Alors ça y était. Je serrai fermement dans ma main la carte que m'avait donné Ys. J'y étais. Il ne me restait qu'à frapper à la porte, et je les reverrai. Est-ce que j'étais prête pour ça ?
J'avais voulu proposer à Allen de venir avec moi. Il ne m'avait même pas ouvert sa porte de chambre, me hurlant de m'en aller car il n'avait pas envie de me voir. J'ai été blessée. Je n'ai pas insisté. J'ai pensé à Aoi, puis je me suis ravisée. Ses études étaient compliquées. Elle ne pouvait pas perdre de temps avec ça. J'aurais pu demander à d'autres personnes de m'accompagner, bien sûr. Aaron, Isis, Ys, Joyce... Mais... Comment dire ? Eliminons-les rapidement. Je n'ai pas envie d'embêter Aaron avec ça. Isis, en fauteuil roulant, dans un pays où il n'y a que de la neige ? That joke. Ys ? Dans son cas, j'y ai sérieusement pensé. Mais lui, qu'en aurait-il pensé ? D'autant que je ne l'avais pas revu, depuis la dernière fois... Je l'apercevais au coin des couloirs, et puis il disparaissait en l'espace d'une seconde. Enfin, Joyce ? Je l'adorais, c'était certain. Mais je n'étais pas assez proche pour lui demander de venir avec moi.
J'avais donc été prendre l'avion, seule. Le voyage fut long. Mes pensées me ramenèrent sans cesse à Allen, et à ses paroles. Pourquoi... Pourquoi ne voulait-il pas me voir ? Pourtant, lorsque nous nous étions revus, à son retour d'Alaska, ça c'était bien passé. Non ? Je devais être vraiment stupide pour ne pas comprendre ce que je lui avais fait. Et pour ne pas voir que déjà là, il n'allait pas bien. Mais est-ce qu'il ne pouvait pas m'éclairer ? Est-ce qu'il ne pouvait pas m'aider à comprendre ce qui n'allait pas ?
Finalement, à mon arrivée en Alaska, j'étais tout sauf heureuse. J'allais retrouver mes parents, et pourtant, j'avais l'impression que mon monde s'écroulait. La carte d'Ys m'aida énormément, et un paquet d'heures plus tard, j'étais sur place, devant la porte, là où se trouvaient les deux personnes qui avaient toujours été là pour moi.
Ma main s'avança jusqu'à la porte en bois, mais je m'arrêtai dans ce geste. Je tremblais. Tous mes membres tremblaient. Pendant une seconde d'hésitation, je me ravisai. Ma main vint se glisser dans ma poche, et je fis volte face. Peut-être n'étais-je pas encore prête. Je voulais qu'ils soient fiers de moi. Mais avais-je fait quelque chose qui pourrait les rendre fiers ?
Je n'eus le temps de faire qu'un pas. La porte s'ouvrit dans mon dos. J'ai tourné la tête, et croisé ces prunelles envoûtantes. Un sourire vint illuminer le visage de la femme qui se trouvait en face de moi, et elle écarta les bras. Mes yeux s'embuèrent et je me jetai contre elle. Je nichai mon visage dans son cou, secouée par mes sanglots. Ma voix, rauque, perça le calme de l'Alaska.

-Maman... Maman... Je crois...

Je pris une lourde inspiration, tentant vainement te faire une phrase correcte.

-Je crois que j'ai fait une bêtise.


Maman remonta la couverture qu'elle avait déposée sur mes épaules. Serrant la tasse de chocolat chaud qu'elle m'avait rapportée, je l'observais en silence, sans rien dire. Je ne m'attendais pas à réagir comme ça. Cela dit, je n'avais pas réellement préparé ma réaction.
Maman s'installa dans le fauteuil en face de moi. A côté de nous, le feu crépitait dans la cheminée.

-Tu m'as manquée, chérie.

Un sourire maladroit étira mes lèvres. Je baissai les yeux, fixant mes pieds.

-Tu m'as manquée aussi maman.

Ses lèvres se fendirent en un merveilleux sourire. Maman était toujours aussi belle. Malgré ses longues années, elle n'avait pas changé d'un pouce.

-Mitsuki... Pourquoi est-ce que tu penses avoir fait une bêtise ?
-C'est...

Les mots restèrent bloqués dans ma gorge. J'inspirai doucement.

-C'est Allen.

Maman arqua un sourcil, m'intimant de lui en dire plus. Je m'humectai les lèvres, baissant à nouveau les yeux sur mes pieds.

-Il ne va pas bien en ce moment. Et il... Il ne veut plus me voir. Il ne veut plus me parler. Je devine que j'ai fait quelque chose, mais j'ignore quoi et je... Je suis perdue Maman...

Elle prit mon menton entre ses doigts, me forçant à relever le regard. La dernière personne qui avait fait ça était... Je me sentis rougir mais Maman me rassura d'un sourire. Elle fit glisser sa main sur ma joue jusqu'à ma nuque avant de se pencher en avant pour déposer un baiser sur mon front.

-Je suis là chérie. Tout ira bien maintenant.


Nous avons discuté pendant longtemps. Nous avions tant de choses à nous dire. Le temps est passé si vite que je n'ai pas eu le temps d'aller dormir avant que le jour se lève. Papa est venu nous retrouver sur les coups de 8h du matin, des marques d'oreillers sur la joue et un café dans la main. Il venait de me sauver d'une discussion bien embarrassante...

-Je vais rentrer à la maison. Je pourrais revenir plus souvent, maintenant.
-Mais, chérie ! Tu ne m'as pas dit qui était ce garçon... Celui avec Allen...
-Je t'aime Maman. On se revoit vite, d'accord ?

Je me levai, et embrassai mes parents, avant de disparaître dans un grésillement. Alors que j'arrivais à Terrae, je m'écroulai dans mon lit. Demain, j'allais pouvoir réparer les robots de Maman. Même si j'en avais été terriblement gênée, j'avais finalement osé demander un coup de main à Maman.
Lentement, mes paupières se fermèrent et je rejoignis bien rapidement Morphée. Je n'avais pas encore rattrapé tout le temps perdu. Nous en étions même encore très loin. Mais déjà là, je me sentais mieux. J'avais pu parler avec ma mère. J'avais discuté avec mon père. Tout allait mieux. Ils avaient toujours été là pour moi, et ça n'avait pas changé.

Demain, je réparerai les robots de Maman, et j'irai voir Allen.