Mes pouvoirs, revenant petit à petit, pulsaient dans mes veines. Je sentais la colère m'envahir et je ne cessais de fixer le scientifique -apparemment allié- qui se tenait devant nous. Même si Ys me certifiait que ce n'était rien, je n'étais pas sereine. Ca pouvait très bien être un autre piège. Une sorte de grand piège, où tout était prévu... Il pouvait très bien avoir injecté quelque chose d'autre à Ys ! Et ça, j'aimais pas.
Pourtant, le scientifique semblait en totale confiance. Un petit sourire en coin sur les lèvres, il me répondit qu'il n'avait qu'à se mêler entre eux, car tout avait été calculé, et qu'il pouvait très facilement se faire passer pour une victime. Ma voix, sèche, m'échappa.

-Bon. Très bien dans ce cas.

Je me figeai cependant lorsqu'il nous transmit ses amitiés pour Hideko. J'arquai un sourcil avec interrogation, mais n'eus pas le temps de poser ma question : il s'éloignait déjà, avait fait volte face, et repartait vers le laboratoire. Je grognai légèrement, agacée de ne rien comprendre.
Je croisai alors le regard d'Ys, et me pinçai la lèvre. Rien dans cette mission ne s'était passée correctement... Nous n'avions pas trouvé d'enfants, nous avions été pris au piège par les scientifiques, et un homme particulièrement étrange nous avait sauvé sans que je ne puisse un seul instant comprendre véritablement ses intentions. Qu'y avait-il gagné...?
Je me mordis la lèvre inférieure, et soupirai.

-Oui, il faut y aller.

Toutes les missions ne pouvaient pas se passer aussi bien que celle avec Isis et Bogdan, j'imagine.
Chad nous indiqua qu'on pouvait encore avoir le dernier train, si on se dépêchait.

-On a rien à perdre, soufflai-je.

Je n'étais pas encore capable de nous téléporter, et tout comme eux, je préférais rentrer le plus tôt possible.
Tentant de me remettre dedans, je leur adressai un faible sourire, m'espérant encourageante, même si ce sentiment d'incertitude et d'angoisse m'envahissait encore.

-Allez, allons-y !

Prenant la tête de la marche, je glissai mes mains dans mes poches, me rappelant que mes vêtements avaient été légèrement abîmés par les scientifiques, au moment de notre emprisonnement. Je tournai la tête vers Ys et Chad.

-Et bien... On va vraiment passer pour des clochards.

Et ça, c'était sans évoquer les traces de terre et autre saletés qui couvraient mon débardeur blanc.

Ressentant toujours autant de culpabilité quant à l'échec de la mission, je me contentais de sourire timidement lorsqu'Ys annonça que les gens devaient tout simplement être jaloux de nous, car même si nous avions l'air de clochards, au moins, on était sexy.
Nous ne tardâmes pas à arriver à la gare, ayant marché en silence, chacun broyant probablement du noir dans son coin. A plusieurs reprises, je voulus prendre la parole pour tenter de nous faire penser à autre chose, mais rien ne vint jamais, aussi me contentai-je de marcher en silence. C'était presque comme une marche funèbre... Nous devions vraiment avoir l'air d'idiots. D'idiots déprimés, en plus.
Chad partit prendre nos billets, souhaitant certainement avoir un petit instant de solitude durant lequel il n'aurait pas à nous regarder. Ys en profita pour se rapprocher de moi, et un peu surprise, j'ancrai mon regard dans le sien. Ses paroles me réchauffèrent le coeur, et je pense que si je n'étais pas aussi déprimée, je lui aurais probablement sauté dans les bras. Je ne devais vraiment pas être dans mon assiette pour ne pas l'avoir fait...
Au lieu de ça, un sourire, calme, doux, sincère, naquit sur mes lèvres, et je hochai délicatement la tête.

-Merci Ys. Ca me fait très plaisir...

Chad revint avec nos billets, et nous rejoignîmes le quai pour attendre le train. La réflexion d'Ys me fit souffler avec amusement, à peine perceptible.

-Je ne pense pas... C'était un piège... Elle ne peut pas nous blâmer, personne n'était au courant...

Le train entra en gare et nous prîmes place dans une cabine de wagon. M'installant à un siège près de la fenêtre, je regardai le paysage commencer à défiler en silence, pensive. Finalement, je tournai la tête vers mes coéquipiers.

-Vous avez été super sur cette mission. Même si nous nous sommes faits avoir... Vous avez très bien agi.

