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Call me anytime you can see the lightning • Solo
##   Lun 26 Juin 2017 - 1:59
Aaron Williams

Personnage ~
► Âge : 34. (apparence 29 ans)
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Aaron Williams
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Humeur : Aha ! ... Attendez, c'était une vraie question ?


It's gonna be weeks 'til I breathe again
Les voyages ont toujours été une vraie sinécure à organiser. Quoi emmener, comment y aller ? Par avion, en se téléportant, avec combien de bagages et de personnes, où loger ? Est-ce que nous allons rester à Boston-même, ou bien partir ? Louer une voiture ? Se déplacer où, quand, comment ?

Une sinécure, donc.

La dernière fois que je suis retourné à Boston, c’était avec Mitsuki. Difficile de s’y enfuir lorsqu’on a un bébé et un ado en crise à la maison, même si ce n’était pas faute d’avoir essayé. Tomoe me lançait parfois ce regard de reproche quand je l’évoquais, mais je savais aussi que l’équilibre de Charlotte reposait en très grande partie sur moi. Il faut que je sois présent, à l’écoute de ses besoins, pas trop insistant, que je ne lise pas dans sa tête pour réagir avant qu’elle ne me le demande, et surtout que je lui offre toute l’affection dont elle a besoin. M’en séparer, la donner à garder, même à Tomoe, c’est quelque chose de difficile et que je n’accepte pas encore pleinement. Mais là, je suis tellement fatigué, tellement épuisé… par Terrae, par tout ce qu’il se passe, par mes émotions que j’arrive plus à contrôler.

Comme prévu – et comme d’habitude, il faut bien le dire – je me retrouve donc à empaqueter quelques affaires pour moi et mon adorable bébé que je n’ai pas réussi à me résoudre à abandonner-là. Et puis, elle ne sera pas le seul bambin dans le coin… Nan, le problème, ce n’est pas elle.

—Aarooooon. T’es sûr que je n’ai pas besoin d’emmener plus d’affaires ? me demande Cassidy en déposant son énorme valise à côté de mon canapé.

Je lance un regard blasé vers ma frangine, pendant que j’essaie désespérément de faire manger son petit pot à Charlotte, qui s’en met littéralement partout sur le visage. J’attrape une serviette pour lui éponger les joues, et elle s’agite en riant, secouant ses petites mains potelées devant elle.

—Babababababababa !
—Mais oui, mais oui, je souris en caressant ses cheveux doucement, tentant de comprendre ce qu’elle essaie de me dire. Tu aimes bien ?
—BABABABABABABA !

Ok, je crois qu’elle aime bien, mais la communication c’est pas encore son fort – je vous ai déjà dit que c’était plus facile de discuter avec un ordinateur qu’avec un être humain, en particulier quand il porte une couche ? Enfin, au moins, le porteur de couche ne me casse pas les pieds et est parfaitement honnête, hein.

—Tu sais qu’elle comprend rien à ce que tu lui dis ?
—Mais si, elle comprend. Un peu. Regarde. Lottiiiie ??

Et la petite lève de grands yeux brillants vers moi, avant de sourire d’un air joyeux en recommençant ses vocalises. C’est qu’elle contrôle pas encore trop les trucs qu’elle dit, hein… Mais j’sais qu’elle me comprend. Je suis son papa, elle est obligée de me comprendre !

—M’ouais… Tu veux vraiment l’emmener ?

Aux dernières nouvelles, il n’y a qu’une seule personne au monde qui n’aime pas les bébés à ce point, et c’est certainement Cassidy. Mais au fond, je sais qu’elle aime sa nièce. Elle fait juste semblant de pas être gaga d’elle quand je suis dans le coin, histoire de garder son air fort et viril, etout. (Personne n’a le droit de ne pas aimer Charlotte. Pas même ma petite sœur !)

—Pourquoi, ça pose problème ?
—On va déjà voir Malory et son bébé, tu crois pas qu’elle va brailler dans tous les sens si son gamin se met à hurler ?
—Mais nooon. Et au pire, super papa sera là !
—Aaron, the best mom.
—Ta gueule, je réplique du tac au tac avant de me figer en voyant Lottie me regarder avec bonheur et répéter : « Tatatatatatatata ! » en tapant dans ses mains.

Les filles Williams sont toutes des démons, c’est moi qui vous l’dit – et j’ai pas mal d’expérience dans le domaine. Je lui lance un sourire mi-amusé, mi-défait, et m’attèle à essayer de lui faire manger la fin de son petit pot. Mais allez, t’as faim, alors mange, arrête de baver ta purée omg. C’est super frustrant de te voir faire.

—Du coup, y a pas moyen que son frère la garde ?

Et, devant mon visage qui blêmit et se crispe, elle rajoute sur un ton plus contenu :

—Ou Tomoe.
—Tomoe aurait pu, ouais… Mais nan, c’est bon, je l’ai assez dérangée, et j'ai envie de l'emmener avec moi. C'est pas parce que tu veux pas l'avoir dans les basques que je vais pas l'emmener ! Et puis on va voir la nouvelle petite famille de Mary, elle m’a dit que c’était pas un souci de la prendre avec nous. Isa et Jérem viennent déjà avec leur fils. Va falloir que tu fasses avec quelques jours… ou sinon tu viens pas, hein, ça m’va aussi, je rajoute, goguenard.

La réaction de Cassidy ne se fait pas attendre, et celle-ci me donne un coup de pied en passant derrière moi, sûrement pour se chercher un verre dans la cuisine. Je termine de donner à manger à la petite et finis par abandonner quand je vois qu’elle est beaucoup plus concentrée sur Blobby qui bulle dans son aquarium que par les petits avions que je fais pour tenter d’attirer son attention. Je lui nettoie tranquillement le visage et la laisse dans son siège le temps de chercher mon sac déjà fait. Quasiment pas d’affaires pour moi, les trois-quarts de mon bagage est rempli d’affaires pour Charlotte. Et avec, y a le siège qu’il va falloir que j’emmène… Damn.

