La fumée blanche qui émane de cette cigarette dite "spéciale", trouble sa vue.
Depuis combien de temps était il ici? C'est surement le seul endroit recommandable après tout quand tu veux te couper du reste du monde. Personne n'aurait idée de le retrouver ici. Et puis après tout, les monstres restent tapi dans l'ombre?
Alors oui, ce n'est pas plus mal de passer une bonne partie de ses journées là. N'étant affecté à aucune mission, le Master se devait de trouver quelque chose à faire. Il n'arrivait plus à rester en place et parce qu'occuper ses mains c'est mieux, cela lui permettait aussi d'occuper son esprit.

Enfin sauf que ces derniers temps il avait réussi à trouver une solution à ses problèmes. T'as rien à faire? Pas de soucis. Roules toi un petit pétard et picole pénard. Ca devrait être une devise pour tous les déprimés de la vie tiens! Belle pub!
Pourtant il le sait, il n'est pas idiot. Il le sait parfaitement que ce n'est pas la solution et qu'il a bien l'air pitoyable. Seulement il s'en moque royalement de lavis d'autrui. La dernière fois qu'il a croisé des élèves, ces derniers l'avaient dévisagé. Le motif? Plonger quelqu'un dans le coma pour sauver leurs petites fesses n'est pas recommandable.
FUCK!
Parfois, il en vient à envier Akira...

Seul le bruit de la bière en verre reposée au sol résonne dans ces longs couloirs sombres. Heureusement qu'il est Tonnerre et qu'il puisse rallumer ces vieilles torches au mur. C'est toujours mieux de pouvoir voir afin de ne rien renverser.
Un soupir lui échappe. C'est nul. Tout est nul.
D'une main libre, il attrape la poignée de sa guitare séche. Ah oui, il l'a récupéré depuis. Enfin récupéré, disant qu'il s'est introduit comme un véritable voleur chez Mitsuki pour la reprendre. Chez Mitsu... son ancien chez lui. Pitoyable. Y retourner comme une ombre alors qu'il aimait pouvoir y rentrer autrefois.
Rien que d'y penser, son estomac se tord. Putain mais il lui fait rien ce pétard!
Reposant sa tête en arrière contre le mur, lassé, il émit quelques notes furtives en glissant ses doigts sur les cordes.
Journée Nulle.

- PUTAIN MAIS VOUS ME FAITES TOUS CHIER A LA FIN!

Je déteste ma vie, qu'on soit bien clair. Bon avouez aussi que vu mon parcours, j'avais bien le droit de le penser!
Vous voyez ce mec devant moi, petite vingtaine, les cheveux noir et l'air débile au visage? C'est mon voisin de palier. Vous voyez l'oeil au beurre noir qui commence à apparaître sur son visage? C'est moi.

Revenons cinq minutes auparavant vous voulez bien?
Je vous explique. Ce type m'avait bassiné sur le fait qu'on avait conclu d'un commun accord que je ne jouerait plus de la guitare dans ma chambre passé vingt heures. Or, j'étais vraiment conne pour avoir oublié une chose pareille. Le type devait vraiment être la seule personne à pas savoir dans mon entourage.
Sauf que, me faire dire que l'oublie et l'amnésie c'est pas cool, mais me faire insulter en prime, c'est trop. Et trop, c'est trop. Mon poing a fini dans sa gueule avant même que je réfléchisse. Entendons nous bien, c'était mérité.

- Putain mais t'es con de naissance ou tu prends des cours du soir? Je suis amnésique du con je sors à peine de l'hosto et je me souviens de rien. Alors ta morale et tes conseils tu te les gardes! Et ce soir, tu vas entendre du rock jusqu'à deux heures du mats. Et si tu t'avises de me faire chier, je branche l'ampli!

Moi, excessive?
J'ai tourné les talons sans plus tarder et j'ai foncé aux sous-sols. C'était encore le seul endroit où j'étais sûre de ne croiser personne qui ne me connaisse avant l'hôpital. Je détestais ma vie. Tout le monde me peignait l'image d'une fille dont je n'avais aucun souvenir. D'une vie dont je ne pouvais rêver. Et ce copain que je n'avais jamais vu! Ce grand frère qui semblait en vouloir à la terre entière et qui me faisait chier avec sa surprotection. Cette prof et amie qui semblait s'en vouloir de ce qui était arrivé. Sans rire. Comme si, moi, je le vivais bien! Je ne savais même plus qui j'étais!

