J'ouvris les yeux en entendant les immenses grilles se refermer dans mon dos. L'endroit n'avait rien de très exceptionnel pour quelqu'un qui a longtemps voyagé, mais l'atmosphère qui s'en dégageait me plus. Hero s'assit sur son derrière, le nez frémissant et la gueule entrouverte pour mieux humer son nouvel environnement. Je voyais que la laisse qui le liait à moi l'embêtait, mais je ne pouvais pas le lâcher pour le moment. Il avait beau être de la taille d'un chien, il n'en restait pas moins impressionnant.

J'avançais d'un pas, pas très sûr d'où aller. Hero me suivit comme une ombre. La personne qui m'avait amené ici n'était plus là. J'avais l'habitude de me débrouiller seul. Craintif, je fis un nouveau pas en avant. Hero s'appuya contre mes jambes, l'air de dire "allons, Liam, reprends-toi !". Un regard à mon compagnon d'infortune puis je relevais la tête. Je serrais un peu mes doigts sur l'anneau de cuir foncé lié à la chaîne de métal qui tirait sur le collier noir autours du coup de mon ami. Puis me baissais pour reprendre mon sac de sport qui contenait mes vêtements ainsi que la photo de ma mère.

C'est ainsi, mon sac de sport dans une main, la laisse de Hero dans l'autre et ma guitare dans mon dos que je jetais enfin un regard autours de moi pour chercher quelqu'un pouvant m'aider. Ayant trouvé un garçon plus loin sur ma droite, je me dirigeais vers lui, Hero marchant au même pas que moi. Arrivé à sa hauteur, je l'interpelais :

Excuse-moi, je viens d'arriver et je ne sais pas où aller. Tu pourrais me guider ?

C'était l'après-midi, je n'étais pas en cours, ayant décidé que les problèmes psychologiques de la prof ne m'intéressaient plus suffisamment pour me maintenir assis derrière mon bureau. Par conséquent je m'étais assis derrière mon ordi, me consacrant à la psychologie humaine dans le domaine idéalisé d'un forum rpg, le Pensionnat Sakura, qui n'était rien de moins qu'un énième forum académique regroupant toutes sortes d'aberrations de la nature tels des vampires ou des nekos. Moi, j'étais un vampire, beau, séducteur, doué, populaire et tout et tout, qui sortait avec une neko, tous les eux vivant une histoire d'amour maudite à la sauce refaitemillefois et... Mais je m'emporte.

Yuki lui tourna le dos afin de cacher une larme brillante qui perait au coin de son œil et James, attendri par ses petites oreilles qui tombaient quand elle était triste, s’approcha doucement et la prit par les épaules. Il laissa planer un doux moment de silence avant de lui murmurer tendrement ces quelques mots :
-Je serai toujours là pour toi, Yuki. Je veillerai sur toi.
Elle sécha ses larmes puis se retourna dans ses bras pour planter son regard dans le sien.
-C’est impossible, James. Je sais que tu as du mal à te maîtriser. Oublie-moi, je t’en supplie !

Voilà. C'est bon, pas la peine de t'étaler là-dessus petit. Tu es assez pathétique comme ça. Mais tout de même, de là à te faire passer pour quelqu'un de normal...
Je soupirai en refermant mon ordi. C'est bon je m'en vais. Mes pas me conduisirent à l'extérieur, dans la cour où le soleil d'après-midi éblouit mes yeux d'aspirant geek. Le décor était sympathique, quelques arbres et une pelouse, autour des grilles, ls grilles d'où l'on arrivait la première fois, je m'en souvenais comme si c'était hier, Isis était là et puis...
Oh, mais visiblement c'était à mon tour. Il y avait un type, l'air un peu perdu, accompagné de ce que je crus être un loup -avant de me raviser rationnellement en me disant que ce devait être un gros chien-
pas timide le garçon, pas comme moi, il s'avançait déjà dans ma direction, et je me sentis un peu pris au piège, mais après tout il fallait bien grandir un peu et passer le stade de pauvre nouveau innocent.

Excuse-moi, je viens d'arriver et je ne sais pas où aller. Tu pourrais me guider ?

Youhou, ça commence fort, songeai-je un peu éberlué. J'eus néanmoins un petit sourire en répondant.

_Salut, moi c'est Astel. Je suppose qu'on t'a laissé ici sans trop te dire de précisions ? Enfin c'est peut-être pour que tu sois impressionné, préserver le mystère et tout ça...