—J’veux pas avoir l’air de me répéter, mais…
—Alors ne dis rien, grommelé-je.

On réussit à caser ce qu’on peut dans la valise de Cassidy, avant de mettre le sac dans la valise. Un peu inquiet, je jette un œil à Blobby puis à ma fille qui commence à trépigner dans son siège. D’un geste, alors que j’attrape la petite dans mes bras, je me tourne vers Termicator et lui lance :

—Oublie pas de nourrir Blobby, hein ! Tomoe devrait passer, mais au cas où il a l’air de mourir de faim… (Puis je regarde le poisson. Silence.) Bon, euh, fais en sorte qu’il s’embête pas trop, surtout.

Cassidy ne dit rien, mais je sens le regard blasé du jugement posé sur moi. Ca va, hein, me fixe pas comme ça, j’y suis pour rien si mon poisson dépérit quand je suis pas dans les parages… (Elle m’a déjà dit qu’il devait probablement me prendre pour un potentiel partenaire sexuel vu ma gueule, c’pour ça qu’il est triste quand j’suis loin. N’empêche, on a une relation vachement platonique si c’est l’cas, moi j’dis…)

J’indique à ma frangine où s’accrocher – à savoir à sa valise et la chaise – et attrape son bras pour nous téléporter. Voyage un peu brutal, mais tout le monde et tout notre fatras, surtout, arrive entier dans notre appartement de Boston. Charlotte, surprise par le changement de décor et la sensation étrange, se met soudainement à pleurer et je suis bien forcé de me prendre quelques minutes pour la calmer en lui chuchotant des mots rassurants. Pendant ce temps, Cassidy commence déjà à s’installer et déballer sa valise.

Une fois que Charlotte daigne se calmer, je la couche dans un petit lit que j’avais déjà amené la veille avec la poussette et quelques affaires de plus. J’en profite pour m’étirer un peu et lâcher un bâillement, déjà complètement épuisé. J’essaie de me dire que j’fais le bon choix et que venir ici n’est pas la pire idée que j’ai eue de l’année, mais face à mon estomac qui se tord dans tous les sens j’essaie juste de pas y penser.

—Il est beaucoup trop tôt, je soupire.
—On est surtout déjà le soir, m’indique Cassidy en pointant le ciel qui commence à prendre des teintes rose-orange.

Ce décalage horaire me tue ; c’était le matin à Tokyo, et maintenant c’est quasiment l’heure du repas (de la veille, parce que c’est pas drôle) à Boston. J’espère que ça va aller pour Charlotte, surtout… Elle va pas dormir de la nuit, je le sens venir à dix kilomètres. Et qui va devoir s’en occuper ? Moi, bien sûr. Cassidy m’a dit qu’elle avait prévu les boules quiès et le casque antibruit. J’en peux plus d’elle… Genre le soutien, il est où ? (Dans mon cul au fond à droite, j’crois.)

—Qu’est-ce que tu fais ? je demande finalement à Cassidy après avoir passé quelques minutes à l’observer s’agiter entre la chambre et le salon, le temps de choisir la tenue idéale. Le repas est demain. Enfin, on est bien vendredi hein ?
—Vendredi à Boston, oui, s’amuse-t-elle. T’es vraiment pas réveillé.

Mes sourcils se haussent alors que je m’affale dans le canapé. Elle me lance en pleine tête son haut, qu’elle vient de quitter et rouler en boule. Je peste et le renvoie sur le sol.

—Toi aussi, prépare-toi !
—Je vais pas tenir la chandelle à ton rencard.
—J’ai pas de rencard, raconte pas de connerie.
—Quand est-ce que tu te trouves un mec ?
—Le jour où tu seras casé pour de bon ?

Ah, c’était pas sympa, ça… Bon, bien joué, bien joué, j’admets ma défaite. Néanmoins, je croise les bras sur ma poitrine en faisant la moue comme un enfant.

—Boude paaas. Mais prépare-toi, allez !
—Cassy.
—Alleeez…
—… Tu veux qu’on aille chez p’pa.
—… Non, c’est faux.
—… Tu te souviens que je suis Sensitif ?
—Rrrrrrahhh prépare-toi, fais pas ton Aaron !

Sur une échelle de 1 à 10, elle doit se foutre de ma gueule à 11 ou 12, à peu près.
Nan, en vrai, faut juste qu’elle me dise d’où elle a cru que c’était une bonne idée de débarquer à l’heure du repas chez mon paternel que j’ai pas revu depuis quoi, allez, euh, dix ans ? Avec un bébé ? Et sans copine ? Ouais, nan, avec ce serait presque pire, je crois ? J’ai juste pas la patience, j’ai pas la motivation, et j’vais juste me sentir m-
« Et tu n’es pas mon père ! »
… J’me sens mal.

—Si tu veux y aller, c’est sans moi, je passe, je grommelle d’une voix blanche en me passant une main sur le visage.
—Est-ce que tu as vraiment pensé une seule seconde que je te laissais le choix ?
—Est-ce que t’as vraiment pensé une seule foutue seconde que j’allais me laisser traîner là-bas sans résistance ? J’ai vraiment aucune envie d’y aller, il est dix fois trop tôt pour que j’me mette dans une galère pareille.
—Il est dix-neuf heures.
—J’en ai rien à foutre. Si je suis venu là, c’est pour être en VACANCES. Pour ne PAS me prendre la tête. On est arrivés y a dix minutes et tu m’gonfles déjà.

