Vous savez, la vie n'est pas toujours simple. Nicolas va mieux, mais Jérémy est à Terrae, mais Charlotte qui grandit, mais les cours à rattraper, mais l'avenir à préparer,... C'est déjà beaucoup pour un ado qui, même s'il est moins paumé, même s'il est un peu plus en paix avec lui-même, doit gérer une autre nouvelle... Nicolas va jusqu'à la boîte aux lettres, il en trouve trois à l'intérieur... Deux sont destinées à Ronron -normal c'est sa baraque-, mais la dernière... Nicolas plisse les yeux. C'est bien son prénom, y'a pas à tortiller du cul cent ans... Mais le nom de famille le fait tiquer.

Il rentre à l'intérieur de la maisonnée, boitant légèrement, à la recherche du Master. Il lui tend d'abord ses lettres, le regard toutefois posant déjà mille questions, puis il amène ce qu'il suppose être sa lettre jusqu'à son visage et murmure. :

-C'est qui Nicolas De Lacvivier ?

Ouais. La vie réserve encore des surprises hein.

Non mais sérieusement, si j'étais lui, j'écrirais encore plus mal que ça. C'est quoi le problème des gens dans cet institut, en plus d'être illettrés, ils savent pas former des lettres correctement, c'est ça ? Je m'en fous que cette personne soit pas anglophone de base, je lui demande pas de m'écrire des phrases, je lui demande des calculs corrects, sérieux...

Un soupir m'échappe et je m'appuie contre le dossier du fauteuil et jette un oeil à Charlotte qui s'amuse à longer le meuble de la télé. Je la vois qui s'assoit, ouvre UNE NOUVELLE FOIS un tiroir et commence à attraper son contenu pour le vider sur le sol... Non mais sérieux, c'est la quatrième fois cette aprem ??

—Charlotte, non, je répète, encore une fois, avec agacement.

Mais comme elle m'ignore et continue même en me regardant, je me lève et me mets devant elle, poings sur les hanches, et luii répète, avant d'enlever les boîtes de dvd des mains. Elle proteste violemment et crie, et, comme je n'arrive pas à la calmer, je la mets finalement dans son parc par dépit.

—Bon, tu es punie maintenant. Non.
—PA-PA !! s'époumonne-t-elle en retour, les yeux pleins de larmes. PA-PAAA.

J'ai à peine eu le temps de m'installer que Nicolas rentre à la maison. Charlotte se met à pleurer dans son coin, la vilaine comédienne. Je lui fais d'abord signe de pas faire attention et le remercie de m'apporter le courrier... Avant de buguer. Roh mais sérieux...

—Hm. Oh... Qui envoie la lettre ? je fais en fronçant les sourcils. Y a un expéditeur derrière ?

Please Lottie, arrête de me crier dessus, j'arrive plus à me concentrer...

Nicolas fait signe à Lottie d'être un peu plus calme, l'index sur ses lèvres. ...Ça n'a pas beaucoup d'effet. Le grand frère pousse un soupir mais il sourit. Charlotte savait se faire entendre quand elle le voulait. Il se décide à l'ignorer plutôt que de l'encourager dans ce qu'il semble être une comédie enfantine et retourne la lettre... Il plisse un peu les paupières... Satan que c'est écrit petit. :

-Comtesse Cécile De Lacvivier... pfft. rit-il en se disant qu'un titre pareil existe encore. Euuh... ça vient de Foix, dans le Sud de la France.

...Tiens. C'est pas là où vivaient ses parents avant d'aller en Auvergne ? Nicolas fronce les sourcils, trouvant ça de plus en plus bizarre... :

-Je fais quoi j'ouvre ?

Peut-être que le facteur s'est trompé... 'fin c'est l'adresse d'Aaron qu'est noté mais... ou alors c'est l'expéditeur qui... Ouais non c'est VRAIMENT bizarre.

Nan mais cherche pas doudou, Charlotte va nous hurler dessus pendant encore une dizaine de minutes avant d'se calmer, elle fait sa crise de bébé. (Entre la crise d'ado et le bébé qui apprend à jouer avec les limites, moi j'dis que je suis pas aidé.)

