## Lun 20 Avr 2015 - 0:44 | ||
Invité | A Caen, le 20 Avril 2015 Monsieur Williams, Nous ne nous connaissons pas et pourtant j’ai souvent entendu parler de vous. Je peux vous décrire sans vous avoir jamais vu, des cheveux fins et noirs, un peu trop longs car ils vous tombent dans vos yeux sombres. Un visage fin, un corps élancé. « De l’élégance, non assumée. Il est distrait, maladroit, touchant, attentionné, sympathique, et tellement solitaire. Il est toujours prêt à donner mais jamais à recevoir… Il doit se sentir affreusement seul depuis que je suis parti » m’a dit Destan. Il tenait à s’excuser de ne pas être resté auprès de vous. Quand il a compris qu’il ne lui restait que quelques semaines à vivre, il a pensé que sa famille serait terriblement blessée de ne pas lui avoir fait leurs adieux. Alors il est parti un peu précipitamment, il savait que sa décision était la bonne mais, il se sentait coupable de vous abandonner. Il a essayé de vous écrire… Mais il n’arrivait plus à se souvenir de comment faire, il est resté des heures attablés sur son bureau à essayer de tracer des lignes, il ne réussissait même plus à écrire en lettres bâton… Alors il a rageusement froissé sa feuille et je l’ai vu pleurer, j’ai vu mon grand frère pleurer pour la seule et unique fois. Il ne savait pas que l’observais quand il m’a vue il a essuyé ses larmes d’un revers de manche et m’a regardé avec un sourire doux et courageux. Lorsque je lui ai proposé de le faire à sa place, il m’a dit que non, que s’il ne pouvait le faire lui-même ça n’avait pas la même saveur. Alors il a commencé à me parler de vous, du temps qu’il a passé chez vous. Vous avez été un ami pour lui, le seul depuis longtemps. Merci. Simplement merci pour le sourire qu’il avait quand il parlait de vous. Merci pour lui avoir donné la chance de vivre pleinement. Les médecins lui avaient prédit qu’il ne passerait pas l’hivers, il l’a passé, il a même passé celui d’après. Il a attendu que le printemps revienne, il a attendu que le ciel s’éclaircisse à nouveau. Chaque matin il me disait « c’est un jour à ne pas être mort. » Il voulait voir l’été revenir et manger à nouveau des cerises… Et c’est un jour à ne pas être mort qu’il nous a quittés. Comme chaque matin j’allais ouvrir ses volés, et ce jour-là ses paupières, elles sont restées closes. Il n’a pas souffert, les doses de morphine qu’il recevait depuis quelques semaines l’assommaient la majorité du temps, mais le reste, il se sentait bien… Même s’il ne parlait plus tellement. Il est parti tranquillement dans la nuit, un petit sourire en coins. Vous devez connaitre ce sourire doux qu’il offrait quand il voyait quelqu’un qu’il aimait entrer dans la pièce. Ce sourire qui réchauffer le cœur. Ce sourire qui… Je suis désolée. Je m’étends de trop, mais la vie de mon frère n’a été que trop courte. Vous savez longtemps j’ai pensé que ça serait bien qu’il ne soit plus là. Que je pourrais exister en tant que moi, et non plus en tant que la petite sœur du malade… Et aujourd’hui il n’est plus là, et je me sens vide. Juste vide. Il était par ses sourires, par son affection, essentiel à mon bonheur, et je dois attendre de l’avoir perdu pour me rendre compte à quel point il me manquera. Je me permets de vous écrire cette lettre car je sais que Destan tenait à vous. Pour vous dire aussi, que je vous souhaite ce qu’il vous souhaitait. Monsieur Williams, soyez heureux. Soyez heureux, et si un instant vous doutez, si un instant vous êtes perdus, sachez qu’où qu’il soit, mon frère sera toujours un peu avec vous. Avec toute ma tendresse et mon amitié, Sol. |