Je détourne la tête vers le mur, puis finis par m’approcher de la fenêtre, les membres tremblants. Un peu plus loin, Charlotte m’appelle en chouinant et je me retiens de soupirer lourdement en allant la chercher. D’accord, donc reprenons : j’étais parti pour une soirée-petit-dej tranquille pizza-tv et Cassidy veut absolument qu’on aille visiter son père. Qu’est-ce qu’elle espère que je vais lui dire, genre coucou c’est moi, j’ai une gamine maintenant, mais je suis papa célibataire, au passage, je suis pas gay contrairement à ce que tu penses mais j’étais quand même avec des mecs pendant plus de temps, au passage je l’ai adoptée, hein, d’ailleurs j’m’occupe d’un gamin qui se drogue et j’suis là pour fuir ma maison parce que j’ai envie de vomir à chaque fois que j’me retrouve dans mon salon, mais c’est pas grave, tout va bien, et toi, comment tu vas, la forme, ça va la vie depuis que t’es marié avec une femme qui vraisemblablement a l’air beaucoup plus saine d’esprit que la précédente (ce qui n’est franchement pas difficile) ? Nan, je vois pas vraiment quel genre de discussion on peut avoir ensemble. C’est pas faute de m’être posé la question ces derniers temps, mais clairement, je suis pas certain que je sois en état de discuter avec lui en ce moment, avec tout ce qui est arrivé avec Nicolas et… tout ça. J’en ai marre de me prendre la tête avec des conneries, faut que ça s’arrête, à un moment donné. Et lui, il était plus censé faire partie de ma vie. Pourquoi elle insiste autant ? Est-ce que quelqu’un va accepter que j’aie mon propre avis, que je refuse de faire quelque chose, ou simplement que je fasse mes propres choix ?

Agacé, je lui jette un regard réprobateur quand elle me balance une chemise propre en me disant que « je vais pas me montrer comme un gueux devant lui alors que ça fait dix ans qu’il m’a pas vu » et que « j’devrais me raser parce que j’ai l’air d’un SDF ». Genre. Je me montre comme un gueux si j’ai envie, c’est pas son problème, sjdfsh.

Je finis par m’habiller correctement en abandonnant les vêtements que j’ai mis pour traîner à la maison, et finis par rendre Charlotte toute belle aussi après un tour rapide dans la salle-de-bain (les ceeernes, ma tête, putain greffez-moi un visage j’en peux plus). Mais elle a toujours ce foutu épis que j’arrive pas à coiffer et qui me saoule sa maman. (Désolé Hélène, mais c’est votre faute, hein, quand même.)

—T’es sûre qu’il va pas faire une crise cardiaque quand il va me voir ? je l’interroge finalement, la voix chevrotante.
—Non, non, je l’ai prévenu. Il a dit qu’il rentrerait sûrement un peu tard, mais bon, sa chère femme va nous accueillir…
—Qu’est-ce qu’elle a que t’aimes pas à ce point, sérieusement ?

Elle veut dire quelque chose mais se ravise.

—Je me méfie, c’est tout.
—Peut-être qu’il faut arrêter de se méfier de tout le monde, je lâche sur un ton à demi las, pas vraiment convaincu par mes propres paroles.
—Peut-être, élude-t-elle en refermant sa valise et en rapprochant la poussette. Mais dans ce cas, tu devrais commencer par suivre tes propres conseils.



Aaron vit en #E5882A.
Louisa danse en #78AB3F.


Un peu d'amour ♥:


Dernière édition par Aaron Williams le Jeu 14 Juil 2022 - 14:46, édité 5 fois
##   Dim 2 Juil 2017 - 17:17
Aaron Williams

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I know that you hate it
And I hate it just as much as you
La raison principale qui me fait détester Boston à ce point, c’est pas vraiment la ville en elle-même, c’est plutôt tout ce qui m’y rattache. La famille, surtout, en fait partie – et le lycée. Autant je fais assez bien abstraction quand je viens, vu que c’est un peu le seul endroit sur terre où j’peux me réfugier sans que les gens ne s’inquiètent ou ne viennent me casser les couilles, autant là, ça devient difficile. Le trajet a été relativement court. Charlotte s’agitait dans son couffin, dans le taxi, et les rues défilaient à une vitesse incroyable. Quand il a tourné au coin de la rue, tout près de la maison, mon corps tout entier s’est tendu. Respiration plus rapide, cœur qui s’accélère. Je ne jette pas le moindre regard à la bâtisse lorsque je sors du véhicule, préférant faire le tour pour détacher Lottie et récupérer le siège. Un silence alors que je paie le chauffeur, un autre lorsqu’il s’en va. Puis je relève les yeux vers la maison.

Choc.

L’allée bordée de buissons n’a pas changé tant que ça, à cela près qu’ils semblent un peu moins mal foutus et mieux entretenus. Quelques fleurs, le jardin ressemble même à quelque chose… La maison, elle, paraît avoir sacrément vieilli. Mon ventre se tord sans que je sois capable d’avancer. Tout me revient comme par flashs. Tous les moments qu’on a passés dans cette maison. Les bons, surtout les mauvais. Une nausée monte lentement… Rien n’a jamais paru aussi tangible, aussi réel que maintenant. Est-ce qu’on a encore le temps de faire demi-tour ? J’hésite à attraper mon portable pour rappeler le taxi.

Cassidy se glisse à côté de moi et effleure ma main de la sienne, me jette un regard. Pourquoi elle est si calme, elle ? Elle a appris la mort de sa sœur dans cette maison. C’est là qu’elle était, j’en suis persuadé. Pourquoi elle arrive à être plus forte que tout, plus forte que tout ce que cette maison semble encore contenir comme souvenirs, comme émotions… ? Faut que je vomisse.