Je tentai un sourire, un peu maladroit, et cherchai quelque chose à ajouter, en vain. En fait, j'étais tellement dépité que plus rien ne voulait sortir de ma bouche. Finalement, je soupirai.

-J'ai même pas de sujet de conversation ! C'est quand même dingue...

Mon sourire devint un peu plus naturel, sincère.

-Tu sais Chad... T'as presque de la chance de m'avoir rencontré comme ça. D'ordinaire, je parle trop et je bouge trop... Tu n'aurais pas supporté je pense !

L'Etoile se contenta de sourire à ma remarque. Il fallait bien tenter de remonter l'ambiance.

Je fus surprise de m'entendre rire de bon coeur lorsqu'Ys chiffonna mes cheveux, passant ma tête sous son bras. Je ne saurais dire si la tension due à la mission s'était évacuée, ou si ce contact me faisait du bien, toujours en était-il que je me sentais mieux. J'avais retrouvé le sourire, au moins un peu, et ça me faisait du bien.
Ys me lâcha alors pour s'allumer une cigarette, et je retins un soupir malgré moi. Je me souviens de la première et dernière cigarette que j'avais fumé dans ma vie. J'étais avec des copains, j'avais voulu tester... J'étais rentrée chez moi, et ma mère, détecteur de cigarette à 3 km, m'avait incendiée. J'avais fini avec punition -oui oui- et après 200 lignes de "je ne fumerai plus jamais", j'avais décidé que c'était bien trop épuisant pour mon poignet de m'aventurer là-dedans. J'avais donc, bien gentiment, laissé tomber.
Je souris donc en coin, légèrement, et laissai échapper :

- J'espère pour toi qu'aucun contrôleur ne va passer !

Je lui souris gentiment, et l'écoutai m'annoncer qu'il allait devenir vagabond pour éviter Hideko. Je fronçai les sourcils.

-Ah non ! m'exclamai-je. Non non non, hors de question ! Tu m'accompagnes pour le bilan de la mission ! Avec Chad ! Pas vrai ?!

Je me tournai vers le concerné, qui était en train de se faire tout petit... Trop tard ! Je lui offris un grand sourire, ce à quoi il finit par répondre par un rire léger.

-Oui bien sûr. Je viendrai aussi. Mais Ys n'a pas intérêt à se défiler !

Mon rire léger, désormais cristallin depuis mon passage au rang de Master, s'échappa de mes lèvres, et je tournai la tête vers Ys.

-T'inquiète pas Chad, il n'aura pas de choix ! Vagabond ou non, je saurais toujours le retrouver pour le ramener par la peau des fesses !

Je lui adressai un clin d'oeil.
Nous continuâmes à parler tout le long du trajet. Ca me faisait du bien, et j'osais espérer que c'était pareil pour tout le monde.
Malgré l'échec, j'avais fini par relativiser : nous étions tous les trois en vie, et c'était le principal. Hideko ne pourrait pas nous punir. Et de toute façon, elle n'en aurait pas le droit. Si jamais elle nous reprochait quoi que ce soit, je pense que malgré mon rang de Master tout neuf, je n'aurais aucun problème à rétorquer. Maman m'avait toujours dit que j'avais tendance à ne vraiment pas me laisser faire... Parfois même un peu trop. Ce qui pouvait être... Dangereux ? Mais enfin.
Lorsque nous arrivâmes à Tokyo, on descendit. On rentra à Terrae en taxi -merci la paye de Master !- et nous fîmes notre rapport à Hideko tout de suite. Elle le prit très bien, s'excusa pour nous, et nous félicita malgré tout pour notre courage. Elle avoua qu'elle s'en voulait car elle aurait du décerner que les enfants n'étaient pas vrais, mais je lui expliquais qu'elle n'aurait probablement pas pu, car l'évolution de leurs méthodes était monstrueuse, et qu'ils pouvaient vraiment nous piéger sans qu'on ne s'en rende compte désormais...
Enfin, elle nous laissa repartir et nous allâmes chacun de notre côté -après que j'ai forcé mes camarades à me promettre qu'il passerait au moins vite fait à l'infirmerie ou à l'hôpital pour faire vérifier leurs blessures -et notamment pour Ys à qui on avait planté une aiguille dans le coeur...
De mon côté, malgré que j'aie forcé mes camarades à y aller, je ne me rendis pas à l'hôpital, et rentrai chez moi. Je pris une douche qui me sembla bien méritée, et sans demander mon reste, peu importe l'heure qu'il était, je retrouvai mon lit pour un bon dodo récupérateur avant le départ pour une nouvelle mission...