On a bien rit de notre blague. Concrètement on doit avouer que c’était niveau CP, ça manquait sans doute de gout, ce n’était pas trop féministe et si elle n’était pas si jolie notre directrice aurait pu se sentir vexer et mal à l’aise. Correction, elle avait du se sentir vexer et mal à l’aise. La blague nous avait parue bonne sur le moment, mais concrètement elle ne l’était pas. C’est plutôt méchant en fait.

Pourtant elle avait eu l’impact voulu. TOUT LE MONDE avait vu ou entendu parler de leur coup. En même temps c’était pas tous les jours qu’on découvrait un drapeau affiché à la fenêtre de la directrice portant fièrement les plus beaux sous-vêtements de cette dernière.

Plusieurs hypothèses avaient été faite au sujet de ces sous-vêtements, certains supposaient sagement qu’ils n’appartenaient pas à la directrice et que c’étaient ceux de certaines élèves. D’autres jetaient maintenant un regard différent sur la directrice, elle était devenue bien malgré elle un sex-symbol. Autre chose avait changé et cela n’était pas des moindres, maintenant quand les autres affinités croisaient un tonnerre ils essayaient de deviner qui avait fait le coup, une sorte de respect planait dans l’air sans que ça n’en devienne suffoquant.

J’avais observé. Rit de leur comportement, pas un instant nous n’avions été soupçonnées, nous étions trop sages, trop peureuses sans aucun doute. Tout le monde pensait que c’était des mecs qui avaient fait ça, comme si nos ovaires ne pesaient pas aussi lourd que les couilles des mecs. Hahaha ! S’ils savaient.

On se demande bien ce que je fais dans le bureau de la directrice. Si ce n’est pas pour me faire engueuler. Non j’y suis de mon propre grès contrairement à beaucoup de monde ces temps-ci. J’ai mis pas mal de temps à avoir un rendez-vous, bien sûr il y a des passe-droits pour les affaires urgentes, mais ce que j’ai à lui dire est tout sauf urgent. Le mal est déjà fait rien ne changera plus. Les informations que j’ai transmises ne sont plus d’actualité pour la plupart. Mais me voilà aujourd’hui en face de celle qui tient Terrae a bout de bras.

Elle me regarde sans savoir à quoi s’attendre. Je me demande bien ce qu’elle pense que je suis venue lui demander. Il est de notoriété publique que je suis une fille timide qui ne parle que si on lui parle en premier… Ou si elle voit qu’on a besoin de son aide. Quelle connerie. Elle doit penser que je suis là pour parler de la bibliothèque, des cours peut-être ? Dans la platitude de celle que j’ai créé il n’y a pas trente-six raisons qui me pousseraient à être là. Je souris lasse.

Lasse de moi-même. Lasse de ma vie. De ce mensonge.

« Mademoiselle, je suis là pour vous dire qu’il y a un traitre parmi vos rangs. »

Je ne souris plus, mon visage n’en devient pas pour autant neutre. Il ne montre plus qu’une fatigue extrême. La fatigue d’une femme qui ne se supporte plus. La fatigue d’une personne qui ne sait plus qui elle est. La fatigue de celle qui vient demander qu’on abrège ses souffrances.

« Je vous ai tous trahis. Je travaille pour une association nommée le centre, je ne m’appelle même pas Ipiu Raspberry. Je vous ai toujours menti. »

Ce que je risquais ou bien ce que je souhaitais ? Là était sans aucun doute la solution de toute cette énigme. Me souvenir de qui j’avais pu être était, de celle que j’aurais dû devenir m’avait brisée. Plus que tout autre révélation, la culpabilité m’avait rattrapé. Elle me menaçait à demi-mots, et cela me fit tout bonnement sourire. Un sourire froid, un sourire las. Pensait-elle que je ne savais pas  à quoi m’attendre ? Mourir serait tellement agréable.

« Je travaille pour une organisation paramilitaire, je suis chargée de régler les problèmes avant qu’ils n’apparaissent. Il y a deux ou trois ans que le Centre s’intéresse  à ce qu’il se passe à Terrae. Ils ne comprenaient pas pourquoi vous recrutiez des enfants, ils ne savaient pas ce qui se passait derrière les murs de l’institut.

