Je ne suis pas énervé. Pas du tout. Nan mais vraiment, hein. Je ne sais pas pourquoi tout le monde pense ça, franchement. C'est pas comme si j'avais longé les murs depuis le début de la soirée, et que je continuais à le faire jusqu'à ce que mes supposées MEILLEURES AMIES me tombent dessus. Déjà, le regard d'Huo, c'était pas obligé. Et surtout, la main baladeuse de Mitsuki qui m'a attrapé le col pour me jeter dans un placard (MAIS SERIEUX, UN PLACARD OMG ?! DEPUIS QUAND IL Y A UN PLACARD ICI ?!), c'était absolument pas nécessaire. Après, je ne fais que donner mon avis, hein. Ce n'est qu'un avis. Même si je trouve qu'Ys aurait pu essayer de me sauver. Ne serait-ce qu'esquisser un geste dans ma direction pour me montrer son soutien. Mais nan, que dalle. Rien. L'absence de réaction totale.

Assis comme une merde dans un coin du placard, je continuais à fixer la porte, dans l'espoir qu'elle s'ouvre. Sept minutes, c'est long, vous savez. Nan, mais genre, vraiment. Je gardai les bras croisés, attendant, hyper mal à l'aise, que le temps passe, n'osant pas lever les yeux vers elle. MAIS SERIEUX, POURQUOI TOUT LE MONDE SE SENT OBLIGE DE SE MÊLER DE MA VIE ?!

-T'as l'air de passer une bonne soirée, avec tes potes...

Ouais, c'est ça ouais, fait genre tu lances la conversation. Haha. Hahaha. Hahahaha.

Pourquoi. Juste, sérieusement, pourquoi ??? C'est pas comme si Aria ne voulait PAS du tout tomber face à lui. Encore, le croiser, ça va, c'est pas trop ardu, il suffit de faire un sourire crispé, de lui lancer un regard genre "LOL J'ME CASSE" et de partir sans rien dire. Mais là.

Là.
Franchement.
Ils ont fait fort, ces p'tits.

Aria est debout dans le placard, les bras croisés et totalement tendue pour ne pas trembler. Elle a la rage, envers ceux qu'elle considérait comme ses amis, et envers lui, surtout, lui qui fait comme si de rien n'était alors que C'EST JUSTE UN CONNARD.

Elle tourne la tête vers lui et hausse un sourcil.

—Oui, c'est sûr que je passais une bonne soirée. Et toi aussi, visiblement ! Heureusement que j'ai ramené Afya, tu te serais senti seul, mon pauvre, grince-t-elle avant de redétourner la tête. En vrai, t'es pas obligé de me parler, personne n'a envie d'être là. Non, en fait, tu sais quoi ? J'ai mieux : ne parle pas.

Elle rentre sa tête dans ses épaules, s'appuyant contre l'autre bout du placard... Qui est décidément beaucoup trop petit. 'Fait chier.

Je n'avais pas vraiment oublié le son de sa voix. Mais ça faisait bizarre de l'entendre. C'était presque comme si je l'avais attendu tous les jours pendant des semaines, même si je devais bien reconnaître que je passais mon temps à le nier.

Et donc, Valentine s'appelait Afya en fait ?

Je passai une main sur mon visage, blessé par ses paroles. Je le méritais, et j'en étais conscient, mais c'était quand même douloureux. Et quand je pense que la dernière fois, je m'étais énervé parce qu'elle ne voulait pas, elle, se mettre en colère. Haha. C'est beau.

Je rejetai ma tête en arrière, le sommet du crâne collé contre le bois du meuble, et je fermai les yeux, lâchant un soupir.

-Ch'uis désolé. Pour ce que j'ai dit. Et pour ce que j'ai fait.

Même si j'en avais envie, quand je l'ai fait. Ca c'est juste pas passé au bon moment, faut croire.
...
...
Mon coeur se serra.

-Y'a quelque chose que je pourrais faire pour te prouver ma bonne foi...?