Elle me tire à sa suite. Je serre les dents pour me contenir. J’ai pas envie de repenser à tout ça, pas envie de repenser à ma mère, pas envie de repenser à mon père – enfin, aucun des deux – et encore moins d’y mettre les pieds. J’peux pas, je veux pas. J’y arriverai pas.

Mais Cassidy, en bonne feu qu’elle est, sonne à la porte. Je me crispe, baisse les yeux sur Charlotte. Lorsque la porte s’ouvre, mon cœur bat trop vite, trop fort, trop douloureusement ; j’ai l’impression de voir le visage de ma mère émerger de l’embrasure de la porte, l’espace d’une seconde, le temps à peine qu’il me faut pour cligner des yeux. Pourtant, c’est une petite femme brune replète qui nous ouvre et nous offre un sourire chaleureux. Chaleureux.

La nausée semble revenir.

—Bonjour bonjour~
—Ohh, Cassidy et… Tu dois être Aaron ? Bon sang, je n’imaginais pas du tout que tu ressemblerais à ça, tu es tellement jeune sur les dernières photos que m’a montré Remi ! Et qui est cette adorable petite fille ? s’enjoue-t-elle en se penchant vers Charlotte, les yeux brillants de douceur.
—Charlotte, c’est ma fille, je suis simplement capable de prononcer.

Il y a un silence pendant lequel elle relève les yeux vers moi, et où je me rends compte que j’ai oublié de sourire.

—Oh, désolé… Le voyage a été long, je m’excuse en reprenant mon sourire habituel, joyeux et dynamique. Je suis Aaron, oui. Et vous, vous êtes… ?
—Pas besoin d’être si poli ! Je m’appelle Hailey ! fait-elle avant d’étreindre Cassidy, qui étire un sourire crispé et tapote son dos.

Le karma. C’est le karma, ça ne peut qu’être le karma- Attendez, elle fait quoi, elle veut aussi me prendre dans ses bras ? Wowowowowoooo tout doux, du calme : nope ! Bon, ok, trop tard. J’ai un rire nerveux pendant lequel la femme de mon père nous invite à entrer. Ça y est, je suis déjà épuisé moralement, on peut rentrer ? Cassidy me jette un regard en coin et je soupire en la suivant. Ouaiiis, c’est partii, génial.

Hailey – non, vraiment, je savais que j’avais lu son nom à l’époque, mais je capte pas pourquoi ça m’a pas plus choqué que ça – nous guide jusqu’au salon en nous expliquant que « Remi » (le père de Cassidy) ne rentrera pas avant un moment à cause du travail. Laissez-moi deviner, il avait trop de choses à gérer, il a pas pu s’en occuper et maintenant qu’il est seul au bureau il peut enfin gérer le truc ? Nan, laissez tomber, j’ai pas envie de savoir, en fait. Il nous a fait le coup toute sa vie, alors fondamentalement…

—Ca ne vous dérange pas de ne pas commencer de suite ?
—Non, pas de souci, répond Cassidy. Je peux t’aider pour la cuisine ?
—Oh, non, ne te gêne pas, installez-vous tous les deux !

Pendant qu’elle disparaît dans la pièce d’à côté en emportant nos vestes, je hausse un sourcil et installe le couffin de Charlotte à côté du canapé, tout en la détachant précautionneusement.

—Pourquoi tu l’aimes pas ?
—Si tu savais à quel point elle parle trop, chuchote-t-elle avant de se redresser, tout sourire, quand Hailey revient.
—Ca doit te faire tout drôle de revenir ici après tout ce temps ! C’est vraiment dommage qu’on ne se soit pas rencontrés plus tôt, déplore la cinquantenaire en s’installant avec des petits fours qu’elle dépose sur la table basse.
—Désolé pour le mariage, j’étais occupé, je balbutie.
—Il était à l’hôpital. Encore, appuie Cassidy en me récupérant Lottie des mains.

Je l’assassine du regard.

—Quoi ?! Comment ça ?
—J’étais au chevet d’une amie, je réplique simplement pour couper court à la discussion. Elle avait eu un accident, mais c’est allé, elle va mieux maintenant.
—Oh… j’espère, oui…

Et j’apprécierais qu’elle n’insiste pas dessus. C’est pas comme si la situation était déjà assez chiante comme ça… J’ose même pas regarder autour de moi de peur de me laisser envahir par tous mes souvenirs. Mais à défaut de la regarder elle, faut bien regarder la pièce… Heureusement, Charlotte est là, toujours aussi lumineuse. Sa présence est vraiment un soleil. Hailey semble vouloir discuter avec elle un peu, et j’ai mon premier vrai sourire depuis un moment quand je la vois jouer avec ses mains, tandis que ma sœur la tient contre elle.

Alors seulement je m’autorise à regarder autour de moi. Le mobilier n’est plus vraiment le même, ni l’agencement. J’ai l’impression de ne plus rien reconnaître, comme si cette maison n’était plus vraiment celle dans laquelle j’ai pu grandir. Je ne remarque pas vraiment le silence qui s’est fait, et intercepte deux paires d’yeux vers moi. Hmm ?

—Parles-moi un peu de toi, Aaron, m’encourage Hailey avec son sourire long de dix kilomètres.
—Hm. Y a pas grand-chose à dire, je m’amuse. Je suis prof de maths, niveau collège-lycée.
—Et où est la maman de Charlotte… ?

Putain j’étais sûr que j’allais y avoir droit à celle-là…

—En France, je souris. C’est une histoire compliqué. Je suis son tuteur, techniquement. Ce n’est pas ma fille sur le papier. Enfin, j’espère que ce sera qu’une question de temps avant que ça le devienne.