Le savoir c’est le pouvoir. L’information est la base de toute richesse et de toute puissance. Que vous soyez un orphelinat de luxe ou un corpuscule disséquant des enfants je crois que ça n’a aucune importance à leurs yeux. Ils sont tellement pires que ce que vous n’imaginerais jamais… »

J'ai un rictus involontaire. Ce n’est pas de la haine, ce n’est pas de la peur qui submerge mon regard. Un simple constat. Je ne parlerais pas des enfants soldats, ce n’est pas mon combat.

« Il y a deux ans ils m’ont donné pour mission d’infiltrer les lieux. J’ai alors observé vos critères de choix. Qui venait chez vous ? La réponse n’était pas loin. Je dois avouer que je n’ai réellement compris ce que c’était que quand je l’ai moi-même ressenti. Le vide.

J’avais imaginé que c’était la solitude, une grande blessure dans l’âme d’un enfant. J’ai tenté le coup, je me suis créée une identité. Une jeune fille sans parents, c’était plus simple. J’ai commencé à vivre comme elle l’aurait fait. J’ai commencé à devenir elle. Je l’ai fait tout en sachant qu’un jour tout volerait en éclat. Je l’ai fait en sachant qu’un jour le Centre viendrait briser ce bonheur factice. »

J’ai tué celui que j’aimais rien qu’en en tombant amoureuse. Je suis tellement pitoyable et détestable. Je n’aurais jamais dû voir le jour. Je ne suis qu’un fléau.

« Je n’avais jamais pensé que je serais réellement heureuse, ou que le choc serait si grand. Une erreur de calcul, même les meilleurs se trompent.

Quand je suis arrivée ici j’étais réellement brisée. Plus profondément que je ne l’avais jamais été, j’étais responsable de la mort de Jul… et je ne pouvais m’empêcher de me culpabiliser. J’ai donc choisi un moyen très simple de me supporter et de continuer ma mission. Je suis devenue la fille que vous nommiez Ipiu.

Elle avait mal mais c’était gérable, elle ne ressentait pas tellement de culpabilité. Elle était joyeuse malgré tout. C’était reposant. »

Pour la première fois depuis des années j’arrivais à ne plus souffrir continuellement. J’avais enfin réussi à réapprendre à vivre ici. J’avais aimé même, d’un amour fraternel de nombreuses personnes. Des personnes que ma simple présence mettait à danger.

« Je reprenais le contrôle seulement pour tenir au courant mes maitres de ce que la curieuse Ipiu découvrait…

Seulement Ipiu elle-même s’est rendue compte peu à peu qu’elle avait des capacités que son entendement. Le premier pas  a été quand elle s’est rendu compte qu’elle lisait couramment de nombreuses langues différentes sans y prêter attention. Elle en avait conclu que c’était la puce traductrice… Mais non ses camarades n’avaient pas ces facilités.

Ensuite elle s’est rendue compte que son agilité était anormale même pour quelqu’un qui pratiquait la gymnastique depuis plusieurs années. Elle était fébrile agitée. Il lui fallait sans cesse quelque chose pour occuper son esprit.

Voler vos sous-vêtements n’était qu’une distraction parmi tant d’autre. »

Je pourrais m’excuser si cela était mon plus grand crime je le ferais.

« Seulement c’était la mission de trop. Le gag de trop. Je me suis rappelée qui je suis. Ou du moins ce que je suis. Voilà ce qui s'est passé.»

Et j’ai eu envie de mourir. Et je mourais sans doute. Mais me suicider dans mon coin aurait laissé une faille de sécurité dans les murs de Terrae. J’aurais laissé planer un risque sur Akira, Lucky, Dunkan, Michi, Ludmila, Take… Sur tous ceux qui comptaient pour Ipiu, ceux qui comptaient pour moi.

« Je me suis dit que venir vous trouver était la meilleure vengeance que j’aurais sur le Centre, que peut-être qu’il ne serait pas mort en vain. »

Terrae mérite d’être protégée.

« Ils ont connaissance du nom de tous les masters, des pouvoirs, des anciens tour de garde, et les plans d’une grande partie du site. »

Je suis calme c’est peut-être ça le plus improbable. Je la regarde comme si je venais de lui dire une banalité. Quelque part c’est un peu ça. C’est une banalité que la trahison dans ma vie. Je n’ai jamais adhéré à une cause, je n’ai jamais eu un avis tranché sur quoi que ce soit. Je ne suis pas douée de cette sensation d’humanité que nous laisse le choix. J’agis, je réfléchis et mes choix sont des choix de logique. Implacable et froide logique.