En fait, Allen doit être vraiment stupide, genre arriéré mental, ou quelque chose du genre, puisqu'il ne comprend pas des mots simples comme "ne parle pas". Est-ce qu'un "ferme la" ou un "ta gueule" serait plus facile à intégrer ? dfgkdf

Aria serre la mâchoire et baisse à nouveau les yeux vers lui. Le pire, c'est qu'elle se laisserait attendrir. Mais en quelques semaines, à se remémorer constamment ce qu'il lui a dit, l'humiliation que ça a été, elle s'est confortée dans sa colère. Et lui aurait eu tout le temps qu'il fallait pour venir s'excuser.

—Ca aurait été bien que tu attendes pas qu'on soit enfermés dans un placard pour me dire ça, siffle-t-elle. Et non, ne fais rien. Ou tais-toi. Mais ne fais rien.

Elle pose sa tête contre la paroi, légèrement détournée de lui.

—T'es blessant, t'es tout le temps blessant... Si tu me détestes, fiche moi la paix. Mais arrête de constamment me dire des trucs dégueulasses pour ensuite faire comme si t'étais désolé de le penser.

Être désolé de le penser ?
Je baissai la tête pour poser mon regard sur elle. Moi aussi j'aurais aimé dire ça ailleurs que dans un placard. Qui plus est un placard où on nous a foutu dedans. Cette situation est trop peu naturelle.
Je soupirai. Ouais, j'aurais aimé faire autrement. Mais pour ça il aurait fallu que je sois courageux. Et je suis pas courageux. Je suis un lâche. C'est pas écrit sur mon front ? Je croyais, pardon.

- J'ai jamais pensé ça... Je suis désolé de l'avoir dit, pas de l'avoir pensé, justement parce que je le pense pas.

J'avais juste trop honte de moi pour venir te le dire.

-Je sais pas pourquoi j'ai dit ça.

Si je sais. J'étais vexé, et je voulais pas parler de moi, je voulais pas qu'elle se moque. Oh, et aussi, j'étais jaloux.

-Tu es venue accompagnée...?

Aria tourne la tête vers lui pour le dévisager plus longuement. C'est facile de dire constamment "Je l'ai dit mais je le pensais pas, tu veux bien m'excuser ?", mais au fond, ça change pas le mal qui a été fait. Ca change pas ce qui a été dit, et ça ne change pas le fait que ça l'ait blessée. Elle pince les lèvres, finit par s'appuyer dos contre la paroi. Son regard se perd droit devant elle... Elle voit à peine, ici. Mais elle arrive à distinguer sa silhouette et une partie de son expression.

Peut-être qu'elle peut le pardonner, juste là, comme ça ? Elle soupire lourdement et se passe une main sur le visage et se pince l'arête du nez.

—Je sais pas quoi te dire.

Elle se crispe un peu.

—Et qu'est-ce que ça peut te faire, sérieusement… Oui je suis venue accompagnée, mais c'est un ami, et ça ne te regarde pas.

La rouquine se rend compte qu'elle est un peu trop virulente depuis tout à l'heure et se mord la lèvre.

—Je voulais juste passer une bonne soirée, souffle-t-elle piteusement. La dernière fois.

C'est toujours ça de pris, un "je sais pas quoi te dire", plutôt qu'un "ferme-la". Et puis, elle a bougé un peu. Même si elle reste énervée.

Ca me soulage d'apprendre qu'elle est venue accompagnée d'un ami. Je préfère. Même si c'est égoïste. Je compris toutefois que relancer le sujet là-dessus, ce serait vraiment pousser le vice. J'en avais trop fait, j'avais un peu épuisé toutes mes chances en fait. Même pour qu'elle me pardonne un jour, ça allait être compliqué, hein. Mais c'est comme ça, c'est moi, j'aime bien m'attacher à des personnes qui vont me virer de leur vie assez rapidement. Ca doit être un truc dans mes gènes.

-La dernière fois ? ne pus-je m'empêcher de relever.

Quoi la dernière fois ? La dernière soirée ici ? Elle va partir ? Mon coeur se serra à cette pensée et je laissai tomber ma tête entre mes bras croisés sur mes genoux.

-Pourquoi la dernière fois ? T'as prévu de t'en aller ?

Aria essaie vraiment de pas le regarder, mais c'est difficile de faire comme s'il n'était pas là tout en lui parlant. Cette fois, cependant, elle hausse un sourcil et se tourne presque entièrement vers lui, un peu exaspérée par sa réaction.