Mais ça compte vraiment, c’était utile de savoir ça ? Non, bon, alors bref. J’prierais presque pour que « Remi » rentre plus vite, à ce niveau-là… J’comprends pourquoi Cassidy la trouve chiante, elle pose vraiment que des questions à la con omg.
… Non, bon, d’accord, elle essaie surtout d’être sympa. Je parie qu’elle lui a parlé de Diana, c’pour ça qu’elle peut plus l’encadrer. Ça doit être le genre de personne à mettre les pieds dans le plat sans l’faire exprès. Gentille, quoi. Mais si elle pouvait se mêler de ses affaires, tout le monde vivrait sans doute mieux, je suppose…

Sans rien ajouter, je coule un regard vers Cassidy pendant que la femme continue à aller de ses petits commentaires, puis finit par se lever pour nous servir un verre et des petits fours.

—Remi n’avait qu’à venir plus tôt, lance-t-elle avec un sourire et un clin d’œil.

Je lui lance un demi sourire, reprends ma fille dans mes bras en jouant avec ses cheveux blonds. Visiblement, elle était au courant pour Charlotte, ce qui veut dire que Cassidy les a prévenu tous les deux. Qu’est-ce qu’elle a dit à son père ? Je n’arrive pas à m’empêcher de soupirer. À la place, nous trinquons, mangeons un peu, parlons de tout et de rien. Hailey est toute heureuse de nous apprendre (enfin, à moi, puisque Cassidy ne l’écoute pas et qu’elle a déjà l’air au courant – je crois que les tonnerres font cet effet aux gens pas habitués, en fait) qu’elle travaille dans une boîte d’événementiel, et que c’est pour ça que leur mariage était sublime, parce qu’avec Remi (mais qu’elle arrête de l’appeler comme ça sérieuux) ils avaient tout organisé, mais en fait il faut pas le dire, mais c’est quand même elle qui s’est occupée de tout ou presque, et…. Ok, stop, pouce. Elle a dit trois fois en cinq phrases que c’est dommage que je sois pas venu, ou je rêve ?

Comme ça semble impossible de la couper dans sa lancée, je me contente d’engloutir un petit four et de le mâchonner en hochant aussi expressivement la tête que possible. Mais c’est dur. Enfin, ceci jusqu’à ce que je me rende compte que quelqu’un introduit ses clés dans la serrure de la porte d’entrée.

Mon corps se tend pendant qu’un homme d’une cinquantaine d’années se débarrasse de son manteau et ses chaussures dans l’entrée, avant d’entrer dans le salon où nous sommes assis. Cassidy se lève immédiatement, sa femme aussi, et je les entends toutes les deux parler, et parler, et parler…

Remington Williams me regarde. Il y a de la peine, du soulagement, de la joie aussi, un peu, de la surprise. De l’incompréhension, de la douleur, un peu de colère qui me cloue sur place. Trop de sentiments d’un coup, dirigés tout droit vers moi. Les yeux dans les siens, je coupe le contact sensitif entièrement, pour la première fois depuis trop longtemps. J’ai l’impression d’être nu au milieu d’une autoroute de nuit, démuni et en danger, incapable de voir et sentir quoi que ce soit. Cassidy s’approche pour l’étreindre, brisant le contact visuel, cette fois. Il embrasse sa femme. Se retourne vers moi.

Un sourire s’étire sur son visage. « Il est plus vieux » est la première pensée qui me traverse. Forcément, il l’est. Il doit penser que je le suis aussi. On a changé, depuis la dernière fois. Ca fait dix ans, papa.

—Salut, je souffle en me levant, mal à l’aise mais tentant malgré tout de lui rendre son sourire. Ça fait longtemps…
—Effectivement, concède-t-il, visiblement aussi incapable de parler que moi. Tu as changé… Pas mal de choses ont dû changer.

Silence. Les filles nous regardent. Elles baragouinent un truc et s’enfuient dans la cuisine, wtf. Lâches !

—Oh, euh, ouais… Ah ! Je te présente Charlotte, j’essaie de dire en la montant à sa hauteur, me relevant finalement.
—Cassidy m’en a parlé, oui, continue-t-il en s’approchant d’elle suffisamment pour observer son visage, pendant qu’elle suce tranquillement son pouce. Elle est belle.
—Normal, c’est ma fille, je plaisante.

Il a un sourire. Remonte ses yeux gris vers moi. C’est étrange de croiser des yeux pareils dans une telle situation, et je manque de perdre mon sourire qui vacille comme une feuille sous le vent.

—Tu aurais pu me dire toi-même que je suis grand-père, me reproche-t-il, et, devant la décomposition de mon visage, soupire et rajoute. Et tu aurais pu donner des nouvelles.

Silence. Mes yeux se baissent sur le sol, et je me détourne un instant pour reposer Charlotte dans son couffin. C’est difficile de croiser son regard de cette manière. Même s’il n’est pas virulent, je sais qu’il aurait voulu que je l’appelle, que je lui envoie une lettre, quelque chose. Que je le prévienne que j’étais vivant. Peut-être parce que c’est la moindre des choses, mais aussi parce que j’sais ce que ça fait de plus avoir de nouvelles des personnes à qui on tient.

—Disons que pendant longtemps, je savais pas si ça t’intéressait… ? (Il hausse un sourcil. Je grimace, me tortille les mains. Je me sens comme un enfant face à lui.) J’veux dire… J’avais peur de la réaction, je suppose. Je pensais que c’était mieux comme ça.
—Est-ce que c’était mieux comme ça ?

Colle.

—… Pas vraiment, je souffle par dépit.

Il roule des yeux et ouvre un bras :

—Allez, viens-là.

Bonjour je viens de rougir comme un puceau, au revoir. Sans rien dire, je me rapproche et lui rends maladroitement l’accolade qu’il me donne. C’est plus un câlin qu’une accolade, à vrai dire. J’ai mal, putain, qui a appuyé sur le mauvais bouton ? Mes yeux se ferment lentement pendant que je profite du moment. Il dure à peine un instant, à peine le temps pour que son parfum corsé me détruise les bulbes olfactifs. Puis il se recule, les mains sur mes épaules, et étire un sourire que je n’arrive pas à identifier. De la… tendresse ? J’ai l’cœur qui tambourine trop fort.

