Et la balle vole, vooole, voooole...
J'observe Roxanne avec un sourire en coin, vivement amusé. Bon, d'accord, elle a juste dévié la balle. Mais elle l'a bien touchée, non ? C'était ça le pari après tout ; réussir à la renvoyer. Et elle l'a fait ! (Bon, de manière absolument anti-professionnelle mais on va dire que son sourire de dix kilomètres vaut bien le détour pour cette petite entorse au règlement, pas vrai ?) Je la regarde sautiller un peu avant de se laisser tomber comme une masse dans l'herbe, éparpillant tous ses cheveux autour de son visage. J'éclate de rire en m'en allant ramasser les balles que je range dans mon petit sac de toile, avant de me planter devant elle, un peu penché, les poings sur les hanches.

– Gagner, gagner, c'est un bien grand mot tu ne crois pas ? je la taquine gentiment, lui proposant ensuite de se lever en lui tendant la main. Allez viens, tu l'as méritée ta gâterie.

Un clin d’œil plus tard (bon ok, c'était dégueulasse, je plaide coupable) et je la remets sur ses pieds, puis attrape ma batte adorée que je fais tournoyer entre mes mains. Nous discutons joyeusement sur le chemin jusqu'au café, profitant encore un peu du beau temps.

– Arrête, je suis certain que tu vas me faire un trou dans le porte-monnaie un de ces quatre. Franchement Roxy, faut pas manger autant, tu risquerais de devenir une baleine.

Puis, anticipant un haussement de sourcils qui n'augurerait rien de bon pour mon matricule, je m'empresse de rajouter :

– Mais promis, même si tu deviens un cachalot, je continuerai à te coller aux basques comme un koala accroché à son eucalyptus ! C'est merveilleux, avoue-le.

Misao, tu viens de sortir à la nana qui te plaît qu'elle allait finir par ressembler à un... cachalot ? Oh mon dieu, c'est plus grave que ce que je croyais...
Un sourire en coin étire à nouveau mes lèvres alors que nous nous approchons du fameux café. Je la laisse prendre une table et m'enquiers de sa commande, que je vais chercher puis dépose devant elle avec un sourire amusé. Une tartelette à la fraise et un thé pour moi ; avec un peu de chance, ça achèvera de me remonter le moral. Sérieusement, je sais pas ce que je ferais si elle était pas là pour me tirer vers le haut chaque fois que je coule. Et pourtant, je ne lui ai pas parlé de tout...

– Fêtons dignement ta victoire inespérée, je la taquine encore, attrapant ma propre cuillère pour piocher dans mon assiette. Que cette journée reste dans les annales !

… Mais quelque part, je me dis que je n'ai pas envie de gâcher son sourire. De la faire se sentir triste à cause de ce que j'ai pu faire. C'est aussi quelque chose que je redoute. Lui faire part de mes doutes, de mes appréhensions.
Enfin bon.
Pour le moment, j'ai juste envie de profiter un peu du soleil, de la chaleur. De cette bonne humeur qui semble occulter tous les problèmes.

Oups ? J’aurais pas dû parler du cachalot, c’est ça ? Soucieux, j’observe son visage et tente de décrypter son expression, pour savoir si elle est vraiment vexée ou si elle fait simplement semblant – comme environ 90% du temps, je dirais. À peu près. Avant de finalement comprendre qu’on n’avait toujours pas troqué ma Roxy adorée contre une de ces pimbêches qui se vexent à la moindre plaisanterie. Ça me fait du bien de pouvoir lancer quelques mots en l’air comme ça, observer son sourire et l’entendre rire. Parfois je me dis que c’est un des seuls trucs qui me retienne ici – et honnêtement, je ne peux que lui en être reconnaissant. C’est cool de pas déprimer toute la journée, hé !
J’éclate de rire suite à sa réplique.

- Évidemment, une jeune femme telle que toi ne peut donc pas être comparée à un koala…

Quoiqu’être comparé à un bambou, je sais pas, mais je trouve pas ça spécialement gratifiant non plus, m’enfin bon… Soit !
Nous nous installons à table et mangeons tranquillement, alors que je lui réplique que non, elle n’était pas faite pour gagner puisque le meilleur, c’était moi. Tout de même, j’ai une certaine fierté ! Déjà que je me fais tout le temps battre à Mario, si en plus elle me bat au sport j’ai plus qu’à mourir dans un coin de désespoir… J’acquiesce néanmoins en imaginant la scène lorsqu’elle évoque mon neveu, un peu rêveur. J’aime tellement m’occuper de Dai-chan, il est si mignon ! Comme son oncle, quoi. Sisi. J’ai pas honte de le dire !

- Oh oui, je lui apprendrai à jouer du baseball. Peut-être qu’il deviendra pro parce que j’aurai été un coach exceptionnel ! je m’enthousiasme en agitant ma cuillère dans tous les sens.

Puis, m’apercevant que Roxanne a fini de manger, je me dépêche de faire de même, lui lançant de temps à autres un petit sourire mutin. On dirait qu’elle est gênée, c’est mignon.
Je termine mon café et le repose, m’étire un peu.

- Hm ? De la peinture ? Nan, j’ai jamais vraiment essayé. Ça fait longtemps que j’ai même pas tenté de dessiner un minuscule truc… Faudrait que je retente, une fois. Tu pourras te moquer.

J’ai un sourire amusé à cette pensée. Adolescent, j’aimais bien reprendre les héros de comics et les redessiner à ma sauce. Même si c’était pas forcément très beau mais bon, j’ai pas vraiment persévéré. C’est ma sœur qui était une artiste, pas moi. J’ai toujours été plus… Scientifique.
Cette pensée me tire une expression plus neutre, mais j’essaie de la masquer comme je peux. Nous discutons encore un petit moment, avant que je ne me rappelle que… j’ai toujours pas fini de ranger mon armoire, au final. Bon, ma journée a pas été super productive, hein…

- Ça te dit qu’on y aille ? J’aimerais pouvoir terminer ce que j’ai commencé tout à l’heure, je souris en lui faisant un clin d’œil.

Cette fois, j’évite de lui prendre la main pour l’entraîner à ma suite. En fait, je crois qu’elle n’aime vraiment pas ça… Du coup, ben, voilà. Bref. Elle doit penser que j’ai une idée derrière la tête, ou que c’est trop suspect, ou je sais pas quoi – et bon, faut avouer que ça l’est un petit peu. Mais vraiment un petit peu, hein ! Si elle veut pas… Je vais pas le lui imposer. Je suppose ?