Je viens de bouleverser son monde. Ses certitudes et ça ne me fait rien. Je sais que quelque part je devrais me sentir libérée. Je ne le suis pas. Faute avouée à moitié pardonnée. Mon cul oui ! Je ne cherche pas son pardon, je n’en ai nul besoin. A quoi bon demander le pardon d’autrui quand on sait que sois même on ne se pardonnera jamais ? Je ne demande pas pardon par ailleurs, car ma faute est impardonnable.

J’ai tué celui que j’aimais.

Elle me demande sérieusement si j’envisage d’être un agent double. Alors je ris. Un rire sans joie. Un rire fou.

« Et vous seriez prête à me faire confiance ? Voyons Hidéko, soyez sérieuse. J’attendez de vous que vous résolviez définitivement le problème, je ne suis pas venue vous voir pour demander votre clémence.»

Oui sérieusement serait-elle prête à faire confiance à une espionne ? Ma vie entière n’est que duperie. Je ne me fais moi-même pas confiance. Je blesserais encore, je tuerais encore. Voilà la vérité si l’on me laisse vivre je ne ferais que répandre la douleur autour de moi.

Elle me demande ce qui se serait passé si le Centre avait décrété que Terrae était un problème. J’ai un regard froid. Un regard vide. Un regard dont la neutralité ne présage rien de bon.

« Si vous aviez représenté une menace je vous aurais tuée, ainsi que chacun des membres de votre communauté. »

C’est une évidence. Rien qu’à voir la facilité avec laquelle j’ai pénétré chez elle j’espère qu’elle ne croit pas que je bluffe. Je suis ici depuis assez longtemps pour être sûre de ce que j’avance. Terrae est un paradis qui pourrait être balayé tellement facilement. Ils sont plein de bonne volonté mais concrètement, ils n’ont pas ma formation. Je n’ai pas leurs pouvoirs, mais je ne tue pas les gens en les regardant dans les yeux. On ne peut se défendre quand on ne se rend compte que trop tard du danger, et quand on se sent mourir il est déjà trop tard. Je ne laisse pas le choix à mes victimes. Certaines ne savent pas quand elles s’endorment que c’est pour toujours.

« A ce sujet, vous devriez changer le mot de passe de votre alarme. Et éventuellement mettre en place un système de purification des eaux, les canalisations de l’école partent toute du même endroit. Quelques gouttes de poison bien choisi, incolore et n’agissant pas tout de suite par exemple, suffirait à éliminer tous les élèves et une bonne partie des masters. Le même poison dans le château d’eau de la ville et tout Terrae perdrait la vie en quelques jours. Bien sûr les masters en mission pourraient revenir, mais ils sont les plus fragiles, les plus atteignables pour le Centre. »

Oui c’était le plan le plus efficace, couper la tête de Terrae avant de la détruire totalement. Pas si difficile que ça.

« Ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas une menace pour le Centre, ils vous considèrent comme une secte. La seule chose qui les intéresse est la manière dont vous développez des pouvoirs. Si aucune mission ne m’a été attribuée c’est qu’ils attendent de moi que je découvre comment vous vous y prenez. »

Pour détruire la vie d’autres enfants, pour les changer en arme encore plus performante que moi. Ce qui bien évidemment n’est pas facile, je suis ce qu’ils ont fait de pire. Le summum. Elle me demande mon nom. Je regarde un instant dans le vide avant de parler d’une voix plus fatiguée que jamais. Elle n’est pas la seule qui aimerait le savoir. J’aimerais m’appartenir un peu.

« Les espions n’ont pas à avoir de nom. Pas d’identité, ils sont qui le Centre veuille qu’ils soient. »

Ils n’ont pas besoin de quelque chose à quoi se raccrocher. Une de mes mains part à la recherche de mes tresses. Elles ne sont plus là. Je les ai brûlées lorsque j’ai acquis mes pouvoirs. Ma main retombe sans vie. Je me souviens d’un livre où pour rendre les démons prisonniers on leur volait leur nom. C’est un peu le même principe.