Je fais la moue quand je constate d'où provient effectivement la lettre. Hmgn... Forcément, fallait que la grand-mère casse les couilles. Je me pince l'arête du nez. Hélène, pourquoi vous lui avez donné, sérieux…

—Hm, faudrait peut-être que je te parle d'un truc avant. Tu veux bien venir ?

Je me lève en abandonnant mes copies là, et Charlotte dans son parc. C'est bon, déstresse, c'est pas parce que tu l'observes pas quelques secondes qu'elle va mourir... Et tant qu'elle continue de crier, c'est bon signe, nan ?

Bon. Je me connecte à elle en passant près du parc pour rejoindre mon bureau, et fouille dans les tiroirs. Je sais pas où j'ai mis ce truc, c'est trop en bordel... Ah ! Voilà. Bon. Euh. Comment lui dire, du coup ? ... Au pire, je lui passe juste l'acte de naissance ...? ... Ouais on va faire ça.

Je veux lui tendre le petit dossier, mais je m'aperçois qu'il attend encore en dehors du bureau, et lui fais un petit signe pour l'inviter à venir.

—Ta mère m'a donné ça quand on s'est rencontrés, j'me dis que c'est peut-être plus simple que tu le lises toi... ... Ok j'admets, c'est bizarre dit comme ça, je me marre.

Puis je m'appuie sur le bureau en attendant qu'il ouvre.

Aaron semble savoir quelque chose... Il fait la moue, se pince le nez. Ah. Il est agacé. Ok, alors, on va éviter de rajouter de l'huile sur le feu, ça se trouve, y'a rien de grave. Hein ? HEIN ? Faut qu'ils parlent. AHAH. Nicolas laisse échapper un rire nerveux bref. Hm-hm. OUI. Bien sûr j'te suis.  Quand tu veux. Aucun soucis. ZEN. Mais Nicolas bouge à peine, ses yeux voyagent de la lettre qu'il tient toujours dans sa main à Ronron qui rejoint son bureau, ouvre un tiroir et lui tend quelque chose. Nicolas tressaille quand il se rend compte qu'il a l'autorisation d'entrer en fait.

Nicolas pose la lettre sur le bureau et ouvre le dossier dans lequel se trouve un acte de naissance... Le sien, apparemment. Puisqu'il y a son prénom et son nom de famille... Et tout un méli-mélo d'autres noms plus chelous les uns que les autres. Nicolas Léopold Joseph Lefebvre De Lacvivier. Putain c'est long. Mais ce qui fait tiquer Nico, c'est pas "Léopold", c'est pas le nom à particule... Pour ceux qui ne savent pas, certains chrétiens ont un troisième prénom ; "Marie" pour les filles, "Joseph" pour les garçons. :

-Mes parents m'ont baptisé ?! fait-il limite vénère.

AH LES TRAÎTRES ! Oui on a le sens des priorités... et on vous emmerde. Là. C'est seulement après qu'il réfléchit. De Lacvivier. Donc cette lettre lui ait bien destiné. Il prend une inspiration en reposant trop délicatement le dossier sur le bureau. Il masse ses tempes. :

-Donc, ma mère s'appelait De Lacvivier. Hm. Qu'est-ce que m'veut la famille de ma mère ?

Il fixe la lettre... il a plus envie de l'ouvrir. Pourtant il la prend et commence à la déchirer avant de s'arrêter. :

-Léopold ??? C'est qui ce mec ?

Ouais. Il est lent.

J'avoue que j'sais pas trop comment il va réagir, mais j'suis presque obligé de me mordre la lèvre pour m'empêcher de me marrer. Ouais ben ouais, t'es baptisé, pauvre petit bébou. NON MAIS SERIEUX, T'AS PAS D'AUTRES PRIORITES DANS LA VIE ??? Non. Bon, j'admets qu'à force de le côtoyer régulièrement, ça m'étonne même pas ; mais quand même, quand même… J'acquiesce lentement, presque en dodelinant de la tête. Sérieux, je comprends pas bien pourquoi ils le contactent aujourd'hui, ils en ont jamais rien eu à foutre de lui que je sache, non ?

—Figure-toi que j'aimerais bien savoir aussi... Allez, ouvre-la, hop hop hop ! je le pousse un peu avec un grand sourire.