Une fois passé la porte, pourtant, j'entendis de la musique. Une guitare. Mon amour et ma seule famille depuis bien des années. La seule chose dont j'avais souvenir à mon réveil.
Je ne peux pas vraiment dire que je n'ai pas voulu l'ignorer, j'ai essayé. Mais soyons honnête, je ne pouvais pas. Et je connaissais cette manière de jouer. Je ne savais pas d'où, mais j'avais déjà entendu ce geste quelque part. Cette fougue. Cette passion.

J'ai suivis le bruit. Et j'ai finis par tomber sur Ys. Nous avions tous deux changés depuis mon réveil. Je crois même que nous avions changé depuis mon entrée à l'hôpital, quoique je ne puisse pas en jurer. Les choses sont amenées à changer. A continuellement évolué. Mais de ce que j'en avais lu dans mes chansons, j'aurai cru que notre amitié resterait constante. Une famille hein? Tu parles.

- Oh. C'est toi.

J'ai avancé à la lumière avant de lui prendre son pétard des mains pour l'éteindre et le jeter plus loin. J'ai fais de même avec sa bière, dont le verre brisé a raisonné dans les couloirs lugubres.

- Tu penses que te détruire réglera tout? Que te défoncer te permettra de tout oublier? Ça revient, Ys, ça revient toujours. Et tu ne pourras pas toujours y échapper. Je ne pense pas que celle que j'étais autrefois aurait aimé te voir comme ça. Elle aurait été déçue. Elle t'en aurait voulu.

Bon. Résumons la situation. J'avais eu un début de journée de merde, j'étais passablement irritée, je tentais de venir en aide à un "ami" comme l'ancienne moi l'aurait fait et je me fais recaler sans ménagement. Je n'avais jamais vu tant de violence ou tant de véhémence dans un seul homme. Et pourtant, j'ai vécu des trucs pas cool et j'ai vu Ys se jeter sur un médecin à mon réveil.

Il m'a craché mes quatre vérités à la figure, m'accusant de ne rien avoir à dire au vu de mon incapacité à me souvenir. Charmant. Et ça, on va me faire croire que c'est censé être ce frère qui ne m'abandonnera jamais? Vraiment?
Vous avez déjà vu un hérisson? Vous savez cette technique de protection qu'il a quand il sent un ennemi s'approcher? Il se roule en boule et ne présente que ses épines. Et ben vous serez ravis d'apprendre que j'ai exactement la même technique.

- Non mais tu te prends pour qui? Gamin de merde. Tu te crois mature et bon exemple pour pouvoir me dire d'aller me faire foutre? Ouais je me souviens de rien, je crois que j'ai compris depuis le temps! Tous les jours on me le reproche! Toi le premier! Mais putain je me shoote pas aux médocs pour atterrir au pays des bisounours pour autant! Et t'as pas le droit de le faire non plus. Quand à ton agréable accueil, le fait d'aller mal te donner pas le droit de te comporter comme un connard.

J'avais parlé calmement, mais j'avais le regard froid et distant. On avait peut-être été amis dans une autre vie, mais là, maintenant, on ne se supportait plus et ça ne datait pas de la veille. Depuis mon réveil, notre culpabilité mêlée à notre colère retenue nous avaient éloigné à un tel point qu'on ne pouvait plus se voir sans hurler. Et visiblement, cette dispute serait fatale.
Sauf que le deuxième coups, je l'ai pas vu venir. Quand il m'a dit qu'il s'était assez occupé de moi et que je devrai encore moins la ramener maintenant que tout avait changé j'ai eu l'impression que tout monde s'écroulait, sans que je sache pourquoi. J'ai eu l'impression de perdre mes parents et Vince une seconde fois. Il m'aurait poignardé que j'aurais eu moins mal.
J'ai fermé les yeux. J'ai inspiré un bon coups. De quel droit? Comment pouvait-il oser?

- Espèce de monstre... C'est bon, t'es calmé là? T'as repoussé tout ceux qui tiennent à toi, tu as fais chier ton monde, t'es content? Ca fait près d'un mois que je suis sortie de l'hôpital et que tu me les brises en me surprotégeant. J'ai compris Ys, tu tiens à moi, tant mieux pour toi! Mais désolée, j'ai tout oublié! Pour moi, t'es qu'un étranger! Alors tu sais quoi? Vas y, détruit toi, tue toi si tu le veux! Mais compte pas sur moi pour pleurer. Je te connais pas.

Je l'ai dévisagée avec dégoût.

- Tu m'as dis à mon réveil que tu ne m'avais jamais lâché et que tu ne le ferais jamais. Tu parles. T'as juste tellement la trouille de te rendre compte que les choses changent que tu préfère de terrer dans un trous à boire et à fumer pour oublier. Tu vaux pas mieux que les autres. Toi aussi t'es qu'un menteur et un tricheur. T'as raison. Je te laisse tranquille. Je vais pas me faire chier avec un inconnu prétendant être mon ami pour me faire insulter.