—Hein ? Mais non, de quoi ?

Puis elle comprend et se frappe le front du plat de la main.

—Mais... tu le fais vraiment exprès ?! Je te disais que je voulais juste passer une bonne soirée quand on était- laisse tomber, tu sais quoi ? T'es vraiment trop bête.

Elle panique un peu et commence à pousser contre la porte de sortie.

—J'ai chaud, je veux sortir, se plaint-elle. Ca doit déjà faire AU MOINS un quart d'heure qu'on est là, non ?!

Non, bon, elle abuse. Elle lui lance un regard dépité. Détourne la tête. Pourquoi elle peut pas juste lui dire "Allez, t'inquiète, c'est pas grave" et passer à autre chose ? Elle sent son visage chauffer et appuie son front contre la porte. Faites que ça s'ouvre, faites que ça s'ouvre…

Si je le fais exprès ? Bah en fait, je me pose la question. Je l'observai s'agiter avec une légère déception. Ouais. 7 minutes, c'est long. Mais ça peut aussi être sacrément court. J'aurais peut-être préféré continuer à discuter avec elle... Même si elle me dit que je suis bête. Même si elle me dit de la fermer. Même si elle s'énerve un peu. Sa voix m'avait manqué.

Je me redressai et restai debout contre la paroi du placard. Je sortis mon téléphone de ma poche, l'éclairai quelques secondes avant de regarder l'heure dessus, apercevant à peine son visage. Une mince sourire étira mes lèvres.

-Ouais, t'inquiète. Il reste à peine une minute... Environ.

Je repensai un instant à cette sortie en boîte. A Huo qui était venu me voir à la fin de la soirée. Clairement, je comprenais pas pourquoi tout le monde se sentait obligé de ramener sa fraise dans cette histoire.

-J'suis désolé qu'on t'ait imposé ça. C'est nul, ce jeu.

Allen se remet debout et Aria déglutit. C'est un peu beaucoup exigu, en fait, non ? Mais bon, c'est bientôt terminé... Alors ils vont bientôt ouvrir, pas vrai ? Elle se retourne pour se mettre face à lui, se mordant toujours l'intérieur de la lèvre (ils sont un peu proches là omg). Elle sait pas vraiment quoi dire, mais elle se sent quand même obligée de le regarder, d'au moins lui montrer que… ouais, c'était pas si terrible, nan ?

Elle est encore en colère, un peu ; disons plus qu'elle a la rancune tenace, pour une fois. Elle y repense, tout le temps. Mais en même temps, partir comme ça, ça lui fait mal à elle aussi.

—Arrête ! Arrête... C'est bon. C'est pas grave.

Elle prend une inspiration. Elle a chauuuud bon sang.
Un truc sympa, un truc sympa.....

—J'espère juste que la prochaine fois, tu attendras pas qu'on soit dans le même genre de situation pour m'adresser à nouveau la parole, ronchonne-t-elle.

... C'était sympa, ok-

Si c'est grave. Parce que je ne comprends pas pourquoi des personnes qui n'ont rien à voir avec ça se sentent obligées d'apporter leur "aide".

-Ouais. Ouais... Moi aussi j'espère.

Mon regard se perdit dans le vide un instant. J'étais vraiment énervé que Mitsuki ait pu faire ça. Ce n'était certainement pas son rôle, et nous obliger à faire ça... Ca m'énervait. J'aurais fini par m'excuser. Un jour. Quand je m'en serais senti capable. Une fois que j'aurais surmonté ma honte. P't'être que ça aurait pris plus de temps, mais je l'aurais fait, et ça aurait été plus naturel. Plus vrai... Ca n'aurait pas été le fruit de tout une mascarade.

Alors que j'allai soupirer, les portes du placard s'ouvrirent et Aria en sortit rapidement. Je la sentais déjà s'éloigner et ce n'était pas franchement agréable... Mais enfin. On ne pouvait pas rester coincé dans un placard toute une soirée, hein.

Mon regard croisa celui de Mitsuki, et mes sourcils se froncèrent. Contrairement à Aria, je n'eus pas la chance de pouvoir sortir du placard. Mon autre meilleure amie ajouta son grain de sel et me repoussa à l'intérieur. Gé-nial.