Je scrutai le vide à l'endroit de son visage, un peu hagard de l'écran encore. Les masters avaient vraiment tendance à essayer d'avoir la classe.
Comme tout le monde, petit.
Mais toi aussi tu pourrais avoir la classe, Astel ! Tu en es capable !
Je chassai ces deux idiots -ma conscience tellement cynique et James, cet imbécile de vampire à deux yens- en secouant vaguement la tête.
En parlant d'idiot, je songeai à Dunkan, alias sale-gosse-mèche-bleue, un véritable arriviste celui-là, j'en étais presque à regretter de ne pas avoir été là à son arrivée pour le faire fuir lui et son singe et--
Hohooo. Ho ho. Un singe hein ?
Eh bien le jeune homme, là, il avait un loup. Ca, c'était la classe. Oui, plus qu'un singe. Oh et puis je n'allais tout de même pas l'embarquer dans cet asile sans savoir au moins comment il s'appelait, comme ça s'il partait j'aurais au moins un nom sur la conscience.
Je te sens bien cynique, petit. Un peu de distraction ne pourra pas te faire de mal.
A moi non, mais à lui... Je le jaugeai du regard, pensif. Bof, il avait l'air d'en avoir vues d'autres, comme tout le monde ici. C'est à ce moment-là que je réalisai qu'un blanc très gênant s'éternisait.

_Hum, je peux savoir ton nom ? C'est que je m'en voudrais de te parler en évitant de le prononcer pour que tu ne t'en rendes pas compte. Et le loup, il en a un ?

Aujourd'hui c'était la fête; j'avais aligné plusieurs phrases presque spontanées en moins de cinq minutes, il y avait du mieux là-dedans.
Tu ferais tout de même mieux de te calmer et de reprendre calmement. On ne sait jamais.
Comment ?! Lui, enfin libéré de ton joug maudit, s'y replonger ? Astel, ne le laisse pas faire ça ! Tu es un chevalier oui ou non ?
Allez, pour cette fois la victoire serait au romantisme. "Fuck la logique" comme le dirait certainement Dunkan. J'ai juste envie de voir ce que ça fait, pour une fois.


[Edit: malgré ton post, on dirait que j'ai le pavé dans le sang... désolé !]

Le gars me regarda arriver avec un air vague puis un sourire apparut sur son visage. Je m'arrêtais face à lui et Hero s'appuya contre mes jambes. Cherchant un peu de réconfort (et peut-être un peu de courage pour lutter contre le timidité qui m'envahit), je plongeais ma main dans la fourrure épaisse de son échine. Je le sentis lever la tête et devinait qu'il me lançait un long regard silencieux, comme pour me dire "Tu n'as décidément pas grandit Liam ! Toujours aussi réservé". J'avais toujours pensé que si mon loup pouvait parler, il aurait une voix ni trop basse ni trop aiguë avec un langage presque soutenu. C'est bizarre de dire ça, mais comme je suis toujours avec lui, il ne faut pas m'en vouloir si ça tourne à l'obsession !

Salut, moi c'est Astel. Je suppose qu'on t'a laissé ici sans trop te dire de précisions ? Enfin c'est peut-être pour que tu sois impressionné, préserver le mystère et tout ça...

La longue tirade du garçon (Astel apparemment) me tira de mes réflexions. Je restais silencieux, un peu bloqué par la timidité, mais surtout abasourdi par sa tirade. Je penchais légèrement la tête de côté, l'air interrogateur. De quel mystère parlait-il ? L'homme qui m'avait amené m'avait juste dit que je pourrais avoir un nouveau départ dans cet endroit. En y réfléchissant, c'était assez louche, comme histoire. Un mec -qui sort de nulle part et que t'as jamais vu de ta vie- t'aborde comme une fleur pour te dire que, ouais, il connait un endroit sympa -un institut, mais un institut de quoi d'abord ?!- où tu pourras repartir de zéro en acceptant ton passé. Le silence s'éternisait et dans ma tête, ça dansait la polka en tutu rose en gueulant à tue-tête "c'est quoi ce bordel ?". Je crois que ma santé mentale vient de prendre un coup.

Hum, je peux savoir ton nom ? C'est que je m'en voudrais de te parler en évitant de le prononcer pour que tu ne t'en rendes pas compte. Et le loup, il en a un ?

Au moins, Astel semble quelqu'un de direct. Tant mieux. Et bien sûr que mon loup avait un nom ! Même s'il n'est pas vraiment à moi, c'est juste un "ami".
Eh.
Minute.
Il a dit "loup" ?
Ah ouais. Comment il a su ?! Pourtant Hero est pas si gros, et il ressemble plutôt à un gros toutou un peu farfelu ! Enfin... 'Faut que je réponde. Je serrais le poing sur une touffe de poil de Hero et fourrais mon autre main dans ma poche, avec la hanse de mon sac. Je camouflais alors ma timidité sous un air bourru.