Non mais tomber sur elle dans des moments pareils, ça ne pouvait pas être pire! Et dire qu'il fallait arranger ce lien devenu tordu et fané, bah voilà, maintenant il n'y a plus rien à sauver. Dans le fond, le voulait il vraiment? Non mais bien sûr que si! Il mélange tout, c'est agaçant! Il a trop bu, sa tête résonne et il est en train de tout comparer. C'est idiot!
Si seulement il pouvait faire marche arrière. Il y aurait tant à refaire...

Tentant de faire retomber la pression en plongeant son visage dans sa main, il entendait néanmoins les dures paroles de Joyce. Quand ne l'avait il pas vu dans un tel état? Jamais à vrai dire. Leurs disputes d'autrefois n'avaient jamais réellement pris une telle ampleur. C'est un aller sans retour.
Les mots sont durs et affligeants, aussi bien elle que lui. Ils se rejettent la faute et se lancent leurs quatre vérités.
Puis finalement un petit rire lui échappe.

"Un monstre hein? Ouais, quand j'y pense, j'aurai du vous laisser crever. Tous."

Ne jamais péter les plombs sous l'effet de l'alcool et de la drogue réunis. C'est mauvais et ça vous rend encore plus con. Surtout quand vous en avez déjà baver pas mal et que la seule personne à qui vous tenait sur cette planète ne sent pas rassurée à vos côtés.
Trop, c'est trop! Il compare tout, il mélange tout. Un monstre lui oui. Surement encore plus maintenant. Depuis l'accident en forêt, depuis qu'il avait du suer de sa greffe pour plonger un Morphe dans le coma, depuis cet accident, énormément de monde lui avait tourné le dos en le traitant de monstre.
Ca aurait pu être supportable si la seule personne qui lui faisait confiance jusqu'à maintenant ne l'avait pas laisser tomber par peur. Ouais, on touche le fond
Relevant le menton, il posa ses yeux rouges, aussi vif que le sang, sur la petite blonde.

"Qu'est ce qui tourne pas rond chez toi? J'ai demandé à ce que tu me foutes la paix et là tu me bassines avec tes conneries. Je suis pas mature moi? Je suis un connard de gamin dégénéré? C'EST CA? BAH REGARDES CA!"

S'emportant dans sa colère, le Master empoigna sa guitare qu'il frappa violement contre le mur. Des débris volèrent tous les sens ne laissant plus qu'un son aigu qu'émit une dernière fois l'instrument. Non. Il n'a plus aucune raison de rester calme. Il a touché le fond alors quoi bon de continuer à respirer tout bas pour se contrôler? Faut que ça sorte d'une manière ou d'une autre après tout.

"C'est assez mature pour toi ça?! J'ai pas la trouille okay?! Je laisserai personne me traiter comme une merde. Et encore moins toi."

Etant donné qu'il a perdu tout amour propre et crédibilité, c'est pas maintenant qu'il va pouvoir se racheter une âme tout belle et toute propre.
Dans un sens, ça le calme. La poignée encore suspendu au bout des cordes, Ys le laisse tombé. Il fallait que ça sorte. C'est mieux. Et puis, il vaut mieux que se soit l'instrument plutôt que des mâchoires humaines n'est ce pas?
Le silence retombe tel un plomb. Et d'une voix lasse, le garçon laissa échapper dans son orgueil:

"Je peux pas te sauver. Ni elle, ni toi, ni les autres. Je suis pas à la hauteur."

Vous savez quand je vous disais que je n'avais jamais vu tant de violence de la part d'un seul homme? Je retire ce que j'ai dis. Vous allez comprendre.
Ys a vrillé au moment même où j'ai moi-même dépassé les bornes. Et autant, je peux comprendre que, devant ses amis, ça puisse passer, autant moi, je ne me souvenais pas lui devoir quoique ce soit. Donc j'étais pas obligée de rester zen devant cet idiot en manque d'affection. Oui je suis une garce. Mais j'en avais assez que les autres me fassent remarquer qu'ils me connaissaient mieux que je ne me connaissais moi-même. J'en avais assez de me sentir coupable d'un crime que je n'avais pas commis. Je n'avais jamais demandé à perdre la mémoire, pas plus que je n'avais demandé à avoir cette maladie de merde.

Je ne m'attendais absolument pas à ce qui a suivi. Il a attrapé sa guitare pour la fracasser contre le mur.

- YS NON!