« Ils m’ont surnommée Henrietta, c’est le nom que je porte dans cette organisation. Il n’a pas plus de sens que celui d’Ipiu mais vous pouvez l’utiliser.»

Quand à mon véritable nom il s’est perdu il y a bien longtemps. Jusqu’à mon étoilisation je ne me souvenais même pas avoir un frère ou une famille. Je ne me souvenais rien d’autre que du Centre, comme si j’y étais née. Comme si j’avais été conçu à son seul et unique utilité.

Bien Hidéko. Tu as compris je n’en attendais pas moins de toi. Tu es la pierre angulaire de cet établissement, celle dont l’avis vaut tous les avis. Celle que tous écoutent. Leur guide. Leur faiblesse aussi.

Tu me trouves manipulatrice ? Tu ne sais sans doute à quel point. Je ne suis pas là pour te demander pardon. Je suis là pour t’endurcir. Ton cœur est tendre. Top tendre. Sans cela je ne serais pas ici. Personne ne t’as appris la suspicion et celle que tu crains le plus n’est autre que toi-même. Tu as trop vécu et en même temps pas assez. Tu chéris sans savoir comment protéger. Tu as grandi dans un monde normal avant de découvrir tes pouvoirs, et dans mon monde les pouvoirs ne sont pas la chose la plus anormale que j’ai vue.

Ton cœur est aimant. Tu voudras toujours préserver ce lieu, mais t’en donneras-tu mes moyens ? Je ne te laisserais pas le choix. Je vais devoir t’endurcir. Sans ça tu ne protègeras jamais ceux que j’aime. Car oui je les aimes tous ces gens que j’ai rencontré. Ipiu a existé car elle était celle que j’aurais voulu être. Un cœur aimant comme le tien. Seulement elle n’était qu’un mirage. L’homme aura toujours pour but d’être plus fort que son semblable, et non pas meilleur.

Ouvre les yeux Hideko. Personne ne fera de cadeaux à Terrae. Dès qu’elle grandira dès qu’elle prendra de l’importance… A ce moment elle remettra en question l’ordre mondial. Mais tu ne vois pas si loin. Tu penses à ceux à qui tu offres une vie. Mais comment la protéger ? Ouvre les yeux ! Tout le monde n’est pas gentil. Il faut que tu me tue. Il faut que tu comprennes. Il faut que tu puisses prendre ce genre de décisions.

Ton regard se pose sur moi. Alors je rends le mien froid et tranchant, comme celle que je suis. Tu te méprends si tu penses que je suis Ipiu. Ipiu n’a jamais existée. Ipiu est morte le jour où l’espionne est née. Ipiu est morte quand Julien est mort.

Julien, mon cœur se serre au souvenir de sa présence. Il n’était pas beau, il n’était pas le plus intelligent, mais il était… tout. Je l’ai aimé en sachant que ce n’était qu’un jeu, il m’a marqué plus profondément que des fers chauffés à blanc n’ont su le faire. Aujourd’hui j’ai oublié la douleur des fers, mais je me rappelle la douleur de son absence.

Je grimace. Elle cherche une belle fin. Elle m’offre son pardon je souris presque amusée. Je ne le lui permettrais pas. Tout simplement.

« Je pense que je vais prendre la seconde option. Vous ne me tuerez pas, vous laisserez le Centre s’en charger. Ou alors vous rebouterez un produit défectueux, ce qui est tout bénef pour eux, au lieu de récupérer une espionne cassée, ils en récupèreront une prête à reprendre le travail »

Et je pourrais recommencer à tuer. Le sous-entendu n’en est pas vraiment un, je ne le dis pas en ces termes… Il n’y a pas de bons choix avec moi. Ce qu’elle ne sait pas c’est que je préfèrerais mourir que de me retrouver à nouveau entre leurs mains. Trop longtemps j’ai été une arme, trop longtemps j’ai sauvé ma vie en volant celle des autres.

[Joyeux Nowel ; la fin de ce message a été tapée sous l'influence de l'alcool, je corrigerais tout à l'heure]

Ce que j’attends d’elle ? qu’elle protège ceux qui ont compté pour Ipiu. C’est peut être bête mais quelque part ils ont encore leur place dans mon cœur. Même si je sais qu’ils ne m’accepteront jamais… ou plutôt que je ne m’accepterais jamais à leurs côtés. Ils méritent tellement mieux. Et… Je.

