C'est pas la mort, c'est pas la mort... Je lui en donnerait des c'est pas la mort, tiens. On sent qu'il a les moyens, celui qui dit ça. C'est du beau. J'ai pas juste cassé une corde de guitare, non, ce serait trop facile, j'en ai cassé trois. Trois, nom d'un chien ! Comme si des bonnes cordes ça se trouvaient partout. Je les ai payées un bras les cordes que j'ai cassé, et maintenant, les nouvelles vont sûrement me coûter l'autre. De bras. Et après, je pourrais même plus en jouer, de ma guitare ! Merde quoi. Enfin, allons-y, youhou. Va me falloir un job bientôt. Non, pas bientôt, il m'en faut un tout court.
J'en profitais pour balader Hero. Ce bon gros filou avait saccagé mon coin dans le dortoir pour me faire comprendre qu'il était resté trop longtemps enfermé. Et rester enfermé, pour un loupiot, c'est pas le mieux, voire c'est carrément pas le trip du mien. J'avais donc décidé de lui faire faire un tour en ville, voir s'il y rencontrerait pas une petite copine, histoire qu'il fasse pas que faire chier le seule personne avec qui il vit, à savoir moi. Mais non, pas un chat, euh chien dans le coin, je suis le seul à me balader avec une espèce de gros toutou à la langue pendante. Et vas-y qu'il tire comme une brute, soi-délirant pour renifler une touffe d'herbe qui dépasse du goudron. Je vous jure, je sais pas ce qui me retient de lâcher le bout de cuir qui me sert de "point d'accroche" pour éviter de me trucider les mains sur la chaîne de la laisse. Ah si, je sais. Pour éviter qu'il aille sauter sur le premier humain pour lui faire un gros coucou bien baveux.

Dépité, je shootais dans un caillou. Gros, le caillou, pour pas changer. C'est donc en sautillant sur un pied et en essayant de garder un minimum d'équilibre avec l'autre qui tire comme un forcené sur sa laisse que j'arrivais devant la vitrine du (très) petit magasin de musique que j'avais repéré récemment. Une fois sur (mes deux) pieds, j'attachais Hero à un poteau à l'air solide en lui intimant de ne pas bouger sous peine d'être privé de dessert (comme si ça allait marcher...). Enfin, j'entrais. Repérant rapidement la partie corde je pris mon temps et choisis un set de cordes à l'air assez solide. Et allez, on en prend un deuxième pour la sûreté. Ma guitare sur l'épaule, je m'approchais pour payer. Et voilà, un bras en moins, et des cordes en plus ! Yeah. Je me dirigeais vers la sortie, le regard fixé sur l'étiquette de composition et la notice explicative, poussais la porte et rentrais dans quelque chose. Ou quelqu'un ?

La personne dans qui je venais de rentrer semblait avoir moins d'équilibre, car elle manqua de tomber à la renverse. Au final, seul son livre, qu'elle tenait vraisemblablement devant son nez, tomba. Aussi, quelle idée de lire en marchant. C'est normal de rentrer dans quelqu'un ou quelque chose à ce stade-là ! Et il doit s'estimer heureux de pas avoir rencontré un poteau qui lui aurait cassé le nez ! Pourtant, la première chose qui me traversa l'esprit comme toujours, pendant qu'il ramassait son livre, ce fut de savoir s'il allait bien. Lorsqu'il se redressa, le gars -parce qu'en fait, c'était un mec- me reluqua d'un air étrange. Je fis de même. Des cheveux blond-roux (bonjour la couleur de cheveux étrange... Mais j'ai rien à dire, vu mon style capillaire), des yeux d'un joli bleu, l'air un peu renfrogné, il n'avait pas l'air de s'être blessé. Je sortis tout à fait du magasin et fourrais mes cordes dans ma poche en reprenant la laisse de Hero qui se plaça à mes côtés. Le gars eut un drôle de sourire.