Honnêtement, j'ai pas trop compris ce qu'il s'est passé quand j'ai vu Mitsuki et Aaron enfermer Matheo et Nicolas dans le placard. C'est n'importe quoi, cette soirée ; c'est juste n'importe quoi. Bouillonnante, je suis allée descendre un petit verre de plus, un peu agacée. Puis je suis allée danser avec Huo tout en lui expliquant à quel point je trouvais ça stupide. Mais en même temps... Peut-être que ça leur ferait du bien de se parler un peu ? Je ne sais pas. Imposer les choses au gens, ça ne se fait pas.

Plus tard, j'ai aperçu.... WUT. Pourquoi Aaron trimballe Ariana sur son épaule ? Euh ? Non ? Mais pardon ?? Cette fois, j'ai un peu paniqué, et je suis allée attendre près du placard tout en lançant des regards vaguement réprobateur à l'attention de Mitsuki et Aaron (qui a vraiment l'air de s'en foutre comme de ses premières chaussettes, tranquille.)

Lorsqu'Ariana sort, je m'avance vers elle pour tenter de lui parler mais elle me contourne sans rien dire. Bon... Pas le choix, hein ! Je fais un signe à Mitsuki qui a rouvert la porte et vais m'enfermer dans le placard avec Allen.

L'endroit est étrange, mais quelque part, ça ne me gêne pas avec lui. La proximité est différente.

—Tu nous fuis vraiment depuis avant, je lui lance d'une voix douce. Désolée. Je voulais savoir si ça allait. Je sais que t'as très envie de sortir, mais... Parle-moi, s'il te plaît.

Ouais, visiblement, 7 minutes, c'est pas assez, 14 minutes c'est mieux. Haha.

Je regardai Aoi rentrer dans le placard avec un regard blasé. Nan, mais là ça commence à être un peu trop, nan ? Même si sa voix est douce, ça m'énerve. J'avais pas envie de venir à cette soirée, et j'avais certainement pas envie d'être forcé de parler à Aria dans ces conditions. Alors maintenant quoi, faut aussi que je rende des comptes à ma meilleure amie ? Ouais, génial, j'ai que ça à faire.

Un soupir m'échappa, et je me laissai une nouvelle fois tomber assis dans le placard, collant mon dos sur la surface en bois.

-Et tu veux que j'te dise quoi ? Je suis un peu blasé, là, si tu veux tout savoir. Et ouais, j'ai qu'une envie, c'est de sortir d'ici. J'vois pas pourquoi Mitsuki s'est permis de faire ça. C'est ma vie, ça l'a regarde pas, elle a pas besoin d'y ajouter son grain de sel.

J'étendis mes bras devant moi, posant mes coudes sur mes genoux.

-Alors si t'es venu ici pour me parler d'Aria, ça sert à rien, désolé.

Il se laisse tomber sur le sol et je m'accroupis moi aussi, sur le côté pour qu'on ait un peu de place. Je l'observe à la lumière qui s'échappe de l'interstice de la porte et pose mon dos contre celle-ci.

—On sait que c'est ta vie. Mais tu avais l'air d'aller un peu mieux, depuis le début de l'année... Tu souriais un peu plus. On était contentes de savoir pourquoi. Tu sais qu'elle ne pensait pas à mal ; elle est tellement impulsive, Mitsuki.

Je lève les yeux vers le haut et étire un sourire. J'aimerais pouvoir faire en sorte qu'il ne m'en veuille pas, mais de toute manière cette discussion ne sera jamais sympathique. Peu importe le moment ou l'endroit.

—Je sais que ça ne sert à rien. Mais je m'inquiète - pour vous deux. Elle n'allait pas bien, la dernière fois.

Sans baisser les yeux vers lui, je commence à jouer avec mon collier et souris.

—Elle t'aime bien. Fais pas comme si tu étais assez stupide pour ne pas le remarquer. Je sais que tu n'es pas stupide. Même si tu as pu l'être, on fait tous des erreurs. Mais il ne faut pas fuir tout le temps. Je veux pas que tu mettes autant de temps à te décider à aller t'excuser que celui que tu as pris pour venir me voir moi, il y a quelques années. Un an et demi, c'est long.

Et là, ce serait beaucoup trop long et tu l'sais, sois pas bête Allen.