Moi, je m'appelle Liam. Et lui, c'est Hero. 'Chanté.

Génial, t'as beau être poli, avec un ton pareil, c'est mal barré. Enfin, passons. A moi de poser les questions !

Dis, tu parlais de précisions. Et de mystère ou je sais plus quoi. Tu peux, justement, préciser ?

Me rendant compte que ça faisait brute, j'ajoutais :

S'il te plait ?

[Edit : Comme tu peux le voir, je te suis x) pas de problème !]

Le jeune homme à dreadlocks, à loup et à guitare en face de moi est décidément un petit phénomène en son genre. Le genre à foncer vers moi d'un air si décidé que j'en ai la trouille puis à être timide et à se raccrocher à de petits gestes pour garder sa conenance. Pourtant vu son attirail de rock-star junior il devrait avoir l'habitude... Ou alors c'était juste un solitaire guitariste avec un loup qui portait des dreadlocks par flemme de se coiffer. Je devais m'avouer plutôt sceptique sur cette deuxième hypothèse: il portait des vêtements plutôt passe-partout et certainement plus propres que ne le seraient ceux d'un tel flemmard. Rock-star donc.
J'eus un peu pitié de sa gêne et m'efforçai d'adopter une attitude neutre et peu concernée pour qu'il puisse reprendre -virtuellement, cela va de soi- le dessus dans la situation. Il avait une voix grave, qui faisait trop âgée pour son apparence, mais sans doute la forçait-il.

Moi, je m'appelle Liam. Et lui, c'est Hero. 'Chanté.

Ainsi c'était bien un loup. Son nom (celui du loup) me fit penser à un jeu viéo dans lequel on pouvait jouer de la guitare en "concert" à plusieurs, c'était assez marrant, je me souviens d'y avoir joué avec ma soeur quand nous étions plus jeunes. D'ailleurs peut-être qu'aujourd'hui elle y jouait avec une copine à elle, à la maison...
Ta maison est ici maintenant, petit. Tu ferais bien de t'en souvenir.

Dis, tu parlais de précisions. Et de mystère ou je sais plus quoi. Tu peux, justement, préciser ? S'il te plaît ?

J'eus un petit sourire. Il savait ce qu'il voulait ce gars.

_Bien sûr... Liam. Je ne sais pas trop ce qu'on t'a dit ou pas, mais sache que cet endroit s'appelle Terrae. Il regroupe des gens qui ont... J'hésitai un peu avant de poursuivre: qui ont ressenti le Vide. Cela doit sans doute t'évoquer quelque chose, non ? Et ce que le Vide crée en toi, c'est, hmm...

Comment expliquer une chose pareille à un type qui sortait tout juste du monde "normal" ? Lui parler de magie, d'éléments et d'affinités, de masters ou d'étoiles ? Il me prendrait pour un dément. Ce qui ne serait peut-être pas si faux. Peut-être qu'ici c'était une sorte de délire collectif, de phénomène d'empathie de foule qui nous faisait croire à ces choses. Mais même si c'était le cas, pour moi c'était une belle chose.
Un peu léger comme argument, non ?

Très bien. J'allais lui montrer, il comprendrait mieux ainsi. Je lui fis un petit signe lui indiquant de me suivre puis me dirigeai vers le gazon, où je m'accroupis. Là poussait une fine tige de bouleau, rien encore de plus qu'une tentative timide de s'élever au-dessus du tapis d'herbe où elle vivait. Les yeux dans le vague, je lui murmurai en esprit quelques mots d'encouragement en lui enjoignant de pousser. Je n'avais jamais réussi à savoir si les plantes l'entenaient, ou même si elles comprenaient le finnois, mais ça ne m'avait jamais nui. De ma concentration je poussai la sève vers le haut dans les veinules délicates de l'arbrisseau et quand je m'arrêtai il avait pris une bonne vingtaine de centimètres, ce qui d'ordinaire aurait pris une semaine, au moins.
J'étais plutôt fier de moi à vrai dire, la plante avait grandi sans trop de problèmes de croissance, et moi je n'étais pas trop fatigué. Je levai la tête vers le jeune homme et son loup:

_Voilà. Ici nous sommes tous capables de faire ce genre de choses, même si bien sûr tout le monde n'a pas les mêmes capacités. Appelle cela comme tu veux, mais si tu es ici c'est que tu en es capable...

