'absence de nouvelle. Comment savoir si elle allait bien ? Les parents ne se rendaient pas compte parfois. Ils étaient bêtes, hein ? Je me souvenais encore de mon père des fois, qui me disait "On est chiant, hein ? T'es pressé de plus nous avoir sur le dos, hein ?". Et ben à vrai dire, même s'il était chiant -lui plus que Maman-, non... Non, et je m'en rendais compte maintenant. Ils me manquaient, et j'aurais aimé les avoir sur le dos encore plus longtemps. Ou au moins avoir des nouvelles... Merde quoi ! Une carte postale c'est pas grand chose... Ou un simple bout de papier. Une lettre où il y a écrit "On est en vie mon ange !". C'est quand même pas grand chose... Mais non. Tss.
Aoi me ramena à la réalité et me sortit de mes pensées lorsqu'elle m'avoua ne même plus savoir comment se servir véritablement de son sabre, une moue un peu gênée sur le visage. Je souris, et pris la lame dans mes mains, l'observant avec attention.
Je relevai les yeux vers Aoi.

-C'est con... Mais moi je suis pas très doué avec les armes comme ça. Mais Mitsuki en revanche... Grâce à ses parents chelous, elle est un peu -un tout petit peu, hein!- plus douée que moi en arme de pointe, en combat et tout ce qui va avec...

Ouais, en fait, j'ai honte, parce qu'en vrai... Mitsuki se défendrait à 100% mieux toute seule qu'avec moi sur le dos. En fait, je suis un peu une honte chez les mecs... Maiiiiis bon.
Je reposai délicatement le sabre là où je l'avais pris, et me tournai vers Aoi avec un regard malicieux.

-Et sinon ! C'est quoi ces rencontres... Chiantes ? Dis-moi tout ! Et me dis pas qu'il n'y a rien à dire, hein... Je le vois que tu me cache quelque chose !

J'esquisse un petit sourire désolé à Allen lorsque j'atterris à nouveau sur Terre, consciente que lui non plus n'avait pas de nouvelles, ni rien, de la part de sa mère. Je ne le sais que trop bien, par ailleurs, et j'ai encore ce petit automatisme qui fait que je suis un peu récalcitrante à ce sujet. Après tout, c'est à cause de ça qu'on s'est perdus de vue... pendant un an et demi. Mon sourire devient plus doux, plus rassurant. Je n'ai pas envie de le déprimer avec ça, donc autant ne pas s'y attarder – et je suis par ailleurs heureuse qu'il ne fasse pas de remarque à ce sujet.

Ahhh, Allen... Tu m'as manquée.

-C'est con... Mais moi je suis pas très doué avec les armes comme ça. Mais Mitsuki en revanche... Grâce à ses parents chelous, elle est un peu -un tout petit peu, hein!- plus douée que moi en arme de pointe, en combat et tout ce qui va avec...

Avec un sourire un peu plus amusé, je le vois observer le sabre, et ne pus retenir une petite remarque moqueuse :

– Un tout petit peu, hein ?...

C'est sûr que j'avais jamais vraiment vu Allen se battre... Quoique lui non plus devait pas m'avoir vue à l'œuvre, donc ça doit égaliser. Mais j'avoue que j'ai pas très envie qu'il me voit en train de me battre contre quelqu'un, je crois que ça m'enlèverait définitivement tout le crédit que j'ai auprès de lui... Enfin, si j'en ai !

-Et sinon ! C'est quoi ces rencontres... Chiantes ? Dis-moi tout ! Et me dis pas qu'il n'y a rien à dire, hein... Je le vois que tu me cache quelque chose !

Mon sourire se crispe soudainement. Ah non. Ah non ! Je suis pas d'accord ! Bon sang, Allen ! Pourquoi tu mets toujours le doigt sur les trucs les plus agaçants, hein ? C'est une vengeance, c'est ça ? T'es vraiment pas cool !

– Des rencontres chiantes ? je fais soudainement mine de m'étonner, regardant par-dessus mon épaule. Où donc ? Non non, je vois pas du tout de quoi tu veux parler.

Puis, avisant son regard insistant et le fait qu'il ne me lâchera sûrement pas avec ça, je soupire et continue :

– Rien, j'ai rencontré un Feu stupide du nom de Huo. Un débile. La seule personne en deux décennies capables de me faire sortir de mes gonds, et c'est peu dire. J'ai même pas mis dix minutes à m'énerver je crois...

Je pince les lèvres, rougissant un peu de honte.

– Je me suis laissée aller à sa provocation et je l'ai massacré en combat. C'était pas équitable, vu qu'il était qu'initié... Mais n'empêche que j'aime pas les Marionnettistes ! je rajoute d'un air boudeur, comme pour signifier que c'était entièrement de sa faute s'il s'est tapé une raclée monumentale.

Néanmoins, un air plus joyeux se peint sur mon visage.

– Enfin maintenant, je suppose qu'il viendra plus m'emmer-- enfin hum.

Restons polis !

– Mais voilà, on s'en fiche de lui, c'est un crétin !

