C'est perturbant, toutes ces émotions qui tourbillonnent. J'sais pas trop à quoi pense Nicolas, y a beaucoup trop de choses en même temps qui entrent en collision. Et il faut aussi que je me concentre sur moi-même, un peu, mine de rien… Juste pour reprendre mon calme, petit à petit.

Pour Nico, ça a l'air plus simple, j'sais pas trop comment. Peut-être parce qu'il s'est suffisamment lâché tout à l'heure. La fatigue, tout ça…

J'ai un moment de bug quand la main de Nico vient choper ma tête pour me forcer à me rapprocher. Il me fait un câlin. Il. me. fait. un. câlin.

Un rire m'échappe, léger, amusé, attendri, et je le serre brièvement contre moi, un sourire tremblant aux lèvres. J'profite un peu, les yeux fermés. Nico se calme, et ça m'apaise aussi, au final. J'm'apprête à dire un truc - en abandonnant l'idée de casser le câlinou, c'est que j'suis en manque d'affection puissance dix moi - quand il reprend la parole. Bug. Bug. Mes cheveux, qu'est-ce que j'ai-

—Ah, putain, mes cheveux, je râle.

Je m'éloigne et me passe une main sur la nuque - c'était l'éloignement pas du tout gêné du "j'espère que personne nous a vus paske ça fait un peu pédophile quand même".

—Ipiu a foutu du décolorant dans mon shampooing (j'retiens un "l'espèce de tepu wesh" parce que le non swag)... J'étais blond. BLOND. BLOND BORDEL. T'imagines ????

Je le fixe, très sérieux, en le secouant légèrement par les épaules.

—Du coup j'les ai teints en rose. Genre Gumball. Il me manquait juste la couronne et j'étais le roi du swag. Mais ouais, j'ai refait une teinture plus sombre par dessus. Du coup voilà. Si t'étais v'nu en cours t'aurais vu ma super couleur.

No reproche, juste un battement de cils.

—Gae s'est tellement foutu de ma gueule, c'était beau. Piu aussi. Mais elle, elle avait pas l'droit, j'aurais dû la noyer, tssk.

Le rire d'Aaron le traverse puisqu'il est contre lui. Ça ne le perturbe pas dans son geste, ça le conforte même. Il le serre en retour, Nicolas a un léger sourire. Ah... ça fait du bien. Il a l'impression de recevoir un câlin qu'il cherchait depuis longtemps. Il ne saurait dire d'où lui vient exactement cette sensation.

Il pose sa question, Aaron s'éloigne. Le garçon le regarde, intrigué, tandis qu'il lui explique.

D'abord un rictus ; ça lui soulève uniquement la commissure droite de de ses lèvres quand il imagine son prof préféré en blond. Il le secoue, comme pour lui dire à quel point le geste est monstrueux, même de la part de Piu. Il se retient un long moment, jusqu'à l'instant où Aaron dit qu'il aurait du noyer sa bibliothécaire préférée...

Nicolas éclate de rire.

Un rire franc, joyeux, qui lui tire des larmes de bonheur au coin des yeux.

Plié sur sa chaise, tenant son ventre, il rit, il s'amuse, il s'esclaffe, hilare comme jamais. Il a un léger regret, celui de n'avoir pas pu voir Aaron en blond. C'est vrai que ça aurait mérité le détour ! Mais la joie est trop soudaine, trop vive pour qu'elle s'attarde trop longtemps. Il se dit soudain qu'il faut absolument qu'il aille voir Ipiu pour la féliciter... Et c'est ce qui le calme finalement... Il ne peut pas la voir. Elle est Sensitive aussi, mais surtout, elle n'est pas Master. Si elle apprend, ou a appris, tout ce qu'il fait aujourd'hui, il n'a pas envie de percevoir son dégoût, ce qu'il pense qu'elle ressentira de toute manière.

Il essuie sa larme de joie et reprend son souffle. Il pose ses deux mains les épaules de Ronron. :

-Si je t'appelle Gummy, tu sauras p- pourquoiiii !!!

Et il repart, secoué de rire. Il écrase ses yeux comme si ça pouvait l'aider à se contrôler.

Après ce nouvel éclat, il se calme de nouveau, définitivement. Son regard sur Aaron est rempli d'amour. Un amour sincère et déchirant à la fois. Qui le fait rire comme ça aujourd'hui ? Personne. Pourtant, il faut bien parler de choses sérieuses. :

-Merci à toi Ronron. Merci vraiment... Pour tout ce que tu fais et ce que tu feras.

Retiens bien ça parce que je risque de l'oublier. songe-t-il en embrassant le front de la poule qui prenait soin de lui, car même lui avait conscience d'agir comme un enfant. :

-Est-ce que tu as besoin d'être rassuré encore ? Est-ce que tu as d'autres questions ?

Maintenant qu'il était un peu plus lui-même, un peu plus libéré, il se sentait prêt à répondre sincèrement à n'importe quoi, du repas qu'il a bouffé hier à tout ce qui peut traverser son prof de maths, mère poule à mi-temps.

Ce con se met à rire comme un gros batard. J'ai une moue boudeuse et lui lance un regard pas content grognonronron. Pfft... Comme il se moque, alors que c'est juste beaucoup trop bien comme couleur ! Du rose, fallait oser, quoi ! Puis clairement, j'suis mieux avec les cheveux roses que blonds. Blonds, ça me fait trop penser à des trucs que je veux mettre de côté.

Je m'élance sur lui pour lui ébouriffer ses cheveux de jeunot relou avec un rire qui s'échappe de mes lèvres aussi. C'est mieux comme ça. J'préfère quand on peut se soucier de rien, quand on peut faire semblant que tout va bien... Parce que tout va pas bien, hein ...?