Oh. C'était peut-être un peu brutal comme introduction, mais il avait l'air impatient. J'espérai ne pas l'avoir choqué. Mon pouvoir avait beau être doux, faire grandir une plante ainsi m'avait par monstrueux au début. Puis j'avais compris qu'en faisant preuve de sensibilité on ne heurtait pas le déroulement des choses, et aujourd'hui j'en avais même la preuve. Je me demandai comment un feu ou un tonnerre aurait fait ce genre de démonstration. Tout compte fait j'y étais allé doucement.
C'est ça, cherche-toi des excuses, minable.

_C'est à mon tour, souris-je en me relevant. Qui es-tu ?

Je vis Astel me détailler des pieds à la tête. Oui, j'ai des vêtements basiques, comme toujours quand je voyage. Oui, j'ai une guitare et je sais en jouer. Ah, oui, je sais, j'ai des dreadlocks, c'est normal. Mais regarde de plus près tu verras que mes cheveux sont propres. Si tu veux tout savoir, je les ai lavés la veille au soir. Juste hier. Et puis, si tu les touchais, tu saurais qu'ils sont aussi doux que n'importe quels cheveux ! Non mais. Je déteste les gens qui ont des préjugés sur les apparences. Mais passons. On dirait qu'il va me donner les "précisions" dont j'ai besoin !

Bien sûr... Liam. Je ne sais pas trop ce qu'on t'a dit ou pas, mais sache que cet endroit s'appelle Terrae. Il regroupe des gens qui ont... - hésitation - qui ont ressenti le Vide. Cela doit sans doute t'évoquer quelque chose, non ? Et ce que le Vide crée en toi, c'est, hmm...

Un peu paumé, je le regardais de travers. Certes, je savais de quoi il parlait pour ce qui est du "Vide", mais la fin de ses explications semblait un peu... hésitante. Comme s'il hésitait à me parler de quelque chose. Normal, vous me direz, on vient de se rencontrer, je suis pas son pote ou quoi après tout. Et si... Je le dérangeais ? Et si j'avais fait quelque chose de mal ? Ça se trouve, il m'aime pas du tout et il se force !

Un peu penaud, je le suivis avec Hero vers la pelouse où Astel s'accroupit. Étrange comme position... Qu'est-ce qui peut bien l'attirer dans ce bout de bambou de dix centimètres..? Soudain nerveux, Hero tira sur sa laisse. Incapable de détacher les yeux de la plante qui avait commencé à grandir en accéléré, je raffermis ma prise sur la boucle de cuir. Astel semblait concentré à mort. J'entrepris de regarder furtivement autours de moi, pour voir si il n'y avait pas une caméra cachée ou un truc de magicien, mais non, rien à voir. Hero gronda et se cacha derrière mes jambes.

Lorsque le garçon me regarda, l'air mi-gêné, mi-satisfait, je reculais et trébuchais sur le loup qui glapit avant de se décaler. Encore plus paumé, ne sachant que faire, je foudroyais tour à tour Astel et Hero. Ce dernier leva les yeux vers moi l'air de dire "Eh, c'est toi qui m'a marché dessus, j'y suis pour rien moi !". Je reportais mon attention sur la plante, mais avant de pouvoir dire quoi que ce soit, le garçon me devança :

Voilà. Ici nous sommes tous capables de faire ce genre de choses, même si bien sûr tout le monde n'a pas les mêmes capacités. Appelle cela comme tu veux, mais si tu es ici c'est que tu en es capable...

J'inclinais la tête de côté, moitié inquiet par e gars qui venait de faire pousser la plante, moitié curieux. Donc, genre, tout le monde ici avait un super-pouvoir ? C'est ça ? Dit comme ça, ça parait tellement gamin que j'eus du mal à ne pas éclater de rire. Je repris mon sérieux et tressaillis lorsque le garçon se releva. Il sourit, comme si ce qu'il venait de faire tenait du quotidien ici.

C'est à mon tour. Qui es-tu ?

Comme à chaque fois qu'on me posait une question d'ordre personnel, je me renfrognais et répondis l'air de rien :

Moi, je suis Liam. C'est tout. Je viens de partout et nulle part. Je voyageais avant d'atterrir ici. Hero est avec moi depuis qu'il est tout louveteau, et il n'est plus du tout sauvage. J'ai pas grand chose à dire sur moi, y'a rien d'intéressant à savoir.