J’ai tout simplement trop mal. Le vide est quelque chose de désagréable, mais la culpabilité n’est pas une absence ? Elle est le point qui étreint mon cœur. La douleur je connais ça, je l’ai longtemps entretenue comme une amie, on se rencontrait on se fâchait, on se retrouvait pour finalement ne jamais se quitter. Nous avons des liens tellement profonds qu’ils sont marqués dans ma chair.

La culpabilité… C’est un nouveau concept pour moi. Je ne me posais pas de question. Je passais d’une identité à une autre devant tant d’autres. Me perdant totalement dans des personnalités que je ne saurais aujourd’hui même me définir. Je ne suis pas une personne. Une personne se définit par une histoire, par des gouts, par des envies. Je n’ai rien de tout ça.

Elle a raison Ipiu était plus autonome que moi. Ipiu avait des rêves. La seule chose que je désire est de disparaitre. Comme un programme inutile, être supprimée et surtout ne plus ressentir son absence à chacun de mes souffles. De ça que peut-elle comprendre ?

Je n’attends pas qu’elle prenne une décision à ma place, j’ai pris ma décision en venant la voir. Celle de briser ses certitudes, celle de mourir. Celle de la forcer à être une personne dure qu’elle n’était pas. Je pense que je ne connaissais pas la femme fatiguée qui me fait face. Bien que connaissant son histoire, je restais persuadée telle une élève qu’elle était la plus forte d’entre nous. Je me suis trompée. Elle est celle sans qui rien ne tiendrait debout, mais elle n’est pas celle sur qui tout devrait reposer.

Je suis en colère. Au moins elle aura gagné ça. Un sentiment autre que le détachement ou l’indifférence. Je suis en colère car elle n’est pas capable de protéger ceux que j’aime du monde dans lequel je vis. Et c’est impardonnable. Je suis en colère mais… a mon grand étonnement ce n’est pas contre elle.

C’est contre moi. Moi qui ne veut plus vivre et qui comptait déléguer à cette femme la responsabilité que j’ai envers les miens. Moi qui l’ait cru plus forte. Moi qui la croyait assez forte pour tous les sauver de la noirceur du monde.

Un nom ? une identité ? Je préfère ne pas en avoir. Un nom ne se choisit pas, un nom est un legs. On ne se choisit pas un nom Hidéko, on se construit par rapport à lui. C’est un cadeau de nos parents. C’est quelque chose d’intime.

« Je ne veux pas d’un nom, je veux mon nom. »

Celui qu’on m’a volé. Ou celui que j’ai perdu. Celui que j’ai abandonné pour survivre. Je suis calme est c’est peut-être ça le plus terrible. Plus loin que la colère il y a la certitude. Celle que ma vie n’a aucun sens, mais qui suis-je pour me plaindre tous ici ont vécu milles maux. Je ne suis pas la plus à plaindre, j’ai toujours eu la capacité d’oublier.

« Tu veux savoir ce que je voulais en venant ici ? Je voulais que tu réalises que le monde des supers héros n’est pas nécessairement le plus dangereux. Je voulais que tu sois capable de prendre les décisions qui s’imposent pour le bien de Terrae aussi injustes et cruelles soient-elles. »

Je sors de mes poches un revolver. Le pose sur son bureau sans plus de cérémonies, J'entreprends de déposer devant elles toutes les armes en ma possession qui auraient pu servir à l’anéantir. Elles sont trop nombreuses.

"Et t'apprendre la méfiance. Tu es une cible bien trop évidente. "

[hrp : Désolée c'est un peu court. mais j'ai plus d'inspi.]

Perdre le contrôle de son corps est tout juste désagréable. Rien de plus à vrai dire. Certaines drogues faisaient le même genre d’effets la douleur en plus. La c’était désagréable rien de plus. Perdre le contrôle je l’ai fait tellement souvent ces derniers temps que je ne suis même pas à ça près. Je soupire mentalement.

Elle pense que c’est ça le point fort de Terrae. Si elle savait combien c’est faux. Terrae a une arme que toute espionne de haut vol je n’ai pas su parer. Et ce n’est certainement pas les pouvoirs. La plupart des gens ici ne sont pas préparés à agir mais seulement à réagir. Celui qui lance l’attaque a de ce fait l’avantage.