Trop tard. Maintenant je peux dire que je n'ai jamais vu autant de violence que ce jour-là. S'il y avait une chose que j'étais prête à entendre c'était l'amour et la passion qu'Ys avait pour la musique. Un geste pareil, ça a de quoi marquer. J'ai protéger mon visage des éclats de bois en me détournant, un cri m'échappant.
J'étais entrain de perdre mon ami. Mon frère. Une chose que je m'étais promis de ne jamais faire.  J'allais perdre mon plus vieil ami et de loin le plus fidèle. Il m'avait promis de ne jamais m'abandonner, et ce avant même mon coma.

C'est à ce moment-là que j'ai chuté. Je me suis retenue au mur, la respiration coupée. Des images défilaient devant mes yeux sans que j'en comprenne vraiment le sens. Un jeune homme avec des dreads, un loup, un concert, une rencontre avec un feu-follet dans les couloirs des sous-sols, une proposition de groupe, une partie de baseball, une dispute dans un gymnase, une glace avec un certain Kyle, une séance d'entraînement avec Mitsuki, des manège, des cigarettes, une moto, l'hôpital, la chambre d'Ys, l'annonce du médecin...
Je me souvenais de tout. Et cet homme brisé que j'étais en train de perdre n'était pas un inconnu mais mon frère. Mon grand frère.

Quand j'ai pu enfin respirer de nouveau, j'ai croisé le regard de cet homme qui, un jour, m'avait offert une famille et que j'avais trahis, en manquant de le perdre. Mais comme lui le jour où il avait su pour la maladie, je devais revenir et réparer ce que j'avais brisé.

- Grand frère....

Les larmes me sont montées aux yeux. Je me souvenais de tout. De tous. Je me souvenais, je me rappelais de qui j'étais! De qui ils étaient. Mon Dieu, je savais qui étais-je devenue au cours de ces trois dernières années!
Fin non. Calmons nous. Pas de tout. Il y avait encore pas mal de zones troubles dans ma mémoire, mais je me souvenais bien que les médecins m'avaient dit que si je commençais à retrouver quelques souvenirs, le reste ne tarderait pas à suivre. Je me rappelais mes amis, ma famille. Je ne voyais toujours pas qui était Akito ou quelques autres, mais je me souvenais parfaitement de mes premières rencontres. Je voyais d'où j'étais parti et pourquoi j'avais évolué, mais je restais encore dans le doute sur le comment j'avais pu faire un tel pas de géant. Mais je me souvenais incroyablement bien d'Ys. Avec lui, il n'y avait que peu d'incertitude. Je revoyais nos joies, nos peines, nos coups de gueule... Je me souvenais de tout ce qui avait de l'importance.
Ys ne dû pas se rendre compte que j'avais recouvrer mes souvenirs et ma vie, parce que dans une dernière parole, il  me dit qu'il ne pourrait pas me sauver, pas plus qu'une autre personne. Qu'il n'était pas à la hauteur.
Sans réfléchir, sous le coups à la fois de l'impulsion et de l'émotion, j'ai courus me jeter dans les bras fraternels que je n'aurai jamais dû renier.
Il n'a pas dû comprendre avant que je ne prenne la parole.

- Tu m'as déjà sauvé Ys, il y a trois ans et il y a des mois, à l'hôpital. C'est mon tour maintenant feu-follet.

Je ne savais pas quoi dire. L'émotion était trop forte tant je me rendais compte de tout ce que j'avais faillis perdre. Ys en premier, à l'instant. Mais je me souvenais et je refusais de le perdre. C'était tout ce qui comptait.

- Je suis là Ys. Je partirais pas, même si tu me le demandes. Pardonne-moi de ne pas m'en être souvenu plus tôt.

Je ne vais pas vous mentir, Ys m'avait déjà fait souffrir par le passé. En m'abandonnant le jour où je lui avais annoncé ma maladie. En confiant ce secret à Mitsuki. En me jetant des horreurs à la figure quand j'ai perdu la mémoire. Oui, il m'avait déjà fait du mal. Mais je n'ai jamais eu aussi mal qu'au moment où je l'ai senti se débattre dans mes bras, refusant mon contact ou même ma présence. A ce moment-là, j'ai compris que quelque chose s'était brisé entre nous. La maladie m'avait tout prit, pas vrai? Ma vie, mes amis, ma passion et maintenant ma famille. Tout.

Les larmes ont redoublé sur mes joues. Moi qui n'avait plus pleuré à la suite de la mort de mon père, je trouve que Terrae était vraiment un oignon. Oui je sais, blague pourrie. C'est le seul truc qui m'est venu en tête.