—Heureusement que Cassy me donnait de tes nouvelles. J’ai eu vent de tes nombreuses et folles aventures extravagantes, s’amuse-t-il en me relâchant finalement.

…. QU’EST-CE QU’ELLE LUI A DIT ?????

—… Ah oui …?
—Un blobfish ?

Putain je vais la tuer.
Je jette un œil vers la cuisine, à la fois nerveux et agacé, puis capte le regard hilare de Remington. Je m’empourpre une nouvelle fois avant de lâcher un demi-rire, qu’il suit bien vite. Il me donne une petite tape dans le dos avant de piquer un petit four sur le plateau.

—Hailey cuisine comme une déesse, ça devrait te plaire, sourit-il. Cassy m’a dit que tu cuisinais bien toi aussi ?
—Oh, euh, j’aime bien ça surtout. Les repas de Noël, tout ça…

La complicité qui s’est créée entre nous vacille à nouveau. Lui détourne les yeux pour les dévier ailleurs dans la pièce, avant de revenir sur moi.

—Je comprends, oui.

C’est sûr, j’aurais pas dû dire ça. J’me sens soudainement mal et baisse les yeux vers mes chaussures, avant que Charlotte ne m’appelle en chouinant, mécontente d’être laissée pour compte de son côté. Je m’en vais l’attraper alors qu’elle tend les bras vers moi et la berce en appuyant ma joue contre sa petite tête blonde.

—Pardon ma chérie, je lui chuchote. C’est ton grand-père, là-bas. Ca fait très longtemps qu’on ne s’est pas vus, alors c’est compliqué.

Dans mon dos, je sens son regard dardé sur moi. Il n’est pas violent, mais il est présent, à la fois distant et chaleureux. Je crois qu’on n’est pas encore prêt d’avoir une discussion normale tous les deux, mais peut-être qu’on peut rêver ? Alors qu’il se rapproche, je me tourne vers lui et fais bouger la petite main de Charlotte dans sa direction :

—Elle te dit bonjour, regarde ! Tu fais coucou Charlotte ? Tu fais coucou ? je lui demande en lui faisant un bisou mouillé sur la joue, et son rire me réchauffe doucement le cœur. Ouii, c’est bien comme ça ! Tu veux la prendre ?...

Hésitation de notre part à tous les deux, d’un coup. Puis il acquiesce lentement et je le laisse la soulever dans ses bras, pendant qu’elle ouvre de grands yeux curieux, d’abord un peu effrayée, mais rassurée par mes encouragements et mes caresses sur ses cheveux. Elle promène sa main sur sa joue qui gratte et rit, parce qu’elle lui rappelle sans doute celle de son frère…

Mon sourire se fige un peu et fane bien vite. Lui l’intercepte et relève à nouveau ses yeux gris vers moi. J’ai un rire nerveux.

—Tout va bien ?
—Moi ? Ca va.

Ta gueule, je m’intime avec exaspération.

—J’vais voir si les filles ont besoin de moi…

Et je disparais sans un regard en arrière. J’entends Charlotte qui m’appelle et chouine un peu, mais fais mine de ne rien entendre. Mauvais père, ahaha. Très mauvais père. À la place j’aide à mettre la table, je fuis le regard de ma sœur, je réponds poliment à ma belle-mère. Elle finit par retourner dans le salon pour servir un verre à Mr. Williams, et je prends mon temps pour faire les allers-retours dans la salle à manger. Mes mouvements sont mécaniques, et je ne m’en rends compte que quand Cassidy me donne une tape dans le dos.

—Détends-toi, m’intime-t-elle malgré mon regard noir.
—Je suis détendu, je siffle.
—N’importe quoi ! (Elle marque une pause.) Ça ira ?
—Oui, ça ira. Me posez pas tous la question toutes les trente secondes, la réponse sera toujours la même.

Cette fois, on retourne dans le salon. Je reprends Charlotte contre moi pour la câliner, et elle s’accroche à mon haut sans vouloir me lâcher. Pour ma part, je baisse les yeux vers mon verre et me décide à ne pas y toucher davantage. J’ai bien vu ce que ça a donné la dernière fois avec Huo et c’est pas une bonne idée de recommencer.
… Faut vraiment que je me sorte les événements de cette semaine de la tête, hein.

On continue à parler ; chacun prend des nouvelles et raconte un peu son quotidien. Je parle de mon travail, eux me parle du leur. J’arrive parfois à oublier mon malaise, me contente de ne pas aller sur un terrain trop glissant et de rester général sans pour autant leur donner l’impression que je ne veux pas partager ce que j’ai vécu. Chose assez difficile au final, si l’on prend en compte le fait que nous ne pouvons pas leur parler de nos pouvoirs. Ne serait-ce que pour leur sécurité à eux. Finalement, on passe vite à table, et heureusement parce qu’Hailey allait finir par sortir les albums photos de nous quand on était p’tits. Là, autant dire que j’ai l’impression d’en être au petit dej, et que la grosse dinde au four qu’elle nous a faite me convient pas vraiment pour le coup. Mais j’me force à manger et, au final, c’est meilleur que ce que je pensais. L’appétit vient en mangeant, je suppose ?