Non. Ce qui fait la force de Terrae c’est d’offrir un foyer. Je la regarde lasse. Parce que cette vie me fatigue. Finalement elle aurait mieux fait de me tuer. Ca aurait été moins douloureux. Moins compliqué, je n’aurais pas eu à avoir continuellement peur pour ce lieu. Elle connait un monde que je n’ai qu’effleuré. Elle ne connait pas le monde dans lequel j’ai grandi.

« Une lame dans une semelle est commune. »

Je soupire tout aussi lasse que celle qui me fait face.

« Je ne remets pas en question ta façon de gérer. Ce que tu as créé est bien plus redoutable que de nombreuses tortures qu’on nous a faite subir. Plus dévastateur. Tu nous redonnes un engagement. Seulement tu n’es pas à même de protéger ceux que j’aime contre mon monde. Parce que tu ne le connais pas. Etre immobilisée n’est même pas une gêne… »

Je ferme les yeux, plus vieille que je ne l’ai été aux yeux de tous ici. Plus calme que ce que je ne suis vraisemblablement. Parce que je veux qu’elle réalise ce que nous sommes.

« On vous enlève vous savez à peine tenir un stylo. On vous teste. On vous torture. On vous forme. On vous torture à nouveau. Je n’ai pas de nom, pas d’identité. Pas de but. On vous dit de faire quelque chose vous le faite. Tuer n’est pas un cas de conscience. La valeur d’une vie n’a aucune importance pour vous parce que vous avez oublié ce qu’être vivant veut dire. Je ne dis pas ça pour que tu ais pitié. Je te dis ça pour que tu saches si un jour le Centre décide que Terrae est un problème. Terrae sera mis à mal. Pas parce que le Centre est plus puissant. Parce que le Centre est plus fourbe. Parce qu’ils sont plus nombreux aussi. Vous ne le verrez pas venir. Aussi fort que soient les masters et les élèves, on ne peut rien faire quand la mort arrive sans prévenir. Pour que tu puisses protéger ceux qui cette année m’ont fait me sentir vivante. Si tu ne peux pas le faire. Je le ferais, car je leur dois plus que je ne te dois.»

HRP : Pas de souci :)

Je l'écoutais parler sans rien dire, tentant de me calmer. Ce tempérament était une tare. Un véritable poids lourd. Mon talon d'Achille, en soi.
Elle ferma les yeux un instant avant de reprendre la parole, le ton calme. Ce n'est que lorsqu'elle termina sa dernière phrase que je réalisais mon erreur de jugement. L'habitude m'avait rattrapé, et ne m'avait pas permis d'envisager le problème tel qu'il doit être envisagé. J'avais toujours envisagé les problèmes et les histoires de mes élèves avec une forme d'expérience. J'avais agi avec instinct maternel, cherchant à les rassurer, à les consoler, puis à les faire reprendre confiance en eux. Mais j'avais finalement compris. Ce n'était pas de ça qu'avait besoin Ipiu, ou peu importe qui elle était. Ce qu'elle avait vécu l'empêchait de se contenter d'un "je fais faire ce qu'il faudra, et je vais m'occuper de toutes les mesures à prendre, ne t'en fais pas". C'était le genre de phrases qu'on servait à des gamins. Pas à des adultes. Baissant le regard, je pris une lourde inspiration, tentant de me calmer une bonne fois pour toute.
Son discours me frappa de plein fouet lorsque j'imaginais qu'à sa place, qu'à la place de ce bébé qui avait été enlevé et formaté, il s'agissait de Daisuke ; de mon propre fils. Mon coeur se serra avant de rater un battement, et je me pinçai la lèvre inférieure. Enfin je relevai le regard vers elle, vers cette fille que je ne connaissais pas et que je n'avais finalement jamais connu.

-Je ne crée pas de soldats. Mais ça, je crois que tu l'as bien compris, et le répéter ne servira à rien. Je pense avoir compris le message que tu souhaitais me faire passer. Sauf que comme tu l'as dit, on ne peut pas prévenir la mort. On ne peut pas prévenir l'attaque d'une telle organisation. Notre seule chance serait de t'avoir encore en liaison avec eux. Et d'avoir les informations par ton biais. Sauf que je ne peux pas me permettre de te demander ça, ou même de le faire. Car malgré la franchise dont tu fais preuve en cet instant... Tu restes un élément instable, ou devrais-je dire incontrôlable.