...… Puis ne contiens cette fois pas mon fou rire. Pardon. Pardon. Je. Ahahah. Pardon. J'arrive plus à respirer, sa tête est trop splendide.
J'essaie de reprendre mon souffle, prends une longue inspiration et laisse mon visage redevenir sérieux. Je plante mes yeux dans ceux de Nicolas et reste silencieux quelques secondes.

—Léopold... C'est toi. Et je suis ton père… je fais avec une voix d'outre-tombe, avant de capter le blanc dans la pièce — ok, ma blague était nulle, d'accord, j'ai compris, JE NOTE. Bon, Léopold, tu vas la lire cette lettre ?!

Dire qu'Aaron profite de la situation est un euphémisme. Il se marre un poil trop. Bon, il remarque l'effort qu'il fait pour se cont- ah non, pas du tout en fait. Il éclate de rire au nez de... "Léopold"... Brrr, ça fout des frissons ce prénom. Ronron imite Dark Vador... ce qui fait lever un sourcil à Nicolas... mais alors pas rire, du tout. Il plisse les paupières avant d'obéir à Dark Papou. Il déplie la lettre et il a un mouvement de recul en voyant le blason : un cygne blanc sur fond bleu, avec trois étoiles jaunes et trois croix blanches. Tss... Il serre les dents et lit à haute voix. :

-Cher Nicolas De Lacvivier... Soupir. Moi, Comtesse Cécile de Lacvivier, votre grand-mère, me permet de me rappeler à votre souvenir afin de vous apprendre la situation actuelle de notre grande famille.

Les lèvres de Nicolas tressaillent... Un fou rire naissant l'empêche de continuer... Non mais, attendez, il a une grand-mère et il était même pas au courant, il y a de quoi rire ! Il prend une inspiration et continue. :

-La santé du Comte Raymond De Lacvivier se dégradant, nous sommes dans l'obligation de trouver un héritier viable pour sauvegarder la pérennité de notre lignée. Nos recherches nous ont mené à rien, puisque même parmi les Croiziers de Lacvivier et les Lacvivier de Baulias, les autres branches de notre famille, nous nous retrouvons sans héritier mâle pour assumer la fonction de Comte.

Nicolas ne rigole plus, il lance un regard à Aaron par dessus la feuille l'air de dire "ils sont pas en train de me dire ce que je crois qu'ils sont en train de me dire ?". :

-Par la présente lettre, je vous informe donc que vous êtes l'officiel Héritier du Comté de Foix, anobli malgré votre origine bâtarde ; vous recevrez bientôt, les lettres confirmant votre nouveau statut, ainsi que la fortune et les terres qui vous appartiendront à la mort du Comte Raymond de Lacvivier...

...J'ai la tête qui tourne. :

-Je vous prie de bien vouloir croire, cher Comte héritier Nicolas De Lacvivier, en l'assurance de ma considération. Madame la Comtesse Cécile De Lacvivier.

Nicolas pose la lettre sur le bureau... regarde Ronron... et éclate de rire, un rire si fort qu'il en a les larmes aux yeux et doit s'accrocher au bureau pour ne pas tomber.

Roh, mais c'est bon, elle était drôle ma blague, quand même. Non ? Il a même pas esquissé un sourire ! Il a juste levé un sourcil. Mais si. Je l'ai vu. Je le vois. Je SAIS qu'il a ri à l'intérieur de lui. Je le laisse lire et grimace aux formules de politesses un peu reloues. Comme je le pensais, ça doit avoir un rapport avec ces questions d'héritage dont m'a vaguement parlé Hélène. Je sais pas bien si c'est une bonne idée de le lui dire juste après qu'il soit sorti de l'hosto. M'ouiii, je sais que ça fait un moment maintenant, mais laissez-moi m'inquiéter d'accord ??

Donc machin Raymond est en train de crever, ils ont pas d'héritier mâle... Hey, c'est injuste, pourquoi les filles pourraient pas hériter ?! C'est complètement débile ! De nos jours, on peut prendre le nom de la meuf aussi quand on se marie !… ... Ouais, bon. J'esquisse une grimace et hausse les épaules au regard de Nico.

Il termine de lire la lettre, et y a un nouveau blanc. Et puis Nico éclate d'un coup de rire. J'ai cru qu'il allait se mettre à se rouler par terre, mais ça va, il essaie d'être distingué, aherm…

—Non mais t'es sérieux… je pouffe de rire.