Quand je l'ai senti se débattre, j'ai serré plus fort, me mordant les lèvres pour ne pas craquer et ne pas sangloter comme une enfant. J'ai tenté de ne pas montrer mon affectation ni mon émoi. J'étais là pour lui, comme promis bien des années plus tôt, quand, abandonnée, ce garçon un peu rustre m'avait tendu une main et ouvert  la porte sur le bonheur et l'espoir, en m'offrant famille, foyer et amis.
Il n'a pourtant pas mis longtemps à comprendre que j'étais de nouveau moi-même, et plus cette ado que j'avais jadis été. Au fond, si nous avions autant détesté l'autre ces derniers temps, c'était uniquement parce que j'avais recouvré les sentiments d'alors, alors que lui, non. Nous n'étions, pour la première fois, plus en phase.

On m'a appris un jour que tout ce qui se casse peut-être réparé. Mais qu'aucune cassure n'en ressort sans fêlure. Je ne crois pas que cela soit totalement vrai. Certaines relations valent la peine que l'on oublie des moments difficiles, surtout quand ils sont indépendants de notre volonté.
Quand Ys a comprit que tout était à peu près revenu à la normal, il m'a serré si fort contre lui que j'en ai presque eu le souffle coupé. Mais inutile de respirer quand on reçoit tant d'amour et de protection n'est-ce pas?

J'ai bien vu sa larme, même s'il a tenté de la cacher. J'ai vu toute l'étendue de son émotion et j'ai comprit que, bien que nous ayons un instant cru avoir brisé notre lien, il était toujours là, tangible et bien présent. Il y a des choses qu'on ne peut détruire. Des choses qu'on ne peut oublier. La famille en fait partie.
Il m'a demandé pardon, m'a avoué que j'avais eu raison. Même amnésique, je savais encore lire en lui comme dans un livre ouvert. Même sans le connaître, je restais sa petite sœur et sa première fan. Sa plus grande alliée, même s'il avait du mal à le croire. Il n'osait pas me regarder, comme s'il aurait pu lire en moins de la colère ou de la rancœur. Mais je comprenais qu'il ait pu ne plus vouloir essayé. Nous n'étions plus sur la même longueur d'onde. N'importe qui aurait flanché. En plus, il était complètement défoncé. Quoique, ma nouvelle avait dû lui remettre les pieds sur terre.

Quand il a finit par croisé mon regard, j'ai simplement sourit. J'avais devant moi les yeux d'un enfant, apeuré et laissé seul. Il avait écarté toute personne lui procurant du bonheur parce qu'il avait eu peur de les détruire. Il avait culpabilisé pour mon hospitalisation, pensant que c'était son idée qui avait manqué de me tué. Quelle autre culpabilité avait pu noircir son coeur?

- Idiot. Je ne t'en voudrai jamais d'avoir flanché. J'ai été exécrable, je le sais bien. Et tu as dû faire pleins d'autres conneries, sans moi pour te surveiller! Je ne t'en veux pas. Pas plus que tu ne devrais t'en vouloir.

Je me suis éloignée un instant de lui pour l'observer. Il avait l'air épuisé, lessivé, las. Il allait falloir remédier à tout ça.
Il m'a annoncé avoir eu peur de perdre à jamais cette fille qu'il avait appris à considérer comme sa propre sœur.

- J'ai toujours été la même Ys. J'avais juste oublié ce que j'avais vécu pendant trois ans. Quand on y repense, j'ai toujours été cette emmerdeuse. J'avais juste oublié que je n'étais plus seule depuis longtemps.

Étonnamment, j'ai redemandé un câlin à mon frère. Fin non. J'ai exigé un câlin si on considère que je me suis blottis contre lui sans vraiment lui demander son avis.
Je me sentais à la maison. Je connaissais cet homme. Je connaissais cet endroit, si chargé de souvenirs. Je connaissais cette voix et ce caractère de cochon. Je connaissais cette vie. Et Dieu, que je l'aimais.

- Laisse moi encore une minute s'il te plait. J'ai cru ne jamais plus pouvoir profiter de ce genre de moment quand j'ai sombré dans le coma. Je te dois la vie... Merci.

Qui avait-il d'autres à dire, à part merci? Que pouvait-on prononcer d'autre? Alors j'ai simplement profité, me foutant bien de savoir pour quel genre de personne je pouvais bien passer. J'étais en vie, je retrouvais mes souvenirs et je redécouvrais ma vie. J'avais bien le droit à un peu de faiblesse.

J'ai pourtant vite retrouver le sourire avant d'attraper le manche de la pauvre guitare pour finir par observer Ys.

- Aller vient. Ce soir, tu dors chez moi. Hors de question que je te laisse passer la soirée seul, t'as l'air d'en avoir pas encore bavé, faut bien que je te casse un peu les pieds. J'ai des bières et j'accepterai, peut-être exceptionnellement, que tu fumes une cigarette ou deux. Ça te permettra peut-être de me raconter un peu ce qu'il t'es arrivé. Et pourquoi Mitsuki est aux abonnés absente. Ou pas. Sinon, on peut toujours jouer à la console toute la nuit.

