Comment ça marche une fille déjà ? Nicolas essaye de se rappeler de ses cours de bio au collège, où il y avait tout un chapitre sur les appareils sexuels féminins... Ça lui paraissait tellement lointain, accessoire, qu'il avait appris cette leçon comme toutes les autres ; par cœur et basta, avant de l'oublier pour faire de la place à une autre leçon ou quelque chose de plus utile à son quotidien. Il se souvient que c'est une question de cycles, que l'ovulation doit s'passer dans les jours quelque part entre deux sessions de menstruation... Admettons... Si elle vient de se rendre compte qu'elle est enceinte, elle a pas encore fait un mois. L'avortement, on a le droit jusqu'à quand en fait ? Le premier trimestre ? Ça me paraît logique. Est-ce que c'est douloureux ? Est-ce qu'elle doit être opérée ou prendre des médicaments ?... Et si elle accouche... Comment ça se passe à Terrae les naissances sous X ? Et si elle le garde... Aura-t-elle suffisamment d'aides pour prendre soin d'elle et du bébé ? ...Ça coûte cher les couches ? Je vais devoir chercher tout ça... Il réfléchit tellement qu'il passe à côté de la blague... :

-...en forme de fess- ?... Ah bah bravo c'est du joli ça !

Il arrive à rire, mais on sent la fatigue dans son souffle creux... On sent que sa tête est ailleurs, plongée dans des rendez-vous à prendre éventuellement à l'hôpital. Médecin ? Gynéco ?... Il y a des centres IVG dans ce pays au moins ? Il tente de noyer sa sensation d'impuissance dans cette situation dans des questions, tout en prenant soin de son amie. Nirolas, le petit grand frère un peu perdu.

Comment font toutes ces filles au village qu'on voit dévastées, qui ne disparaissent pendant un mois et reviennent comme si rien ne c'était passé ? Quel soutien avaient-elles là-bas ?... Est-ce qu'il allait pouvoir trouver sur internet des conseils pour aider au mieux Aria ou devait-il demander à quelqu'un à Terrae ?... Non, Aria a été courageuse pour lui dire tout ça, il n'allait pas trahir cette confiance et ne partagera ses soucis que si elle le veut bien... Donc, internet et les livres, sinon rien. Est-ce qu'elle arrivera à prendre une décision ? Peu importe laquelle, il serait là, mais que pouvait-il bien faire si elle hésitait ? Si elle avait besoin de conseils plus... féminins ? Si elle reste figée, transie de douleur à l'évocation de mauvais souvenirs ? Que pouvait-il faire ? Qu'allait-il faire ?

Une nouvelle fois, elle le tira de ses pensées qui tournaient en boucle. Il a un petit sourire... Elle s'inquiète pour lui, elle ne devrait pas. Alors même si ça va mieux, il s'enroule lui aussi dans la couette. Si elle ne pense plus à lui, elle pourra se reposer tranquillement. Elle a des mains si petites dans la sienne... Nicolas les regarde, comme déphasé. C'est vrai... il peut toucher les gens maintenant... Pourquoi maintenant ? Il fait glisser ses doigts sur la peau de son amie, comme s'il testait son élasticité, sa douceur, sa chaleur. Ce n'est pas si désagréable, ce n'est pas douloureux non plus. Aria n'avait pas l'air de souffrir de son contact non plus... Ses lèvres s'étirent soudainement d'une joie silencieuse qu'il ne peut contenir. Ah ! ça fait du bien d'être aussi proche en fait... Il inspire longuement avant de répondre enfin à Aria. :

-Bien sûr... Tu en as bien besoin.

Elle a des petites cernes, un peu plus visibles à cause des larmes qu'elle a versé... Mais bientôt, petit à petit, elle s'endort comme il l'avait prévu. Il voit les muscles du visage d'Aria qui se détendent, son souffle qui devient régulier, ses petites mains toujours accrochées à lui. Quand les émotions de son amie se diluent et s'évanouissent dans son sommeil, son intérêt scientifique pour la proximité évolue. Il pose sa tête sur l'oreiller, le bras au-dessus de celle d'Aria comme s'il la protégeait. Il inspecte les longs cils, les joues creusées, la paix qui se dégage de leur cocon de chaleur, dans la pénombre. ...Aria avait quelque chose qui grandissait dans son ventre. Quelque chose qui avait été lui il y a longtemps... :

-Ma mère me parlait des champs de lavande avant... murmure-t-il soudain dans le vide.

Elle n'a jamais parlé de la joie ou de la peine que pouvait procurer une naissance, il ne sait même pas s'il a été voulu ou s'il avait été un "accident"... Il était trop petit pour comprendre pourquoi il n'avait que ses parents, pour savoir s'ils s'étaient enfuis ou s'ils ont été reniés par le reste de sa famille si elle existe. Tout ce qu'il sait, c'est ce dont ses cauchemars veulent bien lui rappeler de son père et les divagations de sa mère dépressive : les fraises, les robes à fleurs, les champs de lavande et le manteau de cuir. Il aurait voulu avoir sa mère, son ancienne mère, la vraie, celle qui soignait ses blessures et lui montrait qu'elle l'aimait. Comme ça, il aurait pu être utile à Aria... Nicolas a les paupière lourdes. Maman me manque.


HRP : On peut finir là... POUR MIEUX ENCHAÎNER 8D !