Y a quelque chose d’étrange à manger un repas aussi simplement dans cette maison. Sans mauvaise humeur, sans cris, sans haine. Et lui qui me fixe… Parfois, je relève les yeux et je le vois qui m’observe sans gêne. Il se tourne régulièrement sur Charlotte, qui paresse dans son couffin. J’l’ai rarement vu illuminé à ce point…

On termine de manger et, pendant qu’on débarrasse la table, je le vois qui s’approche de moi. Mes pouvoirs se sont lentement réactivés, réagissant surtout aux émotions fortes autour de moi. Là, je le sens gêné et hésitant. Il a l’air de vouloir me dire quelque chose, mais sans savoir comment… Sourire gêné. Je fuis encore dans la cuisine, et finis par dire après avoir aidé à faire la vaisselle :

—Bon… Il est un peu tard, on a eu beaucoup de route… On devrait rentrer, comme ça je peux coucher Charlotte, elle est fatiguée.

Cassy se tourne vers moi et me lance un regard à mi-chemin entre la colère et la surprise. Elle veut protester mais je la fais taire en la suppliant silencieusement. Je sens bien qu’ils sont déçus. Mais pour le moment, j’me sens trop mal, il faut que je rentre. C’était sympa, mais là, je veux pas avoir cette discussion avec lui.

Les filles se saluent et je vais dire au revoir à Remington, qui me serre brièvement dans ses bras.

—On pourra discuter avant que vous repartiez ? me demande-t-il sur un ton bas.
—... Promis.

J’aime pas les promesses, mais je sais que celle-là, je la lui dois. Je vais saluer Hailey à mon tour, qui me confie qu’elle était heureuse de me rencontrer « enfin », et je ne peux m’empêcher de sourire. Faudra que je rencontre sa fille, une fois. Elle a l’air d’être sympa comme elle en parlait, mais toutes les mères doivent parler de cette manière de leur gamin, nan ?
… Nan pas vraiment. Bon. Faut que je parte, vraiment.

Je les laisse câliner Charlotte avant qu’on ne fasse le chemin retour en nous téléportant, une fois seuls dans la rue. En atterrissant dans le salon de l’appart’, je sens mes épaules se relâcher. Mes jambes flageolent un peu et j’atterris sur le canapé, une main sur le visage.

Bon. Ça, c’est fait...



Aaron vit en #E5882A.
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Un peu d'amour ♥:


Dernière édition par Aaron Williams le Jeu 14 Juil 2022 - 14:47, édité 5 fois
##   Sam 22 Juil 2017 - 20:13
Aaron Williams

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Aaron Williams
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It's not what I've been used to, I confess,
so I wake up three times a night
—Tu n’avais pas à nous imposer de partir comme ça ! tempête Cassidy alors qu’elle ouvre la porte si violemment qu’elle claque contre le mur. Tu n’as pas à toujours tout décider !
—Quoi, tu voulais que je continue à serrer les dents et faire semblant de sourire, que tout va bien ? grondé-je à voix plus basse, en serrant Charlotte qui pleure contre moi. Et arrête de crier !
—JE crie si J’EN ENVIE.

Le regard de ma sœur semble presque rougeoyer sous la rage qui l’anime. Je la sens qui pulse comme une force destructrice au creux de sa poitrine et qui se fond lentement dans notre environnement. Bientôt, elle imprègnera même les murs. Le sang bat à mes tempes et je plisse les yeux, la bouche tordue en un rictus déplaisant.

—Ça suffit, sifflé-je. J’ai pas besoin de tes remontrances au quotidien.
—De MES remontrances ? Alors que tu fais toujours ce que TOI tu veux ? Que c’est toujours TOI qui décide des choses POUR MOI ? Je n’ai pas revu MON PERE depuis des mois, et tu l’as blessé en partant comme ça ! Le reste du monde n’est pas complètement STUPIDE contrairement à ce que tu peux penser !

S’il n’y avait pas eu Charlotte, je me serais sans doute mis à lui hurler dessus à mon tour. À la place, je suis bien forcé de faire semblant d’être adulte et de garder un semblant mon calme pour ne pas lui en coller une. « Son » père, ouais, c’est bon hein, j’l’ai bien compris que c’était son putain de père. Approcher de ce type de discussion me fait juste me crisper davantage.

—Attends, je décide des choses pour toi ? Tu te fous de ma gueule ? Alors que tu m’as traîné là-bas en sachant pertinemment que je n’avais pas du tout envie de le revoir ? Est-ce que toi, là, tu as imaginé trois secondes ce que ça m’a FAIT de m’retrouver face à lui maintenant, après TOUT ce temps ?
—Et lui ?? Et MOI ? Qu’est-ce que ça nous a fait de ne pas avoir de tes nouvelles pendant toutes ces années ? Tu penses qu’on était heureux ? Tu penses que c’était bien ? Tu crois vraiment que tout le monde te déteste, mais c’est pas le cas, et chercher à constamment FUIR prouve juste à quel point tu es un CONNARD EGOISTE, certainement pas le contraire. C’était le cas y a dix ans, et c’est le cas ENCORE aujourd’hui. Et je te parle pas que de ce soir !

Ses mots m’atteignent comme un coup de poing, et je reste figé quelques secondes à la regarder, sourcils froncés mais yeux grands ouverts sous la stupéfaction. Comme sonné. Ma respiration se fait plus rapide alors que j’essaie de me maîtriser, de maîtriser la vague acide qui menace de s’abattre et prendre le dessus. Machinalement, ma main vient se poser contre le crâne chevelu de la petite. Mon visage cramoisi reflète un paquet d’émotions contradictoires. Autour, l’air devient irrespirable, lourd… Je comprends avec un train de retard que c’est Cassidy et ses yeux de feu, plantés dans les miens, qui en sont à l’origine. Ses pouvoirs ont enflé subitement.

—D’accord.

C’est fou comme j’ai l’impression de revivre sans cesse les mêmes situations détestables en ce moment. Sans un mot de plus, je fais demi-tour pour sortir.