Ho désolé, je t’avais pas vu, ça va ?

Je fourrais mes mains dans mes poches et cachais ma gêne en répliquant :

Y'a pas de mal, ça va. Un conseil si tu veux survivre face aux poteaux et aux gens dans la rue, arrête de lire en marchant, vieux.

Et voilà, j'ai encore recommencé à agir comme un ours mal léché... Pardon, pardon ! Mais bon, il a beau faire quelques centimètres de moins que moi, il m'intimide quand même quoi !

Hero tirait sur sa laisse en me tordant le bras en arrière mais je n'y fis pas attention. Le type en face de moi sortit de son sac un bel appareil photo et le porta à son œil. Un petit sourire apparait sur son visage et j'entends un très léger clic. Je garde pour moi la désagréable impression d'être analysé sous toutes les coutures et tirais sur la laisse de Hero, priant pour qu'il arrête de tirer, lui, parce que sinon, il va finir par m'arracher le bras. Mais non, il en a rien à battre, le bestiau. Le type me répond alors en riant :

C'est vrai j'aurais dû regarder devant moi. Navré de t'avoir bousculé.

Je secoue la tête, un sourire aux lèvres. Il avait un rire franc qui me rassura immédiatement. Je serrais sa main tendue et constatais qu'on devait avoir à peu près la même taille de main, puisque nos paumes étaient à peu près identiques. Je surpris son regard sur Hero et inclinais la tête, intrigué. Il esquisse un sourire amusé en me voyant ranger mes cordes. C'est sûr, je fais cliché. Un type avec des dreads, guitariste, avec un toutou au bout d'une corde. Ouaiiiis, mais j'y peux rien, je joue autant de la guitare que le piano ou le violoncelle. Mais ça, lui il le sait pas. Enfin bref. Le type se présenta :

Moi c'est Huo, Huo Zhang. C'est un beau chien que t'as là, j'en avais jamais vu des comme ça avant, c'est quelle race ?

Je souris, fier de son intérêt pour mon compagnon. Ce dernier, comme s'il avait deviné qu'on parlait de lui, s'approcha (arrêtant ENFIN de me tirer sur le bras) et posa son derrière par terre à côté de moi. Brave petit. Je regardais Huo placer son appareil photo devant son œil et prendre une photo de Hero, qui lui, faisait sa star. Je pointais le loup et répondis, un peu plus sûr de moi :

Je m'appelle Liam Sparrow. Lui, c'est Hero. En fait, ce n'est pas un chien, mais un loup. En gros, je l'ai sauvé quand il était tout bébé et depuis il m'accompagne partout.

Le gros canidé jappa et agita la queue. J'attrapais une de mes dreads et entrepris de la défaire, comme toujours lorsque je suis mal à l'aise. Toute cette attention soudaine inhabituelle me mettait effectivement mal à l'aise. Pour briser le silence, je tentais de continuer la conversation :

Donc, tu fais de la photo ? Je pourrais voir celle que tu as prit de Hero ?

Huo semble curieux vis à vis de Hero. Ce dernier, fatigué de tirer comme un forcené sur sa laisse, vient s'asseoir près de moi et me lance un de ses regards par dessous dans le style "qu'est-ce que t'attends ?". Je hausse un sourcil et il détourne le regard. Je préfère ça. Je suis humain, et pour le moment, je me débrouille pas trop mal avec le contact avec d'autres personnes. Je compte bien en profiter. Et puis Huo me détend d'une certaine façon, bien que je ne sois pas à l'aise avec son appareil photo. Je n'ai jamais aimé ce genre d'appareil. C'est pas contre les photos que je suis, mais contre le flash. enfin, heureusement il fait encore jour. Huo reprit la parole :

Ho bien sûr, je te ferais même un tirage si tu veux. Enfin si elle est pas ratée.