J'ai dit ça d'un air un peu trop joyeux, non ? Boarf, disons que l'image d'une princesse Raiponce sans sa tresse est assez amusante, même quelques semaines plus tard...

– Et toi alors ! Tu ne me racontes presque rien... Ose me dire que tu n'as pas encore de copine, je te croirais pas ! je renchéris en prenant un faux air boudeur.

Huo, hein ? J'écoutai Aoi se dépatouiller tant bien que mal à me raconter tout ce qu'elle avait à me raconter sur ce mec, et laissai un sourire s'étirer sur mes lèvres, sourire de plus en plus large, tandis que celui d'Aoi devenait de plus en plus agité. Enfin... "Agité"... Elle passait de boudeuse à énervée, quoi que gentiment énervée, puis ensuite devenait gênée, embêtée, pour repasser à énervée. Tout cela, bien sûr, après avoir commencé par feindre l'innocence au début. Comme si j'étais débile. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle avait du continuer d'elle-même. Quand elle avait croisé mon regard, avec mon sourcil arqué, elle avait certainement dû comprendre que d'une, je n'étais pas une bille, et de deux, je n'allais pas la lâcher.
L'écoutant donc, je laissai sur mes lèvres naître un sourire. Elle était adorable... Même si ça m'agaçait un peu. Elle allait tomber sous son charme à ce...
...Ce... Un marionnettiste ?! Quoi ? Nan nan nan ! Pas un feu ! Nan ! Il va lui faire du mal ! Il va la détruire ! Et qu'elle me dise pas "On s'en fiche de lui c'est un crétin" comme ça ! Oui, c'est un crétin, mais on s'en fiche pas ! Il va revenir à la charge ! Tu m'étonnes, un feu comme lui, il va adorer l'embêter ma petite Aoi ! Elle est toujours toute souriante, adorable, jolie, gentille, attentionnée... Ce petit sa... Il va me la voler ! Bon, ok, j'ai pas mon mot à dire, étant donné que comme le plus grand des abrutis j'ai fait la gueule pendant 1 an sans vraie raison... Maiiiiis... Rah pis merde hein ! Je veux pas de cet "Huo" dans sa vie ! Il peut retourner voir ailleurs ! J'l'aime pas, j'le connais pas, mais j'l'aime pas, ok ?!
C'est là que mon sourire se crispa, à vrai dire. Au début, j'étais amusé, parce que je remarquai bien qu'Aoi n'était pas indifférente à ce gugus. Mais maintenant que je savais qu'il allait lui briser son joli petit coeur, j'étais un peu moins amusé. Encore un peu moins aussi quand elle changea net de sujet pour passer à... Mes relations. Je fus pris d'une légère quinte de toux et je manquai de m'étouffer à plusieurs reprises avant de finalement me calmer et secouer vivement la tête pour me sortir de cet enfer.

-Aoi ! Tu l'approches plus ce mec, ok ?! J'en veux pas dans ta vie ! Et s'il te fait du mal, je le détruis, d'accord ?!

Bon, en même temps, elle toute seule le démonte, donc voilà, hein...

-Et sinon, heu... Ahem... Mes... Ma copine... Comment dire ? Elle... Elle...

Je fus pris d'un soudain intérêt pour la vue que sa fenêtre donnait sur la cour. Waaaah le ciel est beau !
... Bon ok il est pareil partout.

-La dernière personne que j'ai trouvée intéressante, disons que je ne l'ai pas revue depuis des mois... Voire des années ? Donc voilà, hein.

Et je toussote, histoire de faire bien.

Au fur et à mesure que je parle, je me rends compte de son sourire, un peu trop amusé pour mon propre bien. Puis, d'un seul coup, son sourire se crispe, et il semble réellement... Agacé. Je fais la moue, sans comprendre pourquoi il réagit de cette manière. J'ai fait quelque chose de mal ? Ou alors il s'inquiète, et il ne me croit pas en disant que je l'ai battu ? Peut-être qu'il s'imaginait qu'il m'avait fait du mal ? Ce serait aller un peu loin, quand même, surtout qu'Allen est pas du genre à dramatiser...
Lorsque je tente de changer de sujet, un peu désespérément je l'avoue, je le vois pris d'une quinte de toux. Ses mots me font d'abord lever un sourcil. D'ailleurs, je crois que j'ai même une tête passablement choquée. Ou circonspecte... Un petit mélange des deux, probablement. Euh. Dans ma vie ? De quoi ? C'est quoi cette histoire encore ? Et c'est censé vouloir dire quoi, ça, au juste ? Il a compris ce que je lui ai dit, ou il faut que je lui précise ? Je déteste profondément Huo, c'est pas assez clair ? C'est pas parce qu'il me dragouille (oui ce mot n'existe pas et j'assume parfaitement) parce qu'il voit que ça m'énerve que ça me fait quoi que ce soit d'autre ! Puis je veux bien croire que-- Roh et puis crotte, quoi.

– Mais... je murmure. T'inquiète pas, je suis pas masochiste au point de vouloir le recroiser un jour... Et puis je sais me défendre, faut pas t'en faire !