Je baissai les yeux et respirai calmement.

-La plupart des personnes qui sont ici n'ont pas conscience de ce dont tu viens de me parler. Ce n'est même pas envisageable pour eux. Je ne peux pas faire un discours et leur dire de "faire attention car tout peut arriver à tout instant, que ce soit demain ou dans trois ans". Je ne peux te garantir qu'une seule chose. C'est que chaque Master ici peut protéger cet Institut. Mais toi aussi. Nous ne pouvons pas prévoir leur attaque. Mais nous pourrons riposter. Ou nous y préparer. Commencer à enquêter sur eux. Avec ou sans toi. Tout dépendra de ton choix.

La fatigue est une vieille amie d’un cœur aigri. La fatigue est portée sur des épaules plus fortes qu’elles ne le paraissent. La vieille femme au regard d’enfant regarde celle qui s’est si longtemps haie. Reflet d’une même peine. D’un même crime. « Je suis un monstre » crie son âme. Le regard se ferme, le cri se tait. Echos lointain d’une plainte qui ne franchira jamais ses lèvres.

***
La directrice me regarde. Je sens qu’elle a compris autant que je le vois. Ipiu n’a jamais cherché à développer la partie destructrice de notre pouvoir. Elle l’a toujours enfermée en elle-même, pourtant elle se tendait vers les autres de telle façon qu’aujourd’hui à peine bridé mon pouvoir me renseigne sur leur état d’esprit. Je ne cherche pas capter leurs pensées, en serais-je d’ailleurs capable ?

Sans nul doute à la manière dont elle plane sur leur visage. Les gens quels qu’ils soient affichent toujours dans leur comportement ce qu’ils pensent. Ils n’en ont pas conscience et c’est là une faille que j’ai souvent exploité. Nombre de questions ne méritent pas d’être formulées.
***

Le silence se fait suite à la déclaration. L’attente se prolonge. Il n’y a pas de question. Juste des faits. Elément instable dit la mère. Le bourreau ne répond. Qu’y-a-t-il à répondre à un constat. La vérité ne blesse pas. La vérité des uns tellement éloignée de celle des autres. Instable ? sans nul doute ce terme est sous-estimé. Entre envie de suicide et de vengeance le cœur est partagé. Le tout submergé par la douleur de la perte… Ou peut-être du retour.

Un souvenir oublié ne fait pas souffrir.

Incontrôlable ? le mot lui aussi est bien faible. Libre. Libre voilà ce qu’elle est. Jamais plus elle ne sera contrainte. Jamais plus elle ne suivra des ordres sans les comprendre. Incontrôlable ? Jamais elle ne laissera plus personne la contrôlée. Personne ne lui remettra ses chaines. Personne ne la forcera jamais plus à être ce qu’elle n’est pas.

L’ironie en cela est des plus amères, elle a perdu celle qu’elle est. Sans ne plus pouvoir être une qu’elle n’est pas et sans être celle qu’elle est, qui sera-t-elle ? L’ombre d’une ombre. Le souvenir d’une enfant. Le souvenir. Elle doit n’être qu’un souvenir effacé dans la mémoire de ceux qui savaient qui elle a été.

***
« Je ne repartirais pas auprès d’eux. Jamais. Je ne tuerais plus. Jamais. Je n’échangerais pas mes anciens maitres contre de nouveaux. »

La vérité toute simple. Si je devait retourner au centre je mourrais en emportant avec moi de nombreuses personnes. Jamais plus je ne tuerais. Ce choix est bien le seul qui ne m’appartienne pleinement. Le seul ne dépendant que de moi.

« Je te donnerais toutes les informations nécessaire. Je continuerais à leur envoyer des messages erronés ou partiels. Je sais comment manipuler le mensonge pour en faire une vérité. »

Nul doute de cela n’est-ce pas ? Je me déteste. Je ne mérite pas de vivre après tout… Toute la souffrance que j’ai semé. Mais suis-je seulement en vie ? Ou juste en attente de la mort ? Combien sont les morts qui mériteraient d’être en vie, et les vivants qui mériteraient d’être morts ?

« Je ne les laisserais toucher aux rêves des gamins qui parcourent les couloirs de cette école. Je ne te jurerais nulle autre allégeance. »