Youpi ! Une photo de Hero, une jolie ! Super ! Je suis encore un peu un gamin, même à vingt ans. Mais j'apprécie le fait qu'il ne soit pas contre me donner une de ses photos. D'ailleurs, son appareil est super imposant. C'est surprenant. Est-ce que ça pèse lourd ? Et ça fait des jolies photos ? Sûrement, puisqu'il semble aimer cet engin. Je m'empresse de sourire :

Merci j'apprécie. Je n'ai pas encore de photo de lui, ça me fera plaisir d'en avoir une ! Je suis sûr qu'elle est bien, tu as l'air de connaître ton affaire après tout.

Huo m'observe. Puis il s'accroupit et caresse Hero. ce dernier, habitué aux papouilles par Lindsey et Joyce, laisse pendre sa langue à la façon d'un gros chien tout content. Je ne peux m'empêcher de sourire. Huo se redresse et prend une photo de moi alors que j'ai toujours mon sourire presque niais sur les lèvres. Ah, bravo l'affiche franchement ! J'arrête de sourire illico. Ça n'a pas l'air de gêner Huo. Il pointe ma poche du doigt, toujours en souriant, lui :

Tu joues de la guitare ? Tu sais si tu as besoin de cordes plutôt que d'en acheter des neuves tu dois pouvoir en trouver à la salle de musique, y a tout ce qui faut là-bas je pense.

Je me gratte la tête, gêné. Je savais qu'il y avait une salle de musique, mais d'un autre côté...

Je suis difficile, il me faut quelque chose de précis pour que les cordes sonnent bien ensembles. Si je ne suis pas satisfait, je ne peux pas jouer et ça me dérangerait, puisque les deux autres instruments dont je sais jouer ne sont pas facilement transportables.

Clair, concis, complet. Et pas trop compliqué. Parfait, ça c'est une explication comme je les aime !

Un photographe hein ? Wah cool... Il a déjà eu à travailler. Je me demande ce que ça fait de bosser et d'avoir un boulot qui nous passionne. Moi je n'ai fait que suivre mon vieux père dans son fantasme de voyage, en parcourant le monde de maisons de fortune en baraques en bois... Quoique je ne m'en plaigne pas, loin de là, c'était une super vie, mais devoir mendier ou chanter pour gagne un peu d'argent pour le ferry ou le train, c'est parfois épuisant. Et je ne parle pas de marcher à longueur de journée.

Je regarde Huo observer mon ami canin. C'est vrai qu'il a plus le comportement d'un chien que celui d'un loup, mais après avoir vécu auprès des humains, quoi de plus normal non ? On enchaine sur le sujet des instruments. Huo reprend la parole :

Ho je vois. Tu joue de quoi alors, à part la guitare ?

Je joue aussi du violoncelle et du piano. Mais je joue le piano à l'oreille les trois quarts du temps, et mon instrument favori reste la guitare.

Je souris. Ça doit faire un drôle de contraste entre mon allure presque négligée et mes capacités musicales. Et rebelote, avant que j'ai le temps de replacer un seul mot, Huo reprend :

Tu es ici depuis longtemps au fait ?

Je réponds prudemment :

Je ne pense pas, je suis ici depuis quelques mois, et j'ai seulement appris le topo des pouvoirs et autres chose étranges. C'est encore un peu bizarre pour moi.

Je fais un sourire désolé à mon interlocuteur. Cette vie me plait et j'aime l'idée des pouvoirs, mais savoir que certains en ont me stresse légèrement. Je me décide de prendre la conversation en main :

Et toi tu joues de quelque chose ? Tu as l'air de connaître Terrae, tu dois être là depuis longtemps non ?