Je ne vais pas vous mentir. Il y a très peu de moment dans ma vie où je me suis dis que j'avais la chance de vivre. Mais il y a un vieux dicton qui dit que notre seconde vie commence lorsque l'on se rend compte que l'on a qu'une vie. Je sais, ça fait donneuse de leçon dit comme ça, mais c'est vrai. Evidemment, pendant trois ans, j'avais profiter pleinement de mon nouveau mode de vie. Des amis, un frère, une vie tranquille. Enfin presque. Mais j'avais toujours eu la crainte de voir tout cela disparaître. Plus aujourd'hui. Il n'y avait, d'après les médecins, plus que 27% de chance pour que la maladie ne récidive. Contre 78%, le jour où l'on m'avait diagnostiqué une insuffisance cardiaque. Si je faisais plus attention mais que je parvenais à devenir master, je serai probablement suffisamment forte pour ne pas y succomber et ne plus avoir à m'en inquiéter. Je n'avais donc plus peur de l'avenir.

En dehors de cet aspect technique, le fait de perdre une partie de ma vie, la plus heureuse qui plus est, m'avait fait perdre de vu qui j'étais. Je ne réalisais pas vraiment ce que ma survie avait de si important.
Plus maintenant. Du moment où je me suis souvenue, je me suis rendue compte qu'une vie sans maladie et avec mes souvenirs voulait également dire une nouvelle vie, sans crainte ou solitude. Je n'étais plus seule depuis longtemps, et je n'étais à présent plus en sursis. J'étais vivante et survivante. A la fois encore faible mais forte comme jamais, je commençais une nouvelle vie, où cette fois, les rêves et les espoirs seraient possibles.

Quand mon frère s'est laissé aller tout comme moi à la faiblesse de l'instant, j'ai simplement souris, resserrant mon étreinte pour lui montrer que oui, j'étais bien là, et que cette fois, je ne partirais pas. Jamais.
Un instant, je me demandai si un jour, Ys connaîtrait le sentiment de reconnaissance et de bonheur que j'ai éprouvé à l'instant où j'ai recouvré la mémoire. Comprendrait-il un jour que je n'étais plus et ne serais plus la même? Que j'allais découvrir la vie sous un nouvel angle et avancer à un rythme différent? Comprendrait-il un jour que je ne pourrai jamais le remercier assez pour les décisions qu'il avait prises et qui m'avaient sauvé la vie? Et pour ce sang, son sang, qui coulait dans mes veines, avait-il conscience que c'était ce qui m'avait permit de ne pas succomber? Probablement pas. Je connaissais Ys. Il se foutait bien de ce qu'il avait bien pu donner. Il se fichait bien de savoir ce qu'il faudrait sacrifier pour sauver ou aider l'un de ses proches. J'étais là, en bonne santé et en possession de mes souvenirs. Elle était là, la récompense à ce combat que je n'avais jamais mené seule.

Il m'a serré dans ses bras, presque plus fort encore que le jour où il a su pour la maladie. Le jour où il a rejoint ma lutte pour la vie.
On parti tous deux vers la sortie et Ys me récupéra son manche de guitare. J'ai souris avant de le lui reprendre. C'est idiot, je sais, car la guitare était foutue, mais j'avais une idée derrière la tête et il était hors de question que le cadavre de l'instrument finisse à la poubelle. Si j'allais apprendre à vivre, lui allait apprendre à se laisser aider par les autres, moi la première. Fierté à la con celui-là je vous jure.

Quand j'ai émis l'hypothèse qu'il me raconte ses malheurs, je n'entendis plus ses pas à côté des miens et je me tournai vers lui, inquiète. Il m'indiqua simplement qu'il préférerait une autre activité mais je compris parfaitement que la blessure était encore bien trop à vif. Il m'en parlerait, un jour, j'en étais sûre. Mais pas aujourd'hui. Alors j'ai simplement souris en hochant la tête, pour ne pas qu'il croit que j'en serai froissée. Nous avions bien d'autres choses à nous dire depuis le temps, non?

Ys me parla du groupe et un sourire coquin ourla mes lèvres. J'étais déjà au courant. Je savais tout ça, et j'avais un train d'avance sur lui. J'avais appris pour le groupe, et une fois mes souvenirs revenus, j'avoue que j'en étais affectée. Mais de une, impossible de me rappeler le prénom de notre batteur et de deux, je crois que ma relation avec Liam allait prendre fin. Nous nous étions fourvoyé à croire que l'on pourrait surmonter tout ça mais son absence depuis mon réveil et le fait que je ne l'avais pas vu à l'hôpital avant l'opération prouvait bien que nous étions arrivé à la fin de notre histoire. Le plus triste, c'est que j'en avais fait mon deuil sans m'en rendre compte. Finalement, tout ça n'était pas si mal.

