amaël la regardait rouler ses doigts autour de la feuille, ou la feuille autour de ses doigts. Ses gestes étaient fluides, maîtrisé, c’était presque artistique aux yeux du garçon qui découvrait sans cesse de nouvelles choses. Il s’émerveillait sur tout et n’importe quoi, tel un aveugle découvrait la vue pour la première fois. Cela le rendait souvent étrange, surtout quand il regardait fixement et avec intérêt des choses qui désintéressaient le commun des mortels, qui n’avaient que peu d’intérêt.
Son comportement passait du coq à l’âne, un coup méfiant, un coup curieux ; un coup agressif, un coup calme. Un sauvage. Ses yeux noirs suivirent les mains de la jeune fille jusqu’à sa bouche et sa voix le refit revenir à la réalité. Il se perdait si vite dans son esprit.
─ Oh… Nicolas me parlait de pouvoir. Mais pas précisions.
Faut dire que leur rencontre fut de courte durée. Samaël l’avait rencontré au premier jour de son arrivée et Nicolas avait posé trop de questions au goût du sataniste. Il avait d’ailleurs décidé de clore la discussion après qu’il ait lu la peur dans les yeux de son interlocuteur. Samaël ne contrôlait pas toujours ses regards et on pouvait parfois y lire ses attentions macabres. Mais lui, il avait eu l’air de mieux le percevoir que les autres et ça l’avait rendu mal à l’aise.

Le brun triturait encore son débardeur. Il n’aimait pas parler, n’ayant pas l’habitude et depuis son arrivée il avait l’impression de ne faire que ça. C’était fatigant et barbant, ayant parfois des difficultés d’élocution avec la fatigue. Mais sa curiosité le poussait à poser des questions et d’écouter, un peu, quand ça l’intéressait. Par contre, il détestait qu’on lui pose des questions. Alors, il se mordilla les lèvres quand elle le fit, même si elle était plutôt anodine et sans importance.
─ Hum… euh… oui. Arrivé depuis…, commence-t-il avant de plus ou moins compter sur ses doigts. Six jours… je crois.
S’il avait des pouvoirs, il ne savait absolument pas lesquels. A vrai dire, il n’y avait pas trop pensé, il était curieux de ce qui l’entourait, mais de ce qui venait de lui n’avait que peu d’importance. Il ne se considérait pas comme intéressant, mais qui sait, le jour où il saura son pouvoir, peut-être se montrera-t-il plus désireux d’en apprendre plus.

Il jeta un coup d’œil là où se trouvaient les imbéciles, ils étaient partis, puis il regarda la jeune fille avant de porter son regard là où elle était assise quelque temps plus tôt. Il y avait encore ses affaires.
─ Tu veux apprendre Russe ? Peux t’aider… un peu… à l’oral.
Puis après quelques secondes il rajouta :
─ C’est quoi ton nom ?
C’est vrai, il ne le savait toujours pas.

l était extrêmement rare que Samaël propose son aide sans contrepartie et souvent coûtant bien plus cher à la personne qui osait l’accepter. Mais Hamilton restait sur la défensive, ça se voyait, le garçon le sentait comme un loup sent sa proie sur garde alors qu’elle se trouve à quelques mètres, l’air de rien. La réponse lui déplut. C’était oui ou non mais pas de peut-être. À vrai dire, il commençait à se lasser de la jeune fille, il voulait un peu s’amuser avec elle, mais, elle ne lui en laissait pas la liberté. Trop fermée. Il soupire, déçu, tapotant du bout de la chaussure sur le sol.
─ Soit. Comme tu veux. Tu me diras quand t’auras décidé.
C’est chiant ce genre de réponse, démerde-toi avec ça, pensa-t-il. C’était un peu gamin, Samaël est un gamin, un enfant, il se comporte comme tel : perdu, hagard, parfois capricieux, il s’en fout de ce qu’on pense de lui, il agit comme il veut, le sent, sans réfléchir, il écoute ses impulsions, ses envies, rien d’autre. Il n’a pas le sens de la maturité, on ne lui a pas appris aussi. Vivre, survivre et chercher parfois à s’amuser un peu.

Mais la jeune femme perd de son intérêt à l’animal, comme un chien qui en a marre de jouer avec sa balle. Il regarde vers l’institut, il serre son blouson contre lui, il commence à avoir froid, il n’avait pas fait attention au début, trop perdu dans ses pensées. Mais la conversation avec Hamilton maintient sa conscience dans le monde réel avec tous ses désagréments. Il aimerait bien le quitter, il en a marre.
─ Bon… froid… vais rentrer, désolé pour l’dérangement. Merci.
Toujours rester poli, on ne lui avait jamais enseigné la politesse, mais il avait rapidement appris qu’elle aidait beaucoup à avoir ce qu’en voulait et se sortir de certaines situations. Les gens écoutent tellement plus quand on est poli.