Huo n'était pas musicien. Mais il semblait doué pour la photographie. Chacun son don. Si tout le monde avait le même, ce serait triste. Je repensais au déclic de l'appareil. Je me demandais à quoi ressemblerait les photos, car maintenant que j'y pensais, je n'avais aucune photo de Hero. Si jamais il se perdait, mieux valait que j'en ai une, non ? Je dévisageais Huo. Il avait une couleur de cheveux surprenante, presque rouge. D'un côté ça lui donnait un air très strict, pourtant il avait l'air gentil. D'un autre côté, tout le monde ici avait l'air gentil... Perplexe, j'inclinais la tête en réfléchissant. J'étais peut-être trop naïf.
Deux ans ici, c'est long, effectivement. Mais il semblerait qu'il y ait une foule de choses à faire par ici. Alors je crus Huo lorsqu'il affirma qu'on ne voyait pas le temps passer. Après tout, moi aussi je me plaisais ici. C'était tellement plus agréable que les routes poussiéreuses ou les balades en Jeep sur des routes pleines de nids de poule. Même si Hero était un peu plus à l'étroit, lui aussi semblait s'y plaire. Donc, c'était gagnant gagnant. Parfois, je pensais à mon père, sur les routes. J'espérais qu'il allait bien.
Le sourire qui s'afficha sur le visage de Huo était d'une douceur qui contrastait avec l'aspect sévère que lui donnait sa coupe de cheveux. Il me sembla qu'il pensait à quelqu'un. Et que cette personne comptait beaucoup pour lui. Tant mieux. C'est bien d'être attaché à quelqu'un.

Enfin je dirais pas que je connais Terrae si bien que ça mais je commence à avoir quelques repère depuis le temps oui. Tu as déjà rencontré des gens sympas un peu ?

Je réfléchi quelques secondes, et une poignée de visages surgirent devant mes yeux. Je souris joyeusement :

Oui. Plusieurs. Comme je ne suis pas là depuis très longtemps je dois avouer que ça m'est d'une très grande aide. J'étais un peu perdu en arrivant. Maintenant ça va mieux.

Hero entortilla la laisse autours de mes jambes, manquant de peu de me faire tomber. Je me dépatouillais avec la laisse et tapotais la tête du loup. Celui-ci me lécha la main puis alla poser sa patte sur le genou de Huo. Ce loup socialise plus vite que moi ma parole !

J'acquiesce avec un sourire amusé. Les gens sont assez sympas ici en général c'est vrai. Bon évidemment y a des cons partout aussi. Des mecs que j'ai un grand plaisir à emmerder quand je les vois. Enfin bref, quand on est arrivé ici complètement paumé on sait ce que ça fait. Perso quand je tombe sur un mec un peu perdu comme ça ça me gêne pas de parler un peu. C'est toujours bien de rencontrer des gens. Ca sert toujours quand j'ai besoin de me renseigner sur un truc qui ne se passe pas chez les Feu. Parce que bon lui c'est clair que ça en sera pas un.

-La plupart des personnes ici sont assez cool en général.

Enfin quand tu les asticote pas non plus. J'avoue que la façon dont j'avais abordé Aoi la première fois était pas la plus optimale pour s'en faire une amie. Je souris en coin à cette pensée. Définitivement pas ouais. Mais quelque part je crois qu'on aurait pas eu cette relation si j'avais essayé de la mettre en confiance dès le départ.

Je le regarde se battre avec sa laisse alors que son loup domestique a l'air de s'amuser. Je rigole un peu et prend une autre photo. L'animal s'approche de moi et pose sa patte sur mon genoux. J'étire un petit sourire amusé et m'accroupis pour le flatter derrière l'oreille. On dirait vraiment un gros chien.

-T'es vraiment pas farouche toi pour un loup. Et t'as l'air d'aimer embarrasser ton maître.

Je rigole un peu en continuant de le caresser. Il remue la queue et je roule des yeux. J'aime pas spécialement les chiens à la base mais bon celui ci a l'air tellement enthousiaste que t'as juste envie de le câliner. Enfin si j'ai un animal domestique un jour je préférerais un chat je pense. C'est plus autonome je trouve.