## Mer 29 Avr 2015 - 0:40 | ||
Aaron Williams Messages : 3927 Date d'inscription : 28/02/2011 Emploi/loisirs : Prof de maths et papaaaaa ♥ Humeur : Aha ! ... Attendez, c'était une vraie question ? | Ta main retombe mollement sur la table. Légèrement froissé entre tes doigts, le papier blanc tremblote un peu sans que tu ne puisses le retenir - ou bien est-ce toi-même que tu aurais dû retenir ? Honnêtement, tu ne sais pas trop. Tu t'y attendais bien sûr, et il t'arrivait parfois de t'interroger, te demander s'il voyait encore le jour se lever. Puis, douloureusement, tu refoulais. Tu refoulais sans pour autant oublier. Sans pour autant te sentir mieux. Aujourd'hui, recevoir cette lettre te transperce le cœur. Tu te demandes presque si tu n'aurais pas plutôt souhaité ne jamais être au courant, mais chasses cette pensée sitôt qu'elle t'effleure l'esprit. Actuellement, ce n'est pas le moment de penser à toi. Ce n'est pas le moment, et pourtant, toi aussi, tu te sens vide. Tu te sens vide parce que tu aurais aimé être là, tu aurais aimé faire plus, pouvoir l'entendre rire encore un peu et parler de cette manière si particulière. Avec le temps, tu t'en formalisais même plus ; ça devenait tellement habituel que tu te contentais d'un sourire en coin, pas méchant mais juste amusé. Parce qu'il te faisait rire ce p'tit gars, même s'il te rendait un peu triste parfois. À ces moments-là, tu te demandais encore, souvent, trop peut-être, pourquoi t'avais accepté de le loger ; parce que ce n'est pas comme si tu savais pas comment tout allait se terminer. Quand on accepte de se rapprocher, on accepte de souffrir de la perte. Et toi, tu commences à trouver la chose de plus en plus insoutenable. Vous avez passé quelques temps ensemble. Puis il est parti, et Ben est mort, et Terrae s'est fait attaquer, et toi t'as failli y passer. Plusieurs fois. Trois peut-être. T'as eu de la chance au final. Lui, il n'en a pas eu du tout. Et une fois de plus, peut-être une fois de trop, tu te dis que c'est injuste. C'est injuste de voir des gens biens mourir de cette manière, ou mourir tout court ; des gens qui sont aimés, qui aiment et que tu aimes, qui mériteraient mille fois la vie que tu préserves plutôt que toi. L'amertume et la douleur qui ne s'en vont pas. Tu tentes même pas de te rassurer en te disant que la sœur de ton ami a raison ; il reste là, quelque part dans ton cœur et tu le sais. Comme tous ceux que tu as chéri et qui se sont envolés, tu lui garderas une place. Mais pour le moment, c'est trop difficile de te raisonner, te dire que tout va bien. Parce que tout ne va pas bien ; dire autre chose relèverait du mensonge. Un mensonge bon marché qu'on vend à ceux qui en ont besoin lorsqu'ils touchent le fond. Toi tu connais bien le fond ; t'y patauges tellement souvent que tu sais même plus depuis quand tu as pas crevé la surface. Alors franchement, ça n'aurait pas grand effet sur toi. Ça n'aurait pas grand effet sur toi, et pourtant, tu aurais besoin de les entendre, là, maintenant, tout de suite. Même pas pour t'éviter de trop souffrir, ni pour t'éviter de trop y penser. Mais juste là, cette fois, une épaule, quelqu'un, n'importe qui pour te soutenir, te prendre dans ses bras, pour que tu puisses hurler, taper du poing, laisser libre court à ta rage. Juste te défouler, laisser sortir toute cette tristesse qui t'assomme du poing. Alors ouais, cette foutue lettre, elle est putain de belle. Cette foutue lettre, elle est merveilleuse. Mais cette foutue lettre, c'est un peu comme une de ces femmes. Elle a une belle gueule, un sourire un peu triste mais qui se veut rassurant, serein, ou peut-être simplement nerveux, et elle te dit en te fixant de ses yeux humides qu'elle est désolée. Mais de quoi, de quoi doit-elle être désolée, cette femme ...? Tu te laisses tomber sur ton siège plus que tu ne t'assieds. Passe une main sur ton visage en retenant un trémolo au fond de ta gorge. Tu pleures, Williams, parce que tu ne sais pas quoi faire d'autre. Tu pleures parce qu'une fois de plus, tu te rends compte que tu ne peux rien faire. Lorsque le calme revient dans ton appartement, que la cuisine cesse de répercuter l'écho de tes larmes, tu te lèves. Tu ne veux pas écrire maintenant. Tu ne veux pas répondre tout de suite. Alors tu attrape juste un peu de vodka et t'assieds par terre, à côté de l'aquarium de ton poisson de merde. Si quelqu'un passait le pas de la porte, le lendemain matin, il te trouverait écroulé au milieu de ton salon, assommé par la boisson. Mais voilà, personne ne rentre. Tu ne veux plus, en fait. C'est trop difficile à dire. Trop difficile à penser, à chaque fois, quand ils doivent partir. "Au revoir." |