—Où est-ce que tu crois aller ?! J’avais pas fin-

La porte claque dans mon dos avant que je n’entende la fin de sa phrase. Charlotte pleure, et pleure, et pleure encore… Dans les escaliers, je tente de la calmer en la berçant, de lui murmurer des paroles réconfortantes et des excuses. Elle devrait pas assister à tout ça. C’est quoi le problème de Cassy, au juste ? Elle aurait jamais dû lever le ton comme ça en sa présence, sérieusement ! Après Nicolas, fallait bien que la situation empire, c’est ça ? P’tetre que c’est juste moi qui suis con, au final ? Evidemment, ça doit être de ma faute, puisque c’est ce que tout le monde dit ! Putain. J’en tremble.

Les dents serrées, je pousse la porte de l’immeuble pour sortir dans la nuit. Mes pas me guident naturellement vers le parc où j’avais emmené Mitsuki l’année dernière, quand on a fait ce vote au sujet des psy. J’ai l’impression que c’était y a des années-lumière, mais en même temps, les choses n’ont pas du tout changé. C’est encore de ma faute, c’est encore moi qui dramatise, alors forcément, les choses ne changeront pas. Donc j’suis toujours le même connard qu’il y a dix ans, c’est rassurant. Sauf que maintenant j’suis papa et que j’devrais avoir grandi. Je devrais. Mais non.

L’air de la nuit me calme petit à petit, et Charlotte s’accroche à moi en babillant, encore un peu choquée. Mais une fois en vue du parc, elle s’est déjà presque assoupie. Je vais m’assoir sur un des bancs, content de voir que l’heure où les dealeurs sortent n’est pas encore arrivée. Un peu de silence. Un peu de calme. Un sanglot que je contiens au fond de ma gorge, le visage blotti contre celui de Lottie…

C’est bon. Je sais. Je sais que j’ai merdé. Je sais que j’ai fui, que je fuis encore. Je sais que je fais du mal aux autres, et que disparaître sans un mot n’est pas la solution. C’est pas pour autant que j’y arrive…

Je lève les yeux vers le ciel un peu brouillé, avant de m’essuyer les yeux. La pollution lumineuse m’empêche totalement de voir les étoiles, mais au moins la lune se dresse de manière réconfortante. Un soupir m’échappe. Ipiu, Gae, Nico, Cassy ; je vais m’engueuler avec qui cette année, encore ? Avec Mitsu ? Avec Hideko ? Avec Tomoe ? Si j’continue comme ça, j’vais sans doute finir par me retrouver seul. Et ce sera bien fait, non ?...

Le malaise qui a commencé à enfler dans mon ancienne maison, au contact de ces murs entre lesquels j’ai grandi, mes souvenirs d’enfance, tout ça revient. J’pensais que ça allait mieux à ce niveau-là, les dernières fois où j’étais venu… Mais là, c’était encore trop tôt pour être balancé chez eux comme ça. Pas quand j’ai pas été préparé mentalement. Pas quand Nicolas….

Ma mâchoire se serre à nouveau. Calme-toi. Me foutre les nerfs en pelote ne changera rien. Huo et Aoi s’occupent de lui. Ils gèreront mieux que moi. Ils gèreront mieux que moi qui ne fais que fuir, qui prends les gens pour des abrutis et qui ne comprends pas la douleur des gens même si je la ressens. Dit comme ça… Ca explique quelques petites choses pas vrai ? Aha. Ahh…

J’m’en veux. J’aurais pas dû laisser Cassy à l’appart’ dans cet état. Je sais pas si elle va finir par cramer les meubles ou pas – peut-être qu’elle va juste réussir à se calmer et aller dormir, après. Mais ses yeux… j’imaginais pas que, après le temps que ça lui a pris, ça arriverait de cette manière. Encore à cause de moi. Parfois j’me dis que ce serait mieux si je restais ici. Pas besoin de se prendre la tête, les autres seraient heureux. Pas de problème. Et pourtant…

Pendant le temps où je reste à l’extérieur, j’essaie de chasser mes pensées de Nicolas, sans succès. Ça tourne en boucle dans ma tête sans réussir à se fixer réellement, sans passer au-dessus non plus. Et ça alterne. J’hésite déjà à envoyer un message à Tomoe, mais je me dis qu’elle sera un peu excédée de m’avoir déjà au téléphone alors que nous ne sommes partis qu’il y a quelques heures seulement. J’sais qu’il faut que je me reprenne. J’sais aussi qu’il faut que je retourne parler à mon… père. Mais là, ce soir, je crois que j’ai vraiment envie de rien. Et la nuit sera longue… J’arriverai jamais à dormir. Peut-être en prenant un somnifère… Mais si Charlotte se réveille, il faut que je sois opérationnel.

C’est d’humeur morose que je retourne à l’appartement pour coucher la petite. Elle met un peu de temps à réellement trouver le sommeil, mais je reste un moment à côté du berceau pour l’apaiser, et lui laisse ses peluches si jamais elle a envie de jouer avec. Elle sait aussi être calme.

Un baiser sur le front, puis je vais me changer pour me mettre au lit. Cassidy, elle, est déjà couchée, mais je sens qu’elle ne dort pas. Elle me tourne délibérément le dos, accrochée à ses draps comme un koala. J’suis tenté de lui dire quelque chose, mais, par fierté sans doute, je ne prononce pas un mot. Je crois que j’ai trop peur de relancer la dispute. Trop peur qu’elle m’redise encore ça. Alors je me mets sur le dos, et j’attends. Pour être honnête, fixer le plafond pendant des heures n’est pas une activité très attractive. Et ça ne m’empêche malheureusement pas d’me sentir comme une merde. Dommage.

Après avoir dû me lever deux fois pour m’occuper de la petite, j’ai enfin pu m’endormir. Le décalage horaire, c’est dur bordel.



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