- Tu te souviens quand tu es venu à mon réveil? Tu m'avais dis que j'étais chanteuse dans un groupe alors, à ma sortie, j'ai fais des recherches. J'ai retrouvé le numéro de notre producteur, que j'ai appelé. On ne nous a visiblement pas oublié parce qu'il était fou de joie que j'appelle, en bonne santé. Il m'a affirmé que l'on pourrait, avec de la ruse, réussir à percé de nouveau. Visiblement, être une survivante a quelques avantages. Il m'a dit que je pourrai, si je le voulais, reprendre en solo. Je lui ai dis que j'y réfléchirai et je suis censée l'appeler dans la semaine pour lui donner une réponse.

J'ai fais une pause et j'ai croisé son regard, un sourire aux lèvres.

- J'ai appris à jouer de la basse pendant des mois avant le coma. J'ai voulu vous en faire la surprise mais je n'en ai pas eu le temps. Je compte bien percer dans la musique, ça a toujours été mon rêve. Mais je ne veux pas le faire si tu n'es pas là pour me ramener les pieds sur terre. En plus, j'ai besoin d'un guitariste et d'un compositeur et je n'en connais aucun qui soit meilleur que toi. Donc... On pourrait peut-être appeler le producteur ensembles non?

Il était hors de question que je vive mon rêve sans Ys. Sans lui, je n'aurai pas même pu me produire un jour sur scène, j'en avais parfaitement conscience. Et puis, sans lui, ses textes, son talent et son caractère de merde, tout ça n'aurait pas la même valeur.

J'ai bien vu la tête mécontente d'Ys quand je lui parlai de la réaction du manager suite à mon appel. C'est vrai que c'était déplacé, mais on parle là d'un monde de requin. Pas de sentiments, pas d'attachement. C'était ainsi, et j'apprenais à m'en accommoder. Contrairement à Ys, j'avais connu ce genre de personne durant mon enfance. Ma mère était championne de CSO et elle avait tout une équipe derrière elle. Ils ne faisaient pas dans la dentelle et parfois, le moindre drame était pour eux le coups de pub utile à sa carrière. Alors je savais et j'acceptai la réaction indélicate du bonhomme.

Après réflexion, il m'a sourit avant de rire doucement. Il me posa une question que j'avais déjà entendu, bien des années plus tôt. Étonnant que je me souvienne d'un détail aussi insignifiant mais pas de certaines personnes.
Je n'ai pas répondu, me contentant de lui faire un clin d'oeil, approuvant d'un sourire sa pensée. En effet, il n'aurait cette proposition qu'une fois. Et évidemment, s'il refusait, je ferais de même. Je ne pourrai jamais le laisser derrière moi, surtout en sachant qu'il refusait pour de mauvaises raisons.

Il a finit par me dire qu'on appellerait dans la semaine et j'ai souris de plus belle. Et si elle était là, la solution? Si c'était ça, notre salut? On m'avait vaguement conté ce qu'il s'était passé au cours des derniers mois. Je savais que rien n'avait été facile, pour personne. Dans mon malheur, j'avais eu la chance de ne pas subir tout ça. Mais je connaissais Ys. Il était comme moi: On avait besoin de la musique pour respirer. On était fait du même bois. Et parce que, la première fois, c'était lui qui m'avait permis de réaliser mon rêve pour oublier ma peine, c'était cette fois mon tour de lui montrer la beauté de la vie.

Une fois dehors, Ys se cacha rapidement le visage et j'ai ris.

- Tu vois, je te l'ai dis: Quelle bonne idée de se shooter et de boire comme un trou!

Je lui ai tiré la langue. J'avais raison, il le savait parfaitement. Il avait eu tord et je me jurai de ne plus le laisser faire une telle connerie. Moi vivante, je ne laisserai jamais mon frère se foutre en l'air pour des bêtises. Il était peut-être temps qu'il comprenne qu'il pourrait bien se comporter comme un monstre ou comme le dernier des cons, je serai toujours à ses côtés, l'empêchant de rester au sol ou de fumer. C'était ainsi.

Il me parla alors des médias et j'ai souris. J'aurais pu lui dire merci, mais mon nom avait déjà été traîner dans la boue, des années plus tôt. Quand ma mère et Vince étaient morts les journalistes avaient laissé entendre que j'étais la poisse incarnée. Des amours ces vautours.

