Il fait beau aujourd’hui, pour une fois. Je me permets donc de me poser sur un banc, dans la cour, un livre sur les genoux. Un livre récent ! Harry Potter. Il faut bien que je fasse ma culture. C’est différent de ce que j’ai l’habitude de lire… ça change du Shakespeare et du Zola !

Mes occupations ici ne sont pas si extraordinaires que ce que peut faire le héros de cet ouvrage. En fait, je crois que ça se rapproche plutôt de ce qu’on appelle une « vie normale ». Des cours pour les jeunes, du travail pour les autres. Cela me convient bien, en fait. Je pouvais aller lire si je voulais, jouer du piano si je voulais, parler aux gens si cela me plaisait. Mais honnêtement ? J’ai comme l’impression qu’il me manque quelque chose. Je crois que je me sens encore un peu seule, en fait. Oh bien sûr je ne suis pas là depuis très longtemps, mais je ne pouvais pas m’empêcher de me dire que Londres me manquait, un peu. Mon frère me manque, aussi. A lui, je pouvais toujours tout lui dire. Bien sûr il y avait le téléphone, mais ce n’était pas pareil…

Un faible soupir m’échappe tandis que je relis au moins dix fois, distraitement, la même phrase. En fait, je crois qu’il faudrait que je fasse parfaitement confiance à quelqu’un. Pouvoir lui parler de tout, de rien, du quotidien, du passé… de tout. Comme avec Erwin, en fait. Un point d’ancrage. Je sais que ce genre de relation ne tombera pas du ciel… enfin nous verrons bien, après tout. Voyons ce que la vie me réserve ! Allez, motivation, et joie de vivre, ma petite Eleanor !

Je tourne une page avec motivation. Un quoi ? Un Chapeau magique ? Trop fou !

Je lis encore deux chapitres, avant de relever la tête lorsqu’une ombre rafraîchit l’air, qui n’était déjà pas bien chaud. Ahh, un nuage, j’en ai marre des nuages !

Je replace mon écharpe sur mes épaules. Mon regard se fixe alors sur un visage, non loin. Je fronce légèrement les sourcils. A dire vrai, cette haute silhouette, plus que les détails de son visage, m’évoque quelque chose. Mais quoi ?

Je ferme le livre dans un petit bruit mat, le range dans mon sac avant de m’approcher du jeune homme brun afin de l’interpeller :

— Pardonnez-moi, sir ! (je m’incline très légèrement en guise de salutations). Navrée de vous demander cela ainsi, mais nous ne nous serions pas déjà croisés quelque part ? Votre allure me semble vaguement familière…

Peut-être nous sommes-nous déjà croisés à un vernissage, ou un bal auquel mes parents étaient conviés…