Il y avait une chose dans ma vie, une chose proprement inexplicable. Si je dis ça, c'est que l'inexplicable je suis plutôt du genre à l'éviter. Eviter comme faire un détour de 5 km pour être sûr de pas le voir. Parce que mon esprit cartésien avait irrépréssiblement besoin de tout prouver, de tout démontrer, et plutôt deux fois qu'une. Alors quand on me parlait de trucs bizarres comme des feux follets par exemple, pas de souci si je pouvais dire "oui c'est à cause d'une poche souterraine de méthane qui se consume grâce à une étincelle". Mais bon, à partir du moment où ça touchait à l'irrationnel, à l'inexplicable et que le seul argument à l'existence de la chose était "c'est comme ça c'est tout, tu vois bien que ça existe, non ?" là...  mon cerveau avait tendance à tourner à toute vitesse dans le vide, sans rien trouver.
Voilà ce qui arrivait avec ce qu'il fallait bien appeler "pouvoirs magiques". Aussi je comprenais la nervosité du loup, Hero, qui paraissait communicaive à l'encontre de son maître. Liam d'ailleurs n'avait pas l'air des plus équilibrés. Il me regardait tantôt avec un air agressif, inquiet, ou encore amusé, et pour finir sur ma dernière question, renfermé. Cela me déstabilisait quelque peu, jusqu'au moment où je me souvins de moi un an plus tôt, dans la même situation. Pareil. Voire pire. A l'époque, j'étais plein de cicatrices, de croûtes horribles et je n'osais pas même enlever ma veste ou mes gants. Impensable de parler de quoi que ce soit me concernant. Je n'étais qu'un bocal vide et abîmé, chutant sans fin dans des abîmes sombres. C'était pas beau à voir. Et moi j'avais manqué de tact, à l'évidence.

Moi, je suis Liam. C'est tout. Je viens de partout et nulle part. Je voyageais avant d'atterrir ici. Hero est avec moi depuis qu'il est tout louveteau, et il n'est plus du tout sauvage. J'ai pas grand chose à dire sur moi, y'a rien d'intéressant à savoir.

Je l'observai avec intérêt. Rien d'intéressant à savoir, hein ? Très bien, je te fiche la paix.

_Excuse-moi. Je suis sûr que tu as des tas de questions, et j'y répondrai avec plaisir, mais ce serait plus agréable autour d'une pâtisserie, t'en penses quoi ?

Sans attendre sa réponse je me dirigeai vers la cafétéria en me demandant ce qu'un type comme lui aimait avec ses crêpes. Après tout, Terrae était un endroit très accueillant, et si je n'en étais pas le meilleur exemple, la cafet en serait un meilleur, à n'en pas douter.

A ma réponse, Astel m'observa. Et voilà, Liam, tu as encore gâché une chance de te faire un ami. Brave petit. Ou pas. Pourtant, je décelais une forme... d'intérêt chez lui. Intrigué à mon tour, j'inclinais la tête de côté. Eh bien, voilà une confrontation entre intérêt et curiosité qui peut durer longtemps. Très longtemps, même. Hero reste assis bien sagement, le gentil petit, et regarde voleter les papillons. Déstabilisé par le calme de mon camarade habituellement l'égal d'une pie électrique survoltée, je ne savais plus quoi dire. Après tout, j'avais été franchement sec dans mes paroles. Et pas des plus polis. Devais-je m'excuser ? Ou bien tenter de rattraper le coup ?
J'avais été élevé dans deux optiques différentes. D'un côté, il y avait le "sois un homme Liam ! Et les hommes ne reviennent pas sur leurs paroles" et de l'autre il y avait "Tu sais, Liam, être gentil est une qualité. Tu ne devrais pas hésiter à t'adoucir." On sentait presque le "ne deviens pas comme ton père" derrière les propos de ma mère. J'ai beau savoir ça, j'ai beau être gentil, je suis timide, merde. Et être timide, c'est trop d'énergie. Autant le cacher. Ouais. Voilà. Sur cette conclusion, je suis tiré de mes pensées :

Excuse-moi. Je suis sûr que tu as des tas de questions, et j'y répondrai avec plaisir, mais ce serait plus agréable autour d'une pâtisserie, t'en penses quoi ?

J'hésite un instant, par peur de m'imposer, puis accepte d'un hochement de tête. Après tout, il m'a invité. J'en profite pour prendre la parole, tentant d'avoir l'air le plus détendu possible :

Au fait, si je t'ai paru brusque, je m'en excuse.

Voilà. C'est dit, c'est fait. Clair, concis. J'aime les chose simples. C'est comme si tu rajoutais du sucre, du miel et du lait dans ton café (si si y'en a qui le font !), ça fait trop de trucs, et ça bousille le goût premier, soit celui du café. Et le café c'est sacré. Voilà.

[HRP : Désolée pour le retard, j'ai eu énormément de choses à faire T-T]