Bon, je crois qu'il vaut mieux essayer d'éviter le sujet. Peut-être qu'il le connait et qu'il sait comment il est, et que c'est pour ça qu'il s'affole autant... N'empêche que je l'ai rarement vu aussi... Aussi... Comme ça …? Oui, je suis très éloquente. Mais j'aimerais bien savoir à quoi il a pensé, là, tout de même. Ça me perturbe.

-Et sinon, heu... Ahem... Mes... Ma copine... Comment dire ? Elle... Elle... La dernière personne que j'ai trouvée intéressante, disons que je ne l'ai pas revue depuis des mois... Voire des années ? Donc voilà, hein.

Je lâche un petit « Oohh » attristé, semblant avoir déjà oublié le sujet précédent.

– Tu devrais peut-être aller la voir et lui parler, tu penses pas ? je lui lâche timidement.

Un sourire doux s'étire sur mes lèvres avec lenteur, alors que je l'imagine avec cette jolie inconnue. Je me retiens de toutes mes forces de l'interroger plus en détail. En prenant en compte ce qu'il vient de me dire... ça ne peut pas être Mitsuki. Et donc, forcément, ça veut dire qu'il l'a plus ou moins oubliée – ou au moins qu'il s'est détaché d'elle, et c'est bon à savoir. Il avait l'air tellement triste, parfois, lorsqu'il la regardait... Il n'en avait jamais parlé, bien sûr ; mais un regard vaut tellement plus que des mots, parfois. Ou peut-être que je me trompe depuis le début... N'empêche que c'est l'impression que j'ai toujours eue. Il ne regarde pas les autres comme ça. Et même si Mitsuki est sa meilleure amie, c'est... ambiguë ? De toute manière j'aurais jamais le courage de lui demander...

– Elle a l'air de te manquer.

Je me mordille la lèvre avant de céder et lui demander qui c'est, puis m'excuse brièvement.

– Pardon, ça me regarde pas. Je n'insisterai pas si tu ne veux pas en parler.

J'aimerais bien savoir qui elle est, n'empêche... Notre petit Allen devient grand ! Ahem...

Et voilà ! Pourquoi fallait-il que le sujet me retombe dessus, hein ? C'était bien, quand le centre d'intérêt c'était ma chère Aoi ! En plus, c'était intéressant. Alors que ma vie à moi, c'est un véritable désert, et même le Sahara ! Il se passe rien, et chaque grain de sable représente une minute d'ennui. Vous imaginez le bordel ? Certains grains de sable représentent même juste une seconde. Ca, c'est quand je suis en cours d'anglais. C'est d'un ennui ! Mais c'est terrible... J'ai l'impression que les profs font exprès de mettre le niveau aussi bas. Bon, en même temps, j'ai la chance d'être bilingue, grâce à mon père qui était anglais... Mais même ! Ils pourraient faire un effort pour que ce soit au minimum attrayant !
Bref...
Je savourais le léger silence qui s'installa, après que Aoi m'ait conseillé d'aller la voir pour lui parler. Je faillis tomber à l'entende de ce conseil. Zero. Aller la voir. Mais oui bien sûr. Et puis bon, il y en a d'autres des filles hein. D'ailleurs, ça c'est même très drôle, parce qu'à Terrae, il n'y a que des belles filles ! C'est quand même dingue ça...
Je soupirais gentiment, et laissai donc ce léger silence s'installer, observant le... rien, à la fenêtre. Je tournai finalement la tête vers Aoi, qui semblait trépigner de curiosité, ayant visiblement du mal à se contenir pour ne pas poser davantage de question. Sa légère remarque eut presque l'effet escompter : c'est vrai qu'en repensant à elle, je ne pus m'empêcher de me dire que... Et bien... Et bien oui, peut être qu'elle me manquait un peu. Et en même temps, et bien non ! Je ne l'avais vu qu'une fois, quand même ! Elle n'allait pas me... "manquer"...
Aoi laissa finalement échapper la question qui lui mordait les lèvres. Je ne pus m'empêcher de rire, notamment lorsqu'elle s'empressa de s'excuser. Je ris de plus belle, avant de faire un léger signe de main pour lui faire comprendre que ce n'était rien.

-Elle s'appelle Zero. Je ne sais pas si tu la connais. Mais bon, tu sais... Je ne suis pas particulièrement à fond sur elle, hein. C'est juste que depuis que je suis à Terrae, c'est la personne que j'ai trouvé... Et bien la plus intéressante. Et c'est aussi la seule personne avec qui je me serais bien vu.

A l'exception de Mitsuki, bien sûr... C'était con, mais des fois j'y repensais, et je me disais quand même qu'on aurait pu être heureux, tous les deux...

-Mais bon, je ne l'ai jamais recroisé, et puis... Je sais que si j'allais un jour toquer à sa porte, bien que ne connaissant même pas son affinité, il faudrait que je me tape tous les couloirs pour trouver, je serais reçu avec une batte de baseball, probablement.