—T'avises pas de m'appeler comme ça, sale gamin ! je ris à mon tour.

En face, il reprend son calme et je suis stupéfait de ce qui transparaît de lui. C'est un peu embarrassant, à tel point que mon rire diminue lui aussi pour se taire finalement. J'ai un sourire embarrassé alors que je sens mon visage et mes oreilles chauffer.

Son bisou sur mon front est vraiment trop mignon. J'ai un sourire attendri et lui lance un regard dans la même veine.

—M'remercie pas… je lance, embarrassé, avant de relever la tête et poser simplement mon front contre sa joue, très brièvement, avant de m'éloigner. Sa joue gratte un peu.

J'le fais pas pour qu'on m'remercie, j'veux dire, c'est normal, je sais pas ? Enfin je suis comme ça, en tout cas. Doucement, je me frotte la nuque en effleurant mon oreille écarlate.

—Je crois que ça ira... J'en ai pas vraiment d'autres.

Sourire embêté.

—T'as pas b'soin que j'sois sur mon dos mais... Enfin... Fais juste attention, c'est tout ce que je te demande.

À toi et aux autres ?

—Tu te débrouilles mieux avec tes pouvoirs j'ai l'impression, nan ?

Avec un peu d'entraînement, il pourra sûrement forcer le passage et lire ce que ressentent les Masters... Enfin, plus tard. Même Ipiu ne le fait pas, mais j'ai plus l'impression que c'est par respect qu'autre chose.

—Faudra qu'on se fasse un vrai entraînement une fois, je fais avec un sourire mutin et des yeux brillants. Ok ?

Parlons d'autre chose, sinon j'vais vraiment arrêter d'assumer et j'vais lui faire un câlinou qui va lui briser les os.

—T'as faim ?

Pas d'autres questions. Ouf. Il sourit, mi-appuyé par son masque, mi-sincère. Il ferme brièvement les yeux quand il pose son front contre sa joue. Il ne s'attendait pas à ce que, après tout ça, son histoire et leur dispute, il puisse se sentir aussi bien... C'est ça lâcher les vannes ? Est-ce que ça fait toujours autant de bien ?... Il hoche la tête. :

-D'accord.

Même s'il n'avait pas l'impression de faire de bêtises, même s'il avait déjà la sensation de faire attention, il se promettait de ralentir au moins. Il n'allait pas trop avoir le choix de toute façon s'il... s'il y retournait. Il écarte cette pensée pour se dire que, damn, il y avait les fêtes de fin d'année qui arrivaient, ce serait dur d'être... comment on dit déjà... modéré ?!

Nicolas hausse les sourcils avant d'avoir une moue gênée. Ah... les pouvoirs... Il prend le temps de peser ses mots avant de hausser légèrement les épaules. :

-Je lis mieux et plus qu'avant... mais je sais toujours pas manipuler.

Ça lui allait très bien, il n'avait pas besoin de ça. Mais bon, avec les nouvelles émotions auxquelles il avait accès sans se péter une artère dans le cerveau en se concentrant, il valait peut-être mieux pour lui et les autres qu'il apprenne à gérer. Il pousse un soupir quand il parle d'entrainement... Avant, il aurait sans doute trépigné de joie, mais maintenant, il était fatigué d'avance, rien qu'à l'idée de travailler.

Il retrouve soudainement son énergie quand Aaron lui parle de manger. Il se lève d'un coup. :

-Oui ! Manger et café là. Et puis faudrait pas que je sois en retard cet aprem hein ?

Clin d’œil. Ah, l'enfoiré. :

-J'espère qu'on m'a gardé un dessert sinon j'vais m'fâcher tout rouge.

Crédibilité, zéro.

Bon, pas de réaction pour ce qui est de l'entraînement, j'aurais pensé que ça lui parlerait plus que ça... Lui qui me parlait tout le temps des progrès qu'il avait fait avec Huo. J'suis déçu. Il veut pas s'entraîner avec moi en fait, c'est ça ? Sale gosse. J'suis pas assez bien pour toi ?!

Tant pis... Parlons plutôt de bouffe, ça j'sais que ça le motive. Il fait un  bond de trois mètres en se remettant debout. Je fais la même et remets la chaise en place - j'ai été bien élevé, moi (lol) - avant de m'étirer longuement. J'suis vraiment crevé, cette discussion m'a pompé toute mon énergie, pour le coup. Haussement de sourcil de ma part quand il parle de ne pas arriver à la bourre.

—Ouais, tâche de pas arriver à la bourre... Et de pas sortir aussi souvent. T'es encore mineur je te rappelle, et ici, l'âge légal pour boire c'est 21 ans.

J'souris en coin. C'est pas comme si je buvais depuis plus longtemps aussi, heiiinn... Mais bon, il me fait chier, j'le fais chier aussi.

—Allez, file. (Omg on dirait vraiment que j'suis son père quand j'dis ça, j'ai l'air vieux en fait ???) Ils doivent t'attendre.

Et moi, faut que j'rejoigne Gae de toute manière. Qu'est-ce qu'on va manger ce midi ? On a quoi dans le frigo, encore ? Des légumes, quelques restes... Mmh. Ca devrait le faire.

—Oh, d'ailleurs, je lâche avant de passer la porte. Tu es pas passé depuis qu'on a déménagé, mais hésite pas à venir hein. T'as pas encore pu voir la maison.

ELLE EST TROP BELLE NOTRE MAISON D'ABORD.

Doucement, je fais un geste dans sa direction.

—Bon app.

J'hésite. Je ne dis rien, sûrement parce que je l'ai déjà trop répéter. Pourtant, je le pense.
"Fais gaffe."