J'attends qu'il se calme un peu et esquisse un sourire en coin, dois me retenir de me marrer aussi. Ouais. Ouais nan, mais je sais. C'est complètement surréaliste ?

—Ca va, tu l'vis bien ? Monsieur le Comte héritier… je souris en coin.

Mon regard dévie cette fois vers le mur sans fenêtre de mon bureau que je fixe un moment, songeur.

—Qu'est-ce que tu comptes faire avec ça ?

Nicolas se redresse en essayant de garder contenance quand Ronron reprend. Il essuie les larmes qui naissent au coin de ses yeux... Et son prof de maths préféré l'appelle "Monsieur le Comte héritier" alors... Il éclate encore une fois. Non mais... c'était trop. Nicolas, petit délinquant du fin fond de la campagne, couvert de cicatrices, sait tirer au pistolet, a revendu de la drogue, a consommé de la drogue, tatoué, piercings aux oreilles, cheveux colorés, aucune notion des bonnes manières..... COMTE HÉRITIER PLEASE ! Oooh putain, pense-t-il en soufflant pour se calmer, faut absolument que je raconte ça à la Miss.

Nicolas tousse, se remet droit. Aaron semble sérieux quand il lui demande ce qu'il compte faire de tout ça. Il passe une main dans ses propres cheveux. :

-Soit pas si sérieux...

Il reprend la lettre pour la mettre dans le dossier et le reposer dans un claquement. Il commence à s'éloigner. :

-Qu'ils fassent mumuse avec leur titre si ça leur chante. Moi, je suis Nicolas Lefebvre. Je vis à Terrae et ma famille, c'est Lottie et toi.

Il n'y avait rien d'autre à ajouter... La seule chose qui le fait chier dans cette histoire, c'est pas de savoir qu'il avait une "famille de sang" depuis tout ce temps et que personne n'a songé à prendre des nouvelles, à savoir qui il était... C'était qu'il était baptisé putain ! Il se tourne vers Ronron juste avant de quitter la pièce. :

-Ah ! Je m'occupe d'engueuler Hélène pour avoir donné ton adresse sans avoir prévenu t'inquiètes... puis il gueule dans le couloir. JEREM' !

-KOUWAH ?

-Ton PC, Skype !

Jérémy apparut à la porte, PC portable dans les mains. L'air rageur mais bien content de savoir qu'ils allaient appeler ses parents -puisque c'est pour cette seule raison qu'ils utilisaient Skype en même temps. :

-Ch'uis pas ton chien.

Aaaah, la vie et ses surprises.

Nicolas rit encore, puis referme le dossier d'un geste. Le claquement résonne un instant ; je le regarde avec un sourire mal dissimulé et croise les bras sur ma poitrine en l'écoutant. D'un côté, ça ne m'étonne pas bien de lui, mais en même temps, je m'attendais à un autre type de réaction. De la surprise, quelque chose comme ça ? A ce que ça lui fasse quelque chose ? Mais bon, fondamentalement ça ne change rien, ça rajoute juste des emmerdes par derrière.

Je sais pas non plus de quoi j'avais peur ; qu'il change ? Au fond, avec ce qu'il a traversé cet été, ça semble un peu lointain, comme histoire. Ca m'était même carrément sorti de la tête. Alors au fond, sa réaction me rassure un peu. J'ai encore du mal à envisager qu'il est pas un gamin, parfois.
Mes yeux se plissent tandis que j'acquiesce et le regarde se retourner pour partir, attendri.

—T'inquiète pas. Et sois gentil avec elle, elle devait pas penser à mal... je le taquine.

Il beugle le nom de Jérem en sortant, pendant que je m'occupe de ranger le dossier dans son tiroir. Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire et vais dans la cuisine pour fouiller dans les tiroirs à la recherches de tasses.

—Les garçons, j'ai fait du café tout à l'heure, qui en veut ?

Je ramène tout dans le salon, pose tout sur la table basse et vais récupérer Charlotte dans mes bras en la couvrant de papouilles jusqu'à ce qu'elle arrête de me bouder. Puis j'apparais derrière les deux grands enfants de la maison en faisant faire un coucou à Lottie.

—Bonjour Mme~

Perso, je cherche même plus à comprendre c'qui se passe dans ma vie.