- C'est gentil de votre part mais je me fiche bien de l'image que l'on peut donner de moi. Tant qu'elle n’entache pas notre rêve de gloire et de concert, je me fiche bien de passer pour gamine ayant profiter de sa maladie pour vendre des places.

Parce que oui, c'est exactement ce qu'ils marqueraient, même si c'était entièrement faux. Je me fichais bien de tout ça. Tout ce que je voulais, c'est qu'on me laisse vivre ma vie comme je l'entendais. Vu ce qu'on avait traversé, c'était tout ce qu'on méritait non?

Mais il y avait une question qui me trottait en tête. Une restant sans réponse. Avançant dans les couloirs, j'ai observé mon frère.

- Tu as eu des nouvelles de Liam depuis que je suis arrivée à l'hôpital? Je... Je ne l'ai pas vu.

J'ai souris quand le côté frère protecteur d'Ys et ressorti. Il me demandai de faire attention aux journalistes et je lui ai souris.

- Ne t'en fais pas. Je vais gérer. Et puis, j'ai bien une vie entière pour m'en remettre si jamais ils m'atteignent.

Ouais, je pouvais en rire maintenant, j'avais le droit! Sauf que la suite de la conversation fût nettement moins sympa.

Vous avez déjà vu une femme trahie? On dit que si elle cherche vengeance, même le diable s'assoit pour prendre des notes. C'est vrai. Je le jure. Je n'étais pas rancunière, du moins pas longtemps. Mais, bien que je sache que notre histoire était finie depuis longtemps, j'avais tous les droits de m'énerver comme je le voulais.
J'avais pardonner à Liam d'être parti trois ans sans me donner de nouvelles. Je lui avais pardonner son abandon. J'avais pardonner sa bêtise. Et lui il s'était barré sans même me laisser un mot? Vraiment? Très classe.

J'ai écouté sans vraiment entendre les explications d'Ys. Il m'avoua savoir où était mon ex sans avoir plus jamais eu de ses nouvelles. Il était venu, vraiment? Il avait raconté ça à Ys? J'avais demandé aux médecins qui était venu me voir. Je voulais savoir lesquels de mes amis étaient au courant alors j'avais posé la question. L'hôpital m'avait décrit Ys, évidemment et quelques autres de mes proches, tel que Misao, mais jamais au grand jamais on ne m'avait parlé de Liam.

- Il t'a dit qu'il était venu?

Ys me dit qu'il était désolé mais j'avais beau tenté de me calmer, j'étais folle de rage. Liam m'avait promis qu'il serait là et j'en avais déduit que s'il ne pouvait honorer cette promesse; il aurait au moins la décence de me prévenir ou, si ce n'était moi, au moins de me faire passer le message.

- Les infirmières ne l'ont jamais vu Ys. Il n'est pas venu me voir une seule fois. Alors sauf si tu l'as vu de tes propres yeux, je peux t'assurer qu'il a menti.

J'avais pas vraiment de mots. Nous avions tous deux finis par nous rendre compte que l'on s'était fourvoyé. Liam l'avait juste comprit avant moi. Bien avant.
On a finit par arriver devant ma porte, d'où j'ai eu le temps de voir mon affreux voisin. A qui je décochai mon plus beau sourire. J'ai fais entrer Ys avant d'attraper un sac poubelle.

- Je te demande juste une minute.

J'y jetai alors le vase de chine, les kimonos, la ceinture, l'attrape rêve, les boucles... Tout. Les photos, le reste de ses affaires qu'il avait laissé chez moi... J'explosai tout à l'intérieur, déchirant les tissus, brisant la porcelaine précieuse,  cassant les boucles et réduisant les photos en cendres, détruisant le magnifique attrape-rêve... J'y jetai également mon cœur, qui, visiblement, s'était fait bien avoir.
Ys n'a pas dû mettre bien longtemps à comprendre, mais je ne fis aucune réflexion. Dans la salle de bain, il y avait encore quelqu'uns de ses produits, que je vidais dans le lavabo. Tout y passa. De lui, cinq minutes plus tard, il ne restait rien. Et le sac, lui, finit dans le couloir, devant ma porte. Quand j'aurai cinq minutes, j'irai le déverser dans la poubelle.

Je finis par attraper dans le mini-frigo deux bières et j'en tendis une à Ys, sans un mot, avant d'aller récupérer les manettes de ma console pour lui en tendre une.

- Ça te tente?

Allait-il me demander de parler? Je ne savais pas. Mais auquel cas, pouvais-je vraiment lui dire ce que j'avais sur le coeur? Alors j'attendais. Je verrai bien.